Au cours des deux dernières décennies, les changements démographiques et économiques ont contribué à faire des villes et des centres urbains l'habitat dominant de l'humanité. Ce sont dans les villes que les améliorations rapides des conditions socio-économiques et environnementales sont possibles, mais aussi là où ces changements sont les plus nécessaires. Les villes des pays émergents sont de plus en plus les moteurs de la prospéritté mondiale alors que les ressources de la planète s'épuisent rapidement. Il est donc plus essentiel que jamais que les États Membres et les organismes des Nations Unies s'engagent à atteindre l'objectif d'une urbanisation durable comme levier essentiel du développement.

Nous devons trouver, de toute urgence, les moyens de réaliser une croissance économique et socialement équitable sans empiéter davantage sur l'environnement. La solution réside en partie dans la manière dont les villes sont planifiées, gouvernées et fournissent les services à leurs citoyens. Une urbanisation mal gérée peut être un obstacle au développement durable. Toutefois, avec des idées et un engagement, l'urbanisation durable constitue l'une des solutions à la population mondiale en constante expansion. Les efforts pour créer des emplois, réduire notre empreinte écologique et améliorer la qualité de vie sont plus efficaces lorsqu'ils sont faits de manière globale et intégrée. En donnant la priorité à une urbanisation durable au sein d'une stratégie globale du développement, bon nombre de problèmes de développement critiques peuvent être traités en même temps que ceux liés à l'énergie, à la consommation et à la production de l'eau, à la biodiversité, à la préparation aux catastrophes et à l'adaptation aux changements climatiques. Il est essentiel que cette nouvelle opportunité soit reconnue et approuvée à la Conférence Rio +20.

LA DIMENSION URBAINE DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Les effets de l'urbanisation et des changements climatiques convergent de façon dangereuse. La population mondiale compte déjà plus de 50 % de citadins et, dans un peu plus d'une génération, les deux tiers vivront dans des villes. Les villes, grandes et petites, sont déjà les plus touchées par les catastrophes naturelles, comme les inondations et les tempêtes tropicales. Nombre des plus grandes villes du monde situées le long des côtes, des fleuves et dans les plaines alluviales sont les plus vulnérables en cas de catastrophes naturelles.

Les prévisions basées sur des preuves scientifiques disponibles indiquent que dans les décennies à venir, les changements climatiques peuvent rendre les citadins de plus en plus vulnérables aux inondations, aux glissements de terrain, aux phénomènes climatiques extrêmes et à d'autres catastrophes naturelles. Les plus pauvres et les plus marginalisés sont de plus en plus touchés et, pourtant, ils sont le moins en mesure de réduire ces impacts et de se protéger. Par exemple, le dernier rapport sur l'État des villes d'Afrique indique que, d'ici à 2050, 200 millions d'Africains pourraient être déplacés à cause des effets des changements climatiques, ce qui pèsera lourdement sur les capacités des villes et de leurs ressources. L'Asie est loin d'être épargnée par les effets du changement climatique. Par exemple, lors de inondations à Bangkok, en Thaïlande, plus de 500 personnes ont perdu la vie et un très grand nombre ont perdu une grande partie de leurs moyens de subsistance. Alors que toutes les villes côtières sont confrontées à ces risques, les conséquences seront importantes pour celles de plus de 10 millions d'habitants. On estime que, sans des efforts d'adaptation significatifs, l'élévation d'un mètre du niveau de la mer à New York pourrait non seulement inonder les régions côtières, mais avoir des effets dévastateurs sur le système du métro, les installations d'assainissement, les centrales électriques et les usines et, donc, des conséquences désastreuses sur l'économie de la ville.

Sans une planification, une conception et des investissements appropriés dans le développement de villes durables, un nombre de plus en plus important de personnes continuera de subir les effets adverses sans précédent, non seulement des changements climatiques, mais aussi d'une croissance économique réduite, d'une baisse de la qualité de vie et d'une instabilité sociale croissante.

DES VILLES PLUS VERTES ?

En plus de subir les effets des changements climatiques, les villes contribuent de manière disproportionnée à 70 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, alors qu'elle n'occupent que 2 % des terres. L'intensification des activités humaines y a engendré une augmentation des gaz à effet de serre, alors que la capacité des océans et de la végétation à les absorber diminue. Leur empreinte écologique, à la fois dans les pays en développement et dans les pays développés, est de plus en plus importante due, entre autres, à l'utilisation des combustibles fossiles pour les transports et la construction, à la pollution industrielle à grande échelle, à la déforestation et à l'évolution de l'utilisation des terres.

L'excès de richesse et la demande croissante pour les services et les produits mondiaux contribuent à accroítre les pressions environnementales. Le mode de vie et les choix de consommation modifient la taille, la structure et la densité des villes. Tandis que dans les pays développés, certaines sont moins peuplées, dans les pays en développement, de nombreux centres urbains connaissent une croissance démographique rapide et, en grande partie, non réglementée. Cela signifie qu'il existe une demande plus forte de logements, de services urbains de base et de biens de consommation. Vivre en banlieue a des conséquences néfastes à la fois sur les environnements ruraux et urbains, car les transports publics sont délaissés au profit de la voiture, ce qui provoque des encombrements de la circulation importants qui contribuent aux émissions de gaz à effet de serre.

Pour bien comprendre comment les centres urbains contribuent aux changements climatiques, il faut comprendre le rôle des transports, des systèmes de chauffage et de climatisation, des industries et des autres activités urbaines dans les émissions. La situation géographique, le climat, l'organisation spatiale et la base économique d'une ville jouent un rôle essentiel en matière d'utilisation de l'énergie et d'émissions de gaz à effet de serre.

DE LA RECHERCHE À L'ACTION

Nous disposons des connaissances scientifiques et du savoir-faire pour nous attaquer à un grand nombre de ces problèmes et réduire significativement les causes profondes des changements climatiques - des combustibles fossiles utilisés dans la production d'électricité, dans les transports et la production industrielle à l'élimination des déchets et à l'évolution de l'utilisation des terres. C'est dans ces domaines que les villes peuvent changer le cours des choses en traitant ces problèmes de manière efficace et collective.

Les villes sont les plus grandes réalisations de la civilisation humaine. Au cours de l'histoire, elles ont servi de centres de recherche scientifique et d'innovation, apportant des solutions à nos préoccupations les plus urgentes. Elles offrent une opportunité largement inexploitée d'élaborer des stratégies d'atténuation et d'adaptation cohérentes pour répondre aux risques associés aux changements climatiques et réduire leur impact sur l'environnement.

Pour être efficaces, ces stratégies doivent être intégrées dans un cadre de planification urbaine, ce qui est plus facile à dire qu'à faire. Les villes sont probablement la création la plus complexe de l'humanité. Pour répondre à nos besoins collectifs d'infrastructure, de mobilité, d'énergie, de logements, d'eau et de gestion des déchets, nous devons créer un nouveau paradigme afin de travailler au-delà des cloisonnements institutionnels et des préoccupations sectorielles. En tant qu'ancien maire, j'ai souvent été surpris de voir comment les professionnels pouvaient facilement perdre de vue le fait que les populations que nous servons ont une vie profondément intégrée. Notre défi est d'apporter des réponses environnementales, économiques et adaptées aux cultures qui constituent un ensemble intégré. Il ne fait aucun doute que les villes peuvent fournir une occasion unique d'atténuer les effets des changements climatiques.

Plusieurs centaines de villes ont déjà pris des mesures. Les exemples prometteurs comprennent Austin, Chicago, Durban, Hambourg, Maputo, Mexico, Nantes, Sao Paulo ainsi que plusieurs villes de Chine, de Corée et des Philippines. L'Initiative d'ONU-Habitat sur les villes et les changements climatiques soutient 20 pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine dans leurs projets visant à concevoir et à appliquer des plans d'action relatifs au climat. Cela ne fait aucun doute que ces initiatives sont importantes et vont dans la bonne direction, mais seul un effort collectif à l'échelon mondial sera à la mesure de la tâche.

URBANISATION ET DÉVELOPPEMENT - L'OPPORTUNITÉ URBAINE

Mis à part leurs effets évidents sur l'environnement, les villes sont des moteurs indiscutables de la croissance économique et représentent 80 % du produit intérieur brut. Elles fournissent des emplois et des opportunités pour éradiquer la pauvreté. À ce jour, aucun pays n'a atteint un niveau de vie élevé sans urbanisation. Alors que nombre de pays ont essayé d'arrêter ou d'inverser la tendance de l'urbanisation, aucun n'a réussi à le faire. Une planification et une conception urbaines n'ayant pas d'incidence sur le cli- mat sont non seulement nécessaires pour la sécurité des citadins, mais reconnaissent la nécessité de protéger les biens économiques les plus importants d'un pays. La protection de l'infrastructure et des services protège les moyens de subsistance et permet l'essor de l'activité économique.

Les villes doivent être planifiées, conçues et développées de façon à diminuer leur impact sur l'environnement, à être résilientes aux effets du changement climatique et à contribuer à la croissance économique. Les villes compactes, avec des services et une infrastructure bien conçus, réduisent le coût de la fourniture des services, des transports et autres services dont les entreprises ont besoin. Cela, à son tour, augmente la productivité et l'efficacité et encourage l'investissement privé qui stimule la croissance économique.

L'économie verte présente de nouvelles opportunités pour le partage de la prospérité. Elle contribuera non seulement à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement, comme l'éradication de la pauvreté, la sécurité alimentaire, la gestion de l'eau et des villes durables, mais elle peut aussi stimuler l'emploi et le développement.

Les communautés, les entreprises et les autorités locales doivent être reconnues comme des acteurs essentiels dans l'élaboration et l'application des stratégies de lutte contre les changements climatiques à l'échelon du pays et de la ville ainsi que dans le développement socio-économique. Du rôle marginal que nous avons au sein des cadres relatifs aux changements climatiques et des mécanismes de financement, nous devons aujourd'hui saisir l'opportunité et exploiter le potentiel des villes pour réaliser un avenir durable pour tous.