Michèle Coninsx, Sous-Secrétaire générale adjointe (à gauche), en visite en Iraq, le 7 mars 2018, en compagnie du Secrétaire général adjoint Vladimir Voronkov du Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies. © UNAMI

Le terrorisme est un fléau qui n’épargne aucun continent ni aucun pays. Pour répondre à cette menace qui pèse sur la paix et la sécurité, la coopération internationale est cruciale. Les Nations Unies occupent une place unique pour aider les États Membres à prévenir efficacement les actes terroristes à l’intérieur de leurs frontières et dans les régions. L’approche à multiples volets qu’elles proposent leur offre aussi des moyens de traiter simultanément des questions diverses, mais interdépendantes.

L’un des outils disponibles est l’Agenda 2030 pour le développement durable, qui comprend les objectifs de développement durable (ODD). Objectifs ambitieux et fondamentaux visant à s’attaquer aux défis sérieux liés au développement, un certain nombre d’entre eux peuvent aussi appuyer directement ou indirectement les efforts déployés pour lutter contre le terrorisme en traitant les conditions qui facilitent sa propagation. Certaines de ces conditions ont été identifiées comme l’absence de possibilités socio-économiques; la marginalisation et la discrimination; une mauvaise gouvernance; la violation des droits de l’homme et de l’état de droit; des conflits prolongés et non résolus; et la radicalisation dans les prisons.

Tandis que l’Agenda 2030 est crucial pour répondre aux nombreux défis liés au développement auxquels le monde est confronté, il incombe au Conseil de sécurité des Nations Unies de faire face aux menaces qui pèsent sur la la paix et la sécurité internationales, y compris aux actes de terrorisme. Depuis 2001, le Comité contre le terrorisme, créé par le Conseil, supervise la mise en œuvre par les États Membres des résolutions relatives à la prévention et à la lutte contre ce fléau. La Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT) applique les décisions politiques de celui-ci, évalue avec des experts la situation de chaque État Membre et facilite l’apport d’une assistance technique aux pays. Entre 2004 et 2014, trois résolutions majeures ont guidé les activités de la DECT. Au cours des trois dernières années, plus de 20 résolutions ont été adoptées par le Conseil de sécurité qui ont eu une influence non seulement sur les activités de la DECT, mais aussi sur des actions internationales plus vastes.

L’augmentation considérable du nombre de résolutions et de leur champ d’application, adoptées par le Conseil de sécurité dans ce domaine, est liée aux événements qui se sont produits sur la scène internationale. Face à l’évolution significative du terrorisme à l’échelle mondiale au cours des dernières années, le Conseil a pris des mesures décisives.

Un fait nouveau a été l’émergence de l’EIIL (Daesh) et les pertes de territoires qui ont suivi. Mais le retrait de l’organisation terroriste des zones de conflit en Iraq et en Syrie pose des défis différents pour le monde, comme les combattants terroristes étrangers; le financement du terrorisme; les menaces à la sûreté aérienne et aux infrastructures critiques, y compris les cibles « vulnérables »; l’acquisition d’armes par les terroristes; le trafic d’êtres humains; les discours terroristes; et l’exploitation des technologies de l’information et des communications (TIC) par les terroristes.

L’un des défis les plus importants liés à l’évolution du terrorisme concerne le retour et la réinstallation des combattants terroristes étrangers (CTE). Bien que peu de personnes qui reviennent d’Iraq et de Syrie ou qui se réinstallent dans un pays tiers aient commis des actes terroristes, celles qui les ont commis ont été responsables des attaques les plus meurtrières au cours des trois dernières décennies. Les CTE ont aussi joué un rôle important dans la création et le renforcement des groupes terroristes ainsi que dans la radicalisation et le recrutement par le biais des réseaux terroristes. Il est particulièrement difficile pour les États d’évaluer les individus qui constituent une menace ou qui sont susceptibles de contribuer à la radicalisation, au recrutement et à la formation de groupes terroristes une fois de retour ou réinstallés. Même si leur détention peut atténuer ou, au moins, écarter le risque posé par le retour ou la réinstallation des combattants terroristes étrangers, de nombreux États ont des difficultés à procéder à des condamnations. Cela vient du fait qu’il est plus difficile de recueillir des preuves sur un champ de bataille que sur un lieu de crime traditionnel, une question que la résolution 2322 (2016) du Conseil de sécurité tente de résoudre. Suite à la résolution 2396 (2017), les États Membres ont été encouragés à partager des informations et des preuves ainsi qu’à élaborer des stratégies concernant les poursuites, la réinstallation et la réinsertion, y compris des programmes qui traitent de la radicalisation dans les prisons. Le Conseil s’est aussi penché sur les besoins des enfants affectés par les activités des combattants terroristes étrangers, y compris ceux qui sont nés sur un territoire contrôlé par une organisation terroriste.

Une autre question sérieuse concerne l’exploitation d’Internet et des réseaux sociaux par des groupes terroristes non seulement pour inciter à commettre des actes de terrorisme, mais aussi pour faciliter de nombreuses activités illicites, y compris le recrutement, ou pour financer, planifier et faciliter des actes de terrorisme. Si ces défis ne sont pas nouveaux, une attention plus marquée leur est apportée alors que les entreprises et les gouvernements ont des difficultés à trouver un équilibre entre la protection d’un environnement ouvert et la prévention des abus.

L’initiative « Tech Against Terrorism » a été lancée en 2017 pour empêcher les terroristes d’utiliser la technologie à des fins terroristes. Partenariat privé-public visant à aider les États Membres et les entreprises à traiter cette question et d’autres questions connexes, elle bénéficie du soutien et de la participation active de représentants de l’industrie des technologies, dont Facebook, Google, Microsoft et Twitter. Elle a été lancée par la DECT et l’organisation non gouvernementale ICT4Peace afin de jeter des ponts entre les partenaires et a conduit à la mise en place d’un cadre normatif d’autoréglementation permettant d’orienter la lutte contre l’utilisation d’Internet à des fins terroristes. Cette initiative permettra aussi aux petites entreprises de technologie et de médias sociaux qui font face à de nombreux défis – humains, financiers ou liés à la gestion – d’élaborer des mesures et de les mettre en œuvre pour lutter contre les activités terroristes en ligne. Elle a été reconnue par le Conseil de sécurité dans ses résolutions 2395 et 2396 (2017). À cet égard, la résolution 2354 (2017) du Conseil est aussi importante, car elle vise à lutter contre les discours terroristes et à prévenir l’utilisation d’Internet par les terroristes.

Depuis sa création, la DECT a effectué, au nom du Comité de lutte contre le terrorisme, plus de 40 visites dans plus de 100 États Membres dans chaque région du monde. Membre important de l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme des Nations Unies (CTITF), elle travaille très étroitement avec le Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies chargé de coordonner les efforts du système de l’Organisation dans ce domaine. Nous avons de vastes connaissances, en particulier des capacités pour lutter contre le terrorisme. Compte tenu des nombreux défis auxquels nous sommes confrontés actuellement dans le monde, y compris ceux liés au développement, à la sécurité, à l’état de droit et aux droits de l’homme, nous devons tous travailler simultanément sur plusieurs fronts. Mais il est impossible de traiter seul ces questions. La coopération est cruciale. Ce n’est que par une action constante et en donnant suite à nos engagements communs que nous pourrons assurer un monde sûr, prospère et durable.

La DECT est prête à partager les connaissances et les bonnes pratiques que nous avons recueillies au cours des années, y compris l’expertise technique sur la façon de mettre en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité. En tant que Directrice exécutive de la DECT, j’invite instamment toutes les parties à saisir cette occasion.