27 juillet 2020 — Avec la pandémie de COVID-19, le monde fait face à un choc sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Cette crise à la fois sanitaire, économique et humanitaire a aussi de graves conséquences en matière de sécurité et de droits de l’homme. En sortir nécessite d’agir ensemble, solidairement et à tous les niveaux de la société, en tenant compte des impacts socioéconomiques sur les plus vulnérables et des enjeux de durabilité.

C’est à ces conditions que le monde peut espérer « reconstruire en mieux », plaident les Nations Unies, alors que l’on approche des 16 millions de cas confirmés de la maladie à l’échelle planétaire, que 645 000 personnes ont déjà succombé au nouveau coronavirus et que, dans le meilleur des cas, un vaccin ne sera disponible qu’au début de l’an prochain, en dépit d’essais cliniques prometteurs.

« Nous ne reviendrons pas à la vie d’avant », a expliqué le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), en invitant chacun à ne pas baisser la garde et à « faire de bons choix » pour se protéger et protéger les autres. 

Dans l’optique d’une relance, souligne l’ONU dans ses différentes communications, les gouvernements, les organisations internationales et régionales, les entreprises et la société civile dans son ensemble doivent veiller à tirer les enseignements de cette crise.

Un tournant décisif

Un patient sur un lit d'hopital, entoure d'une equipe de medecins.

« La pandémie du COVID-19 est une tragédie humaine. Mais elle représente également pour nous une occasion d’agir. Une occasion de reconstruire un monde plus égalitaire et durable », a assuré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, lors d’une conférence virtuelle organisée le 18 juillet à l’occasion du 102e anniversaire de Nelson Mandela. 

Ces efforts doivent « reposer sur un nouveau contrat social et une nouvelle donne mondiale porteurs d’égalité des chances pour toutes et tous et de respect des droits et des libertés de chacune et chacun », a-t-il dit, jugeant que « ce n’est que de cette manière que nous pourrons atteindre les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030, de l’Accord de Paris et du Programme d’action d’Addis-Abeba, des accords qui visent justement à corriger les failles mises au jour et exploitées par la pandémie ». 

À cette même fin, a-t-il déclaré par ailleurs, « nous devons nous assurer que les leçons sont retenues et que cette crise représente un tournant décisif pour la préparation aux urgences sanitaires et pour l'investissement dans les services publics essentiels du XXIème siècle ».

Vigilance pour les femmes et les filles

Une mère et sa fille porte un masque de protection dans un centre de santé.

La crise provoquée par la pandémie affecte de manière disproportionnée les femmes et les filles. Majoritaires parmi les travailleurs de première ligne et dans les services, les femmes sont très exposées à la maladie.  Les mesures de confinement mises en œuvre pour endiguer la propagation du coronavirus s‘accompagnent en outre d’une augmentation des cas de violence basée sur le genre, en particulier de violence domestique.

Partant de ce constat, l’ONU exhorte les gouvernements à s’assurer que les femmes et les filles sont au cœur des efforts de relèvement. En effet, avertit-elle, la COVID-19 met en péril les progrès limités accomplis en matière d’égalité des genres et de droits des femmes.

« Les femmes et les filles sont plus à risque, non pas en raison d'une vulnérabilité inhérente, mais plutôt en raison de la discrimination et des inégalités préexistantes », a observé Peggy Hicks, Directrice de la Division de l'engagement thématique, des procédures spéciales et des droits au développement au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Une femme porte des cartons d'alimentation livres par le PAM en Syrie.

« Heureusement, nous avons déjà des stratégies efficaces pour reconstruire en mieux tout en faisant progresser l'égalité des sexes », a-t-elle ajouté. « Il s'agit du Programme 2030, du Programme d'action de Beijing et de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Ce dont nous avons besoin maintenant, c'est d'accélérer leur mise en œuvre de manière vraiment globale ».

Rendre les systèmes alimentaires plus résilients

Plus de 820 millions de personnes dans le monde souffraient de faim chronique avant même la pandémie. Avec la crise actuelle, ce sont 265 millions de personnes supplémentaires qui risquent de se retrouver confrontées à une insécurité alimentaire aiguë en 2020, alerte le Programme alimentaire mondial (PAM).

« Nos systèmes alimentaires ne fonctionnent plus et la pandémie de COVID-19 aggrave la situation », a mis en garde le Secrétaire général de l’ONU. « Si nous n’agissons pas immédiatement, il ne fait aucun doute que nous allons tout droit vers une crise alimentaire mondiale qui pourrait avoir des répercussions à long terme sur la vie de centaines de millions d’enfants et d’adultes ».

Un large groupe de travailleurs migrants sur les routes.

Pour contrer cette menace, a-t-il avancé, les pays doivent « renforcer leur soutien à l’industrie alimentaire, au transport et aux marchés alimentaires locaux, et maintenir ouverts les couloirs destinés aux échanges commerciaux pour que les systèmes alimentaires puissent fonctionner sans interruption ».

Avec la relance, « nous avons la possibilité de construire un monde plus inclusif et plus durable », a ajouté M. Guterres, appelant à construire des systèmes qui répondent mieux aux besoins des producteurs et des travailleurs du secteur alimentaire et à faire en sorte qu’un plus grand nombre de personnes aient accès à des aliments sains et nutritifs.

Une mobilité humaine à réinventer

Pour António Guterres, « la crise engendrée par la COVID-19 est l’occasion de réinventer la mobilité humaine » afin qu’elle soit « sûre, inclusive et conforme au droit international des droits de l’homme et au droit des réfugiés ».

Il importe pour cela d’inclure les personnes en situation de déplacement dans la réponse à la pandémie et les plans de relance en supprimant les barrières « que rien ne justifie », en examinant les moyens d’ouvrir des voies d’entrée légales aux migrants et en réduisant les coûts de transaction pour les envois de fonds, a-t-il préconisé.

Un homme devant une machine travaille dans une usine d’assemblage.

Fin 2019, 79,5 millions d’individus dans le monde étaient des réfugiés, des demandeurs d’asile ou des personnes déplacées internes, avec peu d’espoirs de rentrer dans leur région d’origine en raison des conflits, des persécutions et des violations des droits humains, précise le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) estime à 272 millions le nombre de migrants internationaux, dont près des deux tiers sont des travailleurs migrants.

« Nous avons vu comment les pays et les communautés à travers le monde entier ont inclus les réfugiés dans leurs propres régimes nationaux de santé. Il est désormais tout aussi important de garantir l’inclusion des réfugiés et des déplacés également dans les aspects socioéconomiques de la réponse à la pandémie », a souligné le Chef du HCR, Filippo Grandi.

Corriger les déficiences du monde du travail

La COVID-19 bouleverse profondément le monde du travail. Au deuxième trimestre, le nombre d’heures travaillées dans le monde a chuté de 14%, ce qui équivaut à 400 millions d’emplois à temps plein, selon l’Organisation internationale du Travail (OIT). Si des millions de travailleurs sont passés du jour au lendemain au travail en ligne, beaucoup d’autres sont au chômage, aggravant la situation économique, sociale et politique de régions entières, notamment dans le monde en développement.

Formation de nuage sur fond de paysage orageux.

Les femmes sont particulièrement touchées en raison de leur surreprésentation dans les secteurs les plus affectés par la crise. Les travailleurs du secteur informel, qui ont subi une perte de revenus de 60% lors du premier mois de confinement, sont privés de leurs moyens de subsistance. Quant aux travailleurs migrants, qui représentent 4,7% de la main d’œuvre mondiale, un grand nombre se retrouvent contraints de rentrer dans leur pays d’origine ou sont bloqués dans des pays hôtes, sans revenus ni protection sociale.

« La pandémie a révélé au grand jour des déficiences, des fragilités et des lignes de fracture d’une ampleur colossale », a constaté M. Guterres. Les gouvernements doivent, selon lui, aborder la protection sociale, l'informalité, le travail de soins non rémunéré et la protection des droits des travailleurs dans leurs plans de redressement.

« Nous devons nous mobiliser dès maintenant pour une relance verte, durable, inclusive et centrée sur l’humain, une reprise qui exploite le potentiel des nouvelles technologies pour créer des emplois décents pour tous et qui tire parti des solutions créatives et positives trouvées par les entreprises et les travailleurs et travailleuses pour s’adapter à cette situation », a-t-il dit.

Priorité à l’action climatique

Un homme nettoie un panneau solaire.

La Conférence des Nations Unies sur le climat (COP26) prévue en novembre à Glasgow (Royaume-Uni), a été reportée à 2021 en raison de la pandémie de COVID-19. Pour autant, l’urgence reste la même, le changement climatique n’attend pas et la reprise doit être menée de concert avec l’action contre le réchauffement de la planète, prévient l’ONU.

Malgré ce report, « nous ne pouvons pas nous permettre de fléchir sur l'action climatique ou de réduire l'ambition », a martelé M. Guterres, non sans rappeler que la décennie écoulée a été la plus chaude de l’histoire et qu’à ce jour, les engagements pris par les gouvernements en matière de climat ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), la trajectoire actuelle des émissions de dioxyde de carbone (CO2), temporairement infléchie par l’arrêt de l’activité mondiale lié à la COVID-19, fait craindre une augmentation de la température mondiale de 3 à 5°C d’ici la fin du siècle, loin des objectifs de l’Accord de Paris de 2015, qui vise à limiter cette hausse à 2°C, voire 1,5°C.

Comme le résume Patricia Espinosa, Secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), « la COVID-19 est la menace la plus urgente à laquelle l'humanité est confrontée aujourd'hui, mais nous ne pouvons pas oublier que les changements climatiques sont la plus grande menace à laquelle l'humanité est confrontée à long terme ».

Financer l’avenir

« Pour l’avenir, nous devrons reconstruire sur de meilleures bases », a plaidé le Chef de l’ONU, jugeant que les objectifs de développement durable (ODD), qui ont pour fondement les droits humains, « constituent le cadre requis pour des économies et des sociétés plus inclusives et durables ».

Une femme fait un prelevement sur un oiseau.

« En renforçant les droits économiques et sociaux, c’est la résilience à long terme que nous renforçons », a-t-il jugé. Mais, selon lui, « le travail de relèvement devra également respecter les droits des générations futures, en renforçant l’action climatique visant à la neutralité carbone d’ici à 2050 et en protégeant la biodiversité ».

Avec la crise s’ouvre une fenêtre d’opportunité pour remédier aux fragilités et aux inégalités exposées par la COVID-19, a fait valoir M.  Guterres. A ses yeux, « il est clair que nous ne pouvons pas simplement reconstruire le monde tel qu’il était » avant la pandémie. « Nous devons plutôt construire une économie mondiale plus juste, plus verte et plus résiliente, qui ne laisse personne de côté ».

Appelant à favoriser « la transition d’une économie grise à une économie verte », il a notamment soutenu que « les fonds publics doivent être investis dans l’avenir, et non dans le passé, et être affectés à des secteurs et à des projets durables qui contribuent à la protection de l’environnement et du climat ».

La prévention des futures pandémies, nouvelle urgence

La COVID-19 appartient à la famille des zoonoses, ces maladies dont la propagation des animaux aux populations humaines a été intensifiée par les pressions exercées par l’homme sur son environnement. De fait, signale l’ONU, veiller à la santé des écosystèmes est le meilleur moyen de gérer ces risques pour la santé humaine.

Ecran d'un ordinateur sur lequel plusieurs particpants sont reunis virtuellement pour une reunion.

« La science est claire : si nous continuons à exploiter la faune et à détruire nos écosystèmes, nous pouvons nous attendre à voir un flux constant de ces maladies passer des animaux aux humains dans les années à venir », a averti Inger Andersen, Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). « Pour prévenir de futures épidémies, nous devons devenir beaucoup plus conscients de la protection de notre environnement naturel ».

Dans le cadre des efforts de relance, les pays sont donc invités à conserver les habitats sauvages, promouvoir une agriculture durable, renforcer les normes de sécurité alimentaire, surveiller et réglementer les marchés alimentaires, investir dans la technologie pour identifier les risques et freiner le commerce illégal de la faune sauvage.

Nécessité d’un multilatéralisme renforcé

Pour le chef de l’ONU, la crise du coronavirus souligne la nécessité d'un multilatéralisme « renforcé et renouvelé », fondé sur la confiance, basé sur le droit international et axé sur les objectifs primordiaux de paix et de sécurité, des droits de l’homme et du développement durable.  

« En ce moment charnière, alors que la COVID-19 continue de se propager, que les tensions géopolitiques augmentent et que le cri pour la justice raciale, la justice sociale et la justice climatique se fait de plus en plus urgent, nous avons la responsabilité de répondre aux angoisses, aux craintes et aux espoirs des peuples que nous servons », a indiqué M. Guterres à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de l’adoption de la Charte de l’ONU.   

Les mots 'Decennie d'action' sont entoures des logos des objectifs de developpement durable (ODD).

« Cette réalité actuelle peut être décourageante. Mais c'est précisément le type de défi mondial pour lequel l'ONU a été fondée », a pour sa part rappelé Mona Juul, Présidente du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC). « Même en ces temps troublés, le grand espoir dans le pouvoir de travailler ensemble demeure. C'est l'esprit même du multilatéralisme ».

Des promesses à tenir  

Alors que débute la Décennie d’action pour atteindre les objectifs de développement durable, la pandémie de coronavirus est en train d’inverser certains progrès en matière de pauvreté, de soins de santé ou encore d’éducation. Un surcroît d’ambition et de mobilisation est nécessaire, « non seulement pour vaincre la COVID-19 mais aussi pour mieux récupérer ensemble », selon M. Guterres.

« La crise est le rappel brutal que tout relèvement qui ne s’attaquerait pas aux causes des vulnérabilités actuelles nous condamne à des crises plus aiguës à l’avenir », a insisté la Vice-Secrétaire générale, Amina J. Mohammed, jugeant « plus pertinentes et vitales que jamais » les promesses des 17 ODD et de leurs 169 cibles.

« L’ONU et son réseau mondial et régional d’équipes de pays soutiendront tous les gouvernements pour faire en sorte que l’économie globale et les peuples que nous servons sortent renforcés », a promis le Chef de l’ONU. « Nous avons un cadre d’action multilatéral - le Programme 2030 et les ODD, ainsi que l’Accord de Paris sur le climat. Nous devons tenir nos promesses pour les peuples et la planète ».