Les données

Le volume de données à travers le monde augmente de façon exponentielle. En 2020, 64,2 zettaoctets (Zo) de données ont été créés, soit une augmentation de 314 % par rapport à 2015. Une demande accrue d'informations en raison de la pandémie de COVID-19 a également contribué à une croissance plus élevée que prévu. Les « données épuisées » constituent une grande partie de cette production : il s’agit de données collectées de manière passive provenant d’interactions quotidiennes avec des produits ou services numériques, y compris les téléphones mobiles, les cartes de crédit et les réseaux sociaux. Ce déluge de données numériques est connu sous le nom de mégadonnées. Leur volume augmente parce que les appareils mobiles, qui détectent et recueillent ces données, sont toujours plus nombreux et deviennent moins onéreux. En outre, la capacité mondiale de stockage de l'information a pratiquement doublé tous les 40 mois depuis les années 1980.

 

La révolution des données

La révolution des données - qui englobe le mouvement en faveur de l’ouverture des données, la montée du crowdsourcing, les nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC) pour la collecte de données et l'explosion de la disponibilité des mégadonnées, de même que l'intelligence artificielle et l'Internet des objets - est déjà en train de transformer notre société. Les avancées en informatique et en science des données permettent désormais de traiter et d'analyser les mégadonnées en temps réel. Les nouvelles connaissances tirées de cette exploration de données peuvent compléter les statistiques officielles et les données d'enquête, offrant ainsi une profondeur et une nuance de l'information sur les comportements et les expériences humaines. L'intégration de ces nouvelles données avec les données traditionnelles devrait permettre de produire une information de qualité plus détaillée, adéquate et pertinente.

 

De nouvelles possibilités

Les données sont essentielles à la prise de décision et constituent une matière brute qui permet d'accroître la responsabilité. Aujourd'hui, dans le secteur privé, l'analyse des mégadonnées est monnaie courante, tout comme le profilage des consommateurs, des services personnalisés et l'analyse prédictive utilisés pour le marketing, la publicité et la gestion. Des techniques similaires pourraient être utilisées pour obtenir des informations en temps réel sur le bien-être des populations et cibler les interventions de secours auprès des groupes vulnérables. De nouvelles sources de données, de nouvelles technologies et de nouvelles approches analytiques, appliquées de manière responsable, peuvent permettre de prendre des décisions plus efficaces et orientées sur des données factuelles, afin de suivre les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) d'une manière à la fois inclusive et équitable.

 

Les risques

Les fondements des droits de l'Homme doivent être préservés afin de tirer le meilleur parti des volumes de données : la vie privée, l'éthique et le respect de la souveraineté des données nous obligent à évaluer les droits individuels face aux bénéfices collectifs. Les nouvelles données sont en partie collectées de manière passive, à partir des « empreintes numériques » laissées par des objets activés par les capteurs ou des algorithmes. Étant donné que les mégadonnées sont le produit de modèles uniques de comportement des individus, la suppression des informations personnelles explicites peut ne pas protéger totalement la vie privée. Combiner toutes ces données peut conduire à l’identification formelle d'individus ou de groupes d'individus, en les exposant à d'éventuels préjudices. Des mesures appropriées de protection des données doivent être mises en place pour éviter toute mauvaise utilisation ou mauvaise manipulation des données.

Il existe également un risque d'inégalités et de biais. Des fossés importants existent déjà entre les nantis et les démunis. Sans mesures concrètes, une nouvelle frontière d'inégalités divisera le monde entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Beaucoup de personnes sont actuellement exclues du monde des données et de l'information en raison de la langue, la pauvreté, le manque d'éducation, le manque d'infrastructures technologiques, l'éloignement, les préjugés ou la discrimination.

Une vaste série d'actions est nécessaire, notamment le renforcement des capacités de tous les pays, en particulier des pays les moins avancés (PMA), des pays en développement sans littoral (PDSL) et des petits États insulaires en développement (PEID).

 

Mégadonnées pour le développement et l'action humanitaire

En 2015, le monde a adopté un nouveau programme de développement fondé sur les objectifs de développement durable (ODD). Atteindre ces objectifs exige une action coordonnée afin de relever les défis sociaux, environnementaux et économiques, sans oublier l'accent sur un développement inclusif et participatif qui ne laisse personne de côté.

Les données nécessaires à l'élaboration de politiques de développement mondiales, régionales et nationales font toujours défaut. De nombreux gouvernements n'ont toujours pas accès à des données adéquates relatives à l'ensemble de leur population. C’est plus particulièrement le cas des plus pauvres et plus marginalisés, ceux-là même sur lesquels les dirigeants devront se focaliser pour atteindre les objectifs d’élimination de l’extrême pauvreté et des émissions polluantes d’ici à 2030, en veillant à ne « laisser personne de côté ».

Les mégadonnées recueillies peuvent mettre en évidence des disparités dans la société. Par exemple, les femmes et les filles, qui souvent travaillent dans le secteur informel ou à domicile, subissent souvent des contraintes sociales liées à leur mobilité et sont marginalisées dans la prise de décision tant publique que privée.

Une grande partie des mégadonnées les plus susceptibles d'être utilisées pour l’intérêt public est recueillie par le secteur privé. Par conséquent, les partenariats public-privé vont probablement se généraliser. Le défi sera de s'assurer qu'ils sont viables et que des cadres clairs de réglementation seront en place pour définir les rôles et les attentes de toutes les parties.

Pour chaque objectif de développement durable (ODD), voici un exemple illustrant comment la science et l’analyse des données peuvent contribuer au développement durable :

  • ODD 1 : Pas de pauvreté - Les habitudes de dépenses sur les téléphones mobiles peuvent fournir des indicateurs indirects des niveaux de revenus.
  • ODD 2 : Faim « zéro » - Le crowdsourcing ou le suivi en ligne des prix des denrées alimentaires peuvent aider à surveiller la sécurité alimentaire en temps réel.
  • ODD 3 : Bonne santé et bien-être - Cartographier les déplacements d’utilisateurs de téléphones mobiles peut contribuer à anticiper la propagation des maladies infectieuses.
  • ODD 4 : Education de qualité - Le « journalisme citoyen » peut donner des pistes d’explication des taux de décrochage scolaire.
  • ODD 5 : Egalité entre les sexes - L’analyse des transactions financières peut révéler des habitudes de dépenses ou les conséquences d’un choc économique sur les hommes et les femmes.
  • ODD 6 : Eau propre et assainissement - Des capteurs connectés aux pompes à eau permettent de contrôler l’accès à une eau propre.
  • ODD 7 : Energie propre et d’un coût abordable - Les relevés intelligents permettent aux entreprises de services d’augmenter ou réduire les flux d’électricité, de gaz ou d’eau afin de réduire les déchets et d’assurer un approvisionnement adéquat en période de pointe.
  • ODD 8 : Travail décent et croissance économique - Les tendances mondiales en matière de trafic postal peuvent fournir des indicateurs de croissance, de transferts de fonds, de commerce et de PIB.
  • ODD 9 : Industrie, innovation et infrastructure - Les données issues des appareils GPS peuvent être utilisées pour la gestion du trafic et l’amélioration des transports publics.
  • ODD 10 : Inégalités réduites - L’analyse de la transcription des textes prononcés sur les radios locales peut révéler des inquiétudes en matière de discrimination et servir à apporter des réponses politiques appropriées.
  • ODD 11 : Villes et communautés durables - La télédétection par satellite peut aider à observer d’éventuels empiètements sur des terrains publics comme des parcs protégés ou des forêts.
  • ODD 12 : Consommation et production responsable - Les tendances de recherches ou de transactions en ligne peuvent mettre en lumière le rythme de transition vers des produits écoénergétiques.
  • ODD 13 : Lutte contre les changements climatiques - L’imagerie satellite, combinée aux mégadonnées et aux témoignages des internautes peut aider à suivre l’évolution de la déforestation.
  • ODD 14 : Vie aquatique - Les données issues du trafic maritime peuvent déceler des pratiques de pêche illégales, non réglementées et non déclarées.
  • ODD 15 : Vie terrestre - Les données issues des réseaux sociaux peuvent aider à la gestion des catastrophes avec des informations en temps réel sur la localisation des victimes ou encore la puissance d’un feu de forêt.
  • ODD 16 : Paix, justice et institutions efficaces - Les données issues des réseaux sociaux peuvent indiquer l’état de l’opinion publique sur la gouvernance, les services publics ou les droits de l’homme.
  • ODD 17 : Partenariats pour la réalisation des objectifs - Des partenariats combinant les statistiques sur Internet et mobiles peuvent fournir une meilleure compréhension en temps réel du monde d’aujourd’hui.

 

Le rôle de l'ONU

L'un des rôles clés de l'ONU et des organisations internationales ou régionales consiste à définir des principes et des normes afin d’orienter une utilisation collective sûre des mégadonnées pour le développement et l'action humanitaire au sein de la communauté internationale et selon des normes communes. Ces normes auront pour objectif d’accroître l'utilité des données grâce à un degré d'ouverture et de transparence beaucoup plus grand, en évitant toute atteinte à la vie privée et aux droits de l'Homme, et en minimisant les inégalités dans la production, l'accès et l'utilisation des données. La réalisation des ODD dans notre monde numérique nécessitera la reconnaissance de la nécessité non seulement de prévenir l'utilisation abusive des données, mais aussi de s'assurer que lorsque les données peuvent être utilisées de manière responsable pour le bien public, elles le sont.

Le Groupe consultatif d'experts indépendants du Secrétaire général sur la révolution des données pour le développement durable a formulé les recommandations spécifiques ci-dessous sur la manière de relever ces défis, appelant à un effort dirigé par l'ONU pour mobiliser la révolution des données en faveur du développement durable :

  1. favoriser et promouvoir l'innovation pour combler les lacunes dans les données,
  2. mobiliser des ressources pour surmonter les inégalités entre les pays développés et en développement et entre les personnes « bien » et « mal » documentées,
  3. diriger et coordonner la révolution des données afin qu’elle soit pleinement prise en compte dans la réalisation du développement durable.

L'adoption de l'analyse des mégadonnées s'accélère dans l'ensemble du système des Nations Unies avec un nombre croissant d'institutions, de fonds et de programmes des Nations Unies mettant en œuvre des applications opérationnelles pour une utilisation en faveur du développement et de l'action humanitaire.

Le Groupe des Nations Unies pour le développement (GNUD) a publié des directives générales sur la confidentialité des données, leur protection et leur éthique pour l'utilisation des mégadonnées collectées en temps réel par des entités du secteur privé dans le cadre de leurs offres commerciales. Ces directives ont été partagées avec les membres du GNUD afin de renforcer la mise en œuvre opérationnelle des programmes pour soutenir la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Le premier Forum mondial des Nations Unies sur les données s’est tenu en janvier 2017 et a rassemblé plus de 1 400 producteurs et utilisateurs de données des secteurs public et privé, décideurs, universitaires et représentants de la société civile. L’objectif du Forum était d’identifier les moyens d'exploiter le pouvoir des données pour le développement durable. Il a abouti à d’importants résultats, notamment le lancement du « Plan d'action mondial du Cap concernant les données du développement durable ».

La communauté du Forum mondial des Nations Unies sur les données s'est considérablement développée depuis 2017, passant de 2 000 participants aux premier et deuxième Forums organisés au Cap et à Dubaï, à une liste active de plus de 20 000 parties prenantes intéressées. Cette croissance est due aux forums virtuels plus ouverts et accessibles organisés en 2020, et à un format hybride à Berne, en Suisse, en 2021, et à Hangzhou, en Chine, en 2023. La communauté des parties prenantes est diversifiée et représente différents secteurs, notamment les gouvernements, la société civile, le secteur privé, les donateurs, les organismes philanthropiques, les agences internationales et régionales, entre autres acteurs.

Chaque Forum des Nations Unies sur les données mondiales donne lieu à la publication d'un document final, qui retrace l'évolution des discussions sur les données et les statistiques et exprime les ambitions de la communauté des parties prenantes. Le Plan d'action mondial du Cap (CTGAP) a été lancé lors du premier Forum mondial des données des Nations unies. Le CTGAP a été suivi par la Déclaration de Dubaï (2018), qui appelle à un mécanisme de financement innovant pour soutenir la mise en œuvre du CTGAP.

Plus récemment, la Communauté mondiale des données en réaction à la Covid-19 (2020) et le Pacte de Berne sur les données pour la décennie d'action sur les objectifs de développement durable (2021) ont été lancés pour positionner les statistiques officielles et les bureaux nationaux de statistique lors de la Covid-19 et dans l'écosystème plus large des données en général. Lors du quatrième forum le plus récent, la Déclaration de Hangzhou (2023) a été adoptée pour réaffirmer l'engagement de la communauté mondiale à accélérer les progrès dans la mise en œuvre du Plan d'action mondial du Cap pour les données relatives au développement durable.

 

L’initiative « UN Global Pulse »

Global Pulse est une initiative novatrice lancée par le Secrétaire général des Nations Unies en matière de science des données. Elle vise à promouvoir les possibilités d’utiliser les mégadonnées en faveur du développement durable et de l’action humanitaire ; développer des solutions analytiques à fort impact pour les partenaires des Nations Unies et des gouvernements par le biais de son réseau de laboratoires innovateurs en science des données à Jakarta (Indonésie), à Kampala (Ouganda) et à New York (Siège de l'ONU) et faciliter les accès et la mise en œuvre.

Afin de débloquer la valeur des données de manière fiable et responsable, Global Pulse a mis en place un programme de protection des données, dont une partie implique des recherches constantes sur les utilisations des mégadonnées à des fins humanitaires et de développement. Elle a établi le Groupe consultatif sur la confidentialité des données, composé d'experts de la réglementation provenant du secteur privé et du milieu universitaire, chargés d’engager un dialogue sur les enjeux cruciaux des mégadonnées. Afin de mieux comprendre les risques liés aux données volumineuses, Global Pulse a développé un outil d'évaluation en deux phases, intitulé « Risques, préjudices et avantages », qui inclut les lignes directrices pour aider les praticiens à évaluer la proportionnalité des risques, les inconvénients et l'utilité d’un projet axé sur les données.

Global Pulse a également participé à l'organisation de la série d'ateliers « UN Data Innovation Lab » (Laboratoire d'innovation de l'ONU en matière de données), une initiative menée par l'UNICEF et le Programme alimentaire mondial (PAM). Composée de cinq ateliers thématiques, cette série visait à comprendre les capacités et les besoins existants en matière d'innovation de données au sein du système des Nations Unies.

 

Des partenariats public-privé

Pour garantir un accès direct aux mégadonnées au sein de nombreuses industries, Global Pulse travaille avec le secteur privé sur un projet intitulé « philanthropie des données », selon lequel les données du secteur privé peuvent être utilisées de manière sûre et responsable pour le développement durable et l'action humanitaire. Par exemple, en 2016, Global Pulse a formé un partenariat avec Twitter.

Chaque jour à travers le monde, des individus envoient des centaines de millions de Tweets dans des dizaines de langues. Ces conversations sociales contiennent des informations en temps réel sur de nombreuses questions, notamment le coût de la nourriture, la disponibilité des emplois, l'accès aux soins de santé, la qualité de l'éducation et des informations relatives aux catastrophes naturelles. Ce partenariat permettra aux agences humanitaires et de développement des Nations Unies de transformer les données publiques en informations exploitables pour aider les communautés du monde entier.

D'autres partenariats ont été mis en place, tels que :

  • « Big Data for Social Good » (« Les mégadonnées au service de l'action sociale »), une initiative de la GSMA (qui représente les intérêts des opérateurs mobiles dans le monde), qui va permettre d’exploiter les capacités des opérateurs de données volumineuses pour faire face aux crises humanitaires, y compris les épidémies et les catastrophes naturelles ;
  • « Data for Climate Action » (« Données pour l’action climatique »), un concours qui met en relation des chercheurs du monde entier avec des outils d'entreprises de pointe pour développer des solutions climatiques basées sur des données ;
  • « Data Collaboratives » (« Collaborations en matière de données »), une nouvelle forme de collaboration au-delà du modèle de partenariat public-privé, qui permet aux acteurs de différents secteurs, en particulier le secteur privé, d’échanger leurs données à des fins d’utilité publique.

 

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