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Africa Renewal
Afrique Renouveau: 

La criminalité liée aux espèces sauvages atteint un niveau record

Par Pavithra Rao

Fifteen tons of elephant tusks were set on fire during an anti-poaching ceremony in Nairobi, Kenya, early this year.  AP Photo-Khalil Senosi

La situation est dramatique: les massacres d’animaux sauvages, pour leurs cornes et leurs défenses, se multiplient. Les chiffres sont si préoccupants que les experts exigent des mesures de répression.

Le 3 mars dernier, la criminalité liée aux espèces sauvages était au cœur de la Journée Wangari Maathai, qui doit son nom à la défunte lauréate kényane du Prix Nobel et fondatrice du Green Belt Movement, connue pour sa passion de la nature et son combat pour la préserver. 

La journée a débuté par un geste grandiose : le chef d’État kényan, Uhuru Kenyatta, a présidé à l’incinération de 15 tonnes de défenses issues du braconnage, afin de souligner la nécessité d’en finir avec un commerce illicite représentant 200 milliards de dollars en Afrique. Il s’agit en particulier du massacre des éléphants pour leurs défenses, des rhinocéros pour leur corne et du trafic illicite de grands singes. « La criminalité liée aux espèces sauvages est une menace grave, prenons-la au sérieux », pouvait-on lire sur des banderoles bien mises en évidence.

Selon la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, les éléphants et rhinocéros africains vivent sous la menace croissante du braconnage. En Afrique du Sud, par exemple, la chasse illégale du rhinocéros a considérablement augmenté, de 10 cas en 2006 à 1 215 en 2014. En 2011, elle avait déjà causé l’extinction du rhinocéros noir.  

Les éléphants et les rhinocéros ne sont toutefois pas les seules espèces menacées. Les grands singes, notamment les chimpanzés, les orangs-outans, les gorilles et les bonobos, font aussi l’objet d’un trafic illicite. Le Partenariat pour la survie des grands singes (GRASP), agissant sous les auspices du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), explique que ces singes sont commercialisés pour leur chair, et que leurs restes, à savoir les membres, la tête, et même les os, sont vendus à des fins médicales.  

En outre, ce trafic répond à la demande croissante d’animaux domestiques exotiques ou d’animaux de cirque et de zoo. Les éléphants, les rhinocéros et les grands singes jouant un rôle important dans le maintien des écosystèmes, leur absence pourrait gravement nuire à la biodiversité de régions-clés.

Le Secrétaire général Ban Ki-moon a souligné la gravité de la situation lors d’un discours pour la Journée mondiale de la vie sauvage : « La lutte contre cette criminalité n’est pas seulement essentielle pour la conservation et le développement durable, elle contribuera également à rétablir la paix et la sécurité dans les régions troublées où les conflits sont alimentés par ces activités illégales. » 

Le Directeur exécutif du PNUE, Achim Steiner, appelle à l’action et à l’amplification des interventions, notamment des financements.


Des espèces africaines menacées par une consommation effrénée

Par Jocelyne Sambira

Fashion models wearing clothes made from animal fur. Many fashion designers work with fur, helping sustain an illegal trade that is behind the deaths of millions of animals for their skins.   Alamy/Agencja Fotograficzna Caro

Ce luxueux meuble en bois rosé vous fait mourir d’envie ? Il y a fort à parier qu’il se compose de bois de rose africain menacé d’extinction, sorti illégalement du continent. Idem pour ce sac à main en peau de crocodile dans la penderie, un sac qui permet aux braconniers d’alimenter un marché de plusieurs milliards de dollars.

En 2014, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) a inscrit quelque 6 400 animaux et plus de 3 000 végétaux africains sur sa liste. En outre, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) indique que plus de trois millions d’hectares de forêt sont détruits chaque année pour nourrir la population croissante du continent et répondre aux demandes internationales de biocarburants.

L’industrie de la mode n’est pas la seule à provoquer un appétit insatiable pour ces produits. La surexploitation commerciale menace aussi les espèces animales et végétales. Très consommé en Afrique, le tilapia d’eau douce est le poisson le plus en danger. L’orchidée et l’aloès, des plantes médicinales, sont aussi menacés d’extinction locale ou totale en raison de leur popularité sur les marchés occidentaux. 

Le PNUE signale que le commerce illicite des espèces sauvages, ainsi que la demande et la consommation de ressources naturelles, contribuent à la perte de la biodiversité africaine. La pollution provoquée par l’urbanisation et l’industrialisation est également en cause. 

L’agence vient de publier un aperçu de son prochain rapport, État de la biodiversité en Afrique, dans lequel elle appelle les dirigeants du continent à relever ces défis en réprimant davantage, en mettant en œuvre des efforts de conservation à plus grande échelle et en renforçant les liens entre la gestion des espèces sauvages et le développement communautaire. 

Le rapport Perspectives mondiales de la diversité biologique, rédigé par la Convention sur la diversité biologique (CBD), un traité international visant à protéger la nature et permettre un partage équitable de ses bienfaits entre les nations, présente des conclusions similaires.

Le porte-parole du secrétariat de la CBD, David Ainsworth, a confié à Afrique Renouveau que le rapport brosse un « tableau peu réjouissant », mais que des mesures positives sont appliquées sur le terrain. « Lorsque nous parvenons à réunir les communautés en vue d’une gestion conjointe des ressources locales, ou lorsque les administrations de différents niveaux collaborent, il est en fait possible de relever certains défis en matière de biodiversité et d’inverser la tendance ».

Les pays africains s’associent et prennent des dispositions afin d’enrayer la perte de la biodiversité, mais le temps presse.