Alors que l'attention mondiale est tournée vers la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, ou Rio +20, qui aura lieu en juin 2012, cette Conférence nous rappelle les multiples crises qui continuent à miner la planète. Ces crises sont d'autant plus évidentes dans les nations aux ressources limitées qui sont confrontées à de nombreux problèmes liés à la pauvreté et au sous-développement.

La question générale est la suivante : que peuvent espérer les pays les moins avancés (PMA), les pays en développement sans littoral (PDSL) et les petits États insulaires en développement (PIED) de cette rencontre historique à Rio de Janeiro en juin ? Bien sûr, nous devons, comme toujours, rester pragmatiques. Il est peu probable que Rio +20 résoudra les nombreuses questions urgentes auxquelles ces groupes continuent de faire face, mais il importe que nous restions tous optimistes sur la possibilité d'obtenir des résultats constructifs et réels.

Naturellement, les négativistes diront que les crises actuelles sont irréversibles, certains allant même jusqu'à dire que même si des avantages concrets émergent de Rio +20, leurs effets ne se feront pas sentir avant une vingtaine d'années.

Il est approprié, à ce stade, de souligner les remarques faites par Jacob Zuma, Président d'Afrique du Sud, et Tarja Halonen, Présidente de Finlande, qui ont été co-Présidents du Groupe de haut niveau sur la viabilité de l'environnement mondial créé par le Secrétaire général. Dans un éditorial de février 2012, ils ont déclaré : « Le plus grand risque [pour notre avenir commun] est de poursuivre notre voie actuelle. »

Rio +20 représente donc une opportunité unique pour les 48 PMA, 31 PDSL et 52 PIEDS, non seulement pour mettre en évidence les défis auxquels ces pays sont confrontés dans leurs efforts à atteindre un développement durable, mais aussi pour lancer un défi au monde afin qu'il s'attaque à ces obstacles.

Pour les PMA, les PDSL et le PIED, le concept de développement durable avec les trois piliers de la durabilité environnementale, sociale et économique est un guide indispensable pour leurs propres stratégies nationales afin d'accroítre l'appui international.

Pour les PMA, et en particulier pour les petits États insulaires, la Conférence devrait être une plate-forme pour mettre en évidence la mesure dans laquelle ces pays sont touchés de manière disproportionnée par les conséquences néfastes des changements climatiques - même s'ils en sont les moins responsables. Leur situation géographique et leur faible capacité d'adaptation actuelle les rendent extrêmement vulnérables aux conséquences physiques des changements climatiques, qui comprennent la sécheresse, les inondations, l'élévation du niveau des mers ainsi que des tempêtes tropicales plus intenses et plus fréquentes.

Personne ne conteste que ces impacts continueront d'évoluer au cours des prochaines décennies, même si les pays développés réduisent immédiatement et massivement leurs émissions de gaz à effet de serre. Ces conséquences physiques posent donc non seulement une menace sérieuse aux PMA et aux PIED, mais pourraient constituer une menace encore plus grave à l'avenir si l'adaptation n'est pas mûrement réfléchie. Plus nous attendons, plus les efforts nécessaires pour s'adapter aux changements climatiques (et les coûts d'adaptation) seront importants et moins les efforts déjà engagés dans la réduction de ses effets seront efficaces.

Du point de vue du développement économique, l'adaptation est cruciale pour maintenir ou rétablir dans les PMA le rythme auquel évolue le développement. Leur économie et les moyens de subsistance de leurs populations pauvres sont particulièrement vulnérables en raison de leur dépendance aux secteurs sensibles au climat comme l'agriculture. Afin de déterminer leurs priorités d'adaptation, l'analyse des dimensions économiques des besoins du développement exige une bonne compréhension des questions économiques et des effets associés aux changements climatiques dans ces pays.

La poursuite de l'objectif d'une « économie verte », qui est l'un des thèmes de Rio +20, signifie laisser de côté les modèles de développement actuels pour adopter des modes de développement fondés sur la protection de l'environnement. Pour assurer cette transition, une combinaison de politiques et de mesures adaptées aux besoins et aux préférences de chaque pays sera nécessaire. Pour ces pays vulnérables qui ont, pour la plupart, une très faible intensité de carbone et n'ont pas connu une industrialisation, une consommation et une production importantes, la notion d'une économie verte ouvre de nouvelles perspectives.

À mon avis, une transition vers une économie verte exigera certains ajustements qui impliqueront des coûts supplémentaires pour les économies des PMA. Nous devrions, toutefois, reconnaítre que ces pays, qui sont parmi les plus pauvres, sont déjà confrontés à des problèmes structurels sérieux alors qu'ils cherchent à réduire la pauvreté afin d'atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) adoptés au niveau international. La vulnérabilité de ces pays comporte plusieurs niveaux et plusieurs facettes. Alors que le changement climatique est certainement une préoccupation majeure, les PMA demeurent très vulnérables aux divers chocs externes, comme la flambée des prix du pétrole et des denrées alimentaires. La plupart d'entre eux sont à la traíne dans les domaines essentiels de la science, de la technologie et de l'innovation, qui sont la pierre d'achoppement dans la mise en œuvre des projets et des programmes relatifs à l'économie verte.

Il est, toutefois, impératif qu'ils trouvent leurs propres solutions et adoptent plusieurs stratégies d'adaptation afin d'éviter que le changement climatique n'entraíne un déclin économique. En mettant en œuvre des stratégies à court, à moyen et à long terme aux niveaux local, national et parfois régional, ils peuvent utiliser les mesures d'adaptation préventives et pour lutter contre la vulnérabilité et les menaces à la croissance économique. Alors qu'il est possible de neutraliser les effets physiques de ces changements, tous les efforts devraient être faits pour en minimiser leurs impacts.

Il est impératif que les PMA trouvent leurs propres solutions et adoptent plusieurs stratégies d'adaptation afin d'éviter que le changement climatique n'entraíne un déclin économique.

Vu les faibles ressources dont ces pays disposent pour leur propre développement national, j'encourage les partenaires du développement à intervenir et à fournir aux PMA les ressources financières et technologiques appropriées pour leur permettre de se lancer sur la voie verte et de l'environnement durable et de tirer profit de l'industrialisation verte, de la technologie verte et des emplois verts.

Nous sommes tous touchés par les changements climatiques, mais pas de la même façon, et ne possédons pas les mêmes capacités pour y répondre. Dans les PMA, les PDSL et les PIED, les changements climatiques ont déjà des incidences néfastes sur la croissance économique, les indicateurs de santé, la disponibilité de l'eau, la production alimentaire et les écosystèmes fragiles. Les effets négatifs sur les cultures sont particulièrement prononcés en Afrique sub-saharienne, alors que le secteur agricole représente une part importante du produit intérieur brut, des recettes d'exportation et des emplois dans la plupart des pays les moins avancés d'Afrique. En outre, la vaste majorité des pauvres réside dans les régions rurales et dépend de l'agriculture pour assurer ses moyens de subsistance.

L'Organisation mondiale de la santé a également sonné l'alarme. Selon elle, tandis que les changements climatiques présentent des risques graves pour la santé et le bien-être de tous, les groupes les plus pauvres risquent d'y être les plus exposés, alors qu'ils ont le moins de ressources pour atténuer les effets négatifs et sont les moins assurés contre les conditions climatiques extrêmes. La conséquence directe est que les inégalités en matière de santé mondiale s'accentuent. Ces effets conjugués risquent, à mon avis, de donner lieu à des troubles sociaux et politiques, y compris une augmentation du nombre de réfugiés environnementaux et de troubles civils.

Les participants et les délégations qui se réuniront à Rio feraient bien de reconnaítre que les PDSL peuvent bénéficier d'une amélioration des mesures de facilitation du commerce : cela leur permettrait d'améliorer la compétitivité internationale de leurs produits résultant de coûts de transaction réduits par la réduction de la durée des transports et un renforcement de la garantie du commerce transfrontières. Une aide financière et technologique ainsi qu'un renforcement des capacités permettront aux pays en développement sans littoral de faire face aux problèmes causés par les changements climatiques, la dégradation des terres et la désertification. La Conférence sera aussi un lieu de réunion opportun pour que ces pays s'associent aux pays développés afin d'améliorer le développement et le transfert des technologies ainsi que leur accès et le renforcement des capacités.

Le Programme d'action d'Istanbul en faveur des pays les moins avancés pour la décennie 2011-2020, adopté en mai 2011 par la quatrième Conférence des Nations Unies sur les PIED, formule les priorités de ces pays pour parvenir au développement durable et définit un cadre en faveur d'un partenariat mondial renouvelé et renforcé pour le faire. La Conférence Rio +20 devrait intégrer pleinement ce Programme d'action dans son document final et insister sur le renouvellement et le renforcement des engagements en vue d'assurer le développe- ment durable des PMA.

En tant que défenseur des PIED, la Conférence Rio +20 devrait jouer un rôle décisif pour déterminer la voie à suivre. Les difficultés que connaissent les PIED sont, en effet, un cas particulier qui devrait être au cœur du débat sur le développement durable, compte tenu de leur vulnérabilité unique. Des études récentes et des preuves empiriques ont démontré que la vulnérabilité des petits États insulaires a augmenté au cours des deux dernières décennies, principalement en raison de leur plus grande exposition aux chocs externes, y compris de l'impact grandissant du changement climatique et des catastrophes plus fréquentes et plus intenses, ainsi que des crises pétrolière, alimentaire et financière conjuguées à un appui international insuffisant.

Pour les PIED, le résultat de Rio +20 devrait réaffirmer la nécessité de répondre aux promesses d'Action 21, la Stratégie de Maurice pour la mise en œuvre du Programme d'action, adoptée à Port-Louis en 2005, qui a reconnu que les petits États insulaires constituent un cas particulier à la fois en matière d'environnement et de développement. La communauté internationale devrait donc augmenter significativement ses efforts pour les aider à maintenir la dynamique réalisée jusqu'à ce jour dans la mise en œuvre du Plan d'action de la Barbade en 1994 en vue de réaliser le développement durable.
Dans les PDSL, le développement durable est limité par l'absence d'accès territorial à la mer, qu'aggrave l'éloignement des marchés mondiaux, ainsi que les coûts prohibitifs et les risques du transit qui limitent encore considérablement les recettes d'exportation, les flux de capitaux privés et la mobilisation des ressources intérieures.

Les effets néfastes des changements climatiques se font déjà sentir dans ces pays. Ils sont de plus en plus préoccupés par la dégradation des terres, la désertification, la déforestation et la destruction des services de transport. D'autres problèmes, comme la volatilité des prix des matières premières et l'augmentation de ceux des denrées alimentaires et de l'énergie menacent la capacité de ces pays à atteindre les OMD.

Dans le cadre de la préparation à Rio +20, nos activités de sensibilisation, y compris du Comité exécutif des affaires économiques et sociales - l'un des mécanismes interorganisations des Nations Unies dont est membre le Bureau du Haut-Représentant pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement - ont été centrées sur l'accès à l'eau salubre ainsi qu'à l'eau à des fins agricoles et l'accès des PMA, des PDSL et des PIED à une énergie abordable. Je suis convaincu qu'on pourrait s'entendre sur une orientation politique globale plus spécifique, en particulier en ce qui concerne le transfert des technologies, qui reconnaít davantage le rôle crucial que joue l'énergie pour favoriser et accélérer la croissance économique et promouvoir les objectifs du développement durable. Les résultats de Rio devront mettre l'accent sur l'accès aux ressources en eau et en énergie des pays et des populations les plus vulnérables du monde.

À Rio +20, le Bureau du Haut-Représentant présentera en marge un événement pour souligner et réaffirmer la vulnérabilité à laquelle sont confrontés ces trois groupes dans les domaines de la désertification, de la dégradation des terres, de la promotion de la sécurité alimentaire et de l'accès à l'eau. L'événement mettra l'accent sur le renforcement des capacités et le transfert des technologies pour permettre à ces trois groupes de pays de lutter contre ces vulnérabilités.
J'espère que la Conférence Rio +20 définira un cadre d'action centré sur la mise en œuvre et la pleine intégration des trois piliers du développement durable conformément au principe de responsabilités communes, mais différenciées afin d'obtenir des résultats concrets et réalisables. Cela comprend :

• La fourniture de ressources financières supplémentaires, stables, prévisibles pour soutenir les activités d'adaptation et d'atténuation des PMA, des PDSL et des PIED.

• L'accès effectif aux technologies ainsi que leur transfert aux PMA, PDSL et PIED afin de contribuer aux activités d'adaptation et d'atténuation.

• La mobilisation d'un engagement politique fort au plus haut niveau afin d'entrer pleinement dans la phase de la mise en œuvre des engagements pris.

Tous les résultats devraient nous inciter à continuer de donner la priorité à l'éradication de la pauvreté et à appuyer les efforts nationaux des pays vulnérables dans la promotion de l'autonomisation des pauvres. Cela devrait inclure le renforcement des capacités productives, le plein emploi productif et la création d'emplois décents pour tous, ainsi que la création de revenus qui doivent être complétés par des politiques sociales efficaces afin d'atteindre les objectifs de développement adoptés au niveau international, y compris les OMD.