Étude : légalité de l’occupation israélienne du territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 2023

 

 

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Résumé

 

Partie I

La présente étude examine deux questions centrales. Dans un premier temps, il s’agit de déterminer, au regard du droit international, si les mesures d’annexion de facto et de jure, la poursuite de la colonisation et l’occupation prolongée du territoire palestinien – la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et la bande de Gaza – par Israël rendent l’occupation illégale. Dans un deuxième temps, si l’illégalité de l’occupation est confirmée, l’étude examine la question soulevée par les conséquences d’une telle constatation. Si une occupation peut devenir illégale, quelles en seraient les conséquences juridiques pour tous les États et les Nations Unies, compte tenu, entre autres, des règles et principes du droit international, y compris, mais sans s’y limiter, la Charte des Nations Unies, la quatrième Convention de Genève, le droit international en matière de droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme, ainsi que l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice du 9 juillet 2004 ?

L’étude établit qu’il existe deux motifs clairs dans le droit international pour déterminer quand une occupation belligérante peut être qualifiée d’illégale. Premièrement, lorsqu’une occupation belligérante découle d’un emploi de la force prohibé constitutif d’un acte d’agression, cette occupation est illégale ab initio. Deuxièmement, lorsqu’une occupation belligérante découle d’un emploi de la force autorisé en cas de légitime défense en vertu de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, mais qu’elle est ensuite menée ultra vires des principes et des règles du droit international humanitaire et en violation des normes impératives du droit international, la conduite de l’occupation peut constituer un emploi de la force inutile et disproportionné en cas de légitime défense. L’étude examine les violations par Israël des normes impératives du droit international, de l’interdiction de l’acquisition de territoires par la force, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de l’interdiction de la discrimination raciale et de l’apartheid, autant d’indicateurs d’une occupation administrée en violation des principes de nécessité et de proportionnalité qui encadrent l’emploi de la force en cas de légitime défense.

Partie II – Le caractère de l’occupation belligérante

La deuxième partie de l’étude fournit une introduction thématique au caractère juridique de l’occupation belligérante et à l’approche divergente d’Israël à l’égard de. Ce faisant, elle examine de manière générale les principes sur lesquels reposent les lois régissant l’occupation belligérante, présente la théorie de l’occupation belligérante illégale en vertu du jus bello, et met en lumière la pratique et la jurisprudence internationales qualifiant les occupations belligérantes d’illégales en vertu du jus ad bellum. En outre, l’étude présente les principes fondamentaux des politiques et positions officielles d’Israël sur le caractère de l’occupation belligérante de la Palestine, son entreprise de colonisation et son annexion du territoire palestinien.

Les lois régissant l’occupation belligérante établissent un certain nombre de principes importants, notamment le caractère temporaire ou de facto de l’occupation consacré par l’article 42 du Règlement de La Haye (1907), qui stipule qu’« un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie ». Ainsi, bien que l’autorité gouvernementale puisse être « temporairement perturbée ou territorialement restreinte » pendant une occupation belligérante, « l’État reste la même personne internationale »[1]. La Puissance occupante n’acquiert donc pas la souveraineté sur le territoire occupé[2], mais est au contraire obligée d’administrer le territoire en mettant en balance l’intérêt supérieur de la population du territoire occupé et la nécessité militaire, en vertu du principe restrictif de la conservation (« principe conservationniste »)[3]. La présente étude met surtout en évidence les positions des principales autorités en matière de droit international, lesquelles considèrent que la pratique de l’« occupation prolongée » fait référence à des occupations d’une durée maximale de quatre ou cinq ans, comme l’occupation de la Belgique par l’Allemagne pendant la Première Guerre mondiale (quatre ans)[4] ou l’occupation de la Norvège par l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale (cinq ans)[5]. Michael Lynk, ancien Rapporteur spécial des Nations Unies, observe que, plus récemment, les occupations conformes aux principes du droit d’occupation « n’ont pas dépassé 10 ans, y compris l’occupation du Japon par les États-Unis, l’occupation de l’Allemagne de l’Ouest par les Alliés et l’occupation de l’Iraq menée par les États-Unis »[6].

Le fait que les occupations belligérantes puissent être considérées comme illégales n’est pas propre à Israël. Par exemple, dans l’Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (2005), la Cour internationale de Justice a estimé que l’occupation de l’Ituri par l’Ouganda « violait le principe du non-recours à la force dans les relations internationales et le principe de non-intervention »[7]. Parallèlement, le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné l’« occupation illégale » du Koweït[8] par l’Iraq et l’« administration illégale » de l’Afrique du Sud en Namibie[9]. L’Assemblée générale des Nations Unies a quant à elle appelé les États tiers à ne pas « reconnaître comme licite la situation créée par l’occupation de territoires de la République d’Azerbaïdjan »[10] et a condamné le Portugal pour avoir « perpétué son occupation illégale » de la Guinée-Bissau[11]. De même, la Commission des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies a dénoncé la « poursuite de l’occupation illégale du Kampuchea par le Viet Nam »[12]. En 1977, l’Assemblée générale s’est déclarée « profondément préoccupée de ce que les territoires arabes occupés depuis 1967 demeurent depuis plus de dix ans sous I’occupation illégale d’Israël et de ce que le peuple palestinien, après trois décennies, continue d’être privé de l’exercice de ses droits nationaux inaliénables »[13]. De même, les préambules des résolutions successives du Conseil économique et social de l’ONU font référence aux « graves conséquences de l’occupation israélienne illégale, qui se poursuit, et de toutes ses manifestations »[14].

Enfin, la section II se termine par une présentation des politiques et des positions d’Israël sur la nature de son administration du territoire palestinien, la légalité des colonies de peuplement et l’annexion de Jérusalem. Par exemple, le Ministère israélien des affaires étrangères considère qu’il existe des « revendications concurrentes » sur la Cisjordanie qui « devraient être résolues dans le cadre des négociations du processus de paix », y compris en ce qui concerne les colonies[15]. Toutefois, la Haute Cour de justice israélienne, dans l’affaire Conseil régional de la côte de Gaza contre Knesset d’Israël, a estimé que « le point de vue juridique de tous les gouvernements d’Israël » est que « les zones sont détenues par Israël dans le cadre d’une occupation belligérante »[16]. Néanmoins, Israël n’applique pas la quatrième Convention de Genève (1949) au territoire occupé, car il ne l’a pas transposée dans son droit interne ; en outre, sur le plan politique, Israël conteste l’application de la Convention en se fondant sur sa théorie de l’absence de souveraineté. De son côté, Israël considère Jérusalem occupée comme « la capitale éternelle et indivise d’Israël »[17] et explique que Jérusalem a été « réunifiée » en 1967 « à la suite de la Guerre de Six Jours lancée contre Israël par le monde arabe »[18].

Partie III – Légalité de l’occupation

La partie III présente deux motifs distincts pour lesquels, en vertu du jus ad bellum, une occupation belligérante peut être considérée comme illégale, que ce soit dès le début de l’occupation ou à un stade ultérieur. Premièrement, une occupation résultant d’un acte d’agression est illégale ab initio. Le paragraphe 4 de l’Article 2 de la Charte des Nations Unies dispose que « [l]es Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ». La responsabilité pénale peut être engagée pour des actes d’occupation de nature agressive ; par exemple, le Tribunal militaire international (TMI) de Nuremberg a considéré que l’Autriche était « occupée en vertu d’un plan commun d’agression »[19].

Deuxièmement, une occupation belligérante peut être menée d’une manière qui équivaut à un emploi de la force inutile et disproportionné en cas de légitime défense[20]. La jurisprudence de la Cour internationale de Justice fournit ici des indications utiles sur la proportionnalité. Par exemple, dans l’affaire Nicaragua, la Cour internationale de Justice a estimé que « la réaction des États-Unis, dans le cadre de ce que ce pays considère comme l’exercice d’une légitime défense collective, s’est poursuivie longtemps après la période durant laquelle toute agression armée supposée de la part du Nicaragua pourrait raisonnablement être envisagée »[21]. En outre, dans l’affaire Armes nucléaires, la Cour internationale de Justice a laissé entendre qu’un emploi de la force devait satisfaire en particulier aux « principes et règles du droit humanitaire » pour être licite en cas de légitime défense[22]. Selon la présente étude, la violation par la Puissance occupante des principes et des règles du droit international humanitaire et des normes impératives du droit international est le signe incontestable du caractère disproportionné d’un emploi de la force. Ces violations comprennent les annexions de facto et de jure de territoires, l’acquisition illégale de territoires par l’emploi de la force, le déni du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et l’administration du territoire occupé en violation de l’interdiction de la discrimination raciale et de l’apartheid.

Après avoir établi les deux motifs d’occupation illégale en vertu du jus ad bellum, l’étude examine un autre motif d’illégalité distinct, à savoir la violation par la Puissance occupante du droit externe à l’autodétermination de la Palestine en tant que territoire sous mandat. Le paragraphe 2 de l’Article premier de la Charte des Nations Unies consacre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, un principe jus cogens dans le droit international[23] qui impose aux États des obligations erga omnes[24]. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a une résonance particulière pour les territoires sous mandat, car il a valeur de « mission sacrée » pour la communauté internationale en attendant l’indépendance totale. En tant que tel, le processus colonial ne peut être considéré comme pleinement achevé que lorsque le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a été exercé par les habitants de la colonie[25]. L’avis consultatif rendu dans l’affaire du Sud-Ouest africain fournit l’exemple même d’une occupation illégale d’un territoire sous mandat, considérée par la Cour internationale de Justice comme illégale ab initio. Cependant, alors que le Sud-Ouest africain était un territoire sous mandat, maintenu sous occupation après la fin du mandat, il peut être distingué de la Palestine, qui est un territoire sous mandat maintenu sous occupation belligérante dans le cadre d’un conflit armé international. Néanmoins, si l’occupation est administrée dans le refus de l’exercice du droit du peuple à l’autodétermination externe et à la souveraineté, cela peut également être considéré comme une violation de la « mission sacrée ». Selon les circonstances à l’origine de la violation de l’autodétermination, l’occupation peut être illégale soit ab initio soit ultérieurement.

Partie IV – Preuves à l’appui de la conclusion selon laquelle l’occupation israélienne est devenue illégale

La partie IV fournit la base factuelle pour étayer la conclusion selon laquelle l’occupation israélienne est illégale. L’étude présente des preuves claires et convaincantes qu’Israël a attaqué l’Égypte en premier, dans un acte d’agression, rendant l’occupation qui en a découlé illégale dès le départ. Lors de la réunion du Conseil de sécurité sur le sujet en 1967, l’argument de la légitime défense anticipée a été rejeté comme étant incompatible avec la Charte des Nations Unies[26]. Israël a fondé ses arguments de légitime défense sur deux motifs : premièrement, le blocus du détroit de Tiran par l’Égypte constituait un acte d’agression ; deuxièmement, il a agi en réponse aux attaques transfrontalières des colonnes blindées égyptiennes. Toutefois, le blocus du détroit de Tiran par l’Égypte était essentiellement un blocus égyptien de sa propre mer en réponse à une menace d’attaque de la part d’Israël, à la différence du « blocus des ports ou des côtes » d’Israël[27]. Comme le note Schwarzenberger, « l’Article 51 de la Charte permet de se préparer à la légitime défense »[28]. Les mesures préparatoires prises par un État en vue de la légitime défense comprennent des mesures de précaution spéciales dans ses eaux territoriales[29]. Néanmoins, le Ministère israélien des affaires étrangères a ouvertement publié qu’il avait lancé une attaque préventive contre l’Égypte, déclarant : « Israël a anticipé l’attaque inévitable en frappant l’armée de l’air égyptienne alors que ses avions étaient encore au sol »[30]. Compte tenu de l’interdiction des attaques préventives, l’attaque d’Israël contre l’Égypte peut être considérée comme un emploi illicite de la force, rendant illégale l’occupation qui en a découlé.

L’étude examine également la violation par Israël de trois normes impératives du droit international, signe que l’occupation belligérante est administrée d’une manière qui viole les principes de nécessité et de proportionnalité de la légitime défense. Tout d’abord, l’étude établit qu’en 1967, Israël a annexé de jure Jérusalem-Est avec l’adoption de la loi 5727-1967 relative aux ordonnances municipales (amendement no 6) ; puis, en 1980, en vertu de sa « Loi fondamentale sur Jérusalem » quasi-constitutionnelle, Israël a revendiqué la ville sur le plan constitutionnel en tant que « capitale d’Israël », démontrant ainsi sa volonté d’acquérir le territoire de manière permanente[31]. L’étude conclut également qu’Israël a annexé de facto la zone C de la Cisjordanie. En 1967, le conseiller juridique du Ministère israélien des affaires étrangères a communiqué, dans un câble classifié, les raisons annexionnistes pour lesquelles Israël ne pouvait pas appliquer la quatrième Convention de Genève (1949) : « Nous devons laisser ouvertes toutes les options concernant les frontières, nous ne devons pas reconnaître que notre statut dans les territoires administrés est simplement celui d’une Puissance occupante »[32]. Pendant des décennies, les gouvernements israéliens successifs ont mis en œuvre des plans directeurs pour coloniser la Cisjordanie. En 1992, sur les 70 000 hectares de terres palestiniennes situés dans la zone C, seuls 12 % restaient disponibles pour des projets palestiniens après une appropriation par Israël en tant que « terres domaniales »[33]. Dans le même temps, Israël a radicalement modifié la démographie de la zone C, en y transférant plus de 500 000 colons juifs israéliens[34] – une mesure irréversible aux conséquences permanentes et révélatrice de l’expression de la souveraineté[35]. Entre-temps, Israël applique un certain nombre de ses lois nationales directement à la Cisjordanie, notamment la loi sur l’enseignement supérieur[36] et la loi sur le tribunal des affaires administratives[37].

Deuxièmement, la manière dont Israël administre la Palestine occupée, caractérisée par une occupation prolongée et par des politiques et des plans d’implantation de colonies de peuplement, constitue également une violation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes[38]. Compte tenu de la durée considérable de l’occupation belligérante par Israël, qui se prolonge maintenant depuis environ 56 ans après la résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité appelant à son « retrait », depuis 45 ans après les Accords de Camp David mettant fin au conflit avec l’Égypte et depuis 39 ans après l’Accord de paix avec la Jordanie, il est clair que la menace initiale présumée ayant incité Israël à recourir à la force dans le cadre d’une légitime défense préventive a complètement et irrévocablement pris fin. Dans le même temps, le zonage par Israël des biens immobiliers palestiniens pour des implantations résidentielles, agricoles, industrielles et touristiques, des réserves naturelles et archéologiques et des zones de tir militaire a entraîné l’accaparement de plus de 100 000 hectares de terres palestiniennes privées et publiques et la démolition de plus de 50 000 habitations palestiniennes depuis 1967[39]. L’altération des faits sur le terrain, l’effacement de la présence palestinienne et l’ingérence d’Israël dans le processus démocratique sont menés, selon nous, pour compromettre la viabilité de la Palestine en tant qu’État indépendant, en niant le droit collectif du peuple palestinien à disposer de lui-même[40].

Troisièmement, il est de plus en plus reconnu qu’Israël met en œuvre des politiques et des pratiques d’apartheid discriminatoires à l’encontre des Palestiniens des deux côtés de la Ligne verte[41]. Notamment, Israël confère des droits aux Juifs israéliens et pratique une discrimination systématique à l’encontre des Palestiniens. La loi sur l’acquisition des terres (5713-1953), par exemple, facilite l’aliénation des terres palestiniennes confisquées au profit de diverses institutions de l’État israélien, y compris l’Autorité de développement. Des organisations paraétatiques, telles que l’Agence juive et l’Organisation sioniste mondiale, sont chargées d’exercer une discrimination matérielle, notamment par l’attribution de terres palestiniennes confisquées à des Juifs israéliens[42]. Dans le même temps, les Juifs israéliens peuvent revendiquer la propriété de biens résidentiels palestiniens dans la Jérusalem-Est occupée en vertu de la loi sur les questions juridiques et administratives (1970)[43]. Les gouvernements successifs ont cherché à créer une majorité démographique juive et à réduire et à éliminer les Palestiniens. En vertu de la loi du retour adoptée par Israël (1950), « tout Juif a le droit de venir dans ce pays en qualité d’Oleh » et la citoyenneté israélienne est « accordée à tout Juif qui a exprimé son désir de s’installer en Israël »[44]. Dans le même temps, quelque sept millions de réfugiés palestiniens se voient refuser leur droit au retour, dont 450 000 Palestiniens déplacés en tant que réfugiés pendant la Naksa découlant de la Guerre de Six Jours de 1967[45]. Ces pratiques indiquent, entre autres, qu’Israël administre le Territoire palestinien occupé sous un régime de discrimination raciale systématique et d’apartheid.

La section conclut que la violation de l’interdiction de l’annexion, le refus de l’exercice du droit à l’autodétermination et l’application d’un régime d’apartheid en Palestine occupée par Israël sont autant d’indices d’une administration illégale de mauvaise foi du territoire occupé, en violation des principes d’immédiateté, de nécessité et de proportionnalité de la légitime défense. L’étude examine ensuite les effets d’une occupation de mauvaise foi sur l’exercice du droit externe à l’autodétermination des peuples. En raison du statut d’ancien territoire sous mandat de la Palestine, lequel fait l’objet d’une « mission sacrée » envers le peuple palestinien, la communauté internationale reste tenue par une obligation internationale « de ne reconnaître aucune modification unilatérale du statut de ce territoire »[46]. L’idée selon laquelle les territoires occupés ou les anciens territoires sous mandat reviendraient à un statut colonial a été écartée de manière définitive dans l’avis consultatif sur le Sud-Ouest africain, dans lequel la Cour internationale de Justice a expliqué qu’« [a]ccepter la thèse du Gouvernement sud-africain sur ce point aurait abouti au retour des territoires sous mandat au statut colonial et au remplacement virtuel du système des mandats par l’annexion, solution qui avait été résolument écartée en 1920 »[47]. Il est important de noter que la situation en Palestine a été reconnue comme une « question de droit à l’autodétermination des peuples sous domination coloniale ou étrangère » qui n’a pas encore été tranchée[48]. En tant que telle, l’occupation de mauvaise foi du territoire palestinien par Israël, qui le traite comme un « territoire contesté » sans souveraineté, et qui enchaîne les annexions de jure et de facto, les manipulations démographiques et les entreprises de colonisation, entre autres, viole le droit permanent à l’autodétermination et à la souveraineté du peuple palestinien en tant que territoire sous mandat.

Partie V – Obligation de faire cesser l’occupation illégale

Le droit international sur la responsabilité de l’État impose qu’Israël mette fin aux faits internationalement illicites et offre « des assurances et des garanties de non-répétition appropriées »[49]. En particulier, la Cour internationale de Justice a estimé que l’Afrique du Sud avait l’obligation de « retirer son administration du territoire de la Namibie » ; de la même manière, dans l’affaire Chagos, elle a encouragé le Royaume-Uni à mettre fin à son administration de l’archipel des Chagos « dans les plus brefs délais »[50]. Pour la Palestine, une restitution appropriée peut donc prendre la forme d’une libération des prisonniers politiques palestiniens, d’une restitution des biens, y compris des biens culturels saisis par les autorités d’occupation, d’un démantèlement des colonies israéliennes illégales en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est, d’une levée du blocus de la bande de Gaza, d’un démantèlement du régime institutionnalisé de lois, de politiques et de pratiques d’apartheid discriminatoires et d’un démantèlement de l’administration d’occupation. Étant donné qu’Israël n’a pas mis en œuvre l’avis consultatif précédent sur la construction du mur d’annexion, les assurances et les garanties de non-répétition risquent d’être une solution insuffisante[51]. Il pourrait également être nécessaire de créer une commission d’indemnisation arbitrale neutre chargée d’examiner les demandes d’indemnisation collectives découlant des conséquences des violations commises par la Puissance occupante[52]. Notamment, une étude réalisée en 2019 par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement a conclu que les coûts fiscaux cumulés de l’occupation israélienne pour l’économie palestinienne au cours de la période 2000-2019 étaient estimés à 58 milliards de dollars. Dans la bande de Gaza, les coûts économiques de l’occupation pour la période 2007-2018 ont été estimés à 16,7 milliards de dollars[53]. L’exploitation des ressources naturelles et l’impossibilité d’en tirer profit ont coûté à l’économie palestinienne, sur dix-huit ans, 7,162 milliards de dollars en recettes du gaz provenant de la mer de Gaza et 67,9 milliards de dollars en recettes du pétrole provenant du champ pétrolier de Meged à Rantis[54]. Au total, depuis 1948, les pertes subies par la Palestine sont évaluées à plus de 300 milliards de dollars[55].

L’étude souligne que l’occupation illégale et les violations des normes impératives du droit international par Israël ont des conséquences internationales[56] et que les États tiers et la communauté internationale sont tenus de mettre fin à l’administration illégale du territoire occupé. Ce faisant, l’étude souligne la nécessité d’une désoccupation et d’une décolonisation complètes du territoire palestinien, en commençant par le retrait immédiat, inconditionnel et total des forces d’occupation israéliennes et le démantèlement de l’administration militaire. Il est crucial que le retrait, qui marque la fin d’un fait internationalement illicite, ne fasse pas l’objet de négociations. Des sanctions et des contre-mesures complètes, y compris des restrictions économiques, des embargos sur les armes et la rupture des relations diplomatiques et consulaires, devraient être mises en œuvre immédiatement, en tant que réponse erga omnes des États tiers et de la communauté internationale aux graves violations par Israël des normes impératives du droit international. La communauté internationale doit prendre des mesures immédiates en vue de la réalisation des droits collectifs du peuple palestinien, y compris des réfugiés et des exilés de la diaspora, en commençant par un plébiscite organisé sous la surveillance de l’Organisation des Nations Unies, afin d’entreprendre l’achèvement de la décolonisation.

Par sa résolution 2334 (2016), notamment, le Conseil de sécurité a exhorté, sans tarder, à des efforts internationaux et diplomatiques pour « mettre fin à l’occupation israélienne qui a commencé en 1967 ». Toutefois, les efforts diplomatiques déployés depuis les années 90 semblent reposer sur le principe discutable de l’échange de territoires contre la paix qui, s’il était invoqué pour priver la population palestinienne protégée de ses droits inaliénables à l’autodétermination et à la souveraineté permanente sur les ressources nationales, constituerait également un fait internationalement illicite. En tant que telle, l’obligation de retrait de l’État d’un territoire illégalement occupé est inconditionnelle, immédiate et absolue. Les résolutions de l’Assemblée générale prévoient des conditions importantes pour le « retrait inconditionnel et total » d’Israël, ce qui signifie que le retrait ne doit pas faire l’objet de négociations, mais qu’il s’agit plutôt de mettre fin à un fait internationalement illicite.

Conclusion

La feuille de route la plus crédible pour la désoccupation et la décolonisation du territoire palestinien consiste à faire la synthèse des nombreuses recommandations formulées par les États tiers et par la communauté internationale dans les affaires Chagos et Namibie. Il est également clair que le droit général sur la responsabilité de l’État pour des violations graves de normes impératives du droit international peut s’inspirer des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, qui donnent « une idée générale applicable à toutes les situations créées par des violations graves », y compris l’interdiction de l’aide ou de l’assistance au maintien du régime illégal[57]. Naturellement, l’enceinte la plus appropriée pour examiner la légalité de l’occupation est la Cour internationale de Justice. Que l’occupation soit illégale ab initio ou qu’elle le devienne, les conséquences devraient être le retrait immédiat, inconditionnel et total des forces militaires d’Israël, le retrait des colons et le démantèlement du régime administratif militaire, avec des instructions claires selon lesquelles le retrait pour violation d’un fait internationalement illicite n’est pas sujet à négociation. Des réparations complètes et proportionnées devraient être octroyées aux personnes, sociétés et entités palestiniennes concernées pour le préjudice générationnel causé par l’appropriation de terres et de biens, les démolitions de maisons, le pillage des ressources naturelles, le refus du retour et d’autres crimes de guerre et crimes contre l’humanité orchestrés par Israël, occupant illégal, à des fins colonialistes et annexionnistes.

[1] Sir Robert Jennings, Arthur Watts, Oppenheim’s International Law, Volume I, Peace (9e édition, Longman, Londres et New York) 204.

[2] « Ottoman Debt Arbitration », Borel Arbitration, 3 International Law Reports 1925-1926, (28 avril 1925) affaire n360.

[3] Gregory H. Fox, « Occupation transformative et impulsion unilatéraliste », 885 Revue internationale de la Croix-Rouge, (mars 2012) 237.

[4] Shwenk Edmund H., « Legislative Power of the Military Occupant under Article 43 Hague Regulations », 54(2) Yale Law Journal (1944-1945) 393-416, 399.

[5] Cour suprême de Norvège, A. v. Oslo Sparebank (The Crown Intervening) (14 janvier 1956) International Law Reports Year, 1956, p. 791.

[6] Michael Lynk, « Prolonged Occupation or Illegal Occupant ? » (EJILTalk, 16 mai 2018).

[7] Cour internationale de Justice, Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 168, par. 345, p. 280.

[8] Résolution 674 du Conseil de sécurité du 29 octobre 1990, par. 8.

[9] Résolution 435 (1978) du Conseil de sécurité, par. 2 ; résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité.

[10] Résolution 62/243 de l’Assemblée générale du 25 avril 2008, par. 5.

[11] Résolution 3061 (XXVIII) de l’Assemblée générale, par. 2.

[12] Commission des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies, Situation au Kampuchea (27 février 1985) E/CN.4/RES/1985/12, par. 3.

[13] Résolution 32/20 (1977) de l’Assemblée générale, préambule ; voir également la résolution 3414 (XXX) de l’Assemblée générale du 5 décembre 1975, par. 1.

[14] Conseil économique et social de l’ONU, E/RES/2010/6 (20 juillet 2010), E/RES/2013/17 (9 octobre 2013), E/RES/2015/13 (19 août 2015) et E/RES/2016/4 (22 juillet 2016).

[15] Ministère des affaires étrangères, Israeli Settlements and International Law (30 novembre 2015).

[16] HCJ 1661/05, Gaza Coast Regional Council v Knesset of Israel (9 juin 2005) par. 3.

[17] Amarachi Orie, « Australia Reverses Decision to Recognise West Jerusalem as Israel’s Capital », Sky News, 25 octobre 2022.

[18] Ministère des affaires étrangères, Israeli Settlements and International Law (30 novembre 2015).

[19] Tribunal militaire international de Nuremberg, procès de Goring, von Schirach et autres, 1946-49, 10 Law Reports of the Trials of War Criminals (1946 – 1949), p. 533.

[20] Antonio Cassese, Self-determination of Peoples : A Legal Reappraisal (CUP 1995) 99 ; Christine Gray, International Law and the Use of Force (OUP 2008) 154-155.

[21] Cour internationale de Justice, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 213, par. 237.

[22] Cour internationale de Justice, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996, p. 245, par. 42.

[23] HCR « Implementation of United Nations Resolutions Relating to the Right of Peoples Under Colonial and Alien Domination to Self-Determination », étude préparée par M. Hector Gros Espiell, rapporteur spécial, (20 juin 1978) E/CN.4/Sub.2/405 (vol.I), par. 78.

[24] Cour internationale de Justice, Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 90, par. 29.

[25] Cour internationale de Justice, Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 554, opinion individuelle de M. Luchaire, p. 653.

[26] Documents officiels de l’Assemblée générale des Nations Unies (29 juin 1967), Doc. A/PV.1541, p. 7 ; Documents officiels de l’Assemblée générale des Nations Unies (27 juin 1967), Doc. A/PV.1538, p. 9.

[27] Tom Ruys, « Armed Attack » and Article 51 of the United Nations Charter, Evolutions in Customary Law and Practice (CUP 2010) 277.

[28] Schwarzenberger, International Courts, Volume II, The Law of Armed Conflict (Stevens and Sons Limited 1968) 35.

[29] Cour internationale de Justice, Affaire du Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond, arrêt du 9 avril 1949, C.I.J. Recueil 1949, p. 4, par. 29.

[30] Ministère israélien des affaires étrangères, «1967: The Six-Day War and the Historic Reunification of Jerusalem» (2013).

[31] Loi fondamentale sur Jérusalem, Capitale d’Israël, 34 Laws of the State of Israel 209 (1980).

[32] « The Comay-Meron Cable Reveals Reasons for Israeli Position on Applicability of 4th Geneva Convention » (Akevot, 20 mars 1968).

[33] ONU-Habitat, « Spatial Planning in Area C of the Israeli Occupied West Bank of the Palestinian Territory Report of an International Advisory Board » (mai 2015) 18.

[34] Population – Statistical Abstract of Israel 2019 – No. 70, Population of Jews and Others by Natural Region (2018); OCHA, «Under Threat: Demolition orders in Area C of the West Bank»; Claire Parker, « Jewish Settler Population in West Bank Passes Half a Million » The Washington Post (2 février 2023).

[35] Al-Haq, Establishing Guidelines to Determine whether the Legal Status of ‘Area C’ in the Occupied Palestinian Territory represents Annexed Territory under International Law (2020) 47.

[36] « Israel’s Creeping Annexation : Knesset Votes to Extend Israeli Law to Academic Institutions in the West Bank », Haaretz, 12 février 2018.

[37] Naschitz Brandes Amir, « Administrative Law : The Jurisdiction of the Administrative Affairs Court is Extended to Cover a Variety of Additional Matters » Lexology (4 mars 2016)

[38] Cour pénale internationale, Demande présentée par l’Accusation en vertu de l’Article 19-3 du Statut pour que la Cour se prononce sur sa compétence territoriale en Palestine, No ICC-01/18 (22 janvier 2022), par. 9.

[39] Amnesty International, L’occupation israélienne : 50 ans de spoliations, 2017.

[40] HCJ 7803/06, Khalid Abu Arafeh, et al. v Minister of Interior (2006).

[41] CERD/C/ISR/CO/17-19, Observations finales concernant le rapport d’Israël valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques (27 janvier 2020) par. 23 ; HCR, « Israel’s 55-year Occupation of Palestinian Territory is Apartheid – UN Human Rights Expert » (25 mars 2022) ; Al-Haq et al, Israeli Apartheid : Tool of Zionist Settler Colonialism (29 novembre 2022) ; Al Mezan, The Gaza Bantustan – Israeli Apartheid in the Gaza Strip (29 novembre 2021) ; Addameer et Harvard Human Rights Clinic, Joint Submission on Apartheid to the UN Independent Commission of Inquiry on the Occupied Palestinian Territory and Israel (3 mars 2022) ; B’Tselem, A regime of Jewish Supremacy from the Jordan River to the Mediterranean Sea : This is Apartheid (12 janvier 2021) ; Human Rights Watch, A Threshold Crossed, Israeli Authorities and the Crimes of Apartheid and Persecution (27 avril 2021) ; Amnesty International, L’apartheid israélien envers le peuple palestinien, Retour sur plusieurs décennies d’oppression et de domination (2022).

[42] Constitution de l’Organisation sioniste mondiale et ses règlements d’application (mis à jour en novembre 2019). L’article 2 de la Constitution de l’Organisation sioniste mondiale dispose que « le but du sionisme est de créer pour le peuple juif un foyer en Eretz Israël garanti par le droit public ».

[43] Organisation des Nations Unies, « Amid International Inaction, Israel’s Systematic “Demographic Engineering” Thwarting Palestinians’ Ability to Pursue Justice, Speakers Tell International Conference East Jerusalem Crisis “Far from Over”, Under-Secretary-General Says, Warning Threats to Status Quo in Holy City Can Have Severe Global Repercussions » (1er juillet 2021).

[44] Loi du retour 5710-1950 (5 juillet 1950).

[45] État de Palestine, « It Is Apartheid : The Reality of Israel’s Colonial Occupation of Palestine » (juin 2021) 18.

[46] Cour internationale de Justice, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004, p. 136, opinion individuelle de M. Koroma, par. 7.

[47] Cour internationale de Justice, Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 16, p. 21.

[48] Hector Gros Espiell, Rapporteur spécial de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, « The Right to Self-Determination Implementation of United Nations Resolutions » (1980) 48-51.

[49] Articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite (2001), art. 30, points a) et b).

[50] Cour internationale de Justice, Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019, p. 25, para. 178.

[51] Cour internationale de Justice, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004, p. 136.

[52] Par exemple, le traité de paix signé entre l’Éthiopie et l’Érythrée le 12 décembre 2000, qui prévoyait la création d’une commission d’indemnisation arbitrale neutre.

[53] Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, « Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : l’appauvrissement de Gaza sous le blocus » (2020) p. 34.

[54] Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, « Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : le potentiel gazier et pétrolier inexploité » (2019), p. 15, 25.

[55] Ibid.

[56] Rosalyn Higgins, « The Place of International Law in the Settlement of Disputes by the Security Council », 64 AM. J. INT’L L. 1, (1970) 8 ; Gabriella Blum, « The Fog of Victory » 24 Eur. J. Int’l L. (2012) 391 ; Omar Dajani, « Symposium on Revisiting Israel’s Settlements : Israel’s Creeping Annexation », 111 American Journal of International Law (2017) 52 ; Salvatore Fabio Nicolosi, « The Law of Military Occupation and the Role of De Jure and De Facto Sovereignty » XXXI Polish Yearbook of International Law (2011).

[57] Résolution 1284 (1999) du Conseil de sécurité, p. 115, par. 12.

 

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2024-08-06T10:28:30-04:00

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