21 avril 2020 — « Pensons aux plus vulnérables parmi les vulnérables dans le monde », déclarait le Secrétaire général de l’ONU à l’occasion des fêtes de Pâques, de la Pâque juive et du Ramadan. Plus d’un milliard d’entre eux vivent dans des établissements informels ou des bidonvilles, des lieux surpeuplés où le lavage régulier des mains et la distanciation sociale se révèlent souvent impossibles. Particulièrement exposées à la COVID-19, ces populations n’ont en outre qu’un accès limité aux soins de santé et sont sujettes à l’insécurité alimentaire.

Selon le Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat), un bidonville se définit comme « une zone urbaine manquant des services de base et dont les habitants vivent dans des logements ne répondant pas aux normes, dans des conditions insalubres, dangereuses et de surpeuplement et sans garantie de maintien dans les lieux ».

Alors qu’une grande partie de l’humanité est confinée et que le logement est devenu « la protection première » contre le coronavirus, « le domicile a rarement autant été une question de vie ou de mort », a récemment pointé Leilani Farha, Rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à un logement convenable, dans une tribune retentissante.

Cette réalité concerne tout particulièrement l’Afrique, où la maladie de COVID-19 risque de faire au moins 300 000 morts, d’après une projection de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA).

Une vulnérabilité due au fait que « 56% de sa population urbaine est concentrée dans des bidonvilles ou habitations informelles et seulement 34% des ménages africains ont accès à des installations de base pour se laver les mains », a relevé Vera Songwe, Secrétaire exécutive de la CEA.

En réponse à cette urgence, ONU-Habitat s’appuie sur son expertise pour contribuer à la recherche de solutions aux côtés de gouvernements nationaux et locaux, d’organisations de la société civile et d’autres autres agences onusiennes parmi lesquelles le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Programme alimentaire mondial (PAM), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

 

« Le domicile a rarement autant été une question de vie ou de mort », Leilani Farha (Rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à un logement convenable)

 

Promouvoir des réponses communautaires

« La plupart des citadins pauvres vivent au jour le jour, sans réserve pour les crises prolongées », observe ONU-Habitat, sur la base de ses plus de 40 ans d'expérience dans les quartiers informels et les bidonvilles du monde entier. Face à une épidémie, précise l’agence « la réponse sanitaire doit s’accompagner d’une approche socioéconomique qui intègre les besoins de survie quotidiens des populations pour accéder aux moyens de subsistance et à la nourriture ».

Pour le contexte spécifique de la COVID-19, ONU-Habitat a collaboré avec la plateforme « Social Science in Humanitarian Action », spécialiste des réponses d’urgence à des crises comme l’épidémie Ebola. Il ressort de ces travaux que toute intervention en terrain informel doit se faire en partenariat étroit avec les réseaux d’autorités locales et les organisations communautaires afin de mobiliser une action rapide, fournir des conseils directs et accélérer l’apprentissage.

L’agence onusienne constate que les communautés des établissements informels et des bidonvilles ont « une capacité immense à s'auto-organiser, identifier leurs besoins et adapter des solutions innovantes à faible coût ». Il importe donc de reconnaître leur diversité sociale et culturelle et de les responsabiliser très tôt, dès la phase de préparation aux risques, explique-t-elle dans une note d’information.

Si on leur donne des ressources, les chefs communautaires ou religieux ainsi que les organisations de jeunes et de femmes sont en mesure de mobiliser, de former des bénévoles et de diriger des efforts de sensibilisation. Les gouvernements locaux doivent pour cela veiller à ce que ces groupes aient accès à des informations régulières, à un équipement adéquat et à la connectivité afin de pouvoir engager les populations.

Pour prévenir et contenir efficacement la COVID-19 sur ce type de terrain, ONU-Habitat préconise d’inclure dans toute réponse la mise à disposition d'installations de proximité pour le dépistage, l'auto-isolement et les soins de santé. Elle rappelle également que l’accès à l'eau et à l'assainissement abordable, droit de l’homme fondamental, est le meilleur moyen de ralentir la propagation du virus.

L’eau et l’assainissement, priorités absolues

Se laver les mains à l’eau et au savon est une des principales recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Reste que mettre en pratique ce geste barrière dans un bidonville ou un campement informel relève du parcours du combattant. Les points d’eau, lorsqu’ils sont disponibles, ne se trouvent qu’à certains endroits et leur accès peut être rendu plus difficile encore lorsque qu’il existe des restrictions de mouvement pour prévenir ou endiguer l’épidémie.

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) livre des installations portables de lavage des mains au Soudan dans le cadre de l'intervention d'urgence suite à l’épidémie mondiale de COVID-19.

Sous la direction d’ONU-Eau, mécanisme interinstitutions de l’ONU pour les questions liées à l’eau, la famille onusienne œuvre à la mise en place d’arrivées d’eau potable et de points de lavage des mains dans des emplacements-clés des établissements informels. Ces installations d’urgence peuvent prendre la forme de stations reliées à des réservoirs d’eau ou de bornes fontaines alimentée directement par l’eau courante. Une attention particulière est accordée à un assainissement sûr, d’autant plus que des traces du coronavirus ont récemment été découvertes dans des eaux usées.

Dans ce cadre, un rôle central est joué par l’Alliance mondiale des partenariats d’entreprises de distribution d’eau (GWOPA). Dirigé par ONU-Habitat, ce réseau international de prestataires d’eau et de systèmes d’assainissement permet à ses membres de se soutenir mutuellement sans but lucratif, d’échanger des informations et des conseils techniques, notamment sur la réponse à la pandémie. Par son biais, les services publics peuvent être encouragés à maintenir la continuité des services d’eau et d’assainissement et leur accessibilité financière dans les zones les plus pauvres de pays ou de territoires.

En complément des efforts d’infrastructure, les différentes entités de l’ONU s’emploient à mobiliser les groupes communautaires en s’appuyant sur des réseaux de bidonvilles et des centres de jeunes afin de former des volontaires à la gestion des installations de lavage des mains et à la diffusion de campagne de sensibilisation à l’hygiène de base.

Un engagement aux différentes phases de la crise

Dans les centres urbains à faibles capacités et à degré élevé d'informalité, tels que bidonvilles, la phase de préparation et l’action précoce se révèlent extrêmement critiques. Afin de maximiser cette première étape, ONU-Habitat se concentre sur la mobilisation de partenaires locaux solides et sur l’action directe, là où il y a une structure opérationnelle existante.

Grâce au soutien du Programme participatif de réhabilitation des bidonvilles (PSUP) de l‘agence, deux établissements informels de Mtwapa, sur la côte kenyane, ont ainsi acquis un fort niveau de préparation à la COVID-19. Les habitants des implantations de Majengo et de Mzambarauni disposent de trois kiosques à eau fournis par le PSUP, tandis que des groupes locaux de femmes produisent du savon à faible coût. L’eau est fournie à un prix abordable depuis 2014 et une collecte des ordures est organisée au niveau communautaire pour renforcer la salubrité des lieux.

Le PSUP travaille actuellement avec le gouvernement du comté de Kilifi et l’ONG locale « Shining Hope for Communities » à la mise en place de 20 installations supplémentaires de lavage des mains. Parallèlement, des volontaires sont formés par le gouvernement local dans des centres communautaires créés par le programme. Outre les informations pratiques qu’ils diffusent en faisant du porte-à-porte, ils sont chargés de collecter des données sur l’état de santé des habitants et sont habilités à contacter les autorités s’ils décèlent des cas positifs.

Véritable laboratoire des opérations menées par le PSUP dans les régions Afrique, Caraïbes et Pacifique, Mtwapa est aujourd’hui considéré comme un modèle de prévention durable dans les établissements informels. Mais l’action d’ONU-Habitat ne se limite pas à la préparation. Pendant la phase de riposte, l’agence met à profit son expertise urbaine pour conseiller les autorités nationales et locales, les équipes de pays des Nations Unies et les partenaires clés. L’objectif est d’adapter la réponse aux différentes zones et d’ajouter de la valeur à une réponse intégrée plus large.

Qu’il s’agisse d’analyses cartographiques permettant d’anticiper les points sensibles et leurs relations avec les services essentiels, de mécanismes de coordination entre les différents acteurs de la réponse ou encore d’études sur les mesures nécessaires pour atténuer les impacts socioéconomiques de la crise sur des populations privés de moyens de subsistance, ONU-Habitat a développé un grand nombre d’outils pour aider les bidonvilles à accroître leur résilience.

Au-delà de la pandémie, elle travaille, de concert avec les communautés et en soutien des autres entités onusiennes impliquées, à l’élaboration de solutions structurelles aux problèmes multidimensionnels de ces zones urbaines informelles. Son espoir : « sortir plus fort de cette crise et se rapprocher de la réalisation des Objectifs de développement durable ».