19/03/2019

Unis dans le deuil

par António Guterres

Dimanche dernier, mon cœur s’est brisé à l’annonce matinale de la nouvelle : « Un avion à destination de Nairobi s’est écrasé peu après son décollage d’Addis-Abeba ».

Le couloir aérien reliant le siège éthiopien de l’Union africaine au siège africain de l’Organisation des Nations Unies au Kenya nous est tellement familier, que nombreux sont ceux qui l’appellent la « navette de l’ONU ». Il était presque certain que, si une tragédie devait survenir dans ce couloir, elle frapperait de plein fouet le personnel onusien. Et le moment de l’accident, soit la veille de la plus grande conférence de l’ONU sur l’environnement à Nairobi, ne fait qu’accroître ma préoccupation. Il s’est écoulé peu de temps avant que nos pires craintes ne deviennent réalité. Parmi les 157 victimes de dizaines de nationalité, 21 de nos collègues de l’ONU ont perdu la vie.

Qui étaient-ils?

Comme toujours dans ce genre de tragédie, un groupe arbitraire frappé par le sort. Mais c’était aussi un groupe qui reflétait l’ONU : des femmes et des hommes, de jeunes administrateurs et de hauts responsables chevronnés, en provenance de toutes les régions du globe et dotés d’un vaste éventail de spécialités.

Ils œuvraient pour le maintien de la paix et la lutte contre les changements climatiques, pour l’autonomisation des femmes et la réduction des déchets en plastique dans les océans, pour les populations forcées à fuir leurs domiciles, et bien plus encore.

Ils étaient accompagnés, sur ce vol funeste, par de nombreux autres partenaires de la société civile ou de l’action humanitaire, toute une constellation d’activistes et de militants que l’ONU réunit régulièrement.

Il s’agissait notamment de délégués représentant la jeunesse à la conférence sur l’environnement, qui, comme l’un d’entre eux l’a écrit, débordaient d’enthousiasme à la perspective de « débattre des questions écologiques, [...] rencontrer d’’autres jeunes et meneurs du monde entier et [...] partager les messages avec autant de gens que possible au retour ».

Oui, il s’agissait de personnes exceptionnelles, dont l’engagement mondial dynamique brille d’un éclat particulièrement lumineux dans le contexte de cette tragédie. Mais en même temps, c’était aussi des personnes ordinaires. Vous pouviez aussi bien les trouver en train d’apporter de la nourriture aux victimes de guerre que les entendre raconter les dernières nouvelles concernant un mariage, un anniversaire ou un match de foot.

En cette époque où de nombreuses critiques remettent en cause la coopération internationale, voire tournent en dérision la notion même de multilatéralisme, souvenez-vous de ces vies fauchées et de leurs missions.

Quelle que soit la zone troublée de la planète où vous vous rendez, vous les y trouverez. Quel que soit le grand problème mondial auquel vous pensez, vous les trouverez au travail, loin de chez eux et sans fanfare.

Imperméables au cynisme, chaque jour ils vont là où ils peuvent mettre en pratique leurs convictions et exercer leur volonté d’améliorer notre monde du mieux qu’ils peuvent, simplement en se rendant là où c’est nécessaire et en agissant.

Au fond, le multilatéralisme, qu’est-ce que c’est ? Ce sont des femmes et des hommes du monde entier qui unissent leurs forces pour que tous puissent mieux vivre sur notre planète.

Prenez le temps de méditer sur ces vies et de penser à leur œuvre. Ils ont travaillé pour vous, ils ont contribué à améliorer la vie de chacun en ce monde.