Nous sommes beaucoup à nous demander ce que signifient exactement l'alphabétisation et le rôle qu'elle joue dans la vie quotidienne des gens. L'alphabétisation est un droit humain et peut se révéler un outil d'autonomisation individuelle et de développement social. Les opportunités en matière d'éducation sont liées à l'alphabétisation. Celle-ci est donc essentielle pour éradiquer la pauvreté, car elle améliore la situation économique des communautés, réduit les taux de mortalité infantile et maternelle, réduit la croissance démographique, réalise l'égalité des sexes et encourage le développement durable aux niveaux local, régional et national1.
Selon un rapport publié en 2007 par l'Organisation des Nations pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), les pays d'Asie du Sud et du Sud-Est comptent environ 388 millions d'adultes analphabètes, le nombre le plus élevé au monde. Alors que les taux d'alphabétisation en Asie centrale ne sont pas aussi élevés, les différences entre les sexes sont importantes, 72,5 % des analphabètes étant des femmes2. Le manque d'éducation et l'analphabétisme chez les femmes et les enfants ont des effets multiples et des conséquences négatives directes et indirectes sur leur émancipation, leur situation économique et leur santé.
Pour améliorer les taux d'alphabétisation, l'Assemblée générale de l'ONU a désigné 2003-2012 la Décennie des Nations Unies pour l'alphabétisation. Dans ce contexte, l'UNESCO s'est associé aux institutions et aux organisations de l'ONU pour améliorer l'alphabétisation et l'éducation en matière de santé par des programmes d'éducation formels et informels.
L'éducation pour la santé et le rôle important qu'elle joue ont été définis par l'Organisation mondiale de la santé comme suit :
Pour posséder les compétences en matière de santé, il faut atteindre le niveau de connaissances, d'aptitudes personnelles et de confiance nécessaire pour prendre les mesures requises pour améliorer sa santé et celle de la communauté en modifiant ses modes de vie et les conditions de vie. En conséquence, les compétences en matière de santé vont au-delà de l'aptitude à lire des brochures et à prendre des rendez-vous. Étant donné que ces compétences améliorent l'accès des individus à des informations sur la santé et leur capacité à les utiliser efficacement, elles sont essentielles pour l'obtention de moyens d'agir. Les compétences en matière de santé dépendent d'un niveau d'instruction plus général. Un niveau d'instruction médiocre peut nuire directement à la santé, en limitant l'épanouissement personnel, social et culturel des individus, et entraver l'acquisition de compétences en matière de santé3.
Face aux besoins de leur communauté, les prestataires de soins de santé font souvent face à des défis. L'un des obstacles majeurs est le manque d'observation de règles d'hygiène dû à des connaissances très insuffisantes dans ce domaine. Dans le cadre de mon travail en tant que prestataire de soins de santé et de santé publique et éducatrice de santé travaillant avec les communautés, j'ai constaté que certains groupes, comme les femmes, les populations rurales et les immigrants étaient plus vulnérables que d'autres aux problèmes de santé. Ils présentent en effet des taux de morbidité et de mortalité plus élevés à cause d'un manque d'éducation. Certains des risques comprennent des taux d'incidence du cancer, du diabète, de la tension artérielle et du VIH/sida élevés. Pour y faire face, une communication efficace doit être établie entre les prestataires de soins de santé et la population cible - pour les aider à reconnaítre, et à minimiser les problèmes de santé potentiels et à y répondre efficacement et rapidement. Alors qu'il existe un besoin urgent de mettre en place un système de communication efficace, le processus est compliqué et souvent insuffisamment développé. Les barrières linguistiques, socio-politiques, économiques et culturelles ainsi que les contraintes de temps posent des défis importants.
L'éducation pour la santé doit être intégrée dans les programmes d'éducation destinés aux jeunes et aux adultes. Un exemple de projet allant dans ce sens est l'initiative mondiale sur l'éducation et le VIH et le sida EDUSIDA, lancée en 2004 par l'UNESCO, en collaboration avec le Programme des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) et d'autres parties prenantes. Ses deux objectifs principaux sont :
1. Utiliser l'éducation pour prévenir la propagation du VIH; et 2. Protéger les fonctions essentielles du système éducatif contre les effets les plus graves de l'épidémie4. Cette initiative importante a été lancée à divers niveaux (partenariats au niveau local, national et international) dans de nombreux pays du monde entier.

PROFILS DE PAYS Vous trouverez ci-après quelques projets et initiatives illustrant les efforts réalisés les institutions de l'ONU, des gouvernements locaux et nationaux, des organisations non gouvernementales et des fondations qui collaborent au niveau local pour améliorer l'éducation en matière de santé, ainsi que la santé des communautés.
Angola. Depuis 2007, l'UNESCO a établi un partenariat avec le Ministère de l'éducation de l'Angola pour offrir une éducation sur le VIH/sida dans tous les programmes scolaires dans le cadre de la réforme en cours. En conséquence, la prévention du VIH et du sida est intégrée dans les programmes scolaires des écoles primaires et secondaires dans tout le pays. Le partenariat entre l'UNESCO et la Fondation Virginio Bruni-Tedeschi vise à encourager le Ministère de l'éducation à dispenser une formation aux enseignants. Le programme est destiné à améliorer la qualité de la formation des enseignants du primaire et du secondaire en matière de VIH/sida, à évaluer les résultats et l'impact en consultant les parties prenantes pour s'assurer l'appropriation et établir des directives et des approches adaptées à la formation interne des enseignants sur la prévention, la prise en charge et le soutien en matière de VIH/sida. Il vise aussi à soutenir le Ministère de l'éducation dans le développement d'un plan de stratégie et de mise en œuvre pour étendre la formation des enseignants à travers tout le pays5.
Une évaluation du projet a été réalisée à la mi-2008. L'une des importantes leçons tirées est que la coordination des efforts parmi les parties prenantes et le soutien au secteur de l'éducation du pays en réponse au VIH au sida sont cruciaux pour donner un impact maximal aux interventions dans la situation de post-conflit et de transition que traverse l'Angola.
Vietnam. L'initiative EDUSIDA a été lancée en 2006 par l'UNESCO en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour la population, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et le Groupe de travail sur l'éducation, le VIH et la santé scolaire qui soutient le Ministère de l'éducation et de la formation (MOET). Les objectifs incluent l'institutionnalisation d'un cadre politique pour officialiser l'éducation sur la santé en matière de procréation dans les écoles, intégrant l'éducation sur la prévention dans les programmes scolaires et renforçant les capacités pour le personnel enseignant par le biais de la formation continue et initiiale6; la mise en place d'un mécanisme de coordination interdépartementale au sein du MOET afin de gérer et de mettre en œuvre des réponses de grande envergure au VIH et au sida. Ce partenariat a aussi donné lieu à l'établissement de lignes directrices pour la mise en œuvre d'une nouvelle législation sur le VIH/sida dans le secteur de l'éducation. La législation tente d'aborder les diverses formes de discrimination auxquelles font face les personnes qui vivent avec le VIH/sida et de protéger leurs droits en matière d'accès aux soins de santé et d'égalité d'accès à l'emploi.
Moldova. L'UNESCO a lancé en 2006 l'initiative EDUSIDA en Moldova après consultations avec le MOET, l'ONUSIDA, le Programme des Nations Unies pour le développement, l'UNICEF, la Banque mondiale et des organisations communautaires. L'équipe du projet a mis l'accent sur la nécessité de promouvoir la sensibilisation afin de mobiliser le soutien des décideurs politiques et d'améliorer la formation et le soutien dans le secteur de l'éducation. Pour répondre à ces besoins, l'UNESCO, en liaison avec l'UNICEF et l'Initiative pour l'accélération de l'éducation pour tous, a organisé des séminaires d'éducation basée sur la préparation à la vie destinés aux éducateurs des centres communautaires pour l'enfant et la famille. En tenant compte du contexte du Moldova et en adhérant aux croyances culturelles et religieuses dominantes du pays, l'initiative EDUSIDA a permis de promouvoir une approche coordonnée parmi les institutions de l'ONU et les autres partenaires en répondant aux défis posés par le vih/sida7.
Mexique. En juin 2007, l'initiative EDUSIDA a été lancée en partenariat avec le Ministère de l'éducation, les institutions de l'ONU, la société civile et les jeunes. L'objectif principal d'EDUSIDA au Mexique est de développer une stratégie nationale pour promouvoir l'éducation sur le VIH et l'éducation sexuelle à l'école8. Le lancement de l'initiative a permis à l'UNESCO de faire un rapport sur les progrès des activités et les leçons apprises, de promouvoir et d'établir des contacts avec les parties prenantes pertinentes et de faire le point sur les derniers développements concernant l'épidémie du sida lors de la XVIIe Conférence internationale sur le sida qui a eu lieu à Mexico en 2008.
En plus de ces activités, le Bureau régional de l'UNESCO pour la culture en Amérique latine et dans les Caraïbes, en collaboration avec plusieurs organisations et institutions des Nations Unies sous l'égide des Ministères cubains de la culture et de la santé publique, a lancé une série de manifestations culturelles avec comme objectif sous-jacent de promouvoir l'éducation en matière de santé, en particulier l'éducation et la prévention du VIH/sida. Dans le cadre de ces initiatives, un atelier a été créé en tant qu'espace multidisciplinaire pour l'échange d'expériences et l'évaluation de pratiques artistiques afin de sensibiliser aux questions du VIH et du sida, en mettant l'accent sur le théâtre et les arts audiovisuels. Une approche multimédia a été utilisée pour évaluer l'impact des arts, de la créativité et de l'éducation sur les changements de comportements individuels et sociaux envers la pandémie9.
Les organisations non gouvernementales ont récemment travaillé en partenariat avec les institutions nationales et internationales pour intégrer les programmes officiels d'éducation pour la santé dans les pays en développement, afin d'améliorer l'accès aux soins de santé et de développer les initiatives pour une maternité sans risque. Par exemple, l'Alliance White Ribon for Safe Motherhood (WRA), en Inde, a travaillé étroitement avec le Partenariat pour la santé maternelle et infantile et le gouvernement indien afin d'apprendre aux femmes à prendre les décisions qui les concernent et à améliorer leur santé. Dans l'État d'Orissa, les femmes connaissent une situation socio-économique défavorable, des taux d'alphabétisation bas, une incidence élevée des mariages précoces et un taux de mortalité de 358 (beaucoup plus élevé que la moyenne nationale de 301). Un facteur qui contribue à cette dure réalité est l'incidence d'anémie élevée chez les femmes enceintes. Les études indiquent aussi que plus de 53 % des femmes vivant dans l'État d'Orissa n'ont aucune responsabilité sur les décisions qui concernent leur propre santé. Pour répondre à ces défis, les parties prenantes mentionnées ci-dessus ont travaillé au niveau local pour toucher les femmes, les responsables des collectivités et les décideurs politiques afin d'améliorer les niveaux d'éducation pour la santé dans l'État. Les efforts ont donné lieu à la mise en œuvre de l'initiative WRA-Orissa qui a été lancée dans 12 districts, ainsi qu'à une campagne intitulée « Pour les femmes et les enfants, des résultats. Maintenant : promouvoir la santé maternelle, néonatale et infantile en Inde ». Cette campagne est centrée autour de la santé infantile et maternelle et met l'accent sur la volonté politique et l'élaboration de nouvelles politiques pour améliorer la santé maternelle et infantile, avec comme thème sous-jacent l'éducation pour la santé10.

RECOMMANDATIONS POUR PROMOUVOIR ET AMÉLIORER L'ÉDUCATION POUR LA SANTÉ PARMI LES POPULATIONS
*Les professionnels de santé doivent être conscients des niveaux d'éducation parmi les populations qu'ils traitent. *Les informations écrites et orales concernant la santé doivent être faciles à comprendre. Une plus grande utilisation de tableaux et d'illustrations peut faciliter la communication : cela inclut aussi le développement et l'utilisation de méthodes éducatives sans référence à un texte. *Un climat neutre et amical entre les prestataires de soins de santé et les patients permettra d'améliorer la communication et la collaboration. *Il est essentiel de former et d'éduquer les professionnels de santé, les enseignants, les travailleurs sociaux et les volontaires dans la communauté sur l'importance de l'éducation et de l'information en matière de santé. Il est possible d'y parvenir, en procédant à une révision des matériels et des procédures existants par les diverses parties prenantes et en dispensant une formation pour améliorer la communication verbale et écrite. *Les croyances et les coutumes culturelles locales doivent être prises en compte lors de la mise en place d'interventions ou de programmes destinés à améliorer les taux d'éducation en matière de santé dans la population cible. *Si cela est nécessaire, les programmes existants peuvent être révisés et adaptés, sur la base des recommandations fondées sur l'analyse et l'évaluation des résultats des projets. *La collaboration et le soutien apportés au secteur de l'éducation des adultes permettront aussi d'améliorer l'éducation en matière de santé dans les communautés. *Si cela est nécessaire, les politiques existantes aux niveaux national, de l'État et local peuvent être modifiées ou réformées pour améliorer les résultats de l'éducation en matière de santé11. En conclusion, l'éducation en matière de santé est un outil important pour l'autonomisation des femmes et des communautés qui permet d'améliorer leur santé et d'assurer le développement durable en réalisant les six premiers Objectifs du Millénaire pour le développement.
Notes 1. Portail sur l'éducation (http://portal.unesco.org/education/en/ev.php-URL_ID=54369&URL_DO=DO_TOPI...) 2. Quatrième conférence régionale de l'UNESCO pour promouvoir l'alphabétisation qui se tiendra à New Delhi (http://portal.unesco.org/education/en/ev.php-URL_ID=54831&URL_DO=DO_TOPI...) 3. Glossaire de la promotion de la santé (http://whqlibdoc.who.int/hq/1998/WHO_HPR_HEP_98.1.pdf) 4. EDUSIDA -- l'Initiative mondiale sur l'éducation et le VIH et le sida (http://portal.unesco.org/en/ev.php-URL_ID%3D36400&URL_DO%3DDO_
TOPIC&URL_SECTION%3D201.html) 5. EDUSIDA -- Angola (http://unesdoc.unesco.org/images/0016/
001610/161028E.pdf) 6. EDUSIDA -- Vietnam (http://unesdoc.unesco.org/images/0016/
001626/162629E.pdf) 7. EDUSIDA -- Moldovie (http://unesdoc.unesco.org/images/0015/
001538/153884E.pdf) 8. EDUSIDA -- Mexique (http://unesdoc.unesco.org/images/0015/001569/
156997E.pdf) 9. Theâtre et arts visuels : Une nouvelle approche au VIH et au sida en Amérique latine et dans les Caraïbes (http://portal.unesco.org/en/ev.phpURL_ID=38930&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html) 10. Bref rapport sur l'audience et le rassemblement publics sur la maternité sans risque, 25 novembre 2008, district de Bough, Orissa (http://www.who.int/pmnch/events/20081125_dnpubhearing_orissa.pdf) 11. Études sur l'éducation en matière de santé (http://www.hsph.harvard.edu/healthliteracy/overview.html)