Si nous voulons réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement, il est essentiel de partager les ressources, les opportunités et les avantages et de veiller à ce que ceux qui exercent le pouvoir assument leurs responsabilités.
Par ANIRUDH JAGANNATHA RAO, NEERAJA MATHUR et AKORSHI SENGUPTA
Dans le village de Charampa, dans l'État d'Orissa, en Inde, chaque jour marque un nouveau début pour une vie meilleure. Il y deux ans, à la levée du jour, Lila, une mère de trois enfants, se hâtait pour aller chercher de l'eau comme chaque jour au puits du village pour la consommation de sa famille et pour arroser son lopin de terre où elle cultivait des légumes et du sorgho, ce qui lui assurait à peine deux repas par jour. Aujourd'hui, à cause de pluies irrégulières, le puits est presque à sec et la terre est infertile. « Mon mari est allé à Cuttack pour trouver du travail », dit Lila d'un air las. « Il n'est jamais revenu. Je dois nourrir ma famille. Sans pluie, comment faire ? J'ai une carte de rationnement. Nous parcourons de longues distances à pied pour nous rendre au magasin à prix équitables, mais les rayons sont vides ou les céréales sont pourries ! ». Sa fille aínée, Mala, a abandonné l'école à neuf ans pour aider sa mère dans les travaux ménagers et s'occuper de ses jeunes frères et sœurs. Pour Mala, l'école a été une expérience humiliante - il n'y avait pas de toilettes pour les filles.
Lila est allé plusieurs fois consulter le conseil du village, sans réel succès, jusqu'au jour où M. Mohan, un fonctionnaire de l'État de Tamil Nadu, a été nommé député du district. Il avait précédemment entrepris plusieurs projets de réduction de la pauvreté, notamment la création de groupes d'auto-assistance de femmes, l'octroi de facilités de microcrédit et la mise en œuvre du programme de cantine scolaire gratuite dans les écoles primaires publiques. Il a transféré ces expériences à Charampa. Il a aussi demandé à plusieurs organisations non gouvernementales de former les villageois à la gestion des bassins versants afin d'assurer un approvisionnement en eau suffisant pendant la saison sèche. Sous sa supervision, les magasins à prix équitables ont été approvisionnés en céréales et la distribution des services a été améliorée. Aujourd'hui, l'absence de pluies n'est plus un problème pour Lila; la réserve d'eau est suffisante pour faire face à une sécheresse. Sa famille ne se couche plus le ventre vide et tous ses enfants sont scolarisés.
Bien que l'Inde ait souligné l'importance des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), de nombreux écarts subsistent quant aux résultats obtenus. Une meilleure intégration des initiatives pourrait accélérer le rythme. Même si nous arrivions à réaliser les OMD, comment pourrions-nous maintenir les résultats et combler les écarts qui demeurent ? Par exemple, l'OMD 1 prévoit de réduire de moitié d'ici à 2015 la proportion de personnes vivant avec moins d'un dollar par jour. Mais qu'en est-il de l'autre moitié ? Et si des populations retombent dans la pauvreté ? Les solutions doivent être durables et, pour y parvenir, il est essentiel de comprendre les liens entre les OMD et d'adopter une approche intégrée. Dans cet article, nous essaierons de cerner les solutions durables qui lient les trois OMD concernant la pauvreté et la sécurité alimentaire, la gestion de l'environnement et l'égalité entre les sexes.
SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
En Inde, la production alimentaire s'avère suffisante pour couvrir les besoins de la population qui compte un peu plus d'un milliard d'habitants. Pourtant, près de 200 millions d'Indiens souffrent de la faim chaque jour. Cela est dû, entre autres, à la répartition inégale des ressources alimentaires. Le gouvernement indien consacre chaque année environ 500 milliards de roupies au Système de distribution public (PDS) pour assurer la sécurité alimentaire. Or, cela est insuffisant. Dans la plupart des villages, les villageois parcourent des kilomètres à pied pour se voir renvoyer chez eux parce les stocks sont insuffisants. S'ils ne sont pas là le jour de la distribution, ils n'ont rien à manger pendant un mois. Au Tamil Nadu, cependant, le gouvernement s'est employé à établir des magasins à prix équitables à 1,5 km maximum des villages. Alors que dans les États où les niveaux de pauvreté sont très élevés, comme l'Orissa et le Bihar, le système de distribution public est miné par la corruption, dans le Tamil Nadu, ce problème a été réglé en confiant aux coopératives et aux groupes d'auto-suffisance de femmes la gestion de 94 % des réseaux à prix équitables afin d'assurer une plus grande transparence. De ce fait, Tami Nadu a établi un système de distribution pratiquement pour tous, et les taux de malnutrition ont considérablement baissé.
Comme au Tamil Nadu, les diverses autorités des États doivent choisir des personnes efficaces et déterminées pour assumer ces responsabilités et solliciter la participation des populations qui s'est avérée nécessaire pour garantir la réussite des programmes de protection sociale, quels qu'ils soient.
La restructuration du PDS en 1996 a eu pour conséquence de reléguer près de 57 % des populations économiquement faibles au second plan. Le gouvernement indien a de nombreux programmes pour améliorer la sécurité alimentaire : le National Rural Employment Act (la loi nationale sur l'emploi), le Programme national de rémunération du travail par de la nourriture et l'Antyodya Anna Yojana. Ces programmes n'ont cependant atteint que partiellement leurs objectifs car ils se chevauchent et ne sont pas suffisamment appliqués. Pour améliorer la gestion des ressources, il faudrait regrouper les programmes ayant des objectifs communs. Cependant, même si les programmes fonctionnaient correctement, de nombreuses personnes n'y auraient pas accès. Pour y remédier, le gouvernement indien pourrait utiliser les technologies de l'information afin de recenser et de cibler les couches de la population concernées.
GESTION DE L'ENVIRONNEMENT
En Inde, la production alimentaire actuelle pourrait être suffisante pour couvrir les besoins de toute la population, mais les changements climatiques rendent l'avenir incertain. La pauvreté écologique y est élevée, malgré des ressources naturelles abondantes. Il n'y a pas suffisamment d'eau pour l'irrigation. Par le passé, les moussons étaient prévisibles et l'agriculture était organisée en fonction de celles-ci. Mais depuis, les changements climatiques et le caractère capricieux des chutes de pluies ont eu des conséquences négatives sur l'agriculture. Ni les chutes de pluie ni les réserves d'eau ne sont suffisantes. Si les subventions versées à des fins d'irrigation ont considérablement aidé les agriculteurs, l'usage excessif de l'eau a aussi entraíné la dégradation des terres dans certaines régions. Il est urgent de mettre en place une gestion des bassins versants largement mise en œuvre par les communautés.
Le gouvernement, les agriculteurs et les organisations non gouvernementales doivent être associés aux stratégies de développement. Les étudiants entreprennent souvent ce type de projets dans le cadre de leurs études. Grâce à ces projets, chaque université peut être reliée à un village et les étudiants peuvent apporter de nouvelles idées, contribuer à la gestion des bassins versants et former les agriculteurs, tandis que le gouvernement peut apporter une aide financière pour la construction de ces bassins versants.
ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES
Pour les femmes vivant dans les zones rurales, la source de revenus la plus courante est l'agriculture. Les femmes constituent 55 à 65 % de la main-d'œuvre agricole. Une femme travaille environ 3 000 heures par an, contre 1 200 pour un homme. Pendant la morte-saison, les femmes non qualifiées n'ont aucun moyen de gagner leur vie. De plus, ne pouvant réaliser un travail physique intense, leur marge de manœuvre s'en trouve encore plus limitée. La gestion des bassins versants pourrait alléger le travail pénible assuré par les femmes et leur donner du temps pour acquérir de nouvelles compétences.
Dans les secteurs de travail dominés par les hommes, les femmes ne bénéficient pas de chances égales ni de salaires égaux. Elles ont peu d'autonomie dans leur ménage et dans la société. L'autonomisation des femmes commence par l'alphabétisation et l'éducation. L'Inde reconnaít que l'éducation est un droit fondamental, pourtant 45,4 % des femmes indiennes sont analphabètes. L'analphabétisme des femmes dans les zones rurales de l'Inde n'est pas un problème facile à régler et même si la situation s'améliore, les filles qui souhaitent aller à l'école font souvent face à des obstacles. Les écoles sont rares. De nombreux parents laissent leurs fils aller à l'école à pied, mais par leurs filles.
Traditionnellement, les filles sont censées rester à la maison et aider aux travaux ménagers. Elles ne sont donc pas encouragées à faire des études, en particulier après 12 ans. En outre, les écoles rurales ne sont souvent pas pourvues de toilettes pour les filles, un facteur qui joue un rôle décisif.
L'application de la politique gouvernementale visant à promouvoir l'éducation non formelle afin de promouvoir l'alphabétisme des femmes a été une initiative relativement réussie en Inde : dans les zones rurales, les enseignantes peuvent désormais donner aux filles des cours à domicile.
Nous pensons que les hommes doivent être sensibilisés à la question de l'inégalité des sexes. Les organisations religieuses et spirituelles pourraient beaucoup contribuer à promouvoir l'égalité. Il faut sensibiliser la population aux problèmes, rechercher des solutions et prévoir des dispositions juridiques relatives à l'égalité des sexes.
Si nous voulons réaliser les OMD, il est essentiel de partager les ressources, les opportunités et les avantages et de veiller à ce que ceux qui exercent le pouvoir assument leurs responsabilités. Les OMD sont réalisables -- ce qu'il faut, c'est une approche centrée et intégréee. Travaillons ensemble pour un avenir meilleur !
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