30 décembre 2011

Àprès la déception suscitée par l'Accord de Copenhague de 2009 tant annoncé, on a considéré que les Accords de Cancun de 2010 étaient un progrès, un consensus ayant été atteint afin de créer un Fond pour le climat prévoyant d'augmenter les financements à long terme pour les pays en développement.

Au cours de l'année passée, en grande partie à l'insu du public, les Gouvernements des pays riches et ceux des pays pauvres se sont attelés à la conception du Fond vert pour le climat visant à mobiliser 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020 afin d'atténuer les effets du changement climatique et de s'y adapter. Avons-nous réellement besoin d'un nouveau fonds mondial, et avons-nous les moyens de le financer, compte tenu de la crise financière ?

Le Fonds pour l'environnement mondial (FEM), créé à la veille du Sommet de la Terre de Rio en 1992 pour promouvoir le développement durable dans les pays pauvres, est la principale source de financement pour les conventions internationales pour l'environnement créées à Rio, y compris le changement climatique. Aujourd'hui, le FEM accorde 300 millions de dollars par an aux pays en développement. Il gère également deux fonds de la Convention sur les changements climatiques : le Fonds spécial pour les changements climatiques et le Fonds pour les pays les moins avancés. Ces fonds ont accordé aux pays en développement 420 millions de dollars de subventions afin de réduire leur vulnérabilité face aux changements climatiques dans le cadre de leur développement national. Un fonds pour l'adaptation a également été créé dans le cadre du Protocole de Kyoto à la Convention sur les changements climatiques. En 2008, la Banque mondiale a également créé deux Fonds d'investissement pour le climat afin de fournir des subventions et des prêts en vue d'atténuer les effets du changement climatique et de s'y adapter. Des fonds similaires existent dans les banques régionales de développement, les organismes de l'ONU et les institutions d'aide bilatérale.

Compte tenu de ces nombreux fonds, pourquoi avons-nous besoin d'un autre fonds pour le climat ? Qu'est-ce qu'un nouveau fonds peut apporter de plus que les autres fonds et institutions ? La réponse fréquemment donnée est que nous avons besoin d'un fonds qui fournisse des ressources suffisantes pour libérer les économies de leur dépendance aux combustibles fossiles. Une autre réponse est que nous avons besoin d'un fonds qui soit plus démocratique dans sa structure décisionnelle. Si l'idée d'un nouveau fonds pouvant mobiliser des centaines de milliards de dollars est, sans aucun doute, excitante, elle n'est pas réalisable, en particulier dans un context économique en crise où les Gouvernements de la plupart des pays développés ont de graves difficultés financières. Par exemple, en été 2011, nous avons assisté au sein du Congrès américain à des controverses acrimonieuses portant sur le budget et le plafond de la dette. En 2010, le Congrès n'a approuvé que 90 millions de dollars sur les 144 millions que les États-Unis s'étaient engagés à verser au FEM; on ne s'attend pas à un changement cette année. Les Fonds d'investissement pour le climat ont connu un sort encore pire.

Il paraít vain d'espérer que les législateurs accueillent l'idée d'un nouveau fonds avec enthousiasme. Les créateurs du Fonds pour le climat en sont conscients et espèrent apparemment que le secteur privé contribuera en grande partie à ces 100 millions de dollars annuels - c'est, du moins, le point de vue de la plupart des pays développés. Il existe cependant de nombreux obstacles, notamment le fait d'envisager que le secteur privé ne participe pas au Conseil d'administration du Fonds et que la plupart des pays en développement s'attendent à ce que le Fonds soit financé par les budgets des Gouvernements.

J'estime, pour ma part, qu'une approche transformative au financement de la lutte contre les changements climatiques à hauteur de 100 millions de dollars par an pourrait être adoptée si nous abordions la question différemment. Nous devons adopter une approche à court et à moyen terme pour mettre en place une stratégie à long terme.

Premièrement, nous devons nous atteler à la situation chaotique actuelle et au manque de ressources du système de financement des mesures d'adaptation aux changements climatiques. Nous n'avons pas besoin d'un autre fonds sans fonds. Il faut renforcer les fonds actuels, les alimenter régulièrement, et entreprendre une réforme des processus de gouvernance pour garantir des systèmes plus transparents et plus démocratiques.

Deuxièmement, le Fonds pour le climat pourrait être établi comme un « fonds de fonds » qui coordonne toutes les sources de fonds existants, notamment le suivi des investissements du secteur privé. Actuellement, chaque fonds a ses propres règles, ce qui ne facilite pas la tâche des pays faiblement dotés de ressources qui peinent déjà à mettre au point des programmes d'aide financière viables. Le Conseil d'administration du Fonds pour le climat pourrait définir des normes communes et examiner de près les projets qui sont qualifiés de « financement dans le domaine du changement climatique » par l'intermédaire d'entités, où qu'elles se trouvent dans l'architecture financière mondiale. Ce fonds de fonds devrait avoir ses propres ressources pour compléter les ressources actuelles des différents fonds afin de pouvoir proposer des orientations aux Conférences des Parties (CP) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

L'introduction de normes communes serait en accord avec les principes de la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide qui a recueilli l'approbation internationale, tous les fonds visant à atteindre le même objectif. Dans le cadre de cette approche, les négociations liées au Fonds pour le climat devront porter sur la mise en place d'une structure de gouvernance qui, tout en devant rendre compte aux parties à la Convention sur les changements climatiques, pourrait surveiller, coordonner et intégrer de façon démocratique et transparente le travail des fonds pour le climat existants. Cela permettra d'assurer une meilleure efficacité des activités des différents fonds et pourrait nous permettre d'atteindre notre objectif de 100 millions de dollars en comptant toutes les ressources qui sont demandées pour le changement climatique de façon transparente.

Tandis que nous pouvons réaliser la solution à court terme mentionnée plus haut, pour atteindre notre objectif d'augmenter les investissements afin d'aider les économies à utiliser les combustibles non fossiles, la solution à long terme serait de créer une « banque verte ». Pour que cette banque dispose du niveau de ressources le plus élevé pour ses activités, au lieu d'être employée pour sa capitalisation, elle devrait être créée en tant que filiale d'une institution existante. Ce n'est qu'en créant une banque de ce type que nous pourrons élargir la participation du marché des capitaux et utiliser un éventail d'instruments financiers, notamment trouver des solutions innovantes concernant le marché du carbone.

Dans le cadre de cette Banque verte, les grands fonds pour le climat existants - FEM, Fonds d'investissement pour le climat, Fonds pour l'adaptation - pourraient être établis comme des « guichets » de financement répondant aux objectifs des différents guichets de financement en discussion au Fonds vert pour le climat. Ces guichets pourraient avoir leurs propres mécanismes de gouvernance. Toutefois, le Conseil d'administration du Fonds vert jouerait un rôle primordial dans la gouvernance de ces guichets, prendrait les décisions relatives au financement et rendrait compte à la COP à la CCNUCC.

Le moment est venu de viser plus haut en assemblant les différentes pièces de ce puzzle complexe. Nous atteindrons l'objectif de 100 millions de dollars par an si nous savons tirer profit des fonds existants et de leur expérience, tout en améliorant la responsabilité de l'ensemble du système. Nous pourrions faire de ce rêve une réalité en exploitant ce que nous avons déjà. ❖

 

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