1 avril 2008

La sécurité alimentaire a toujours été une préoccupation centrale de mon gouvernement. Depuis que je suis au pouvoir, j'ai lancé un ambitieux programme national visant à éliminer, pas seulement à atténuer, la faim dans le pays. En 2003, grâce au nouveau programme « Faim zéro », des millions de Brésiliens pauvres ont eu trois repas par jour. Son succès m'a encouragé à penser que des objectifs similaires pouvaient être atteints au niveau mondial où des millions de personnes meurent de faim chaque année. J'ai donc fait de la lutte contre la pauvreté une priorité de l'ordre du jour international du Brésil.
En 2004, j'ai rejoint un nombre important de responsables mondiaux des pays riches et des pays pauvres pour lancer la Lutte contre la faim et la pauvreté afin de répondre à ce défi urgent. Nous avons élaboré des propositions pour libérer une grande proportion de la population mondiale du fléau de la faim et de la malnutrition. Ensemble, nous avons mis au point des moyens innovants pour réorienter des fonds qui étaient investis dans la spéculation financière et dans la production d'armements ou qui généraient des profits exorbitants vers l'objectif le plus humanitaire - nourrir ceux qui ont faim. Nous avons fait des progrès. Par exemple, un mécanisme a été mis en place pour financer le traitement des maladies endémiques dans les pays les plus pauvres.
Pourtant, ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan en comparaison de l'immense tâche à laquelle nous sommes confrontés. N'oublions pas que, chaque soir, plus de 800 millions de personnes dans le monde se couchent le ventre vide. C'est une situation indigne et une insulte à l'humanité. Nous ne pouvons nous contenter d'un rôle passif.
Cela a été manifeste au cours des derniers mois, quand la flambée des prix des denrées alimentaires a engendré des émeutes et une instabilité dans de nombreux pays du monde. Cette situation a souligné l'urgence d'une action lors de la Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale : les défis du changement climatique et des bioénergies, qui s'est réunie à Rome en juin 2008 au siège de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
J'étais, et je reste, convaincu que le défi est fondamentalement le même : convaincre l'opinion publique que la pauvreté et la faim ne sont pas une fatalité parce qu'elles existent depuis longtemps. La technologie et les réseaux de distribution sont disponibles. Ce qu'il faut, c'est la volonté politique.
Le fait nouveau le plus important et le plus réjouissant est peut-être qu'un plus grand nombre de personnes mangent. C'est le cas en Chine, en Inde, en Afrique, dans les Caraïbes et en Amérique latine, y compris au Brésil. De nouveaux consommateurs arrivent en masse sur le marché. De nombreux pays qui, auparavant, étaient considérés comme des pays pauvres se développent rapidement et les conditions de vie s'y améliorent. C'est là une réalité cruciale qui perdurera.
Au cours des discussions qui ont eu lieu à Rome, les participants se sont accordés pour dire qu'on ne pouvait donner qu'une seule explication à la crise. J'ai, pour ma part, indiqué que la question s'inscrivait dans un contexte plus large de grands défis mondiaux auxquels fait face la communauté internationale : l'envolée des prix de l'énergie et, par conséquent, de ceux des engrais et des transports; l'augmentation de la demande alimentaire mondiale; la paralysie du Cycle de négociations de l'Organisation mondiale du commerce (omc) concernant la libéralisation du commerce; et l'accélération du changement climatique. Je traiterai ces questions dans cet article en reprenant une grande partie des propos que j'avais tenus lors du sommet de Rome.
LA GOUVERNANCE MONDIALE
Ce sombre scénario souligne la nécessité de renforcer la gouvernance mondiale alors que nous cherchons des réponses internationales concertées à ces défis majeurs. Or, c'est précisément l'inverse qui s'est passé. L'examen de certaines questions spécifiques par des nations ou des groupes a fréquemment donné lieu à l'apparition de nouveaux problèmes ou à l'aggravation des problèmes existants, surtout concernant la menace immédiate causée par les insuffisances alimentaires.
Ces questions et leurs liens étroits ont été au centre des débats du sommet de Rome. L'un des principaux résultats de la conférence a été un vaste engagement à prendre des mesures urgentes et coordonnées pour stimuler la production alimentaire, en particulier dans les régions les plus vulnérables. À cette fin, un pacte a été conclu pour investir dans la recherche sur les variétés de céréales à haut rendement. Le Brésil a déjà pris l'initiative dans ce domaine : pendant des années, nous avons partagé nos expériences et notre expertise dans la recherche agricole tropicale avec d'autres pays en développement.
Une véritable sécurité alimentaire doit être mondiale et se fonder sur la coopération. C'est la devise qui s'applique aux partenariats du Brésil avec les pays en développement, en particulier l'Afrique, l'Amérique centrale et les Caraïbes. La généralisation de ce type d'initiatives permet de promouvoir une coopération triangulaire.
Depuis les 30 dernières années, une révolution silencieuse est en cours dans l'agriculture, en particulier dans les régions tropicales, une révolution qui peut être bénéfique pour les riches comme pour les pauvres. Elle peut fournir des outils, des solutions et des alternatives pour répondre aux besoins croissants de centaines de millions de personnes. Nous devons revoir notre approche et recycler les idées. Nous devons prendre note des notions d'interdépendance et de collaboration.
LES SUBVENTIONS DES PAYS RICHES
Un facteur décisif de la hausse des prix des aliments est le protectionnisme agricole qui caractérise l'action des pays riches, affaiblit et désorganise la production dans d'autres pays, en particulier dans les pays les plus pauvres.
Les subventions accordées par les pays riches aux agriculteurs ont empêché les pays en développement d'être compétitifs sur les marchés à l'exportation, encore moins dans leur propre pays. Cela a entraíné une dépendance vis-à-vis des produits alimentaires, que de nombreux exploitants agricoles pauvres n'ont plus les moyens d'acheter.
Ne nous faisons pas d'illusions. Il n'y aura pas de solution structurelle à la faim mondiale tant que les ressources ne seront pas allouées à la production alimentaire dans les pays pauvres et que l'on ne se sera pas départi des pratiques commerciales injustes qui paralysent le commerce agricole. Dans certains pays, un grand nombre de personnes poussées au désespoir par la pénurie des produits alimentaires descendent dans la rue pour protester et demandent au gouvernement d'agir.
Nous faisons face à un problème grave et délicat. Si nous voulons répondre de manière appropriée, nous devons d'abord en comprendre les causes. Prenons l'exemple dramatique d'Haïti. Ce pays, le plus pauvre du continent américain, était un des plus grands producteurs de riz des Caraïbes. Mais des politiques macroéconomiques imposées du dehors qui privilégiaient des objectifs fiscaux auxquels s'ajoutait l'importation d'excédents alimentaires subventionnés dans d'autres pays a amené Haïti à abandonner la culture du riz, avec les conséquences tragiques que nous connaissons.
Le problème de la pénurie alimentaire, cependant, n'est pas seulement un problème d'approvisionnement. En effet, il est peu probable que la situation change sur ce front, étant donné les ajustements structurels profonds qui sont nécessaires pour augmenter de manière sensible la production mondiale. L'effondrement apparent des négociations du Cycle de Doha a brisé tout espoir d'augmenter la production alimentaire dans les pays en développement en éliminant les aides agricoles génératrices de distorsion commerciale.
Les émeutes de la faim sont aussi liées au pouvoir d'achat, ou à son manque. De nombreux pauvres du monde ont été chassés du marché pour les raisons mentionnées ci-dessus. Le programme d'éthanol et de biodiesel du Brésil a généré des centaines de milliers d'emplois et, donc, des revenus plus élevés pour les agriculteurs et tous ceux qui participent à la production et à la distribution de cette industrie qui représente des milliards de dollars. Une augmentation des revenus, en particulier pour les plus pauvres qui dépensent la plus grande partie de leur salaire à nourrir leur famille, est un élément important de la réponse à la faim ainsi qu'à la pauvreté dans le monde.
Ladite crise alimentaire mondiale est, surtout, une crise de la distribution. Nous devons produire plus et améliorer la distribution. Le Brésil est un grand pays agricole et, comme tel, œuvre à augmenter sa production nationale. Mais à quoi cela sert-il quand les subventions et le protectionnisme entravent l'accès au marché, diminuent les revenus et empêchent de réaliser une agriculture durable?
Les pays qui ont les moyens de mettre au point des techniques de pointe ont obtenu des progrès considérables en matière de rendement des cultures. Cela leur a permis d'être compétitifs à la fois sur le marché intérieur et sur le marché mondial, malgré les barrières injustes et les distorsions imposées par les économies mondiales les plus riches. Mais qu'en est-il des économies plus pauvres, en particulier en Afrique, qui tentent tant bien que mal de fournir un soutien aux paysans qui pratiquent une agriculture de subsistance malgré l'insuffisance du financement, des systèmes d'irrigation et des intrants?
Les subventions créent la dépendance, détériorent l'ensemble des systèmes de production et entraínent la faim et la pauvreté là où pourrait régner la prospérité. Il est temps de les éliminer. Nous aurions pu surmonter ces obstacles si le Cycle de Doha avait atteint un accord qui cesse de traiter le commerce des produits agricoles comme une exception à la règle de libéralisation. Il faut que les pays les plus pauvres puissent générer des revenus en produisant et en exportant leurs propres produits. Baisser le coût de l'énergie et des engrais et éliminer les subventions agricoles injustes dans les pays riches sont les plus grands défis auxquels nous faisons face aujourd'hui. L'expansion de l'agriculture dans les pays en développement comme le Brésil donne une perspective différente à ces problèmes. De nouvelles approches et de nouvelles stratégies seront nécessaires.
La vision de sécurité qui prédomine dans le monde actuel est centrée sur le contrôle et la garantie du territoire, de l'offre alimentaire et de l'offre énergétique. Les subventions agricoles et les barrières commerciales qui ont tellement freiné le développement de l'agriculture dans les pays pauvres sont aussi la conséquence de cette vision. Si l'agriculture des pays en développement avait été stimulée par un marché libre, peut-être que la crise alimentaire actuelle n'existerait pas.
LES BIOCARBURANTS NE SONT PAS LES RESPONSABLES

Pour bien comprendre les vraies causes de la crise alimentaire actuelle, nous devons dissiper l'écran de fumée produit par des groupes de pression puissants qui cherchent à rendre la production d'éthanol responsable de la récente hausse des prix. En plus d'être une simplification outrancière, c'est un affront qui ne résiste pas à un examen sérieux. La vérité, c'est qu'il n'y a pas qu'une seule explication à la hausse des prix.
Les biocarburants génèrent des revenus et des emplois, en particulier dans les zones rurales, tout en produisant une énergie propre et renouvelable. C'est donc avec stupéfaction que j'observe ceux qui tentent de créer une relation de cause à effet entre les biocarburants et la hausse des prix des produits alimentaires.
Je suis déçu de voir que ceux qui accusent l'éthanol, notamment l'éthanol produit à partir de la canne à sucre, d'être la cause de la hausse des prix des denrées alimentaires, sont les mêmes qui, pendant des décennies, ont maintenu des politiques protectionnistes au détriment des agriculteurs des pays et des consommateurs pauvres dans le monde.
Un exemple de décalage entre les bonnes intentions et les résultats inattendus concerne l'éthanol produit à partir du maïs. Bien que ce projet puisse avoir quelques mérites, les bénéfices tirés d'une moindre dépendance à l'égard du pétrole et de la réduction des émissions de dioxyde de carbone semblent moins importants que la perte de la production alimentaire résultant du détournement des récoltes de maïs destinées à l'alimentation animale. L'impact sur la hausse des prix est indéniable.
Une vingtaine de pays produisent actuellement la grande majorité des combustibles fossiles utilisés par les 180 pays restants. Une utilisation judicieuse des biocarburants dans le monde, au cas par cas, permettrait à 100 pays de produire avec succès de l'éthanol et du biodiesel, remplaçant un pourcentage important de la consommation mondiale de combustibles fossiles.
Les biocarburants ne sont pas des bandits qui menacent la sécurité alimentaire dans les pays pauvres. Bien au contraire, produits de manière responsable et adaptés aux conditions locales, les biocarburants peuvent créer des revenus et sortir des pays de l'insécurité alimentaire et énergétique. Le Brésil en est le meilleur exemple.
Notre expérience innovante montre clairement qu'il n'y a pas nécessairement une relation entre la production de biocarburants à partir de la canne à sucre et la hausse des prix. Et il y a d'autres avantages. L'éthanol produit à partir de la canne à sucre réduit sensiblement les émissions de carbone (de plus de 80 à 90 %) en comparaison du pétrole ou de l'éthanol de maïs.
LA VÉRITÉ SUR L'ÉTHANOL La production d'éthanol de canne à sucre du Brésil représente une petite proportion des terres arables du pays et ne limite pas les terres qui sont affectées aux cultures vivrières. Pour que personne ne puisse dire que je ne cite que des statistiques brésiliennes, je me référerai au rapport 2007 du Ministère de l'agriculture des États-Unis sur la production d'éthanol qui indique que le Brésil compte 340 millions d'hectares de terres arables - 200 millions sont affectées aux pâturages et 63 millions aux cultures vivrières, dont 7 millions à la canne à sucre. La moitié est destinée à la production de sucre et l'autre, environ 3,6 millions d'hectares, à la production d'éthanol. Ce qui veut dire que 2 % des terres sont consacrées à la canne à sucre, et seulement 1 % à la production d'éthanol.
Certains détracteurs affirment que la culture de la canne à sucre s'étend au détriment de la production de produits alimentaires. Ces critiques sont dépourvues de tout fondement. Depuis les années 1970, quand le programme de l'éthanol du Brésil a été lancé, le rendement de la production d'éthanol à l'hectare avait plus que doublé. Cela permet d'expliquer pourquoi, depuis 1990, notre production céréalière a augmenté de 142 %, avec une augmentation modeste de seulement 23 % de la superficie cultivée.
L'augmentation spectaculaire des rendements explique donc la croissance de notre production céréalière.
La production d'éthanol et celle des produits alimentaires sont le résultat de la même révolution qui a transformé les campagnes brésiliennes depuis plusieurs décennies. Nous devons remercier l'ingéniosité de nos chercheurs et l'esprit d'entreprise des agriculteurs brésiliens. C'est une révolution qui a fait du Brésil une référence mondiale en matière de technologie pour l'agriculture tropicale.
D'autres détracteurs avancent l'argument absurde selon lequel les plantations de canne à sucre du Brésil envahissent l'Amazonie. Ceux qui tiennent de tels propos ne connaissent pas le Brésil. Dans la région Nord, qui comprend pratiquement l'entière forêt tropicale de l'Amazonie brésilienne, seulement 21 000 hectares sont affectés à la canne à sucre, soit l'équivalent de 0,3 % de toutes les plantations de canne à sucre. À vrai dire, 99,7 % de ces plantations se trouvent au moins à 2 000 kilomètres de la forêt amazonienne.
La distance entre nos plantations de canne à sucre et l'Amazonie équivaut à la distance entre le Vatican et le Kremlin. De surcroít, il y a encore 77 millions d'hectares de terres agricoles qui ne sont pas exploités. Cela équivaut à un territoire supérieur à la France et à l'Allemagne réunies. Et nous avons 40 millions d'hectares de terres cultivables sous-utilisées, dégradées, qui peuvent être utilisées à l'agriculture et à la production de canne à sucre. Bref, l'éthanol de canne de sucre ne constitue pas une menace pour l'Amazonie, sa production ne se fait pas au détriment de celle des produits alimentaires et n'a pas de répercussions négatives sur l'alimentation des Brésiliens ou d'autres peuples du monde.
Je ne suis pas favorable à la production d'éthanol à partir du maïs ou d'autres cultures vivrières. Je ne crois pas que quelqu'un accepterait d'avoir faim pour remplir le réservoir de sa voiture. L'éthanol de maïs ne peut concurrencer l'éthanol de canne à sucre qu'à coup de subventions et de barrières douanières. Après tout, l'éthanol de canne à sucre produit 8,3 fois plus d'énergie que l'énergie fossile qu'il utilise pour le produire, alors que l'éthanol de maïs en produit à peine 1,5 fois. C'est pourquoi on compare l'éthanol au cholestérol. Il y a le bon et le mauvais éthanol. Le bon éthanol permet de dépolluer la planète, le mauvais éthanol dépend des « subventions grasses ».
L'éthanol brésilien est compétitif grâce à notre technologie, à nos terres fertiles, au soleil, à nos ressources en eau et à la compétence de nos agriculteurs. Et cela n'est pas notre privilège exclusif. Une bonne partie des pays d'Amérique latine et des Caraïbes, et aussi quelques pays asiatiques, réunissent des conditions semblables favorables à cette « révolution dorée ».
Les savanes africaines, par exemple, sont très semblables au Cerrado brésilien, où les taux de productivité sont très élevés. Et avec la coopération, le transfert de la technologie et l'ouverture des marchés, ils peuvent, eux aussi, produire avec succès de l'éthanol de canne à sucre ou du biodiesel, créant des emplois, des revenus et améliorant la vie des populations.
L'heure est venue pour que les analystes politiques et économiques évaluent la contribution des pays en dévelopement au débat sur les questions de nourriture, d'énergie et de changement climatique. Une centaine de pays ont la capacité naturelle de produire des biocarburants de manière durable. Ils devront réaliser leurs propres études et décider s'ils peuvent ou non produire des biocarburants et déterminer l'envergure de l'opération. Ils devront définir les plants les plus appropriés et choisir des projets en fonction de critères économiques, sociaux et environnementaux. Ce sont des décisions importantes qui doivent être prises par eux-mêmes et non par d'autres pays ou d'autres organisations qui souvent font écho, même de bonne foi, aux intérêts de l'industrie pétrolière ou des lobbies agricoles qui dépendent des subventions et du protectionnisme.
Je suis heureux de noter qu'un accord a été conclu à Rome pour encourager des études de fond sur tous les aspects de la production de biocarburants. Pour aider cette initiative, j'invite les gouvernements, les scientifiques et les représentants de la société civile à travers le monde à une Conférence internationale sur les biocarburants qui aura lieu en novembre 2009 à São Paulo.
LE PRIX DU PÉTROLE
Le prix élevé du pétrole est un autre facteur important de la hausse des prix des denrées alimentaires. C'est étrange : on a beaucoup parlé de la hausse des prix des denrées alimentaires mais peu de l'impact de la hausse des cours du pétrole sur les coûts de production des produits alimentairs. Ce comportement n'est ni neutre ni désintéressé. Je suis indigné de voir que ceux qui montrent du doigt l'énergie propre des biocarburants sont ceux-là même dont les mains sont salies par le pétrole et le charbon.
Au Brésil, le pétrole représente 30 % du coût final de la production de haricots, de riz, de maïs et de soja, ou d'un litre de lait. Cela est particulièrement important quand on considère qu'il représente à peine 37 % du bouquet énergétique. Dans mon pays, 46 % de l'énergie vient de sources renouvelables, telles que la canne à sucre et les usines hydroélectriques. Mais, même ainsi, le pétrole pèse beaucoup dans le coût des récoltes brésiliennes.
Je me demande donc combien le prix du pétrole pèse dans la production des denrées alimentaires dans les pays qui dépendent beaucoup plus de celui-ci que le Brésil. La question est même plus pertinente lorsqu'on sait que, au cours des dernières années, le prix du baril est passé de 30 dollars à plus de 130 dollars.
Il faut prendre des mesures. C'est dans ce but que les chefs de gouvernement de l'Amérique centrale, réunis avec le Brésil, ont décidé de demander aux Nations Unies la convocation urgente d'une conférence internationale consacrée à ce sujet.
LE CHANGEMENT CLIMATIQUE
La communauté internationale doit aussi décider comment faire face à la grave menace posée par le réchauffement climatique et prendre des mesures collectives pour y répondre. À Kyoto, au Japon, les pays ont réagi de façon réfléchie et responsable. Malheureusement, certains pays ont refusé d'assumer leurs engagements à l'égard des objectifs de réduction des émissions de dioxyde de carbone. Malgré tout, Kyoto a été une étape décisive. L'humanité a pris conscience qu'une action forte et organisée était nécessaire pour sauver la planète.
Il est malheureusement plus facile de tirer la sonnette d'alarme que de changer des habitudes et de réduire le gaspillage. Il est plus facile de faire porter la faute aux autres que de faire les changements nécessaires qui desservent les intérêts acquis. Cela permet d'expliquer l'essoufflement récent des appels à la réduction des émissions de dioxyde de carbone. C'est regrettable. Nous devons être responsables et nous soucier de l'avenir de nos enfants, de nos petits-enfants et de la planète. Nous ne pouvons continuer à brûler des combustibles fossiles au rythme actuel. Au Brésil, des études récentes montrent qu'une voiture fonctionnant à l'essence émet 250 grammes de CO2 par kilomètre, soit 8,5 fois plus qu'une voiture fonctionnant à l'éthanol. Les camions fonctionnant au diesel émettent 5,3 fois plus de CO2 dans l'atmosphère que ceux fonctionnant au biodiesel. De surcroít, les plantes utilisées pour la production de biocarburants séquestrent au cours de leur croissance une grande quantité de dioxyde de carbone.
L'éthanol n'est donc pas seulement un carburant propre. La façon dont il est produit contribue à la santé de la planète. Toutes ces questions appellent à un débat sérieux et équilibré sur les biocarburants et le réchauffement climatique. Le Brésil a mis en avant l'immense potentiel des biocarburants. Ceux-ci sont décisifs dans la lutte contre le réchauffement climatique et jouent un rôle important dans le développement économique et social des pays les plus pauvres.

LE RENOUVELLEMENT DES IDÉOLOGIES
Je suis convaincu que nous pouvons créer un nouveau concept de sécurité pour un monde qui encouragera non seulement le renouvellement des énergies mais aussi celui des idéologies. La mondialisation a eu un impact majeur sur le secteur. Cela pourrait se produire aussi pour l'agriculture. Je me suis toujours considéré comme optimiste. J'ai confiance dans la capacité des êtres humains à relever les nouveaux défis et à créer des solutions innovantes pour y répondre. Cela a été le cas dans le passé et je suis convaincu qu'il en sera ainsi maintenant. Nous devons éviter les analyses erronées qui nous ont conduits sur le mauvais chemin.
Il ne s'agit pas d'établir des accords de protection ou d'enrayer la demande. Ce qu'il faut, c'est augmenter l'offre alimentaire, ouvrir les marchés et éliminer les subventions de façon à répondre à la demande croissante. C'est une tâche qui exigera un profond changement de nos modes de pensée et d'action. En soulignant l'immense potentiel des biocarburants pour répondre à quelques-uns des défis auxquels est confrontée aujourd'hui la communauté internationale, j'espère que nous prendrons tous nos responsabilités et trouverons une réponse mondiale à nos problèmes communs.

 

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