Vingt ans après le Sommet de la Terre1 historique de 1992, le monde s'apprête à se réunir pour assister à une autre conférence de la même ampleur avec, il faut espérer, un plus grand nombre de résultats positifs. S'appuyant sur les engagements adoptés par la communauté internationale au cours des deux dernières décennies, la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement - Rio +20 - devrait ouvrir la voie au lancement d'un agenda du développement durable revitalisé qui prend en compte la nature complexe des causes profondes de la pauvreté qui sont au cœur des effets dévastateurs de la dégradation de l'environnement, ainsi que le caractère transversal de cette question qui est ancrée dans presque toutes les activités économiques de sociales de l'humanité. La conférence, qui se tiendra à Rio de Janeiro du 20 au 22 juin 2012, doit prendre en compte les « problèmes nouveaux et émergents » auxquels le monde est confronté aujourd'hui et formuler ses résultats en fonction de quatre objectifs de base : la mise en œuvre, la cohérence, l'intégration et la responsabilité2.

Un principe de base que nous aimerions établir est que Rio +20 soit une occasion unique de recentrer le paradigme du développement en un concept et un objectif plus vastes, qui est le développement durable. Désormais, Rio +20 devrait nous donner la chance d'intégrer un agenda du développement durable, à la fois aux niveaux thématique et institutionnel, afin de pouvoir commencer la mise en œuvre de ces objectifs de base dont la réalisation, dans de nombreux cas, a pris du retard.

Je pense qu'il est important de souligner ces éléments afin de mettre en évidence le fait qu'il y a, aujourd'hui, davantage de raisons d'aborder la relation étroite entre désarmement et développement durable. Alors que nous analyserons les éléments de cette relation, je soulignerai l'importance d'aborder la question du désarmement durable dans le cadre d'une approche plus vaste, essentiellement du point de vue d'un pays en développement et des problèmes qui se posent dans ce domaine.

Au NIVEAU MULTILATÉRAL

Dans la résolution 65/52 du 8 décembre 2010, l'Assemblée générale a souligné le rôle central que jouent les Nations Unies dans la relation entre le désarmement et le développement et a prié le Secrétaire général de renforcer le rôle de l'Organisation dans ce domaine3. Aux paragraphes 6 et 7 de cette résolution, l'Assemblée a de nouveau invité les États Membres à communiquer au Secrétaire général des renseignements « sur les mesures et les efforts visant à consacrer au développement économique et social une partie des ressources libérées par la mise en œuvre d'accords de désarmement et de limitation des armements, afin de réduire l'écart toujours croissant entre pays développés et pays en développement4 ». Il n'est, malheureusement, pas possible de mesurer ce mandat de manière objective.

Au cours de la Réunion plénière de haut niveau de l'Assemblée générale sur les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), qui s'est tenue à New York du 20 au 22 septembre 2010, plus de 60 États Membres ont examiné la question de la violence armée et de ses conséquences négatives sur la réalisation des OMD. Ils ont souligné le fait que la violence et la criminalité sont des obstacles à la productivité, à la croissance économique et à la capacité des États à atteindre leurs objectifs de développement. Il est intéressant de noter que les armes légères et de petit calibre sont les véritables armes de destruction massive, car elles s'acquièrent facilement et sont couramment utilisées par la population civile.

Au cours d'un débat public organisé le 11 février 2011 par le Conseil de sécurité sur la relation entre sécurité et développement, le Conseil a noté que « pour mener à bien les multiples activités que peut prévoir le mandat d'une opération de maintien de la paix, qu'il s'agisse de la réforme du dispositif de sécurité, du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration, de l'instauration de l'état de droit ou de la défense des droits de l'homme, il est indispensable d'adopter une perspective tenant compte de l'étroite corrélation qui existe entre sécurité et développement5 ». À cet égard, nous devrions nous demander combien, parmi ces principes généraux de bonnes relations entre les États et parmi ceux-ci, sont vraiment pris en compte pour réduire l'écart entre sécurité, désarmement et développement.

UNE ANALYSE APPROFONDiE d'un PAYS en DÉVELOPPEMENT

À maintes occasions, le Pérou a souligné l'importance de parvenir à une synergie et à une complémentarité entre la sécurité et le développement, tout en protégeant efficacement les droits de l'homme et en assurant l'aide humanitaire. Nous pensons que ces éléments liés entre eux et interdépendants doivent guider l'élaboration des stratégies des opérations de maintien et de consolidation de la paix. Toutes les fonctions liées à ces opérations doivent se concentrer sur le scénario de la consolidation de la paix qui, de notre point de vue, peut ouvrir la voie au développement durable par divers moyens comme le renforcement des capacités et le développement institutionnel. Toutefois, nous reconnaissons que certains obstacles peuvent se présenter alors que nous essayons de définir la nature complexe de ces éléments interdépendants qui, selon nous, ne sont pas traités efficacement par le cadre multilatéral actuel, à la fois sur le désarmement et sur le développement durable.

Le nombre croissant d'activités illégales pose des problèmes importants aux pays en développement, car elles ont un impact direct et négatif sur les ressources naturelles, les moyens de subsistance de milliers de personnes et, au bout du compte, sur la stabilité et le développement des pays et de leurs gouvernements. Ces activités, qui comprennent le trafic de drogues, les activités de déboisement et d'extraction illégales, la contrebande et la traite des êtres humains, exigent des ressources financières importantes afin de diriger et de fournir l'une de leurs composantes de base - les « sections armées »; et celles-ci sont tout à fait à même de mener des opérations violentes contre l'État et de menacer l'état de droit. La question demeure donc : comment ces activités réussissent- elles à contrôler la chaíne d'approvisionnement en armes ? La question est beaucoup plus problématique si l'on considère que ces chaínes sont essentiellement des activités transfrontières qui révèlent l'absence de mise en œuvre des accords et des obligations découlant des traités internationaux relatifs au désarmement. Ce n'est donc pas seulement la question de la réaffectation des ressources auparavant consacrées à l'armement aux activités de développement, mais aussi les failles du système lui-même qui nous ont conduits à la situation actuelle causée par ces menaces.

En essayant de nous attaquer efficacement à cette question, nous devons examiner de plus près le caractère transversal de ces phénomènes dans le cadre d'une approche multidisciplinaire. Assurément, l 'importance des profits engendrés par ces activités illégales sont une explication simple et générale; elle explique l'effet corrosif de ces activités sur n'importe quel cadre institutionnel et donc les effets négatifs continus que ces opérations ont sur l'environnement et les nations. Mais, une fois de plus, le fait que ces activités illégales soient des questions inscrites en permanence à un grand nombre d'ordres du jour nationaux, régionaux et multilatéraux indique que l'approche doit aller de pair avec un plan global afin d'intégrer cette question en une seule - celle privilégiée par le paradigme du développement durable.

LES DÉFIS À VENIR

Comme nous l'avons mentionné précédemment, les objectifs de base qu'il faut garder à l'esprit sont la mise en œuvre, la cohérence et la responsabilité. Mettre en œuvre les accords que les pays ont déjà approuvés au niveau multilatéral et les faire respecter au niveau national; les intégrer de manière cohérente; et créer des mécanismes de responsabilité comme point de départ afin de réaliser les objectifs mentionnés ci-dessus.
En mettant en évidence ces éléments, je suis sûr que nous ne dévions pas des objectifs visés par la Conférence Rio +20, mais que nous ajoutons plutôt une question importante qui doit être dûment prise en considération étant donné que la prolifération des armes a un effet néfaste sur d'importants fragments de la population dans de nombreux pays en développement et a entraíné la dégradation de l'environnement et de la société.

À l'approche de Rio +20, le contexte actuel nous offre une excellente occasion d'inclure ces éléments et ces réflexions dans les discussions et les négociations qui ont lieu. Nous pouvons dire qu'aujourd'hui, plus que jamais peut-être dans l'histoire récente du multilatéralisme, les problèmes sociaux et économiques qui sont essentiellement enracinés au niveau national ont un impact au niveau international. Les solutions doivent donc venir d'une action concertée au niveau mondial. Cette tendance ne peut être évitée et sera de plus en plus renforcée dans les années à venir.

Notes 1 Conférence des nations unies sur l'environnement et le développement (CNUED) tenue à rio de Janeiro en 1992.

2 L'objectif de la Conférence est de susciter un engagement politique renouvelé au développement durable, d'évaluer les progrès réalisés et les lacunes à combler dans la mise en œuvre des textes issus des grands sommets relatifs au développement durable et de relever les nouveaux défis. La Conférence sera également axée sur deux thèmes : (a) une économie verte dans le contexte du développement durable et de l'éradication de la pauvreté; et (b) un cadre institutionnel pour le développement durable.

3 Rapport A/66/168 du Secrétaire général sur la relation entre désarmement et développement, para. 1.

4 Ibidem, para. 2.

5 S/PRST/2011/4.