15 mai 2011

Ma principale motivation à écrire un article sur le VIH/sida a été mon désir de contribuer et de collaborer à la lutte contre ce fléau. Ma réaction est basée sur un sens profond du devoir, un engagement fort et une nécessité vitale. Les psychologues désignent le comportement comme l'aptitude d'une personne à appréhender le monde (le point de vue psychologique) qui, une fois transférée dans un cadre social, donne lieu à un système de valeurs sociales (le point de vue sociologique).

C'est dans ce contexte que je parle de « responsabilité individuelle mondiale », un concept qui incarne le comportement d'une personne qui, en tant que citoyen du monde, fait preuve d'un sens profond du respect des droits de l'homme et de la dignité. De fait, la responsabilité individuelle mondiale implique le sentiment profond d'une obligation éthique et morale de mener une action positive, conscients que des personnes souffrent et qu'elles ont besoin de notre aide et de notre soutien. Être un citoyen mondial signifie avoir conscience de cette obligation et de ce droit.

Comment ne pas être en colère, indignés ou furieux lorsque l'on est témoin de souffrances humaines quelles qu'elles soient ? La responsabilité individuelle mondiale incite à la rébellion et à l'action qui doivent se transformer en une obligation éthique et morale afin d'aider ceux qui souffrent de la faim, de l'extrême pauvreté, du manque d'éducation, de toutes les formes de discrimination (sexe, couleur, race, religion, statut social et politique) ainsi que ceux qui ont connu un cataclysme ou qui font face à une mort certaine à cause du manque de soins, de ressources et d'information ou de la corruption structurelle endémique.

Je n'exclus en aucune façon les mécanismes sociaux de solidarité. Au contraire, je m'emploie à les renforcer et à les consolider. Il est clair que les pays ont répondu avec efficacité aux catastrophes - la lutte contre le VIH/sida est un exemple et il y a lieu de les féliciter1.

Toutefois, les actions sociales seules ne suffisent pas : l'engagement doit venir d'un désir profondément ancré en chacun de nous, car il est impossible d'oublier l'engouement populaire pour l'eugénisme dans les années 1980 et la stigmatisation associée au VIH/sida comme cela avait été le cas avec la lèpre, la tuberculose et le cancer. Comment oublier aussi tous les mythes liés à l'agonie des malades du sida ? Comment oublier la ségrégation et l'isolement qui en résulte ? Comment oublier les violences physiques dont elles sont victimes ainsi que leurs proches qui sont spécialement visés car, pense-t-on, ils sont eux aussi infectés ?

Le VIH/sida c'est aussi la faim et l'extrême pauvreté, la discrimination, les droits de l'homme, l'injustice et les inégalités structurelles, le mépris envers les êtres humains, les inégalités sociales entre les personnes et les collectivités, la corruption endémique, l'espérance de vie et à la mort. Combattre le VIH/sida c'est considérer la vie comme un bien essentiel, comme un droit humain inaliénable.

La lutte contre le VIH/sida est complexe et systémique : des aspects scientifiques, éducatifs, culturels et politiques y sont étroitement associés. La science seule ne suffit pas, même si elle a permis de réduire de manière significative la transmission du virus de la mère à l'enfant et de mettre au point une prophylaxie antirétrovirale qui a augmenté l'espérance de vie qui est passée de cent jours à quarante ans. L'éducation a permis de sensibiliser les populations sur la prévention, mais s'intéresser exclusivement à la prévention nous fait oublier d'autres aspects importants contribuant à sauver des vies. Le traitement et la prévention doivent être globaux, accessibles et compatibles avec les différentes cultures. La prévention ne peut être efficace que si les traitements le sont, sinon le découragement prend le dessus. Le traitement est souvent inefficace parce que les patients issus de cultures différentes n'ont pas la même approche du concept du temps et ne savent pas comment administrer les doses de façon appropriée2. Souvent l'inertie des gouvernements ou la corruption structurelle endémique sont à l'origine du manque de ressources allouées au traitement du VIH/sida3.

Assumer une responsabilité individuelle mondiale va au-delà de l'empathie. Cela implique un engagement actif au niveau individuel en vue de vaincre la maladie et de réduire le fossé des inégalités et l'exclusion. Assumer une responsabilité sociale individuelle signifie autonomiser les communautés qui ont été frappées par la maladie et transformer la stigmatisation et la discrimination en solidarité et en inclusion; prendre des décisions dénotant un engagement inébranlable envers l'humanité; et dénoncer le manque d'éthique et inverser les souffrances humaines.

En tant qu'individu, nous choisissons de travailler activement en lançant une attaque contre la faim, la pauvreté et les inégalités qui sont les causes de cette pandémie exceptionnelle . Les comportements et les actions individuels constituent une nouvelle forme d'action mondiale en réponse à la souffrance humaine. Les générations futures nous jugeront sur la manière dont nous avons géré une crise qui a représenté un défi pour la communauté scientifique et révélé l'étendue et les limites de notre monde moral. En tant que citoyens du monde, il est temps de prendre conscience de la valeur de l'humanité et de réveiller notre responsabilité individuelle.

Notes
1 Voir : ONU, ONUSIDA, UNICEF, Déclaration du Millénaire de l'ONU, Objectifs du Millénaire pour le développement de l'ONU, Impact universitaire de l'ONU.
2 Pour être efficace, le traitement antirétroviral doit être administré en plusieurs doses à des moments précis de la journée. Dans certains pays africains, le concept du temps est différent du nôtre. Beaucoup n'ont jamais vu une montre de leur vie.
3 Les communautés les plus pauvres au monde sont celles qui paient le plus lourd tribut à l'épidémie du VIH/sida.

 

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