La réputation est un atout majeur pour toute organisation, et c'est aussi le cas pour les Nations Unies. C'est pourquoi il est essentiel que les organisations qui composent le système des Nations Unies démontrent clairement qu'elles adhèrent aux mêmes principes qu'elles promeuvent. C'est fondamental pour maintenir à la fois leur réputation et leur intégrité.
Le développement durable est un objectif central pour le système de l'ONU. Par leurs activités nombreuses et variées, toutes les organisations de l'ONU contribuent au développement durable d'une manière ou d'une autre - par le développement économique, la réduction de la pauvreté, les soins de santé, le maintien de la paix, l'appui en matière d'infrastructure ou la protection de l'environnement.
Il est donc essentiel que le système de l'ONU montre l'exemple alors qu'il préconise une gestion efficace des ressources et se tourne vers la neutralité climatique. D'autres mesures sont tout aussi importantes, comme une meilleure gestion des risques, la préparation d'un avenir faible en carbone et moins consommateur de ressources, l'amélioration du moral du personnel et la réduction des coûts.
L'effort entrepris pour atteindre la neutralité climatique a débuté lors de la Journée mondiale de l'environnement, le 5 juin 2007, avec l'annonce publique du Secrétaire général Ban Ki-moon de rendre l'organisation plus efficace dans ses opérations. La même année, le Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination a approuvé la Stratégie pour la neutralité climatique des Nations Unies par laquelle les chefs exécutifs des organismes, des fonds et des programmes de l'ONU se sont engagés à faire progresser leurs organisations vers la neutralité climatique. En particulier, ils ont convenu d'évaluer les émissions de gaz à effet de serre des organisations de l'ONU, de faire des efforts pour les réduire et d'analyser les implications des coûts ainsi que les modalités budgétaires de l'achat des contreparties d'émissions de carbone.
Faire progresser une organisation internationale, composée de nombreux organismes travaillant dans des centaines de lieux d'affectation dans le monde, vers la neutralité climatique n'est pas une tâche aisée. Jamais aux Nations Unies une coordination d'une telle ampleur n'a été mise en place à cette fin. La responsabilité a été confiée au Groupe de gestion de l'environnement des Nations Unies (EMG) dont j'assume la présidence en tant que Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE).
Le Groupe de gestion des questions concernant la gestion durable de l'environnement a été chargé des travaux quotidiens plus spécifiques, un réseau qui dépend de l'EMG composé de représentants de 54 organisations des Nations Unies nommés par le directeur de leur organisation et appuyés par l'initiative SUN (Sustainable United Nations).
La première tâche assignée au Groupe de gestion a été de réaliser un inventaire des émissions de gaz à effet de serre émises par le système des Nations Unies pour ses opérations de 2008. Après avoir recueilli des données pendant un an, le premier inventaire a été publié en décembre 2009 à la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP15) qui s'est tenue à Copenhague. Depuis, deux autres bilans ont été publiés dans des rapports intitulés « Vers une organisation des Nations Unies climatiquement neutre ».
Le bilan le plus récent, publié en avril 2012, montre que les émissions des gaz à effet de serre émises par l'ONU en 2010 étaient de 1,8 million de tonnes d'éqCO2 au total, soit 8,2 tonnes d'éqCO2 par personne. C'est l'équivalent du carbone séquestré chaque année par plus de 1 600 km2 de forêts de sapins. Ces chiffres sont du même ordre de grandeur que les résultats de 2008 et de 2009. Même si la comparaison des émissions d'une année à l'autre est complexe, c'est un objectif que la SUN s'est fixé.
Les voyages, en particulier des transports aériens, contribuent le plus aux émissions totales de carbone de l'ONU. Les voyages aériens à eux seuls sont responsables de la moitié des émissions totales. En 2010, les émissions des voyages aériens s'élevaient à 4,2 tonnes d'éqCO2 par personne, atteignant plus de 10 tonnes pour certaines organisations. Les bâtiments, en particulier la consommation d'énergie des bâtiments de l'ONU, sont la deuxième source principale, émettant environ 100 kg d'éqCO2 par mètre carré.
Il est difficile de mesurer les émissions, mais leur réduction est la raison d'être de la stratégie pour la neutralité climatique des Nations Unies. C'est là que l'imagination, l'ingéniosité et le leadership se manifestent.
Les organismes de l'ONU procèdent actuellement à la création de Stratégies de réduction des émissions et 34 ont déjà été reçues. Elles concernent principalement les voyages, les bâtiments, les conférences et les colloques, reflétant les travaux engagés à l'échelle du système, y compris les projets de directives élaborés par la SUN et des groupes inter-organisations ainsi que des suggestions adressées aux décideurs.
Au niveau des organismes, les activités varient selon leur ambition et leur portée, mais nous constatons déjà d'excellentes initiatives qui témoignent de la détermination et de l'ingéniosité des collègues au sein du système.
L'exemple du PNUE illustre ce point. L'année dernière, son siège a emménagé dans de nouveaux locaux à Nairobi. Ce nouveau bureau est un bon exemple de la manière dont les nouvelles et les anciennes technologies peuvent être combines pour construire des bâtiments plus efficaces tout en montrant que ces constructions ne sont pas réservées seulement au monde développé.
Le but était de construire un bâtiment autonome sur le plan énergétique. Le bâtiment est donc conçu pour générer autant d'énergie que les 1 000 occupants et les opérations de l'établissement consomment, grâce à la réduction de la demande énergétique, à la promotion de l'efficacité énergétique et à l'installation d'un système solaire photovoltaïque.
Les principes essentiels d'une architecture respectueuse de l'environnement ont été suivis et un certain nombre de technologies vertes ont été utilisées. La structure permet non seulement une meilleure pénétration de la lumière naturelle, mais des capteurs de mouvement et des minuteries contrôlent la lumière artificielle en fonction de la présence, de la lumière du jour disponible et du moment de la journée. Le nouveau système de ventilation naturelle permet de maintenir des températures intérieures agréables sans avoir à recourir à la climatisation qui coûte cher. Ce bel édifice montre qu'en relevant le défi de la durabilité, nous améliorons notre vie ainsi que notre environnement.
D'autres organismes ont également réalisé des projets ambitieux. Par exemple, le bureau du PNUD à Bratislava est climatiquement neutre depuis décembre 2011, grâce à la réduction des émissions et aux panneaux solaires installés sur le toit. De son côté, la Banque mondiale a obtenu la certification Gold Standard Leadership in Energy and Environmental Design pour deux de ses bureaux à Washington.
Le Bureau régional du PNUE pour l'Amérique du Nord l'a également obtenue grâce aux normes qu'il a établies pour ses nouveaux bureaux et aux pratiques de construction respectueuses de l'environnement pour les mettre en œuvre. Il s'agis-sait, notamment, de récupérer les gravas de son ancien bureau. Les panneaux de verre ont été recouverts et placés avec soin pour améliorer l'aspect du nouvel espace où des panneaux en verre dépoli assurent l'intimité des bureaux tout en permettant à la lumière de filtrer dans les couloirs et les espaces de travail intérieurs.
Presque tous les meubles existants ont été réinstallés dans les nouveaux bureaux. Des produits recyclés issus de sources d'exploitation viables et fabriqués localement ont été égale- ment utilisés chaque fois que possible. Le sol, par exemple, est construit avec des bouteilles de plastiques recyclées, les bureaux sont en paille de blé compressée et les portes sont en bois issus de forêts exploitées de manière durable, comme certifié par le Forest Stewardship Council. De même, de nombreuses organisations mettent en place des politiques pour promouvoir les voyages en train plutôt qu'en avion.
Une autres stratégie consiste à utiliser le pouvoir d'achat de l'organisation pour encourager les fournisseurs à fournir des produits à plus forte valeur ajoutée issus de sources d'exploitation viable et fabriqués dans de bonnes conditions de travail. Dans leurs stratégies de réduction d'émissions, bon nombre d'organisations mettent l'accent sur les procédures d'achat. Le Comité de haut niveau sur la gestion chargé du Réseau achats a inclus les achats durables parmi ses priorités stratégiques. L'équipe de SUN, en collaboration avec le Bureau des Nations Unies pour les services d'appui aux produits, l'Organisation internationale du Travail et le Comité de haut niveau sur la ges- tion chargé du Réseau achats, a élaboré un dossier de sensibi- lisation pour aider les institutions de l'ONU dans ce domaine. Il ne faut pas sous-estimer l'impact de ces politiques d'achats verts qui sont mises en pratique par les organismes publics et les gouvernements.
D'après ces estimations, si, dans une économie, les dépenses publiques sont environ de 23 % et qu'elles sont consacrées à des secteurs verts - achat de produits certifiés comme le bois, le poisson ou des sources d'énergie propres - cela peut suffire à mettre l'économie entière sur la voie de la durabilité. Une raison est que certains gouvernements considèrent les achats verts comme un résultat important pour le Sommet de Rio en juin.
Quel que soit le degré de réalisation dans la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, il y aura toujours celles qui ne peuvent être éliminées et qui devront être compensées.
L'ONU a élaboré des directives pour compenser les émissions issues des entreprises, ainsi que des conférences et des réunions. Plusieurs organisations de l'ONU ont désormais l'habitude d'acheter des contreparties de fixation de carbone de haute qualité.
Faire progresser l'ONU vers la neutralité climatique est un exercice dans le domaine de la gestion du changement. Il est essentiel que le personnel de l'ONU comprenne ce qui est en train de se faire et comment cela les touche. En 2010, le Secrétaire général Ban Ki-moon a lancé une campagne intitulée « ONU - du bleu au vert » à cette fin, afin d'expliquer au personnel ce qui est entrepris et comment il peut participer. Cette campagne fournit une plate-forme pour partager les meilleures pratiques en dehors de l'ONU. L'année dernière, elle a reçu un prix international pour le Meilleur site Web du secteur public et elle continue d'inspirer les institutions de l'ONU, le personnel et autres parties prenantes au moyen de nombreuses activités comme des concours, des conférences, des études de cas et le réseautage social.
La meilleure ressource dont nous disposons pour assurer la viabilité de l'environnement, c'est notre personnel - le personnel de l'ONU qui s'engage à aider l'organisation à réduire son empreinte écologique au XXIe siècle. Certains traitent la question de la durabilité dans le cadre de leur travail. D'autres le font à titre volontaire. Il existe actuellement plus de 15 groupes écologiques, 50 points de contact et 100 champions verts au sein du système de l'ONU qui s'emploient à lancer des initiatives écologiques dans les bureaux du monde entier, don't beaucoup sont présents sur le site Greening the Blue.
Au cours des dernières années, des progrès importants ont été réalisés pour faire de l'ONU une organisation climatiquement neutre. Toutefois, plusieurs obstacles demeurent qui doivent être surmontés si l'ONU veut tenir le flambeau de la durabilité. Il s'agit, notamment, de définir un mandat clair, de diriger le processus de durabilité et de gérer les priorités divergentes, la budgétisation et les pressions économiques. Le travail est en cours sur tous ces fronts et nous espérons être en mesure de rendre compte, l'année prochaine, des résultats obtenus dans chaque domaine.
La Conférence de Rio a lieu deux décennies après le Sommet de la Terre de 1992 où plusieurs accords importants ont été signés, y compris les traités sur les changements cli- matiques, la biodiversité et la désertification. Elle s'appuie sur la Conférence des Nations Unies sur l'environnement humain de 1972 à Stockholm qui, parmi de nombreuses réalisations, a préparé le terrain pour la création, la même année, du PNUE.
Trouver la voie vers la mise en œuvre du développement durable sous le thème d'une économie verte dans le contexte du développement durable et de l'éradication de la pauvreté, voilà le défi et l'opportunité qui se présentent pour Rio +20.
Les travaux visant à engager l'ONU sur la voie de la durabilité indiquent qu'une transition vers une économie verte est en train de s'opérer au sein des institutions publiques et dans les pays, les villes, les communautés et les entreprises du monde entier.
Rio +20 n'a pas besoin de réinventer la roue, mais d'huiler les rouages pour entrer dans la voie d'un XXIe siècle durable et, ce faisant, accélérer la transformation qui peut permettre à une population mondiale de sept milliards d'habitants, qui passera à plus de neuf milliards en 2050, de prospérer et de trouver des emplois décents de façon à ce que l'empreinte de l'humanité ne dépasse pas les limites planétaires.
La Chronique de l’ONU ne constitue pas un document officiel. Elle a le privilège d’accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingués ne faisant pas partie du système des Nations Unies dont les points de vue ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Organisation. De même, les frontières et les noms indiqués ainsi que les désignations employées sur les cartes ou dans les articles n’impliquent pas nécessairement la reconnaissance ni l’acceptation officielle de l’Organisation des Nations Unies.