11 mai 2020 — Avec désormais 4,2 millions de cas confirmés et plus de 280 000 morts dans le monde, la pandémie de COVID-19 nécessite une riposte soutenue dans la durée. Pour les Nations Unies, il s‘agit non seulement de répondre aux besoins immédiats de santé et d’appuyer les efforts des pays les plus vulnérables, mais aussi d’atténuer l’impact socioéconomique de cette crise pour préparer le relèvement. Un triple enjeu qui exige de mobiliser les ressources adéquates.

Si l’épidémie tend à refluer dans quelques régions, ouvrant la voie à un déconfinement progressif des populations, le coronavirus est encore loin d’être vaincu. Le spectre de nouvelles vagues de contamination semble se confirmer avec l’apparition de nouveaux foyers en Chine et en République de Corée, qui pensaient s’en être débarrassé.

Dans ces conditions, la pandémie de COVID-19 reste, « bien sûr », une urgence de santé publique de portée internationale, a souligné, le 1er mai, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Plus que jamais, « l’heure est à l’unité et au travail collectif et solidaire de la communauté internationale pour stopper ce virus et ses conséquences bouleversantes », expliquait peu auparavant le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, jugeant particulièrement inopportun de « réduire les ressources pour les opérations de l'OMS ou de toute autre organisation humanitaire ».  

Cette urgence réclame au contraire de maintenir les efforts mondiaux de mobilisation engagés depuis le début de cette crise d’une ampleur sans précédent. L’ONU et ses différentes entités s’emploient à réunir les moyens d’une action multilatérale coordonnée au travers de trois principaux plans et appels.      

Le Plan stratégique de préparation et de riposte : répondre à l’urgence sanitaire 

Lancé le 3 février par l’Organisation mondiale de la Santé, le Plan stratégique et de préparation et de riposte établit les priorités de l’action sanitaire internationale et décrit les mesures de santé publique que tous les pays doivent prendre pour se préparer et riposter à la pandémie. Il est financé par différents mécanismes financiers, notamment les contributions des États Membres de l’ONU, le Fonds de solidarité COVID-19 de l’OMS et le Fonds central pour les interventions d’urgence (CERF).

Dans sa version initiale, il appelait à des dons à hauteur de 675 millions de dollars jusqu’au mois d’avril. Le plan stratégique actualisé, qui couvre la période allant jusqu’à fin décembre, prévoit un besoin de 1,7 milliard de dollars afin de permettre à l’OMS de poursuivre ses actions contre la COVID-19 à ses trois échelons de fonctionnement (bureaux de pays, bureaux régionaux et siège).

« Ces estimations tiennent compte des fonds que l’OMS a déjà reçus à ce jour, ce qui laisse un déficit de financement de 1,3 milliard de dollars pour 2020 », a précisé le Dr Tedros en présentant cette actualisation le 7 mai.

Parmi les sommes d’ores et déjà collectées ou engagées figurent les 211,3 millions de dollars recueillis par le Fonds de solidarité COVID-19 depuis son lancement à la mi-mars. Premier en son genre au sein des mécanismes de financement onusiens, ce fonds est le seul moyen pour les particuliers, les entreprises et les institutions de contribuer directement aux efforts de riposte de l'OMS. À ce jour, plus de 371 000 personnes et organisations du monde entier y ont participé.

Le nouveau plan tire les enseignements des trois premiers mois, notamment en consolidant le rôle de l’OMS en matière de coordination mondiale dans des domaines comme les chaînes d’approvisionnement. Il assure par ailleurs la continuité du soutien technique apporté aux gouvernements pour la mise en œuvre des mesures prioritaires. Dans les pays dont les systèmes de santé sont faibles, il est prévu que l’agence poursuive son action opérationnelle en tant que prestataire de services sanitaires essentiels. 

Le plan mis à jour renforce également l’action de l’OMS dans les domaines de la recherche et du développement. L’agence commence, dans ce cadre, à planifier les réseaux locaux de livraison et de distribution qui devront être activés une fois que des traitements et des vaccins seront mis au point. 

Le Plan de réponse humanitaire mondial : combattre le virus dans les pays les plus pauvres     

Ce deuxième pilier de la réponse onusienne est coordonné par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) et les partenaires du Comité permanent inter-organisations des Nations Unies, qui rassemble les principales agences opérationnelles de secours de l’ONU, la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) et plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) internationales.  

Lancé le 25 mars, le Plan de réponse humanitaire mondial a pour mission de définir les priorités de la riposte dans les pays les plus vulnérables déjà affectés par des crises humanitaires et répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables. C’est aujourd’hui le principal mécanisme de levée de fonds pour les besoins sanitaires et multisectoriels immédiats dans plus de 50 pays.

L’appel de fonds initial s‘élevait à 2 milliards de dollars, dont 100 millions pour le financement des activités des ONG dans chaque pays. Sur ce total, un milliard de dollars ont pour l’heure été recouvrés auprès des pays donateurs. Afin de permettre la poursuite des opérations jusqu’en décembre et d’élargir leur portée, le montant réclamé a été révisé, le 7 mai, à 6,7 milliards de dollars.

Cette rallonge de 4,7 milliards s’explique par l’inclusion dans le plan de neuf pays vulnérables supplémentaires : le Bénin, Djibouti, le Libéria, le Mozambique, le Pakistan, les Philippines, la Sierra Leone, le Togo et le Zimbabwe. Le dispositif actualisé intègre en outre des programmes visant à répondre à l’aggravation de l'insécurité alimentaire.

L’ONU constate en effet une baisse des réserves alimentaires et une flambée des prix dans les pays les plus pauvres, tandis que plusieurs millions d’enfants y sont privés de repas quotidien en raison de la fermeture des écoles. Le plan de réponse humanitaire actualisé prend aussi en compte le fait que le pic de la maladie dans ces pays devrait être atteint au cours des trois à six prochains mois.

Outre ces programmes essentiels, les fonds réclamés doivent permettre de financer les opérations logistiques, en particulier les ponts aériens, mais aussi d’acheter des équipements médicaux, d’installer des points de lavage de mains dans des lieux vulnérables comme les camps de réfugiés et de déplacés internes, et de lancer des campagnes d’information et de prévention sur le coronavirus. 

L’OCHA évalue le coût de la protection des 10% de personnes les plus vulnérables dans le monde contre les pires impacts de la COVID-19 à environ 90 milliards de dollars, soit l’équivalent de 1% du plan de relance mondial aujourd’hui mis en place par les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20.

Selon le bureau onusien, les deux tiers de ces coûts pourraient être pris en charge par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international si ces institutions sont encouragées à modifier les conditions de l’aide aux pays les plus vulnérables. Le reste devra provenir d'une augmentation de l'aide publique au développement au cours des 12 prochains mois.

« Si nous ne soutenons pas les plus pauvres, nous serons tous confrontés aux retombées de la crise pendant de nombreuses années », ce qui serait « encore plus douloureux et beaucoup plus coûteux pour tous », a averti Mark Lowcock, Secrétaire général adjoint pour les affaires humanitaires, en dévoilant les contours du plan actualisé. 

Face à cette crise mondiale, « le statu quo ne suffira pas », il faut des « mesures extraordinaires », a-t-il insisté, exhortant les donateurs à « agir à la fois par solidarité et par intérêt propre, et à fournir une réponse proportionnée à l'ampleur du problème auquel nous faisons face ».

Le Fonds d’affectation spéciale pour la réponse et le relèvement : viser une reprise rapide

Le Secrétaire général de l’ONU a créé un Fonds d’affectation spéciale de réponse et de relèvement COVID-19 destiné à soutenir les efforts déployés dans les pays à faible et moyen revenu, en complément des deux plans de riposte déjà mis en place. Dans sa note de présentation, M. Guterres précise que les populations visées sont notamment celles que le Plan de réponse humanitaire ne couvre pas.

Cette nouvelle structure inter-agences vise à aider les pays ciblés à faire face aux impacts socioéconomiques de la crise actuelle et à se relever rapidement et dans de bonnes conditions, afin de préserver les avancées enregistrées dans la réalisation des Objectifs de développement durable à l’horizon 2030.     

En particulier, le Fonds engage les pays à mettre en œuvre le plan de relance de l’ONU, énoncé dans le Cadre des Nations Unies pour la réponse socioéconomique immédiate à la COVID-19, qui se concentre sur « la responsabilité partagée, la solidarité et l’action urgente en faveur des personnes dans le besoin », avec pour perspective une reprise « meilleure que le retour à la normale ».

À l’initiative de la Vice-Secrétaire générale, Amina Mohammed, la campagne « Femmes debout, solidaires pour tous » lancée fin avril par des dirigeantes du monde entier invite la communauté internationale à soutenir cette feuille de route et à prendre part au financement de ce fonds d’affectation spéciale.  Son plaidoyer : « sauver des vies et protéger les moyens de subsistance » mais aussi « récupérer de cette crise en mieux ».

Les besoins financiers du Fonds sont actuellement évalués à 2 milliards de dollars, dont 1 milliard au cours des neuf premiers mois de fonctionnement.  L’objectif étant d’accompagner les actions menées aux plans national et local par le Système des Nations Unies au cours des 12 à 18 prochains mois, M. Guterres note que ces exigences seront réexaminées en fonction de l’évolution de la pandémie.

Alors qu’une partie importante de l’enveloppe de 17,8 milliards de dollars allouée aux programmes de développement des différentes entités de l’ONU est déjà versée à la lutte contre la COVID-19, ce mécanisme servira à lever les fonds supplémentaires nécessaires. Les États Membres, les organisations intergouvernementales, les ONG, les entreprises, les fondations et les particuliers sont appelés à y contribuer. 

La gestion du Fonds est supervisée par un représentant du Secrétaire général, adjoint d’un comité consultatif comprenant toutes les entités chargées de domaines clés du développement durable en lien avec la réponse à la COVID-19 : le Programme des Nation Unies pour le développement (PNUD), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (UNCTAD),  le Fonds des Nations Unies pour les activités en matière de population (UNFPA), le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation internationale du Travail (OIT).