La mondialisation du monde moderne a entraîné une hausse importante de la migration dans des lieux à la fois proches et éloignés, soutenue par de nombreux facteurs. Par exemple, le développement des systèmes de transport modernes sophistiqués et de réseaux a rendu les déplacements plus faciles, moins chers et plus rapides qu’à aucun moment de l’histoire. Néanmoins, les attitudes sociales et culturelles envers les migrants et les relations entre les populations locales et les nouveaux arrivants ne sont pas toujours aisées ni harmonieuses. Dans de nombreux pays, les migrants et la migration sont parmi les questions qui ont fait l’objet de débats animés et, de fait, ces questions ne sont pas faciles à aborder. En même temps, les sociétés, comme les sociétés traditionnelles kazakhes, se sont constamment déplacées d’un lieu à un autre et ont développé un ensemble de normes et de perceptions sociales autour de la migration et des déplacements humains. Le monde moderne peut-il s’inspirer de ces cultures nomadiques pour traiter ces questions ?

Nos sociétés et nos économies post-industrielles requièrent la mobilité et le transfert des compétences, de l’expertise et de l’expérience dans divers lieux géographiques, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des États. Selon les estimations du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la planète compte 200 millions de migrants internationaux et 740 millions de migrants internes. L’innovation et la concurrence ainsi que le développement rapide des technologies de l’information et de la communication et des nouveaux médias exigent le recrutement, le déploiement et le redéploiement rapides de talents dans des lieux spécifiques du monde, parfois imprévisibles. Or, les idées, les attitudes et les normes sociales de l’ère préindustrielle et industrielle continuent de créer des obstacles au déplacement des populations, comme les préoccupations liées à la sécurité des emplois locaux, à la compatibilité des cultures et aux difficultés d’intégration dans les sociétés.

Les cultures nomadiques, contrairement aux communautés sédentaires dans les ères pré-industielle et industrielle, ont été constamment confrontées à la migration. Par exemple, les nomades du Kazakhstan ont dû traiter les questions économiques, culturelles et sociales relatives au déplacement des populations. Les sociétés nomadiques, cependant, ont eu tendance à gérer les priorités de façons très différentes. Contrairement aux sociétés modernes industrielles et post- industrielles, où les considérations économiques dominent, les sociétés nomades privilégient souvent les dimensions culturelles et sociales et intègrent ensuite les aspects économiques.

La communication est régie par certains critères et certaines traditions culturelles. L’identité culturelle, l’appartenance à certains groupes ou à certaines cultures, jouent un rôle de plus en plus important dans le développement des attitudes individuelles et collectives et dans l’inclusion des personnes dans les environnements culturels ou dans leur exclusion. Ces aspects culturels pourraient prendre des formes différentes et avoir d’autres impacts sur les relations entre les communautés d’accueil et les migrants pour ce qui est de la langue, du code vestimentaire, des habitudes culinaires et des symboles culturels. Les sociétés nomadiques l’ont compris. Elles ont créé un ensemble de traditions et de rituels sur la manière de traiter les migrants et de leur offrir l’hospitalité non seulement au niveau national, mais aussi au niveau de la communauté.

L’aspect social est une autre dimension importante de ce processus, car tous les participants – les communautés d’accueil comme les nouveaux arrivants – doivent faire face à une multitude de questions sociales. D’un côté, les immigrants doivent prendre en compte les normes sociétales, les relations sociales établies et le tissu traditionnel de la société. De l’autre, les citoyens sont confrontés aux perceptions sociales et aux traditions des nouveaux arrivants, à leur façon de gérer les relations sociales et de développer des liens.

L’aspect économique joue un rôle important, en créant des obstacles ou en les mettant en valeur. Dans ce domaine, les inégalités sont marquées, l’économie se développant dans une région au détriment des autres, de même que les fortunes et les marchés de l’emploi. Gérée efficacement, la migration peut revitaliser certaines localités et dynamiser les communautés. Les nomades ont compris l’importance de donner aux migrants la possibilité de voyager librement et d’offrir leurs compétences et leur savoir-faire sur la route de la soie, avec ce qui serait l’équivalent de nos visas et de nos permis de travail, afin d’enrichir leurs pays.

LES MULTIPLES IMPACTS DE LA MIGRATION

L’aspect le plus important de la culture et de l’art traditionnels kazakhs est la manière dont ces populations perçoivent l’univers. De ce point de vue, le nomadisme n’est pas seulement une manière de vivre, mais aussi une manière de comprendre le monde qui nous entoure, les cycles de la vie, les interactions avec la nature et les mouvements de l’âme humaine. Selon ce point de vue, l’âme humaine devrait toujours rechercher un équilibre parfait, à la fois dans le monde réel et dans la construction philosophique imaginaire du monde.

Devant constamment faire face au déplacement de personnes, y compris celui de leurs populations et des populations voisines, les nomades ont développé certaines attitudes en matière de migration et de questions connexes.

La curiosité culturelle est un aspect important. Dans la culture nomadique, il est naturel de s’intéresser aux autres et aux divers aspects des différences culturelles sans idées préconçues, de s’informer auprès des nouveaux arrivants de l’organisation de la vie au-delà de l’horizon ainsi que des nouvelles compétences et technologies.

La tolérance est également importante. Sur la route de la soie, les sociétés nomadiques acceptaient habituellement les nouveaux arrivants et faisaient preuve de tolérance envers les différences de religions, de points de vue, de langues, de code vestimentaire et d’autres aspects.

Enfin, l’attitude sociale. Le Kazakhstan, comme les États-Unis, a été un pays d’immigrants pendant des siècles. Les populations ont développé et intégré l’accueil des migrants dans leurs normes sociales. Ces attitudes sociales ont été privilégiées et favorisées par tous les membres de la société.

CE QUE LE MONDE MODERNE PEUT APPRENDRE DES CULTURES NOMADIQUES

Le Rapport mondial sur le développement humain 2009 du PNUD, Lever les barrières : mobilité et développement humains indique que la migration humaine ne disparaîtra pas et que, même, elle s’accentuera à la fois aux niveaux international et national, soulignant qu’« il est historiquement démontré que le développement et la migration vont de pair1 ». Pendant des décennies, elle a été au cœur des préoccupations des gouvernements nationaux et des organisations internationales, qui ont travaillé à mettre en place des mesures et des outils politiques afin de faciliter et d’harmoniser les mouvements de populations et de faire face aux conflits et aux nombreuses autres questions qui lui sont liées. Il reste pourtant beaucoup à apprendre des expériences passées et présentes, y compris celles des sociétés nomadiques comme les Kazakhs. À cet égard, il est important d’accorder une plus grande attention à la dimension culturelle de la migration et, par le développement des échanges culturels, promouvoir le partage des valeurs et améliorer le dialogue entre les communautés d’accueil et les migrants. En outre, les politiques économiques et sociales mises en place par les gouvernements nationaux et les organisations régionales et internationales devraient accorder une plus grande importance à la connaissance des valeurs et des traditions culturelles, ce qui permettrait d’élaborer de meilleures politiques et un plus grand nombre de mesures ascendantes pour faire face au déplacement de personnes et de cultures qui ne cesse de croître dans le monde.   ❖

Notes

1   Programme des Nations Unies sur le développement, Rapport mondial sur le développement humain 2009: Lever les barrières : mobilité et développement humains (Basingstoke, United Kingdom, Palgrave MacMillan, 2009), p.2.