16 novembre 2010

La Charte des Nations Unies représente la tentative la plus ambitieuse jamais entreprise pour unir les hommes au-delà des frontières, garantir la paix, promouvoir le progrès social et apporter des solutions aux problèmes les plus complexes. Comme l'a dit un jour le Président américain Dwight D. Eisenhower : « Les Nations Unies représentent l'espoir le mieux organisé de l'homme pour substituer la table de conférence au champ de bataille1. »
Aussi nobles que soient ces objectifs et aussi déterminés que puissent être les peuples des Nations Unies, l'Organisation n'est toutefois qu'une simple table de conférence. Elle est le reflet de ce que nous sommes. Les Nations Unis ne peuvent rien accomplir à moins que ceux qui travaillent de par et d'autres des frontières n'aient une connaissance de l'histoire des autres nations, une meilleure compréhension des diverses perspectives et de la nature interdépendante de l'humanité ainsi que des défis mondiaux les plus importants d'aujourd'hui.
H. G. Wells a écrit : « L'histoire humaine ressemble de plus en plus à une course entre l'éducation et la catastrophe2. » Les ennemis qu'il faut combattre sont l'ignorance et l'intolérance. C'est par le biais de l'éducation que nous parviendrons à éviter la catastrophe, à réaliser les aspirations - la promesse - des Nations Unies. Pour répondre aux objectifs universels et aux alliances mondiales représentées par les Nations Unies, nous devons offrir une éducation mondiale aux élèves du monde entier.
Ceux qui veulent unir leurs efforts, qui aspirent à être des citoyens du monde, doivent acquérir d'autres compétences que la diplomatie. Il est important de connaítre le passé tout en étant tourné vers l'avenir. Il nous faut comprendre les complexités, les défis et les risques associés à la prise de décisions au XXIe siècle.
L'ONU a été fondée sur les cendres de deux guerres mondiales et sa plus grande réussite a été de prévenir un troisième conflit mondial. Elle revêt aujourd'hui une importance encore plus grande alors que le monde est de plus en plus interdépendant. Avec la progression de la mondialisation, les biens et les produits financiers circulent librement entre les continents, de même que les services et les idées. Malheureusement, des problèmes majeurs, comme le terrorisme, les pandémies et les catastrophes environnementales circulent aussi. Aucune nation ne peut protéger ses citoyens contre les idées ou les problèmes qui font fi des frontières.
D'une certaine façon, la mondialisation a outrepassé notre capacité à comprendre les forces nouvelles qui façonnent notre environnement. Thomas Friedman a écrit : « L'intégration mondiale s'est réalisée de manière plus rapide que l'éducation. Il est indéniable que la mondialisation nous a permis de prendre conscience de notre appartenance au monde, mais cela ne veut pas dire pour autant que nous nous connaissons mieux les uns les autres3. » L'éducation doit rattraper la mondialisation. Elle doit être en phase avec les aspirations de l'ONU.
Par le biais de l'éducation mondiale, nous devons préparer les citoyens du monde à comprendre la nature interdépendante de notre planète et à agir au nom des autres dans le monde entier. Chacun d'entre nous doit consacrer plus de temps à se familiariser avec les cultures des autres pays. Les écoles et les universités doivent offrir un plus grand nombre de cours sur les questions internationales, renforcer l'apprentissage des langues, multiplier les possibilités de faire des études à l'étranger, accueillir les étudiants internationaux et encourager le dialogue entre les cultures. Elles doivent également utiliser les nouvelles technologies pour relier les étudiants entre eux et présenter différentes perspectives dans les matières qu'ils étudient.
Comment devient-on un citoyen du monde dont les objectifs coïncident avec ceux de la Charte de l'ONU ? Les stoïciens grecs pensaient que la tâche principale de l'éducation était de penser dans l'esprit de l'autre. En somme, nous devons regarder les problèmes en nous mettant à la place des autres et en considérant leurs points de vue. C'est non seulement un moyen d'en apprendre plus sur nous-mêmes, mais aussi de forger des liens de solidarité avec les autres membres de la communauté mondiale, ce qui nous aidera à résoudre les problèmes mondiaux.
Nous devons comprendre que notre origine géographique et notre culture influencent la façon dont nous appréhendons le monde. Deux personnes peuvent regarder la même chose et voir deux choses différentes - et ni l'une ni l'autre n'a tort. Comprendre ce concept est vital lorsque l'on siège à la table de conférence. Il ne s'agit pas de brandir la bannière du juste contre le faux mais, plutôt, d'être capable d'entendre un autre point de vue.
Une éducation mondiale considère le monde dans son ensemble, en tenant compte de l'interdépendance des nations, des cultures et des sociétés. Les enseignants doivent ouvrir leur classe au monde entier. Les élèves doivent apprendre à créer des liens mondiaux et à comprendre l'impact que les actions menées dans le monde peuvent avoir sur eux ainsi que l'impact qu'ils peuvent avoir sur le monde. Une éducation mondiale devrait abolir les frontières, élargir les horizons et exposer les élèves à la dynamique de l'accomplissement humain et à la diversité humaine. Surtout, une éducation mondiale devrait mettre l'accent sur ce que les peuples ont en commun.
Le philosophe du XXe siècle Buckminster Fuller assimile la Terre à un vaisseau où tous les êtres humains sont des astronautes qui partagent une résidence sur une planète qui se déplace à 96 000 km à l'heure4. « Nous ne pourrons pas diriger notre vaisseau-Terre avec succès, ni beaucoup plus longtemps, à moins de le considérer comme une totalité et notre avenir comme un avenir commun. Il faut inclure tout le monde ou personne. »
C'est la philosophie qui guide les activités des Nations Unies. Malheureusement, les systèmes d'éducation modernes n'ont pas été conçus dans cette perspective mondiale. Ils visent surtout à former des citoyens loyaux, nationaux. Il est tout à fait légitime de célébrer le patrimoine national et les traditions, mais il faut aussi veiller à partager les histoires des autres nations. Les écoles devraient viser à promouvoir les objectifs et les intérêts nationaux, mais aussi nous aider à comprendre le monde dans son ensemble et le rôle que nous y jouons.
Dans le préambule de la Charte des Nations Unies, la première déclaration affirme l'espoir « de préserver les générations futures du fléau de la guerre ». En d'autres termes, les guerres ne sont possibles qu'en déshumanisant « l'autre » et en exagérant les différences qui existent entre nous. Cela est plus difficile à faire lorsque nous apprenons à connaítre nos camarades astronautes, à respecter et à comprendre leurs points de vue et notre humanité commune. Aujourd'hui plus que jamais, il faut favoriser cette acceptation et cette compréhension.
Accéder à une éducation mondiale et être un citoyen du monde sont des éléments importants de la paix et du progrès mentionnés dans la Charte de l'ONU. De fait, c'est la base des nouvelles compétences qui sont nécessaires à la table de conférence. Regarder les problèmes sous un angle différent réduit les peurs et les incompréhensions qui alimentent les conflits et la confusion. Nous devons apprendre à travailler ensemble, à mieux nous connaítre, et prendre place à la table avec détermination afin de résoudre les problèmes qu'un pays ne peut traiter à lui seul.
Notes
1 S. C. Schlesinger, Act of Creation: The Founding of the United Nations (2003) p. 287 2 H.G. Wells, Esquisse de l'histoire universelle (1920) 3 T. Friedman, The Lexus and the Olive Tree (1999) p. 127 4 B. Fuller, Operating Manual for Spaceship Earth (1963)

 

La Chronique de l’ONU ne constitue pas un document officiel. Elle a le privilège d’accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingués ne faisant pas partie du système des Nations Unies dont les points de vue ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Organisation. De même, les frontières et les noms indiqués ainsi que les désignations employées sur les cartes ou dans les articles n’impliquent pas nécessairement la reconnaissance ni l’acceptation officielle de l’Organisation des Nations Unies.