1 août 2009

Environ 99% des décès causés par les changements climatiques ont lieu dans les pays en développement. Alors que la croissance économique et le développement sont des priorités dans tous les pays, les besoins des pays en développement et des pays les moins avancés sont d'un tout autre ordre. Les pays en développement sont soumis à des contraintes en raison de leur vulnérabilité aux effets des phénomènes météorologiques et du climat. Les pauvres de ces pays sont exposés à un risque élevé en raison de nombreux facteurs : leur dépendance vis-à-vis de l'agriculture et des services fournis par les écosystèmes, leur croissance rapide, la concentration de la population et l'insuffisance des services de santé. Si l'on ajoute à ce sombre tableau leur manque de moyens pour s'adapter aux effets des changements climatiques, leur infrastructure inappropriée, les revenus bas des ménages et leurs difficultés à épargner ainsi que le soutien limité des services, nous avons une bombe prête à exploser.

Si rien n'est fait, les changements climatiques aggraveront l'insécurité alimentaire. Des millions de personnes qui sont confrontées à cette situation seront obligées d'abandonner les cultures et les méthodes agricoles traditionnelles, alors qu'elles seront confrontées à des changements qui dérègleront les saisons. Le cycle vicieux de la diminution des rendements des cultures, qui entraíne une baisse des revenus et un manque de ressources pour la saison de plantation suivante, aggrave la situation des pauvres. Qu'est-ce que cela signifie pour le 1,5 milliard de personnes, soit près de 60% de la population active des nations en développement, qui travaillent dans le secteur de l'agriculture ? L'agriculture représentant un grand pourcentage du produit intérieur brut dans les pays en développement, une perte de la productivité agricole, même minime, peut avoir des répercussions beaucoup plus dramatiques sur les revenus que dans un pays industriel. Et parmi tous les dégâts possibles que le changement climatique pourrait causer, les dégâts sur l'agriculture pourraient être les plus importants.

Le changement climatique compromet aussi la réduction de la pauvreté, parce que les pauvres dépendent directement des écosystèmes gravement menacés et de leurs services. Ils n'ont pas non plus les ressources nécessaires pour se défendre ou s'adapter rapidement aux changements. Et, plus important, leurs voix ne sont pas suffisamment entendues dans les discussions internationales, en particulier dans les négociations sur les changements climatiques.

En raison du réchauffement climatique, des changements interviennent dans le type, la fréquence et l'intensité des conditions météorologiques extrêmes, comme les cyclones tropicaux, les inondations, les sécheresses et les fortes précipitations. On prévoit que ces tendances s'accéléreront, avec une légère hausse des températures moyennes. De nouvelles études sur le climat montrent que les vagues de chaleur extrêmes seront probablement fréquentes dans les régions tropicales ou sous-tropicales d'ici à la fin du XXIe siècle. Étant donné que 2 milliards de personnes vivent déjà dans les régions les plus arides du monde où les changements climatiques auront probablement pour effet de réduire encore plus les récoltes, comment ferons-nous pour nourrir 9 milliards de personnes d'ici à 2050? C'est un défi énorme.

Si rien n'est fait, le changement climatique peut avoir un effet négatif sur les perspectives du développement durable dans les pays en développement. Alors que les communautés rurales de ces pays ressentiront les effets de ce changement, de la hausse des prix des denrées alimentaires et des crises écologique et énergétique, jamais les nouvelles connaissances, les nouvelles technologies et les indications des politiques sur le climat n'ont été aussi cruciales.

Un environnement général favorable qui accroít les opportunités des petits agriculteurs, en fonction du scénario des changements climatiques, doit englober tous les niveaux : local, régional, national et mondial. Il doit inclure les stratégies d'adaptation, les investissements dans la recherche agricole, l'infrastructure rurale et l'accès des petits agriculteurs aux marchés.

L'adaptation aux changements climatiques doit être intégrée aux activités de développement. Les politiques d'adaptation devraient inclure les changements dans l'utilisation des terres et le choix du bon moment pour cultiver les champs, l'amélioration des plantes et les technologies d'adaptation, des infrastructures d'irrigation ainsi que le stockage et la gestion de l'eau. En plus, les prévisions météorologiques à long terme, la diffusion des technologies, la création de variétés de cultures résistant à la sécheresse et aux inondations nécessiteront une planification et une gestion nationales et internationales.

Les changements climatiques auront un impact sur la qualité de l'eau dans les régions qui connaissent déjà un déficit hydrique. Dans les pays en développement, l'agriculture absorbe près de 95 % d'eau. Il est donc crucial d'améliorer la gestion de l'eau pour la consommation d'eau potable et l'agriculture en tenant compte du débit et de la qualité de l'eau, en améliorant la collecte des eaux pluviales, le stockage de l'eau ainsi qu'en diversifiant les techniques d'irrigation. D'autres mesures peuvent également être prises pour atténuer les effets des changements climatiques comme l'adoption de pratiques plus écologiques, un meilleur contrôle de l'érosion, des techniques de conservation des sols, des techniques agroforestières et forestières, la gestion des feux de forêt, la recherche de nouvelles sources d'énergie propre ainsi qu'une meilleure planification urbaine. Les nouvelles technologies de production agricole et d'élevage contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre produites par l'agriculture. En plus, le marché émergent d'échange de droits d'émissions de carbone offre de nouvelles opportunités dont les agriculteurs peuvent tirer profit en gérant des terres qui séquestrent le carbone. Il est essentiel d'intégrer des stratégies d'adaptation aux changements climatiques et d'atténuation de leurs effets aux programmes de développement nationaux et régionaux. Les pays en développement doivent également participer à une approche mondiale intégrée. Il faut mettre l'accent sur le rôle crucial des services et des produits météorologiques et climatiques dans le développement de solutions d'adaptation. Il est important de faire le point sur les informations disponibles sur le climat afin d'intensifier les travaux d'observation systématique du climat là où cela est le plus urgent. Il est essentiel de renforcer la collaboration entre les fournisseurs d'informations climatiques nationaux et internationaux et les utilisateurs dans tous les secteurs et de sensibiliser les différents groupes d'utilisateurs à l'importance de ces informations. Les outils d'évaluation de l'impact des changements climatiques devraient être plus précis géographiquement et contribuer davantage à l'élaboration des politiques agricoles, à la révision des programmes et à l'évaluation des scénarios. Ces outils incorporeront plus explicitement les contraintes biophysiques qui influencent la productivité agricole. Il est également important d'organiser ces données et de conserver les anciennes données météorologiques.

Parmi les autres éléments importants qui devraient faire partie d'une politique nationale et internationale sur les changements climatiques figurent la participation du secteur privé, la réduction des coûts par la mise en place de mécanismes du marché ainsi que le développement et la diffusion de nouvelles technologies. Un nouveau cadre progressif devrait aussi inclure une augmentation des investissements dans l'infrastructure et l'éducation; un nouvel ordre du jour pour la recherche agricole et l'augmentation des investissements dans la recherche agricole et le développement; la gestion durable des ressources agricoles et naturelles; et la création de nouvelles variétés de cultures résistant au climat ainsi que des races de bétail mieux adaptées au climat. Il serait nécessaire de financer la recherche afin de mieux comprendre et prévoir les interactions entre les changements climatiques et l'agriculture. Une autre mesure importante serait de mener une action collective afin d'augmenter les choix de mode d'existence des groupes vulnérables et d'améliorer leur capacité de gérer les risques. Si nous voulons surmonter les menaces sérieuses posées par les changements climatiques, nous n'avons pas d'autres choix que de mettre en place des capacités pour intégrer les choix de modes de subsistance aux programmes de développement sectoriel, notamment en sensibilisant le public aux changements climatiques.

À moins que des mesures ne soient prises pour améliorer la coopération entre les établissements universitaires et de recherche, les organisations régionales et internationales et les organisations non gouvernementales pour renforcer les institutions et les capacités, il sera probablement difficile de gérer les conséquences des changements climatiques. Il faut impulser une véritable dynamique de diversification économique pour réduire la dépendance vis-à-vis des ressources sensibles aux effets du climat. Il est aussi important d'encourager la diversification des cultures, la création des banques alimentaires locales pour les populations et le bétail ainsi que la préservation des produits alimentaires locaux pour améliorer la sécurité alimentaire.

Vu la diversité des zones agroécologiques et leurs problèmes inhérents, il est essentiel de réunir, de documenter et de diffuser une base de données détaillées et concrètes sur les options d'adaptation des différents systèmes agricoles, moyens d'existence et zones agroécologiques, y compris des mesures et des politiques, afin de répondre aux besoins des petits agriculteurs.

Les agriculteurs ayant souvent des difficultés à accéder au crédit, la promotion de l'accès au crédit et aux intrants agricoles afin de renforcer les systèmes de production intégrés est un domaine qui doit retenir l'attention. Les assurances contre les catastrophes ou les risques d'intempéries ainsi que les assurances indexées (assurance liée à un index particulier comme les précipitations, l'humidité ou le rendement des cultures plutôt que la perte réelle) peuvent être utilisées comme outils de gestion des risques climatiques dans les pays en développement. Les fonds multilatéraux engagés pour l'adaptation aux changements climatiques dans les pays en développement s'élèvent actuellement à environ 400 millions de dollars - bien loin des 4 à 86 milliards de dollars par an estimés nécessaires par les experts et les organisations d'aide. Il est également essentiel de mobiliser les ressources afin de renforcer la recherche concernant les effets des changements climatiques sur l'agriculture dans les différentes zones agroécologiques où les données empiriques et les résultats de la recherche dont on dispose restent insuffisants.

Un domaine qui a été négligé est la diversité des sexes, une question qu'il faut examiner pour élargir les perspectives de participation des femmes à la prise de décision, étant donné que les changements climatiques et les catastrophes naturelles ont des effets différents sur les hommes et sur les femmes. Celles-ci peuvent contribuer de manière significative à ce processus.

La lutte contre les changements climatiques ne concerne pas seulement la réduction des émissions de carbone des pays développés. De leur côté, les pays en développement ont commencé à augmenter leur demande énergétique, mais n'ont pas le même accès aux technologies non polluantes et aux ressources pour les acquérir. Toutefois, les pays qui sont les plus vulnérables sont ceux qui ont le moins contribué aux émissions des gaz à effet de serre. La justice climatique ne sera faite que si les plus grands pollueurs assument leur responsabilité et aident ces pays à atteindre les objectifs du développement de manière à contribuer aux objectifs d'adaptation et d'atténuation. La récente Initiative de l'Aquila sur la sécurité alimentaire insiste sur la nécessité d'améliorer la sécurité alimentaire mondiale tout en prenant des mesures pour lutter contre les changements climatiques, assurer la gestion durable de l'eau, des terres, des sols et des autres ressources naturelles, y compris la protection de la biodiversité. Les objectifs fondamentaux d'adaptation aux changements climatiques et d'atténuation de leurs effets seront atteints si l'agriculture est incluse dans les négociations internationales sur le climat, comme la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui se tiendra à Copenhague en décembre 2009.

Dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques, l'Institut international de recherche sur les cultures des régions tropicales semi-arides (ICRISAT) met en place des programmes qui appuient l'agriculture en zones arides en développant et en utilisant des techniques avancées de prévision des moussons; en favorisant l'adoption de mesures collectives et en soutenant les institutions rurales pour la gestion des ressources agricoles et naturelles; en améliorant le modèle de gestion des bassins versants; en réhabilitant les terres dégradées et en diversifiant les systèmes de moyens d'existence des groupes sans terres et des groupes vulnérables; et en soutenant les initiatives des gouvernements visant à promouvoir une utilisation efficace de l'eau.

Reconnaissant que la gestion des changements climatiques et l'adaptation aux changements climatiques ne peuvent être une fin en soi, l'ICRISAT a intégré la gestion des risques climatiques dans son programme de recherche. Son approche de Gestion intégrée des ressources génétiques et naturelles (IGNRM) pour la protection contre les effets des changements climatiques consiste à créer des variétés de cultures résistant mieux à la sécheresse et à la chaleur produites dans les systèmes d'exploitation agricole ainsi que dans les systèmes d'utilisation des sols qui conservent l'eau à la fois dans le voisinage immédiat des racines et dans les puits et les réservoirs des villageois. L'Institut estime que pour s'adapter aux changements climatiques, les communautés agricoles et les parties prenantes doivent d'abord renforcer leur capacité à mieux résister à la variabilité des précipitations liée aux climats actuels. L'Institut est actuellement associé aux services météorologiques, aux centres du Groupe consultatif sur la recherche agricole internationale (CGIAR) et aux spécialistes en climatologie dans plusieurs projets concernant la gestion des risques liés aux changements climatiques en Asie et en Afrique. Nous aidons les agriculteurs à trouver les moyens de gérer les sols et les cultures pour augmenter la capacité de stockage de l'eau et des nutriments et utiliser ces ressources de manière plus efficace et sur une plus longue période. L'Institut possède déjà des cultures qui sont résistantes à la chaleur et aux températures élevées, des connaissances et une compréhension de la floraison et de la maturité, des informations sur les variations génétiques pour l'utilisation efficace de l'eau, sur les cultures à cycle court qui résistent à la sécheresse en fin de cycle, ainsi que sur les variétés de cultures à haut rendements et résistantes aux maladies. Par exemple, nous avons mis au point des cultivars de pois chiches à cycle court ICCV 2 (Sheeta), ICCC 37 (Kranti) et KAK 2 et un cultivar d'arachide à cycle court ICCV 91114 qui résistent à la sécheresse en fin de cycle. Nous venons de mettre au point un pois cajan à maturité très précoce qui fleurit en 32 jours et atteint sa maturité dans les 65 à 70 jours. Nous avons intégré des arbres aux systèmes de cultures annuelles afin de réduire les effets des vents et protéger les sols contre l'érosion. L'Institut a mis au point des plantes qui résistent aux ravageurs et aux maladies, comme le nouvel hybride HHB 67 du millet perlé hybride résistant au mildiou en Inde; le pois cajan à haut rendement ICEAP 00040 résistant au flétrissement au Malawi, en Mozambique et en Tanzanie, et l'arachide résistant à la rosette en Ouganda, pour ne citer que quelques exemples. Nous disposons aussi de modèles de simulation de croissance des cultures qui examinent les effets des différents types de scénarios climatiques désagrégés sur les produits agricoles relevant du mandat de l'ICRISAT cultivés dans les zones tropicales semi-arides dans le monde.

L'ICRISAT possède un avantage étant donné que les cultures qui relèvent de son mandat sont déjà mieux adaptées pour résister à la chaleur. Notre stratégie de reproduction est un critère important dans ces conditions dures et arides. Il nous faut mieux comprendre le mécanisme physiologique de la tolérance à la chaleur; identifier le capital génétique pour développer des cultures de plus grande adaptabilité; et mettre au point des techniques de sélection du matériel végétal plus efficaces pour obtenir des caractéristiques désirables. L'Institut répond également aux défis en exploitant le potentiel des opportunités de production des biocarburants qui profitent aux pauvres. Son initiative Productivité biologique préconise une augmentation des investissements dans les cultures destinées aux biocarburants afin de donner une forte impulsion au développement durable; et pour donner aux pauvres qui vivent dans les régions arides les moyens d'en tirer parti, au lieu d'être marginalisés, afin que les agriculteurs soient mieux aptes à affronter les changements climatiques et autres contraintes. Les activités actuelles comprennent le développement de variétés de sorgho doux à haut rendement qui sert à l'alimentation, à la production de carburants et à la production fourragère; la création de partenariats commerciaux favorables aux pauvres dans la production de bioéthanol à base de sorgho doux; et des alliances dans le domaine de la recherche et du développement pour produire du biodiesel à partir des noix de jatropha.

Les études de l'ICRISAT ont fait naítre l'«espoir possible» que les effets des changements climatiques sur les rendements dans le cadre d'une agriculture à faible consommation d'intrants seront minimaux, alors que d'autres facteurs continueront d'imposer des contraintes. Deuxièmement, l'amélioration de la gestion des cultures, des sols et de l'eau, même dans le contexte des changements climatiques, permettra d'obtenir des rendements très supérieurs à ceux que les agriculteurs obtiennent actuellement dans leurs systèmes à faible utilisation d'intrants. Troisièmement, l'adoption de variétés mieux adaptées aux températures pourrait atténuer presque entièrement les effets des changements climatiques qui entraínent la hausse des températures.

En conclusion, pour que les pays en développement contribuent de façon significative aux efforts d'adaptation aux changements climatiques et d'atténuation de leurs effets, il faudra renforcer les capacités qui sont nécessaires au développement.

 

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