Finance et justice

Alors que tous les êtres humains disposent du droit inhérent de vivre et de s’épanouir, le manque de ressources permettant de limiter les conséquences des changements climatiques et de s’y adapter rend une vie décente, voire la survie elle-même, hors de portée pour de nombreuses personnes. Il s’agit d’une injustice flagrante, aggravée par le fait que les pays et les communautés disposant des ressources les plus limitées sont, pour la plupart, ceux qui ont peu contribué aux changements climatiques. L’essentiel des émissions de gaz à effet de serre provient des pays les plus riches. Les pays les plus pauvres, qui comptent moins d’usines, de voitures et d’appareils ménagers brûlant des combustibles fossiles, n’ont historiquement émis qu’une faible proportion du total.

La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992 a ouvert la voie à la justice climatique en adoptant un principe historique : les responsabilités communes mais différenciées . Elle demande à ce que chacun prenne des mesures pour lutter contre les changements climatiques. Mais la justice exige que ceux qui ont le plus contribué au problème assument une plus grande responsabilité dans sa résolution. Les gros émetteurs doivent être les premiers à agir pour réduire la pollution et le faire avec rapidité. La justice dépend également de la capacité des pays les plus riches à financer les pays aux moyens plus limités afin qu’ils puissent faire face à l’énorme fardeau financier lié à l’accélération des changements climatiques.

À bien des égards, le financement de l’action climatique, lorsqu’il est suffisant et investi de la bonne manière, est une voie vers la justice climatique. Comment rendre cela possible ? 

 

1. Fixer un nouvel objectif pour le financement de la lutte contre le changement climatique

En 2009, les pays développés ont convenu de mobiliser 100 milliards de dollars par an pour aider les pays en développement à s’adapter aux changements climatiques et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cela inclut des fonds provenant de canaux bilatéraux, régionaux et multilatéraux, ainsi que des fonds privés, par le biais de divers mécanismes, tels que des subventions, des prêts et même des assurances.

En 2022, les pays développés ont atteint cet objectif pour la première fois, en fournissant un total de 115,9 milliards de dollars de financement climatique  pour les pays en développement. Cependant, seule une petite partie du total est allée aux pays à faible revenu et seulement environ un quart à l’Afrique. Les prêts constituent la principale catégorie de financement et sont majoritairement destinés aux pays à revenu intermédiaire.

Lors de la conférence des Nations Unies sur le changement climatique qui s’est tenue à Paris en 2015, les gouvernements ont décidé de fixer un nouvel objectif collectif quantifié en matière de financement climatique avant 2025, s’élevant à au moins 100 milliards de dollars par an et tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement. Ce nouvel objectif est censé être adopté lors de la COP29 en Azerbaïdjan en novembre 2024.

Le nouvel objectif financier permettrait de canaliser davantage de fonds vers les actions climatiques urgentes dans les pays en développement . Il soutiendrait, par exemple, des solutions à faible émission de carbone et résilientes au changement climatique dans les secteurs de l’énergie, des transports et de l’agriculture, et devrait permettre aux pays en développement de renforcer leurs ambitions climatiques dans la prochaine série de plans climatiques nationaux, qui doivent être présentés en 2025.

L’ampleur du financement nécessaire est considérable. Selon les estimations, les marchés émergents et les pays en développement, à l’exclusion de la Chine, auront besoin de près de 2 400 milliards de dollars par an d’ici 2030  pour atteindre les objectifs climatiques. C’est quatre fois ce qui est actuellement investi. Sur ce montant, environ 1 000 milliards de dollars par an devront provenir de sources de financement internationales, qu’elles soient publiques ou privées.

 

2. Doubler le financement destiné aux pays pour qu’ils puissent s’adapter aux impacts climatiques

Tous les pays doivent s’efforcer de parvenir à zéro émission nette, mais chaque pays et chaque communauté doit également s’adapter aux changements climatiques. L’adaptation est une priorité absolue pour les pays à faibles émissions qui sont très vulnérables aux effets du climat, comme de nombreux petits États insulaires en développement et pays les moins avancés. Construire des logements résistants aux tempêtes, planter des cultures résistantes à la sécheresse, installer des systèmes d’approvisionnement en eau fiables et investir dans des filets de sécurité sociale figurent parmi les nombreux éléments essentiels de l’adaptation.                                                               

Alors que la moitié de la population mondiale vit désormais dans des « zones de danger » climatique, où la population est 15 fois plus susceptible de mourir des effets climatiques, le Secrétaire général a appelé à doubler les financements pour l’adaptation. Ceux-ci doivent être répartis équitablement, sans imposer de contraintes supplémentaires. Il est inquiétant de constater que plus de 60 % du financement de l’adaptation prend la forme de prêts , plutôt que de subventions, une proportion qui est en augmentation.

L’adaptation aux changements climatiques devient de plus en plus coûteuse à mesure que ces changements prennent de l’ampleur. Les pays pourraient devoir dépenser jusqu’à 387 milliards de dollars par an d’ici à 2030 et beaucoup plus d’ici à 2050, selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement

Malgré ces besoins, et malgré les promesses faites lors de la COP26 à Glasgow de doubler le financement de l’adaptation pour atteindre environ 40 milliards de dollars par an d’ici 2025, les flux de financement public multilatéral et bilatéral pour l’adaptation vers les pays en développement ont diminué de 15 % pour atteindre 21 milliards de dollars en 2021. Les besoins de financement pour l’adaptation sont désormais 10 à 18 fois plus élevés que les flux actuels de financement public international pour l’adaptation.

 

3. Réformer la Banque mondiale et les autres banques de développement pour les rendre aptes à remplir leur mission

Le système actuel de prêt d’argent aux pays pour le climat et le développement durable est défaillant. Le Secrétaire général a qualifié le système financier international de « myope, enclin aux crises et déconnecté des réalités économiques actuelles », notant qu’il a été créé avant même que les changements climatiques n’existent.  

Le Pacte pour l’avenir, adopté par les dirigeants mondiaux en septembre 2024, présente l’accord le plus détaillé jamais conclu aux Nations Unies sur la nécessité de réformer l’architecture financière internationale afin qu’elle représente et serve mieux les pays en développement.

Les injustices du système financier international ont des répercussions considérables. Si de nombreux pays sont désireux d’investir dans des mesures climatiques bénéfiques à l’ensemble de la planète, beaucoup n’en ont pas les moyens. Actuellement, 52 pays en développement souffrent de graves problèmes d’endettement. Ils abritent 40 % de la population mondiale vivant dans l’extrême pauvreté, et la moitié d’entre eux figurent parmi les pays les plus vulnérables aux changements climatiques.

Les coûts de financement élevés sont en grande partie à l’origine du poids insoutenable de la dette nationale. Avant même la récente flambée des taux d’intérêt, les pays les moins avancés empruntant sur les marchés internationaux des capitaux étaient confrontés à des taux allant jusqu’à 8 %, contre 1 % dans de nombreux pays plus riches. Lorsqu’il s’agit de financer la lutte contre les changements climatiques, cela peut signifier des coûts élevés qui s’ajoutent à ce que l’action climatique exige déjà. En 2019-2020, plus de 60 % du financement climatique a nécessité l’emprunt de fonds , soit environ 384 milliards de dollars. Seuls 47 milliards de dollars ont bénéficié de taux d’intérêt faibles ou concessionnels. Les subventions sans coût ne s’élevaient qu’à 36 milliards de dollars.

Le Secrétaire général a appelé à une réforme du système financier international afin de rendre le financement de l’action climatique et du développement plus abordable, plus adéquat et mieux adapté pour faire face à l’ampleur de la crise climatique. Il a appelé à la mise en place d’un programme de relance des objectifs de développement durable qui permettrait d’augmenter le financement du développement durable d’au moins 500 milliards de dollars par an. Le Secrétaire général et le Premier ministre de la Barbade ont uni leurs forces dans le cadre de l’initiative de Bridgetown, qui préconise de canaliser des milliards de dollars du Fonds monétaire international, des banques multilatérales de développement et du plan de relance des ODD vers les pays en développement, et de mobiliser plus de 1 500 milliards de dollars par an en investissements verts du secteur privé.

 

4. Mobiliser des fonds pour les pertes et préjudices

Les fonds d’adaptation permettent de se préparer aux effets des changements climatiques et de les atténuer. Pourtant, les pertes et préjudices sont inévitables et subis de manière disproportionnée et injuste par les pays en développement vulnérables. Des canicules prolongées, la désertification, l’acidification des océans et des phénomènes extrêmes tels que les feux de brousse et les mauvaises récoltes se produisent déjà et s’aggraveront au fil du temps, détruisant les infrastructures et sapant les économies en difficulté. Certains pays perdront de grandes portions de terre à cause de l’élévation du niveau de la mer.

Les financements spécifiquement dédiés aux pertes et préjudices permettent de compenser les impacts liés aux changements climatiques qui se produisent, même si les pays s’adaptent et se préparent longtemps à l’avance. Ces financements peuvent s’appuyer sur divers outils financiers. Le Secrétaire général propose par exemple de taxer les bénéfices exceptionnels tirés des combustibles fossiles. La conversion de la dette, qui consiste à annuler les dettes existantes afin d’utiliser les fonds pour des mesures de lutte contre les changements climatiques, serait une autre solution.

En 2022, les négociations des Nations Unies sur le climat ont abouti à la création d’un Fonds pour les pertes et les préjudices. En 2023, les pays ont mis en mouvement le fonds pour les pertes et dommages, hébergé par la Banque mondiale et doté de près de 700 millions de dollars  pour commencer à le remplir. 

Les pays développés doivent désormais fournir beaucoup plus de financement pour alimenter le fonds. Une analyse  de 2023 a révélé qu’entre 2000 et 2019, le monde a subi au moins 2 800 milliards de dollars de pertes et de préjudices dus aux changements climatiques — ce qui représente un coût d’environ 16 millions de dollars par heure.  

Le Secrétaire général des Nations Unies a décrit l’action sur les pertes et préjudices comme une question de solidarité internationale et de justice climatique.

 

Comprendre le fonds spécifique sur les pertes et préjudices

 

5. Protéger toutes les personnes des catastrophes liées aux changements climatiques grâce à des systèmes d’alerte précoce d’ici à 2027

En cas de catastrophe, les systèmes d’alerte précoce peuvent sauver des vies. Pourtant, seule la moitié des pays en sont dotés. Face à l’intensification des phénomènes météorologiques et climatiques dangereux, le Secrétaire général a lancé une campagne visant à couvrir tout le monde d’ici 2027 au plus tard . Cet objectif est d’autant plus réalisable que 75 % de la population possède un téléphone portable et que 95 % peut accéder à l’internet. Il est également plus pressant. Les catastrophes ont été multipliées par cinq au cours des 50 dernières années, causant en moyenne 115 décès et 202 millions de dollars de pertes par jour.

Les systèmes d’alerte précoce permettent non seulement de protéger les droits de l’homme à la vie et à la sécurité, mais ils sont également très rentables. La Commission mondiale sur l’adaptation a estimé qu’une alerte donnée 24 heures avant une catastrophe imminente pouvait réduire les dommages de 30 %. Dans les pays en développement, un investissement de seulement 800 millions de dollars dans ces systèmes permettrait d’éviter des pertes de 3 à 16 milliards de dollars par an.

Dans cette optique, l’initiative « Alertes précoces pour tous » préconise de dépenser 3,1 milliards de dollars entre 2023 et 2027 pour parvenir à une couverture universelle. Cela équivaut à seulement 50 centimes par personne et par an. Pour agir rapidement, les Nations Unies unissent leurs forces à celles de la Croix-Rouge, de la société civile, des entreprises technologiques, des gouvernements donateurs, des banques de développement et du secteur de l’assurance.

 

Pourquoi financer l’action pour le climat ?

L'action climatique nécessite des investissements importants, mais sa valeur est immense : un climat vivable. Les pays du monde entier montrent comment le financement de la lutte contre le changement climatique peut améliorer la vie des gens et les perspectives de la planète.

Climate finance: Time to deliver (en anglais)

Pour atteindre le niveau zéro, il faut au minimum respecter l'engagement de financer le climat à hauteur de 100 milliards de dollars par an. Un rapport d'experts indépendants indique d'où doit provenir l'argent pour atteindre les objectifs climatiques.

Résumé en anglais   Lire le rapport Time to Deliver en anglais)

Adaptation aux changements climatiques

Qu'est-ce que l'adaptation au climat ? Pourquoi est-elle si importante pour chaque pays ? Découvrez comment nous pouvons protéger nos vies et nos moyens de subsistance face aux changements climatiques.

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Mafalda Duarte: le financement public de l’action climatique stimule le changement

Mafalda Duarte, directrice générale du Fonds d'investissement pour le climat, a expliqué comment le financement public du climat catalyse le changement et pourquoi une action climatique réussie dépend fondamentalement de l'inclusion sociale.

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The Acceleration Agenda: roadmap for a livable planet (en anglais)

Le programme d'accélération du Secrétaire général énonce les mesures que doivent prendre les gouvernements, les entreprises et les responsables financiers pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et protéger les vies et les moyens de subsistance.

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Mark Carney : investir dans des solutions climatiques neutres en émissions crée de la valeur et procure des avantages

L'envoyé spécial des Nations Unies pour l'action climatique et la finance, Mark Carney, a expliqué comment le financement privé s'aligne de plus en plus sur la réalisation d'émissions nettes de gaz à effet de serre. Il a souligné que les citoyens du monde entier devaient maintenir la pression en appelant à l'action climatique.

Dr. Adelle Thomas

Pertes et préjudices : une obligation morale d’agir

Adelle Thomas, auteur principal du rapport 2022 du GIEC sur les impacts, l'adaptation et la vulnérabilité, explique ce que signifient les pertes et les dommages pour les populations vulnérables exposées à l'aggravation des impacts climatiques, et l'impératif croissant d'agir.

photocomposition : un orage en arrière-plan et une antenne pour capter les informations météorologiques

Des mécanismes d'alerte rapide pour tous (en anglais)

Un tiers de la population mondiale ne reçoit pas d'alertes précoces en cas de conditions météorologiques extrêmes. Le plan d'action des Nations Unies vise à ce que tout le monde soit couvert d'ici 2027.

photocomposition: act now written in the middle of the sustainable development goals color wheel

Actions pour une économie meilleure

ActNow est la campagne des Nations unies visant à inciter les gens à agir en faveur des objectifs de développement durable. Découvrez comment vous pouvez agir pour une économie meilleure la prochaine fois que vous ferez un achat, que vous voterez ou même que vous effectuerez une tâche ménagère.