Lors de cette dernière phase des négociations relatives au changement climatique, les négociateurs se sont fixé pour tâche de définir un ensemble d'engagements qui compteront parmi les plus complexes que la communauté internationale se soit jamais assignés. Cet objectif est un plan ambitieux qui peut contribuer dans le peu de temps qu'il nous reste à prévenir les changements climatiques dangereux. Un tel accord favorisera la réorientation des investissements, facilitera le transfert des technologies et mobilisera des milliards de dollars pour aider les pays en développement à faire face au changement climatique.

Les représentants du monde du travail-les employeurs, les travailleurs et les gouvernements, dont l'Organisation internationale du Travail (OIT) est l'espace de dialogue-sont loin de sous-estimer l'ampleur du défi à relever à Copenhague. Ils tiennent cependant à faire savoir aux dirigeants du monde qu'ils sont prêts à affronter les difficultés qui se profilent, sachant que les mesures ambitieuses qui seront prises entraíneront de profondes transformations dans le monde du travail et les structures de l'emploi.

CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET EMPLOIS
PENDANT LA CRISE ÉCONOMIQUE

L'année dernière, les vives préoccupations suscitées par la question de l'emploi et la situation de l'économie ont menacé d'éclipser d'autres priorités, et cela risque de perdurer. Grâce à l'action décisive et concertée des gouvernements, les marchés montrent des signes de reprise, mais les revenus, les emplois et le moral des ménages sont en berne.

Une étude de l'OIT portant sur 53 pays indique que le taux de chômage a augmenté de 23,6 % entre mars 2008 et mars 20091. Avec l'entrée de 45 millions de demandeurs chaque année sur le marché du travail, 300 millions de nouveaux emplois devront être créés d'ici à 2015 pour retrouver les taux de chômage d'avant la crise. L'impact de la crise sur la pauvreté est même plus important. Les Nations Unies estiment qu'en raison de la crise, 73 à 103 millions de personnes continueront de vivre dans la pauvreté ou tomberont dans la pauvreté2.

Il est toutefois hors de question d'attendre que les économies et les marchés du travail aillent mieux pour nous atteler à la question du changement climatique. Il nous faut aborder de front les deux problèmes que sont la crise de l'emploi et le changement climatique.

En fait, le changement climatique et la crise de l'emploi ont des origines communes. Nous avons trop mis l'accent sur l'économie, en particulier sur le secteur financier, et n'avons pas suffisamment prêté attention aux dimensions sociales et environnementales du développement durable. Il faut donc rétablir l'équilibre.

UN PACTE MONDIAL POUR L'EMPLOI
Les gouvernements, les employeurs et les organisations de travailleurs des 183 pays membres de l'OIT ont souligné ce point en juin 2009, lors de la Conférence internationale du Travail, lorsqu'ils ont élaboré une réponse à la crise économique. Ils ont adopté un Pacte mondial pour l'emploi3 qui plaide pour un changement vers une économie à faibles émissions de carbone, plus respectueuse de l'environnement dans le cadre d'un ensemble de politiques concrètes et cohérentes qui accélérera la reprise de l'emploi, améliorera les revenus et favorisera la croissance durable des entreprises et des économies.

Il est possible d'exploiter les possibilités qu'offrent la crise de l'emploi et la crise économique pour œuvrer à la mise en place d'économies axées sur la réduction des émissions de carbone, un taux d'emploi élevé et la réduction de la pauvreté. Les mesures environnementales comprises dans les plans de relance à court terme ainsi que les politiques à long terme adoptées dans un nombre accru d'économies industrialisées, émergentes et en développement montrent que les initiatives axées sur la croissance économique et les mesures relatives au changement climatique sont susceptibles de se renforcer mutuellement.

Les mesures destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à atténuer les changements climatiques peuvent aider les pays, quel que soit leur stade de développement, à créer des millions d'emplois verts dans divers domaines, comme la recherche et l'efficacité énergétique dans les bâtiments, le secteur industriel et les transports, l'agriculture et la foresterie et l'adoption d'énergies renouvelables ayant une faible empreinte carbone. Les pays en développement et émergents peuvent même franchir plusieurs étapes à la fois et adopter directement des technologies et des infrastructures propres du XXIe siècle. Les bénéfices que l'on peut escompter de la création d'emplois verts et d'entreprises plus respectueuses de l'environnement excèdent largement les pertes ou les transformations appelées à se produire dans les secteurs les plus polluants.

Cette idée commence à faire son chemin et à donner lieu à des mesures concrètes. À la réunion de Pittsburgh, les dirigeants du G20 sont convenus de placer l'emploi au cœur de la reprise d'une économie mondiale plus verte, plus durable et mieux équilibrée.

L'OIT estime que les capacités budgétaires discrétionnaires dans les pays du G20, conjuguées aux stabilisateurs automatiques comme les indemnités de chômage, auront créé ou sauvé entre 7 à 11 millions d'emplois en 2009, dont une proportion importante seront des emplois verts qui aideront à réduire les émissions de gaz à effet de serre et autres impacts environnementaux.

Une étude de l'OIT sur les réponses des gouvernements à la crise a indiqué que de nombreux pays ont inclus les emplois verts dans leurs mesures de soutien à la reprise en augmentant, par exemple, les investissements dans l'infrastructure et l'efficacité énergétique. Dans le cadre du nouvel accord vert mondial conclu par la République de Corée, près d'un million d'emplois verts ont été créés ou maintenus en 2009/2010 avec un investissement de 30,7 milliards de dollars. Aux États-Unis, 500 millions de dollars ont été investis à la formation des travailleurs aux emplois verts. La Chine a le plan de relance le plus vert qui pourrait créer environ 3,7 millions d'emplois au cours des deux prochaines années. Il faut amener un plus grand nombre de pays à participer aux efforts, mais il existe des possibilités et une demande.

Aussi importants que puissent être certains d'entre eux, les investissements consacrés à la composante environnementale de la reprise ne sont que l'amorce d'un programme de transformations structurelles appelé à se poursuivre à long terme. Il faudra déployer des efforts importants et soutenus pour sortir définitivement de la crise, assurer une reprise, une croissance et un développement durables et permettre à tous les pays de créer des emplois productifs et décents pour tous, de vaincre la pauvreté et de préserver l'environnement.

PARVENIR À UN ACCORD SUR LE CLIMAT
Grâce à un ensemble de politiques cohérentes, fondées sur un accord international global, tous les pays seront en mesure d'œuvrer au développement durable et de promouvoir l'équité, tant à l'intérieur de leurs frontières que dans leurs relations internationales. Le transfert des ressources jouera à cet égard un rôle important en permettant d'aider les pays en développement à investir dans un mode de croissance compatible avec de faibles émissions de carbone.
À l'aide d'une telle approche, les investissements et les bénéfices auront beaucoup plus de chances de profiter à ceux qui en ont le plus besoin, en particulier les pauvres et les groupes vulnérables. C'est aussi la garantie d'une certaine équité pour ceux à qui la nécessité de s'adapter au changement équitable demandera les plus gros efforts ainsi que pour ceux à qui le passage à une économie à faibles émissions de carbone risque de coûter leur emploi. Ces éléments seront vitaux.

Les synergies ne sont pas instantanées. Des politiques cohérentes et des stratégies intégrées seront nécessaires pour assurer la transition vers une économie sobre en carbone et créer des emplois et des revenus. On pourrait utiliser à cette fin des outils comme les mesures d'atténuation au niveau national (NAMA) et les plans d'action nationaux pour l'adaptation (NAPA), tout en prévoyant les capitaux et les dispositifs institutionnels nécessaires pour assurer la mise en œuvre d'un nouvel accord.

Le dialogue social de l'OIT avec les entreprises et les syndicats joue un rôle capital pour l'élaboration de politiques cohérentes et efficaces durant la période de transition.

Un accord sur le changement climatique tenant compte des transformations économiques et sociales que ce dernier suscitera et mobilisant tous les acteurs concernés peut contribuer à la mise en place d'une économie mondiale durable, plus équitable et ayant davantage à cœur la protection de l'environnement.

Au travers de l'Initiative pour des emplois verts et le programme global de l'OIT le monde des travailleurs contribue activement à atteindre ce but.

L'accord qui sera établi à Copenhague en décembre 2009 ne constituera, bien sûr, que la première étape d'un long parcours. L'OIT attend avec intérêt de pouvoir participer au travail de suivi qui permettra à cet accord de porter véritablement ses fruits.
Notes
1 OIT Septembre 2009. Protéger les personnes, promouvoir l'emploi. Étude des mesures pour l'emploi et la protection sociale prises par les pays en réponse à la crise économique mondiale. OIT, Genève.
2 Nations Unies 2009. Situation et perspectives de l'économie mondiale 2009. ONU, New York.
3 Voir : http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---relconf/documents/meetingdocument/wcms_108456.pdf