10 juin 2020 — L’évolution de la pandémie de COVID-19 s‘accompagne d’avancées dans la connaissance de la maladie et des moyens de s’en prémunir. C’est ainsi que, sur la base de recherches menées à son initiative, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) vient de revoir ses directives sur le port du masque, qu’elle recommande désormais dans les zones très fréquentées et à fort risque de transmission du virus.

La publication de ces nouvelles recommandations intervient au moment où le nombre des contaminations atteint des niveaux records, singulièrement dans les Amériques et en Asie du Sud. Au niveau mondial, la barre des 7 millions de cas confirmés d’infection a été franchie et plus de 404 000 décès dus au coronavirus sont à déplorer.

L’OMS s’inquiète à cet égard des répercussions des rassemblements de masse qui se multiplient dans un nombre croissant de pays, la plupart visant à dénoncer le racisme et les violences policières.  Née aux États-Unis, où elle s’étend depuis deux semaines, cette vague de manifestations déferle à présent sur l’Europe et l’Australie, atteignant d’autres points du globe comme la Tunisie et la République de Corée.

« Nous encourageons toutes les personnes qui manifestent dans le monde à le faire en toute sécurité », a déclaré lundi le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS, lors d’un point de presse virtuel. « Dans la mesure du possible, gardez une distance d’au moins un mètre entre vous, lavez-vous les mains, couvrez-vous la bouche lorsque vous toussez et portez un masque si vous participez à une manifestation ».

Une actualisation étayée par de nombreuses études

L’efficacité du masque est en effet confirmée par de récentes études, à commencer par celle d’une équipe canadienne diligentée par l’OMS, dont les conclusions ont été publiées au début du mois par la revue The Lancet. Il en ressort que le port du masque réduit la probabilité d’être contaminé par le coronavirus de 85 % en cas de rencontre avec une personne infectée.

Dans cette même revue, une méta-analyse de 172 études observationnelles menées dans 16 pays et sur six continents fait apparaître que le taux de contamination des personnes en bonne santé côtoyant un individu touché par la maladie passe de 17,4 % à 3,1 % si elles se protègent le visage.

Les chercheurs notent également que la distanciation sociale réduit le risque d’infection, lequel chute de 12,8% à 2,6% selon que l’on se trouve à plus ou moins un mètre d’une personne atteinte de COVID-19. Selon leur observations, l’efficacité s’accroît au-delà de deux mètres de distance.

Pour établir ses nouvelles directives sur le port du masque, l'OMS a évalué l’ensemble des preuves disponibles, y compris ce type d’analyses systématiques approfondies. Elle a aussi consulté son réseau d'experts en prévention et contrôle des infections et le Groupe consultatif stratégique et technique sur les risques infectieux (STAG-IH), ainsi que ses États membres, ses bureaux régionaux et la société civile.

L’agence sanitaire de l’ONU a actualisé ses orientations provisoires publiées le 6 avril en tenant compte de l’utilisation réelle du masque dans certains pays. Comme elle le fait systématiquement en de telles circonstances, elle a identifié les avantages et les inconvénients de cette pratique, laissant aux décideurs de chaque pays le soin d’arbitrer, en fonction de facteurs économiques, politiques ou sociaux.

Priorité dans les zones de transmission communautaire

Compte tenu de l’évolution des données, l’OMS estime que les gouvernements devraient inciter le grand public à porter un masque lorsque la transmission est « généralisée » et quand la distanciation physique est « difficile », comme dans les transports publics, les commerces ou les autres lieux confinés ou très fréquentés.

Là où la transmission est généralisée, l’institution onusienne recommande désormais le port du masque « à toutes les personnes qui travaillent dans les secteurs des établissements de santé où des soins sont prodigués », a expliqué le Dr Tedros. Auparavant, elle le conseillait aux seules personnes s’occupant de patients atteints de COVID-19.

Dans la pratique, « cela signifie, par exemple, qu’un médecin qui fait une visite dans un service de cardiologie ou de soins palliatifs doit porter un masque même s’il n’y a pas de cas confirmés de COVID-19 », a précisé le chef de l’OMS.

Si la région où ils opèrent est considérée comme une zone de transmission communautaire, l’OMS conseille aux agents de santé de porter en permanence un masque médical durant leur temps de travail, sauf quand ils se restaurent. Elle préconise aussi un changement de masque après les soins ayant occasionné des contacts ou la génération de gouttelettes.

De même, dans les situations où la distanciation physique n'est pas possible, l’agence recommande que les personnes âgées de 60 ans ou plus ou celles qui souffrent de pathologies préexistantes portent un masque médical. Cette même précaution continue d’être requise pour toute personne s'occupant d'un sujet infecté à domicile quand elle se trouve dans la même pièce que le malade.

Masque médical ou masque en tissu ?

À l’attention du grand public, l’OMS propose depuis plusieurs mois une série de conseils pratiques sur quand et comment utiliser un masque.  Ses directives actualisées apportent de nouvelles précisions sur les différents masques à disposition, médicaux ou non médicaux, tout en avertissant qu’ils ne sont pas interchangeables.

Les masques médicaux, ou « chirurgicaux », doivent être disponibles en priorité pour les soignants, souligne l’agence. Ils protègent contre l’infection de tiers et agissent comme une « barrière » pour empêcher la propagation du virus du porteur à d’autres personnes, explique-t-elle.

Quant à savoir si les respirateurs de type N95 sont plus efficaces que les masques médicaux classiques face à la COVID-19, l’OMS relève que les essais contrôlés randomisés ne montrent « aucune différence » entre ces deux protections faciales pour réduire la transmission des infections aéroportées.

La composition de ces masques médicaux répond, en revanche, à des normes reconnues, ce qui n’est pas nécessairement le cas des masques non médicaux, ou « en tissu », achetés dans le commerce ou fabriqués artisanalement. Ces derniers peuvent néanmoins bloquer la transmission, indique-t-elle. 

Photo de l'entrée d'une école montrant des enfants et instituteurs et institutrices portant un masque de protection respiratoire individuelle.

Afin d’y voir plus clair sur l’efficacité des masques en tissu, dont il existe de multiples modèles, l’OMS s’est appuyée, dans le cadre de sa feuille de route de recherche et développement, sur les études menées par une équipe interdisciplinaire de l’Université de Stanford. Ces travaux scientifiques ont permis d’identifier les types de tissu et le nombre de couches nécessaires à la composition d'un masque non médical.

Celui-ci, énonce l’OMS, doit comprendre une couche intérieure de matériau absorbant, tel que du coton, une couche intermédiaire de matériau non tissé, tel que du polypropylène, et une couche extérieure de matériau non absorbant, tel que du polyester ou un mélange de polyester. Le masque doit en outre permettre de respirer tout en parlant et en marchant rapidement.

Le masque, seul, ne suffit pas

Les nouvelles directives précisent comment laver et entretenir un masque en tissu. Elles énumèrent également les précautions d’usage à prendre pour porter en toute sécurité une protection faciale, qu’elle soit médicale ou non. Une personne peut en effet s’infecter en ajustant son masque, en l’enlevant ou en le mettant à plusieurs reprises, sans se laver les mains entre chacun de ces gestes.

De plus, prévient l’OMS, le masque peut créer « un faux sentiment de sécurité amenant à négliger des mesures telles que l’hygiène des mains et la distanciation physique ».

S’agissant des écrans faciaux, utilisés comme protection oculaire - en plus des masques médicaux - dans les établissements de santé, l’OMS constate qu’ils ne peuvent être considérés comme une barrière totalement efficace contre la propagation des gouttelettes respiratoires. Ils peuvent cependant servir d’alternative au masque, en cas de pénurie, à condition toutefois de couvrir les yeux, le nez, la bouche et le menton.

Plus largement, rappelle l’agence, l'utilisation de masques s’inscrit dans un ensemble complet de mesures de prévention et de contrôle des infections (PCI) susceptibles de limiter la propagation de certaines maladies virales respiratoires, dont la COVID-19. Un ensemble dont elle ne peut se dissocier pour combattre efficacement la maladie.

« Je ne saurais être plus clair : à lui seul, le masque ne protège pas de la COVID-19 », a insisté le Directeur général de l’OMS lors de la présentation de ces orientations actualisées. « Le masque ne remplace pas la distanciation physique, l’hygiène des mains et les autres mesures de santé publique. Le masque n’est utile que dans le cadre d’une approche globale de la lutte contre la COVID-19 ».

Pour le Dr Tedros, la « meilleure défense » contre le coronavirus reste que chaque pays « trouve, isole, teste, prenne en charge chaque cas, et recherche et place en quarantaine chaque contact ».

Les équipements de protection individuelle (EPI), à commencer par les masques médicaux, n’en demeurent pas moins un rempart essentiel face au virus, notamment pour les professionnels de santé en première ligne. C’est pourquoi l’OMS maintient son effort d’approvisionnement en EPI partout dans le monde. L’agence sanitaire a déjà expédié plus de cinq millions de ces articles dans 110 pays et s’emploie à faire passer ce total à 129 millions dans 126 pays.