28 juillet 2010


Lors de la soixante-troisième session de l'Assemblée de l'Organisation mondiale de la santé, qui s'est tenue en mai 2010 à Genève, la maítrise des maladies infectieuses a été en tête de l'ordre du jour. Compte tenu de l'attention soutenue accordée aux progrès accomplis vers la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement liés à la santé, à l'éradication de la poliomyélite, à la mise en œuvre du Règlement sanitaire international, aux mesures prises pour lutter contre les médicaments de contrefaçon et à la préparation à la grippe, il est resté peu de temps pour débattre de l'un des grandes responsables des décès : les maladies non transmissibles ou maladies chroniques.
Ensemble, les maladies chroniques sont responsables de près de 60 % des décès dans le monde. Les quatre maladies majeures - diabète, maladies cardiovasculaires, cancer et maladies respiratoires chroniques - sont causées par trois facteurs à risque courants : le tabagisme, un régime alimentaire riche en graisse et le manque d'exercice physique.
Contrairement à l'idée généralement répandue, les pauvres sont les plus touchés. D'après All India Institute of Medical Sciences, 11 % des hommes et près de 10 % des femmes vivant dans les taudis urbains en Inde souffrent de diabète. De même, les chercheurs de la Pan American Health Organization ont mis en évidence qu'au Pérou, 47 % des hommes souffraient d'hypertension, les ménages les plus pauvres supportant le plus lourd fardeau des maladies chroniques. De nombreuses études établissent le lien étroit qui existe entre la pauvreté et les maladies chroniques.
Où trouver des fonds pour s'attaquer au problème ? On estime que moins de 3 % de la totalité des fonds accordés par les donateurs sont affectés au traitement des maladies non transmissibles, et une étude du Lancet a révélé qu'en 2005, les fonds affectés aux maladies chroniques par les quatre principaux donateurs en matière de santé étaient estimés à 3 dollars par décès par an comparés à 1 030 dollars pour le VIH/sida.
Les recherches menées par le Centre pour le développement mondial ont montré que les principaux donateurs comme le Gouvernement américain, la Banque mondiale et le Département du développement international du Royaume-Uni étaient peu enclins à accorder des subventions et des prêts pour le traitement des maladies chroniques. Pourquoi ces fonds sont-ils si dérisoires ? Peut-être parce que les maladies chroniques ne sont pas perçues comme étant directement liées à la pauvreté ou au développement, mais sont attribuées aux pays riches et industrialisés. Peut-être parce que ces conditions ne suscitent pas des sentiments d'empathie ou de justice sociale comme c'est le cas pour les maladies traditionnelles dues à la pauvreté. Peut-être parce que nous tenons pour responsables les personnes plutôt que la société, les choix personnels plutôt que la situation socio-économique.
Puisque les donateurs délaissent cette question, il revient aux gouvernements nationaux de se charger du financement et de la mise en place des institutions. Or, il leur est difficile d'investir dans la prévention des maladies chroniques. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, les gouvernements doivent orienter leurs stratégies de santé vers les Objectifs du Millénaire pour le développement (où ne figurent pas les maladies chroniques) afin de recevoir les fonds externes qui peuvent constituer 50 % ou plus du budget de la santé. Même des pays comme le Brésil et l'Inde, pourtant mieux lotis, connaissent la même situation. Alors qu'ils sont accablés par le fardeau des maladies cardiovasculaires, des maladies mentales, des blessures non intentionnelles et de certains cancers, il existe une inadéquation considérable entre les priorités en matière de dépenses publiques et les besoins prioritaires de leurs populations.
C'est là que les forums régionaux pour la santé deviennent essentiels et peuvent compléter les débats et les activités au niveau mondial. Récemment, le Secrétariat de la Communauté des Caraïbes a soutenu une résolution de l'Assemblée générale de l'ONU sur les maladies non transmissibles et demandé une session extraordinaire de l'Assemblée générale de l'ONU (UNGASS). Cela montre que les questions liées aux maladies non transmissibles sont plus problématiques au niveau régional, en particulier au Moyen-Orient et dans les Caraïbes, qui ont été ravagés par ces maladies, qu'au niveau mondial où les ressources allouées à la prévention et au traitement des maladies infectieuses sont plus importantes.
La décision récente de l'Assemblée générale de l'ONU de tenir en septembre 2011 un Sommet de haut niveau sur les maladies non transmissibles auquel participeront les chefs d'État est un grand pas en avant [1]. Ce sera l'occasion de montrer avec preuves à l'appui aux responsables gouvernementaux et aux institutions de développement que les maladies non transmissibles ont un impact sur le développement - un facteur qui a permis d'accroítre la sensibilisation au VIH/sida - et de convaincre le public que les maladies non transmissibles méritent de recevoir autant de fonds et d'attention que les maladies infectieuses.
[1]http://www.World-heart-federation.Org/no_cache/press/press-releases/detail/article/leading-ngos-applaud-decision-to-tackle-noncommunicable-diseases/.

 

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