Libéria: les gardiennes de la paix

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Libéria: les gardiennes de la paix

Le monde salue la contribution des femmes
Franck Kuwonu
Afrique Renouveau: 
Liberian women at an empowerment and leadership conference in Monrovia, Liberia. Photo: UNMIL Photo/Christopher Herwig
Photo: UNMIL Photo/Christopher Herwig
Des femmes libériennes à une conférence sur l’autonomisation et le leadership à Monrovia, Libéria. Photo: UNMIL Photo/Christopher Herwig

La communauté internationale était encore récemment profondément marquée par les images d’enfants soldats au Libéria. Le pays peinait à mettre fin à une guerre civile sanglante.

Les mères, les grands-mères et les sœurs du Libéria se sont mobilisées et ont créé le mouvement Women of Liberia Mass Action for Peace Campaign [Action de masse des femmes du Liberia pour la paix].

Elles ont brandi la menace d’une
« grève du sexe » pour forcer les hommes à négocier la paix. Entièrement vêtues de blanc, les femmes de la capitale, Monrovia, se sont rassemblées par milliers au marché pour discuter, prier et chanter. Les images ont fait le tour du monde.

« Le monde se souvient du Libéria en raison des images des enfants soldats », a déclaré Leymah Gbowee, une dirigeante du mouvement qui a reçu le Prix Nobel de la paix en 2011. « Maintenant, ils connaissent notre pays grâce aux femmes en blanc ».

Leurs efforts se sont poursuivis jusqu’à l’organisation des premières élections nationales.

« Nous avons eu le sentiment que les hommes hésitaient à prendre position », affirme Gbowee, qui dirige actuellement le programme pour les femmes, la paix et la sécurité à l’université Columbia de New York. « Soit ils étaient combattants, soit ils étaient silencieux et acceptaient toutes les formes de violence que nous subissions en tant que nation... Alors, nous avons pris cette résolution, « Nous allons mener cette action pour inciter les hommes à réagir. »

Les femmes ont demandé à rencontrer le président de l’époque Charles Taylor et l’ont contraint à accepter de participer aux négociations de paix en présence des autres chefs des factions belligérantes sous la médiation de la Commission économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Leur action a posé les jalons des négociations qui se sont déroulées au Ghana, où une délégation de 200 Libériennes ont investi le palais présidentiel et fait pression en vue de l’adoption d’une résolution.

Vêtues de blanc, les femmes bloquèrent tous les accès, y compris les fenêtres, empêchant ainsi les négociateurs de se retirer avant d’avoir trouvé un accord. Cette initiative, combinée à la pression exercée par les dirigeants de la CEDEAO, a concouru à la signature d’un Accord de paix global en 2003.

L’activisme politique des Libériennes a continué après l’accord de paix, jusqu’à l’organisation des élections de 2005, remportées par Ellen Johnson Sirleaf.

Les observateurs révèlent que par le biais de l’éducation civique et d’une campagne d’inscription électorale menée par les femmes, les Libériens ont pu faire entendre leurs voix.

Près de 80 % des Libériennes se sont massivement rendues aux urnes à l’occasion des premières élections nationales d’après-guerre et ont propulsé une femme au pouvoir. Un événement historique pour un continent considéré comme le plus patriarcal du monde. « Nous avons déconstruit la théorie du plafond de verre », avait déclaré l’ancienne présidente élue.

S’adressant à des partisans qui célébraient sa victoire quelques jours plus tôt, elle avait exhorté les femmes à « saisir cette opportunité afin de s’impliquer dans les activités civiles et politiques. »

Les Libériennes ont constitué un bloc face à la violence et leurs actions ont contribué à la cessation des hostilités après 14 ans de guerre civile. Par la suite, on a assisté à un changement d’orientation en matière de consolidation de la paix.

La poursuite des activités de plaidoyer par les femmes, avec des messages clairs adressés au public, leur a valu le statut de gardiennes de la communauté. Elles ont également créé le concept de « huttes de la paix » : les femmes reçoivent des formations en leadership et en entrepreneuriat.     


Avec Catherine Onekalit à Monrovia.

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