1 décembre 2007

On disait à Meaza, l'une des neuf enfants qui a grandi dans une petite ville d'un pays africain, : « Oh, tu es très intelligente et tu as un grand potentiel, c'est dommage que tu ne sois pas un garçon. » Mais sa mère, qui était analphabète, a jugé que sa fille méritait mieux. « Quand je pense à ma mère, je vois comment on empêche les femmes de réaliser leur potentiel », dit-elle. « Si vous êtes analphabète et envoyez cinq enfants à l'université, votre potentiel inexploité doit être important. » aujourd'hui, Meaza est avocate et œuvre à promouvoir les droits des femmes.


Les solutions visant à réduire les disparités entre les sexes dépendent de la possibilité qui est donnée aux femmes et des filles, ainsi qu'aux hommes et aux garçons, de réaliser leur plein potentiel. Alors que les exemples où des solutions innovantes sont devenues une pratique généralisée sont rares, ils sont de plus en plus nombreux et devraient être mieux connus et mieux soutenus financièrement à tous les niveaux.


À mi-chemin de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), il est impératif de trouver de telles solutions. La Déclaration du Millénaire 2000 reconnaít que l'égalité des sexes n'est pas seulement un objectif en soi mais qu'il est aussi essentiel pour atteindre tous les OMD. Selon la Banque mondiale, l'amélioration de l'égalité des sexes encourage l'éducation primaire pour tous, réduit la mortalité, améliore la santé maternelle et réduit la vulnérabilité face au VIH/sida. Elle agit directement sur la réduction de la pauvreté grâce à la participation des femmes à la vie active, à la productivité et aux revenus et indirectement grâce à l'impact des décisions prises par les femmes dans leur ménage concernant le bien-être de leur famille. En revanche, selon le Rapport 2007 sur le développement dans le monde, la condition désavantageuse des femmes face aux droits, aux ressources et au droit de se faire entendre se traduit dans leurs performances faibles au regard d'un grand nombre d'OMD.


Pour chaque indicateur d'égalité des sexes, les progrès sont réguliers, mais inégaux - et globalement beaucoup trop lents. Les plus grands succès se constatent dans le domaine de l'éducation : en 2005, environ 83 des 106 pays disposant de données ont atteint l'objectif intermédiaire relatif à la parité entre les sexes en matière d'inscription dans le primaire et le secondaire. Cependant, 72 millions d'enfants en âge de fréquenter l'école primaire ne sont toujours pas scolarisés, dont 57 % sont des filles. La participation des femmes aux emplois non agricoles rémunérés est également en hausse, bien qu'à un rythme lent, mais la persistance des écarts entre les salaires, l'inégalité professionnelle et le taux élevé de chômage, ainsi que la concentration des femmes dans l'économie informelle et de subsistance continuent de limiter leur avancée économique, comme le montre le Rapport 2007 sur les Objectifs du Millénaire pour le développement.


Enfin, la représentation politique des femmes, telle qu'elle est mesurée par le nombre de sièges au Parlement, a légèrement progressé de 12 % en 1990 à 17 % en 2007. Plus de 95 pays ont mis en place des mesures volontaires ou obligatoires pour accroítre le nombre de femmes élues. En 2006, les pays ayant fixé des quotas ont pratiquement doublé le nombre de femmes élues, par rapport à ceux qui sont sans quotas. Dans un exemple récent de volonté politique, en mars 2007, des femmes détenaient des sièges clés au Parlement dans 35 pays et avaient atteint la parité au cabinet dans deux pays : le Chili et l'Espagne.


L'amélioration de l'accès des femmes aux prises de décision politiques aux niveaux mondial, régional, national et local démontre une volonté politique importante pour éliminer les disparités entre les sexes. Les femmes qui assument des positions de leadership sont des modèles forts. Elles aident à battre en brèche les stéréotypes à l'égard des sexes et montrent que les choses peuvent changer. Il est clair que lorsque les femmes participent massivement aux organes de prise de décision - parlements, cabinets ou conseils d'administration - de nouvelles questions sont mises à l'ordre du jour. Des questions comme l'accès aux crèches, l'accès à des services de santé abordables pour les enfants et d'autres mesures pour éliminer les obstacles à la pleine participation des femmes à la vie économique et politique ont plus de chances de figurer sur l'ordre du jour quand les femmes participent à son élaboration.


Malgré un environnement politique plus favorable, il n'existe pas de solution rapide pour éliminer les disparités entre les sexes. Il faut trouver des solutions globales et à grande échelle, les apporter au niveau des politiques nationales et du contexte local et toucher les esprits et les cœurs, afin de donner l'impact nécessaire pour promouvoir l'égalité des sexes et réaliser les objectifs de développement nationaux, notamment les OMD. C'est cette conviction qui a guidé les travaux du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM). Avec les partenaires nationaux, les donateurs et les partenaires de l'ONU, ainsi que les réseaux et les groupes de femmes dans le monde, nous soutenons une action plus ferme sur l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes qui s'articule autour de quatre éléments : le renforcement des cadres juridiques et politiques; l'alignement des capacités et des processus institutionnels avec l'engagement de promouvoir les droits des femmes; le renforcement de la capacité de la société civile à surveiller et à suivre les progrès et à demander des comptes; et le développement de nouvelles relations personnelles et communautaires qui autonomisent les femmes et soutiennent l'égalité des sexes.


Trois exemples d'activités menées aux niveaux mondial, national et local montrent ce qui peut être fait pour changer les lois, les institutions et les attitudes qui façonnent la vie des femmes.
Les stratégies interdisciplinaires pour éliminer la violence à l'égard des femmes. La manifestation la plus évidente de l'inégalité des sexes et de la discrimination, profondément ancrée dans tous les systèmes sociaux, est peut-être la violence à l'égard des femmes. Depuis trente ans au moins, les réseaux et les groupes de femmes se sont battus sur chaque ordre du jour national et mondial pour éliminer la violence faite aux femmes. Lors de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme qui s'est tenue à Vienne, en 1993, un demi-million de femmes ont signé une pétition demandant que la violence à l'égard des femmes soit reconnue comme une violation des droits de l'homme. Deux ans après, à la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes de Beijing en 1995, les femmes ont demandé aux États de rendre compte des actions qui ont été menées pour prévenir et éliminer la violence à l'égard des femmes.


En réponse, l'Assemblée générale de l'ONU a créé en 1996 le Fonds d'affectation spéciale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, un mécanisme de financement géré par UNIFEM. Depuis sa création, le Fonds d'affectation a appuyé 263 initiatives dans 119 pays. Les bénéficiaires traitent les multiples formes de violence que les femmes subissent, y compris la violence dans la famille; la violence infligée par un mariage précoce ou forcé, et la mutilation génitale des filles; la violence dans les situations de conflit et de crise; et la violence liée à la traite des personnes et au VIH/sida. Par exemple, en Amérique du Sud, les bénéficiaires ont élaboré des directives pour faire de la ville un lieu plus sûr pour les femmes, ce qui sert désormais à améliorer la planification municipale dans la région. En Inde, des subventions accordées à un réseau de femmes séropositives leur a permis de revendiquer auprès des autorités l'accès aux services de soins de santé de qualité et aux conseils spécialisés, et dans un État, à une aide juridique pour les femmes séropositives, ce qui a inspiré le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) à reproduire ces initiatives à l'échelle nationale. Les solutions mises en place par les bénéficiaires du Fonds d'affectation et de nombreux autres organismes ouvrent une fenêtre sur la possibilité de changement. Le défi est de s'assurer de l'attention et de l'intérêt des acteurs qui ont le pouvoir de donner un élan à ce changement, de sorte que les initiatives réalisées dans une communauté puissent être reproduites dans l'ensemble du pays.


L'engagement institutionnel : ressources et obligations de rendre des comptes en matière d'égalité des sexes. Pour savoir si un gouvernement s'engage à respecter ses engagements, y compris ceux qui sont liés aux femmes, il suffit d'examiner les priorités et les allocations du budget. Bien que les objectifs et les approches varient considérablement, des initiatives pour un budget favorisant l'égalité des sexes ont été entreprises dans 40 pays, sous une forme ou sous une autre. Au Maroc, où UNIFEM a appuyé une initiative au cours des cinq dernières années, le gouvernement a institutionnalisé la sensibilisation à l'égard des femmes, injectant des fonds dans la mise en œuvre du nouveau Code de la famille, poursuivant une stratégie nationale de développement mettant l'accent sur la réduction de la féminisation de la pauvreté et la fourniture de services plus équitables.


Le leadership du Ministère des finances du Maroc est essentiel à ce succès. Dans la circulaire concernant le budget national pour 2007, les ministères chargés de l'exécution ont été appelés à intégrer l'égalité des sexes dans les indicateurs utilisés pour la budgétisation axée sur la performance. Le processus de réforme du budget spécifie les indicateurs de la condition féminine en tant que mécanismes de contrôle des dépenses, contrôle de gestion et système d'information budgétaire. L'importance accordée à l'institutionnalisation du processus, non seulement au Maroc, mais aussi en Équateur, en Égypte, en Inde et dans nombre d'autres pays, offre un modèle important pour intégrer les questions spécifiques aux femmes dans la volonté politique en vue d'atteindre les OMD.


Les relations personnelles et communautaires : créer des zones où est pratiquée l'égalité des sexes. En matière d'égalité des sexes, la réalité quotidienne est plus visible au niveau communautaire, la pandémie du VIH/sida démontrant les multiples façons dont la pauvreté et les disparités entre les sexes se conjuguent pour aggraver sa propagation. Non seulement les femmes connaissent des taux d'infection supérieurs à ceux qui sont enregistrés chez les hommes, mais ce sont aussi à elles que revient la responsabilité de soigner leur famille et les membres de leur communauté. Pourtant, elles n'ont pas souvent leur mot à dire dans l'élaboration des politiques concernant les traitements et les soins.


Dans un village du Zimbabwe, UNIFEM a pris part à un programme intersinstitutions de l'ONU qui a démontré des points d'entrée innovants pour s'attaquer aux disparités entre les sexes et leur lien au VIH/sida. Dans le cadre d'une initiative sur l'autonomisation des femmes et le VIH/sida, les hommes ont formé un groupe de volontaires pour venir en aide aux voisins malades. Travaillant avec un groupe d'hommes sur l'égalité des sexes, le programme a mis en place une formation sur les soins prodigués à domicile et créé des groupes de discussion sur les rapports sexuels sans risques, offrant l'occasion de parler librement des comportements à risque et des techniques de protection. Les hommes jouent désormais un plus grand rôle dans les soins prodigués à domicile, et les écoles ont formé des clubs de filles pour promouvoir une culture de tolérance-zéro face à la violence à l'égard des femmes. Les femmes ont aussi assumé de nouveaux rôles dans les communautés, comme monter leur propre entreprise et occuper des positions de leadership dans la communauté. De plus en plus de femmes font appel aux services de dépistage et de conseils, un signe indiquant que le silence et la stigmatisation commencent à être brisés.


Il existe désormais de nombreuses solutions innovantes et efficaces pour éliminer les disparités entre les sexes. Toutefois, nous devons être sûrs qu'elles bénéficient des investissements nécessaires afin que leur pratique se généralise. En 2008, les gouvernements et la société civile s'engageront dans des discussions sur le financement et l'amélioration des mesures de développement, notamment lors du Forum de haut niveau sur l'efficacité de l'aide qui aura lieu en septembre, au Ghana, et lors du Suivi de la Conférence internationale sur le financement du développement, qui aura lieu en décembre, au Qatar. Prenant activement part à ces discussions, la Commission sur la condition féminine, qui a eu lieu en mars, examinera l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes. Dans toutes ces réunions, il est impératif que les gouvernements, les donateurs et les partenaires de l'ONU comprennent qu'une plus grande efficacité du développement peut non seulement améliorer l'efficacité de l'aide, mais que l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes sont essentiels au développement. De ce fait, ils feront un grand pas en avant et montreront au monde que les progrès en faveur des femmes sont des progrès pour tous.

 

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