STATUT DU TRIBUNAL DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES

Tel qu'adopté par l'Assemblée générale dans sa résolution 63/253 le 24 décembre 2008, amendé par résolution69/203 adopté le 18 décembre 2014, amendé par la résolution 70/112 adoptée le 14 décembre 2015, amendé par la résolution 71/266 adopté le 23 décembre 2016 et amendé par la résolution 73/276 adopté le 22 décembre 2018.

Article 1

Il est créé un Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies, première instance du système formel d’administration de la justice à double degré.

Article 2

1. Le Tribunal du contentieux administratif (ci-après le « Tribunal ») est compétent pour connaître des requêtes introduites par toute personne visée au paragraphe 1 de l’article 3 du présent Statut contre le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies en sa qualité de plus haut fonctionnaire de l’Organisation pour :

(a) Contester une décision administrative en invoquant l’inobservation de ses conditions d’emploi ou de son contrat de travail. Les expressions « contrat » et « conditions d’emploi » englobent tous les Statuts et règlements applicables et tous textes administratifs en vigueur au moment de l’inobservation alléguée ;

(b) Contester une décision administrative portant mesure disciplinaire ;

(c) Faire exécuter un accord résultant d’une médiation en application du paragraphe 2 de l’article 8 du présent Statut.

2. Le Tribunal est compétent pour connaître des requêtes introduites par toute personne lui demandant de suspendre l’exécution d’une décision administrative contestée en instance de contrôle hiérarchique, lorsque la décision paraît de prime abord irrégulière, en cas d’urgence particulière et lorsque son application causerait un préjudice irréparable. La décision rendue par le Tribunal sur une telle requête n’est pas susceptible d’appel.

3. Le Tribunal est compétent pour accorder ou refuser à toute association du personnel l’autorisation de déposer un mémoire en qualité d’amicus curiæ.

4. Le Tribunal est compétent pour autoriser toute personne habilitée à contester la même décision administrative en vertu de l’alinéa a du paragraphe 1 du présent article à intervenir dans une instance introduite par toute autre personne en vertu du même alinéa.

5. Le Tribunal est compétent pour connaître des requêtes introduites contre toute institution spécialisée reliée à l’Organisation conformément aux dispositions des Articles 57 et 63 de la Charte des Nations Unies, ou contre toute autre organisation internationale ou entité créée par un traité et participant au régime commun des conditions d’emploi, lorsque l’institution, l’organisation ou l’entité concernée a conclu avec le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies un accord spécial parlequel elle accepte la compétence du Tribunal, conformément au présent Statut. Cet accord spécial stipule que l’institution, l’organisation ou l’entité intéressée est liée parla décision du Tribunal et tenue de verser les indemnités éventuellement accordées par celui-ci à ses fonctionnaires et organise notamment la participation de ladite institution, organisation ou entité aux mécanismes administratifs nécessaires au fonctionnement du Tribunal ainsi que sa contribution aux dépenses de celui-ci. Cet accord spécial prévoit également toute autre disposition requise pour que le Tribunal puisse s’acquitter de ses fonctions vis-à-vis de l’institution, l’organisation ou l’entité intéressée.

6. Le Tribunal statue sur toute contestation de sa compétence.

7. À titre transitoire, le Tribunal a compétence pour connaître :

(a) Des affaires qui lui seront renvoyées par toute commission paritaire de recours ou tout comité paritaire de discipline créés par l’Organisation des Nations Unies ou par tout organe similaire créé par un fonds ou programme des Nations Unies doté d’une administration distincte ;

(b) Des requêtes introduites devant le Tribunal administratif des Nations Unies qui lui sont renvoyées;

sur décision de l’Assemblée générale.

Article 3

1. Toute requête peut être introduite en vertu du paragraphe 1 de l’article 2 du présent Statut :

(a) Par tout fonctionnaire de l’Organisation des Nations Unies, notamment du Secrétariat de l’Organisation et des fonds et programmes des Nations Unies dotés d’une administration distincte ;

(b) Par tout ancien fonctionnaire de l’Organisation des Nations Unies, notamment du Secrétariat de l’Organisation et des fonds et programmes des NationsUnies dotés d’une administration distincte ;

(c) Par les ayants droit de fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies, notamment du Secrétariat de l’Organisation et des fonds et programmes des NationsUnies dotés d’une administration distincte, souffrant d’incapacité ou décédés.

2. Une requête en suspension d’exécution peut être introduite en vertu du paragraphe 2 de l’article 2 du présent Statut par toute personne visée au paragraphe 1 du présent article.

Article 4

(Modifié par les résolutions 70/112, 71/266 et 73/276)

1. Le Tribunal se compose de trois juges à temps complet et de six juges à mitemps.

2. Les juges sont nommés par l’Assemblée générale sur la recommandation du Conseil de justice interne conformément à la résolution 62/228 de l’Assemblée. Ils sont tous de nationalité différente et sont nommés eu égard aux principes de la répartition géographique et de l’équilibre entre les effectifs des deux sexes.

3. Pour pouvoir être nommé juge, il faut :

(a) Jouir de la plus haute considération morale et faire preuve d’impartialité ; et

(b) Justifier d’au moins 10 ans d’expérience judiciaire en droit administratif, ou d’une expérience équivalente acquise dans une ou plusieurs juridictions nationales.

(c) Maîtriser l’anglais ou le français, tant à l’oral qu’à l’écrit.

4. Les juges sont nommés pour un mandat non renouvelable de sept ans. À titre transitoire, deux des premiers juges (un juge à temps complet et un juge à mitemps), désignés par tirage au sort, sont nommés pour un mandat de trois ans à l’issue duquel ils peuvent être nommés de nouveau au Tribunal pour un mandat non renouvelable de sept ans. Tout juge ou ancien juge du Tribunal d’appel des Nations Unies ne peut siéger au Tribunal du contentieux administratif.

5. Tout juge nommé pour remplacer un juge qui n’a pas achevé son mandat ne l’estque pour le reste de ce mandat ; il peut être nommé à nouveau pour un mandat non renouvelable de sept ans, à condition que le reste du mandat de son prédécesseur ait été inférieur à trois ans.

6. Un juge du Tribunal ne peut être nommé à un poste non judiciaire dans le système des Nations Unies pendant cinq ans après avoir cessé ses fonctions.

7. Le Tribunal élit son Président qui est habilité, entre autres, à s’assurer que les décisions sont rendues en toute célérité.

8. Les juges du Tribunal siègent à titre personnel et en toute indépendance.

9. Tout juge du Tribunal qui a, ou paraît avoir, des intérêts en conflit dans une affaire doit se récuser. Lorsqu’une partie demande la récusation d’un juge, le Président du Tribunal décide.

10. Les juges du Tribunal ne sont révocables par l’Assemblée générale qu’en cas de faute ou d’incapacité.

11. Les juges du Tribunal peuvent démissionner par voie de notification adressée à l’Assemblée générale par l’intermédiaire du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. La démission prend effet à la date de la notification, à moins que celle-ci n’indique une date postérieure.

12. Les juges du Tribunal du contentieux administratif n’ont pas la qualité de fonctionnaire du Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies au sens de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies.

Article 5

(Modifié par la résolution 73/276)

1. Les trois juges à temps complet exercent leurs fonctions à New York, Genève et Nairobi, respectivement.

2. Le Président décide de faire appel aux juges à mi-temps, qui siègent pendant six mois par an au maximum, en fonction de la charge de travail et des absences qui nuiraient aux travaux du Tribunal.

3. Le Tribunal peut décider de siéger dans des lieux d’affectation autres que New York, Genève et Nairobi si les affaires inscrites au rôle le justifient.

Article 6

1. Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies prend les mesures administratives nécessaires au fonctionnement du Tribunal, y compris toutes dispositions relatives aux frais de voyage et frais connexes des personnes dont le Tribunal juge la comparution nécessaire, et aux dépenses des juges qui voyagent aubesoin pour siéger dans d’autres lieux d’affectation.

2. Il est établi à New York, Genève et Nairobi des greffes composés chacun d’un greffier secondé par le personnel nécessaire.

3. Les dépenses du Tribunal sont prises en charge par l’Organisation des Nations Unies.

4. Les indemnités ordonnées par le Tribunal sont versées par le Secrétariat de l’Organisation ou le fonds ou programme des Nations Unies doté d’une administration distincte selon le cas et, s’il y a lieu, par l’institution spécialisée, l’organisation ou l’entité ayant accepté la compétence du Tribunal.

Article 7

1. Sous réserve des dispositions du présent Statut, le Tribunal arrête son règlement de procédure, qui est soumis à l’approbation de l’Assemblée générale.

2. Le règlement de procédure du Tribunal organise :

(a) L’organisation des travaux ;

(b) La présentation des conclusions et les procédures à suivre à cet égard ;

(c) Les règles de confidentialité et l’irrecevabilité des déclarations verbales ouécrites faites pendant une médiation ;

(d) L’intervention de personnes non parties à l’affaire dont les droits sontsusceptibles d’être affectés par le jugement à intervenir ;

(e) La procédure orale ;

(f) La publication des jugements ;

(g) Les fonctions des greffes ;

(h) La procédure de renvoi sans préavis ;

(i) L’administration de la preuve ;

(j) La suspension de l’application des décisions administratives contestées ;

(k) La récusation des juges ;

(l) Toute autre question relative au fonctionnement du Tribunal.

Article 8

1. Toute requête est recevable si :

(a) Le Tribunal est compétent pour en connaître en vertu de l’article 2 duprésent Statut ;

(b) Le requérant est habilité à l’introduire en vertu de l’article 3 du présent Statut ;

(c) Le requérant a préalablement demandé le contrôle hiérarchique de ladécision administrative contestée dans les cas où ce contrôle est requis ; et si

(d) Elle est introduite dans les délais suivants :

(i) Lorsque le contrôle hiérarchique de la décision contestée est requis :

a. Dans les 90 jours calendaires suivant la date à laquelle le requérant areçu la réponse de l’administration à sa demande ; ou

b. Dans les 90 jours calendaires de l’expiration du délai imparti à l’administration pour répondre à cette demande si elle n’y a pas répondu. Ce délai est de 30 jours calendaires à compter de la présentation de la décision contestée au contrôle hiérarchique pour les différends survenus au Siège, et de 45 jours calendaires pour les différends survenus dans d’autres bureaux ;

(ii) Dans le cas où le contrôle hiérarchique n’est pas requis, dans les 90 jours calendaires de la réception de la décision administrative par le requérant ;

(iii) Les délais prévus aux sous-alinéas i et ii du présent alinéa sont portés à unan si la demande est introduite au nom d’un fonctionnaire des Nations Unies frappé d’incapacité ou décédé, y compris un fonctionnaire du Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies ou de fonds et programmes des Nations Unies dotés d’une administration distincte ;

(iv) Lorsque les parties ont tenté de régler leur différend par la médiation dansles délais prévus au présent alinéa pour l’introduction d’une requête mais ne sont pas parvenues à un accord, la requête est recevable si elle est introduite dans les90 jours calendaires de l’échec de la médiation tel que défini dans les procédures énoncées dans le mandat de la Division de la médiation.

2. Toute requête est irrecevable si le différend découlant de la décision administrative contestée a été réglé par accord résultant d’une médiation. Néanmoins, sera recevable toute requête tendant à faire exécuter un accord ainsi obtenu, si l’accord n’a pas été exécuté et si elle est introduite dans les 90 jours calendaires de l’expiration du délai indiqué dans l’accord pour son exécution ou, lorsque l’accord est muet sur ce point, à l’expiration d’un délai de 30 jours calendaires à compter de la date de sa signature.

3. Le Tribunal peut décider par écrit, à la demande écrite du requérant, de suspendre ou supprimer les délais pour une période limitée et seulement dans des cas exceptionnels. Le Tribunal ne peut ni suspendre ni supprimer les délais du contrôle hiérarchique.

4. Nonobstant le paragraphe 3 du présent article, est irrecevable toute requête introduite plus de trois ans après la réception par le requérant de la décision administrative contestée.

5. L’introduction d’une requête n’a pas pour effet de suspendre l’exécution de la décision administrative contestée.

6. Les requêtes et autres pièces de procédure doivent être présentées dans l’une des langues officielles de l’Organisation des Nations Unies.

Article 9

1. Le Tribunal peut ordonner la production de documents et autres éléments de preuve qu’il juge nécessaires.

2. Le Tribunal décide si la présence du requérant ou de toute autre personne est requise à l’audience et, le cas échéant, par quels moyens satisfaire à cette exigence.

3. Les audiences du Tribunal sont publiques à moins qu’il ne décide, d’office ou à la demande d’une partie, d’ordonner le huis clos en raison de circonstances exceptionnelles.

Article 10

(Modifié par la résolution 69/203)

1. Le Tribunal peut surseoir à statuer à la demande des parties pour une période qu’il indique par écrit.

2. Le Tribunal peut, en tout état de cause, ordonner des mesures conservatoires, qui sont sans appel, au bénéfice temporaire de l’une ou l’autre partie, lorsque la décision administrative contestée apparaît de prime abord irrégulière, en cas d’urgence particulière et lorsque l’exécution de la décision causerait un préjudice irréparable. Il peut notamment ordonner la suspension de l’exécution de la décision administrative contestée, sauf le cas de nomination, de promotion ou de licenciement.

3. Le Tribunal peut, en tout état de cause, proposer de renvoyer toute affaire à la médiation. Avec le consentement des parties, il suspend l’instance pour une période qu’il indique. Si la médiation n’aboutit pas à un accord durant cette période, le Tribunal reprend l’instance à moins que les parties ne demandent qu’il en soit autrement.

4. Si, avant de statuer au fond, le Tribunal conclut que la procédure prescrite par le Statut et le Règlement du personnel ou les textes administratifs applicables n’a pas été observée, il peut, avec l’assentiment du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, ordonner le renvoi de l’affaire pour que cette procédure soit engagée ou reprise, étant entendu qu’elle ne devrait jamais excéder trois mois. Il peut en pareil cas ordonner le versement au requérant d’une indemnisation, qui ne peut être supérieure à trois mois de traitement de base net, en réparation du préjudice que peut lui avoir causé ce retard dans la procédure.

5. Dans son jugement, le Tribunal ne peut ordonner que l’une des deux mesures suivantes, ou les deux dites mesures :

(a) L’annulation de la décision administrative contestée ou l’exécution de l’obligation invoquée, étant entendu que, si la décision administrative contestée porte nomination, promotion ou licenciement, le Tribunal fixe également le montant de l’indemnité que le défendeur peut choisir de verser en lieu et place de l’annulation de la décision administrative contestée ou de l’exécution de l’obligation imposée, sous réserve des dispositions de l’alinéa b du présent paragraphe ;

(b) Le versement d’une indemnité pour préjudice avéré qui ne peut normalement être supérieure àdeux années de traitement de base net du requérant. Le Tribunal peut toutefois, dans des circonstances exceptionnelles et par décision motivée, ordonner le versement d’une indemnité pour préjudice avéré plus élevée.

6. Quand le Tribunal constate qu’une partie a manifestement abusé de la procédure devant lui, il peut la condamner aux dépens.

7. Le Tribunal ne peut octroyer de dommages-intérêts exemplaires ou punitifs.

8. Le Tribunal peut déférer toute affaire au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies ou au chef du secrétariat du fonds ou programme des Nations Unies en cause aux fins d’action récursoire éventuelle.

9. Les affaires dont le Tribunal est saisi sont normalement examinées par un juge unique. Le Président du Tribunal d’appel des Nations Unies peut toutefois, sur demande écrite du Président du Tribunal et dans les sept jours calendaires de cette demande, autoriser le renvoi de toute affaire à un collège de trois juges du Tribunal quand la complexité ou l’importance particulière de la cause le justifie. Dans les affaires examinées par un collège de trois juges, les décisions sont prises à la majorité des voix.

Article 11

(Modifié par la résolution 69/203)

1. Les jugements du Tribunal sont rendus par écrit et motivés.

2. Le délibéré du Tribunal est confidentiel.

3. Les jugements et les ordonnances du Tribunal lient les parties, mais ils sont susceptibles d’appel conformément au Statut du Tribunal d’appel des Nations Unies. S’il n’est pas interjeté appel, ils sont exécutoires à l’expiration du délai d’appel prévu dans le Statut du Tribunal d’appel. Les ordonnances et instructions de mise en l’état sont d’exécution immédiate.

4. Les jugements du Tribunal sont rédigés dans l’une des langues officielles de l’Organisation des Nations Unies, en deux originaux qui sont versés aux archives de l’Organisation.

5. Il est remis une expédition du jugement à chaque partie à l’instance. L’expédition remise au requérant est dans la langue dans laquelle celui-ci a introduit sa requête, à moins qu’il ait demandé qu’elle soit dans une autre des langues officielles de l’Organisation des Nations Unies.

6. Les jugements du Tribunal sont publiés moyennant protection des renseignements personnels et sont disponibles au Greffe du Tribunal.

Article 12

1. L’une ou l’autre partie peut demander au Tribunal la révision de tout jugement exécutoire en invoquant la découverte d’un fait décisif qui, au moment où le jugement a été rendu, était inconnu du Tribunal et de la partie qui demande la révision, étant toujours entendu que cette ignorance n’était pas due à la négligence. La demande doit être formée dans les 30 jours calendaires de la découverte du fait et dans l’année de la date du jugement.

2. Le Tribunal peut à tout moment, soit d’office soit à la demande d’une partie, rectifier les erreurs matérielles ou de calcul ou les erreurs résultant d’une inadvertance ou d’une omission.

3. L’une ou l’autre partie peut demander au Tribunal une interprétation du sens ou de la portée d’un jugement définitif, à condition que le Tribunal d’appel n’en soit saisi.

4. Une fois le jugement devenu exécutoire en vertu du paragraphe 3 de l’article 11 du présent Statut, l’une ou l’autre partie peut demander au Tribunal d’en ordonner l’exécution s’il devait être exécuté dans un certain délai et ne l’a pas été.

Article 13

Le présent Statut peut être modifié par décision de l’Assemblée générale.