UNCCP – Territorial questions, repatriation of refugees – Letter to Israel (French text only)


Letter en date du 10 novembre 1949 adressé
au Représentant permanent d’Israël auprès des Nations Unies
par le Président de la Commission de conciliation

J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre du 27 octobre 1949, par laquelle vous avez bien voulu me transmettre les observations du Gouvernement d’Israël au sujet de la note qui a été présentée à la délégation israélienne par la Commission de conciliation, à Lausanne, le 12 septembre 1949.

La Commission a étudié le contenu de votre lettre. Tout en prenant acte de la position que le Gouvernement d’Israël a, dans les circonstances actuelles, adopté à l’égard de certaines questions dont dépend la solution même du problème de Palestine, la Commission désire écarter toute possibilité de malentendu et estime en conséquence nécessaire de procéder à certaines mises au point.

1. La Commission a enregistré avec satisfaction la déclaration par laquelle votre Gouvernement réaffirme son désir de collaborer avec la mission économique d’études. Toutefois, si l’on considère qu’aux termes de votre lettre l’évolution récente dans le Moyen-Orient a renforcé vos “craintes de voir tout rapatriement arabe porter gravement atteinte à la sécurité d’Israël”, on serait fondé à se demander si le Gouvernement d’Israël est toujours prêt admettre sur son territoire actuel une population totale de 250.000 Arabes, conformément à l’offre qu’il a faite à la Commission à Lausanne. La Commission présume quo cette offre est toujours valable.

En ce qui concerne la question du droit des réfugiés à rentrer dans leurs foyers, la Commission croit devoir également faire observer que l’attitude israélienne n’est pas conforme aux termes du paragraphe 11 de la résolution du 11 décembre 1948 que l’Assemblée générale a adoptée après avoir pris connaissance des points de vue des différentes parties intéressées.

2. Dans votre lettre du 27 octobre, vous avez déclaré que, de l’avis de votre Gouvernement, l’attitude de la Commission à l’égard de la proposition territoriale israélienne du 31 août, à savoir que cette proposition, “considérée dans son ensemble, dépasse les limites de ce qu’on pourrait considérée dans le sens le plus large comme des “aménagements” à la carte annexée au procès-verbal du 12 mai”, ne tenait compte «ni des réalités ni de l’équité”, car elle “signifierait qu’Israël, à in différence des quatre autres Etats en cause, devrait se déclarer prêt à renoncer à certaines parties du territoire qu’il gouverne actuellement”.

A cet égard, il semble que les conclusions de votre Gouvernement découlent d’une conception erronée des intentions de la Commission; le procès-verbal du 12 mai a été proposé pour réaliser le plus rapidement possible, les objectifs définis par la résolution du 11 décembre 1948 de l’Assemblée générale, en ce qui concerne les réfugiés, le respect de leurs droits et la conservation de leurs biens, ainsi que les questions de caractère territorial ou autre. A cet effet, le document de travail joint au procès-verbal devait être pris comme “base discussions” avec la Commission. Les délégations intéressées ont accepté cette proposition, étant entendu que les échanges du vues auxquels la Commission procéderait avec les deux parties porteraient sur les aménagements territoriaux nécessaires aux objectifs indiqués ci-dessus. La Commission ne peut pas admettre que l’acceptation par les délégations israélienne et arabes du document annexé au procès-verbal du 12 mai comme base de discussion et des propositions ultérieures de la Commission relatives aux questions territoriales implique nécessairement qu’Israë1 doive être le soul des Etats en cause à se déc1arer prêt a renoncer à certaines parties du territoire actuellement soumis à son autorité. La Commission a considéré que les « aménagements » pourraient entrainer de part, et d’autre certains abandons du territoire qui est actuellement occupé.

D’autre part, la signature du procès-verbal par les délégations a bien pour effet de limiter leurs échanges de vues aux “aménagements territoriaux” nécessaires, aux objectifs acceptés dans le procès-verbal.

3. Il peut être ici intéressant de faire observer qu’en adoptant le document ci-dessus come base de discussions pour la question territoriale, le chef de la délégation d’Israël à Lausanne n’a fait simplement que se conformer à l’attitude adoptée à cet égard par la représentant d’Israël au cours de la troisième session ordinaire de l’Assemblée générale. Lors de la 208éme séance de la Commission politique, le représentant d’Israël a insisté pour que 1es aménagements territoriaux ne soient effectués que par voie de libres négociations entre les parties sur la base de la résolution de novembre.

4. La proposition israélienne tendant à ce que le territoire soumis à l’occupation militaire d’Israël en vertu des quatre Conventions d’armistice soit formellement reconnu comme territoire israélien sort du cadre des discussions envisagées par le procès-verbal. A cet égard, la Commission désire faire observer que votre déclaration selon laquelle “le procès-verbal n’engageait nullement le Gouvernement d’Israël à revenir aux limites de l’Etat juif qui étaient définies dans 1a résolution de 1’Assemblée générale du 29 novembre 1947”, ne s’applique pas à la situation actuelle puisque le procès-verbal du 12 mai n’a jamais eu pour objet de définir des frontières, mais simplement de servir de base de discussion pour ces questions territoriales. En ce qui concerne les réserves formulées par le chef de la délégation israélienne à Lausanne dans une lettre adressée en date du 9 mai 1949 au Président de la Commission, il convient de faire remarquer qu’avant la signature du procès-verbal du 12 mai, le Président de la Commission a demandé du chef de la délégation de lui expliquer le sens de la communication de la délégation israélienne. Le texte du compte rendu analytique de cette séance, qui été communiqué à 1a délégation israélienne et accepté par elle sans observation de sa part est ainsi conçu;

“Au cours de la séance et avant de signer le procès-verbal ci-joint, M. EYTAN dit qu’il désire indiquer clairement (conformément aux termes de sa note à la Commission) qu’il signe le procès-verbal en question sous réserve des termes de la lettre en date du 9 mai qu’il a adressée au Président de la Commission et dans laquelle il déclarait que sa délégation était disposée à accepter la proposition de la Commission à la condition qu’aucune communication ne serait faite à la presse sur ce sujet et que son acceptation est donnée sans préjudice du droit de sa délégation de s’exprimer librement en ce qui concerne les points en question sur lesquels elle réserve complètement sa position. M. Eytan a également rappelé eu’ au cours d’une séance, le 3 mai, il a informé la Commission que sa délégation ne peut prendre part échange de vues avec la délégation syrienne avant la conclusion d’une convention d’armistice entre Israël et la Syrie. M. Eytan signe le procès-verbal sous cette réserve déjà exprimée qui garde touts sa force.

“Le PRESIDENT demande des éclaircissements sur la déclaration que in délégation israélienne » réserve sa position” sur les points en question. I1 entend que cette déclaration signifie simplement que la délégation israélienne se réserve le droit de ne pas accepter certaines parties des frontières du plan de partage et d’en proposer d’autres, mais que le plan de partage continuera d’être pris comme base de travail.

“M. EYTAN confirme que tel est bien le sens de ce membre de phrase”.

En conséquence, il y a lieu de penser que le Gouvernement d’Israël reconnaîtra que les observations qu’il a formulées sur l’impossibilité d’appliquer la résolution du 29 novembre 1947 sont sans rapport avec l’avis exprimé par la Commission sur les propositions territoriales de ce Gouvernement, puisque cet avis est fondé sur le procès-verbal du 12 mai 1949.

5. En faisant part des droits de souveraineté que votre Gouvernement revendique à l’égard du territoire sur lequel s’exerce en fait on autorité, vous déclarez, entre autres, que “tout ce territoire se trouve détenu en vertu d’accords internationaux valables”. Or, il y a lieu de rappeler que des Conventions d’armistice contiennent des clauses spéciales, aux termes desquelles les parties “reconnaissant également qu’aucune des clauses de la présente convention ne préjugera en aucune manière, les droits, revendications et positions de l’une ou l’autre des parties à ladite Convention lors du règlement pacifique définitif de la question palestinienne, les clauses de la présente Convention étant exclusivement dictées par des considérations d’ordre militaire”, (article 2, paragraphe 2 de la Convention d’armistice général entre le Liban et Israël); et “la ligne de démarcation ne doit nullement considérée comme une frontière politique nu territoriale; elle est tracée sans préjudice des droits, revendications et positions des deux parties au moment de l’armistice en ce qui concerne le régalement définitif de la question palestinienne”. (article 5, paragraphe 2 de la Convention d’armistice avec l’Egypte, article 6, paragraphe 9, de la Convention d’armistice avec le Royaume hachémite de Jordanie, et article 5, paragraphe 1 de la Convention d’armistice avec la Syrie). Ces Conventions ne donnent donc aucunement au Gouvernement d’Israël le droit de revendiquer la totalité du territoire actuellement soumis à son autorité.

6. La Commission ne croit pas qu’il soit utile de relever les affirmations ou opinions contenues dans les paragraphes 6, 7 et 8 de votre lettre et qui ont trait aux droits, actuels ou historiques, des parties sur 1es régions du territoire palestinien mentionnées dans cette même lettre.

7. La Commission prend acte de ce que, dans sa lettre du 27 octobre, le Gouvernement d’Israël réaffirme son désir d’entamer des négociations directes et séparées avec les parties intéressées. La Commission tient une fois de plus a déclarer qu’elle a toujours été et qu’elle est toujours en favour de négociations de cette nature; elle tient à rappeler à cet égard les déclarations suivantes prononcées par son porte-parole au cours de séances officielles tenues à Lausanne le 24 août 1949 : “la Commission a toujours eu comme politique de faire tout ce qui était en son pouvoir pour faciliter l’ouverture de négociations directes entre los parties…” et “il tient a déclarer clairement que la Commission espère que les deux parties n’épargneront aucun effort pour que puissent avoir lieu des entretiens directs de cette nature”.

Cependant, la résolution du 11 décembre 1948 de l’Assemblée générale invite les Gouvernements et les autorités intéresses à rechercher un accord par voie do négociations, soit directes, soit avec la Commission de conciliation, et les représentants Arabes continuent à déclarer qu’ils ont la ferme intention de poursuivre des négociations par intermédiaire de la Commission.

8. Votre Gouvernement affirme par ailleurs qu’en indiquant qu’elle peut formuler elle-même des suggestions précises, la Commission met en question toute la procédure de conciliation qu’elle a suivie jusqu’a présent, et les termes de son mandat. De l’avis de la Commission, ce jugement découle d’une interprétation erronée de la résolution de l’Assemblée générale du 11 décembre 1948. Outre le fait que la conciliation entraine la faculté de soumettre aux parties des propositions destinées à faciliter la conciliation, il semble utile de souligner que la Commission, en des termes précis, a été investie par l’Assemblée générale du mandat d’entreprendre une procédure de médiation et de soumettre en conséquence des propositions de compromis aux parties intéressées. En effet, l’alinéa a) du paragraphe 2 de la résolution de l’Assemblée générale du 1l décembre 1948 est ainsi conçu:

« Assumer, dans la mesure où elle jugera que les circonstances le rendent nécessaire, les fonctions assignées au médiateur des Nations Unies pour la Palestine par la résolution 186 (S-2) de l’Assemblée générale du 14 mai 1948”.

Dans son quatrième rapport périodique au Secrétaire général des Nations Unies, la Commission avait déjà envisage la médiation, Elle estime que les circonstances actuelles sont favorables à la realisation de ce projet, Par ailleurs, au cours des réunions que la Commission a tenues le 22 octobre et le 1er novembre avec les délégations arabes, ces dernières, en réitérant leur désir de collaborer avec la Commission, ont déclaré qu’elles considéraient que les méthodes de travail jusqu’ici employées par la Commission n’avaient pas donnés les résultats espères, et qu’il convenait donc que la Commission fit usage des droits que lui a donnés le paragraphe ci-dessus cité de la résolution du 11 décembre et entreprit une tâche de médiation en prenant l’initiative de soumettre des propositions à l’examen des parties. La Commission est donc prête à entreprendre cette tâche délicate et à appeler l’attention sur des points ou des problèmes concrets au sujet desquels un accord sera recherché entre les parties, soit par son intermédiaire, soit si possible par voie de négociations directes,

9. En conclusion, la Commission exprime l’espoir que le Gouvernement d’ Israël, qui a constamment affirmé le souci de voir une ère de paix durable succéder en Palestine a l’état précaire et provisoire actuel, se montrera disposé, comme par le passé, à faciliter les cravaux de la Commission et à permettre à celle-ci de mener à bien la mission qui lui a été confiée par Assemblée générale.

Je vous prie d’agréer, monsieur le Représentant permanent, l’assurance de ma haute considération.

Hussein C. Yalcin,

Président de la Commission de conciliation

des nations Unies pour la. Palestine.


2019-03-12T20:01:43-04:00

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