Romuald Sciora collabore avec les Nations Unies sur des projets audiovisuels, littéraires et éducatifs. Il a récemment réalisé une série télévisée sur l'histoire de l'ONU racontée par les Secrétaires généraux, qui a été diffusé dans plus de 20 pays. Cette série a donné lieu à un documentaire appelé « Planète ONU » et un ouvrage du même nom. On trouvera ci-dessous un extrait de l'introduction de M. Sciora au livre.

Nous étions quatre, dont Staffan de Mistura, près de la ligne bleue qui sépare le Liban Sud d'Israël et qui est supervisée par les Nations Unies. Le ronflement des moteurs des véhicules des casques bleus recouvrait partiellement le léger frémissement du drapeau bleu de l'ONU qui flottait dans le vent. C'était le crépuscule. Silencieux, nous scrutions l'horizon formé par cette frontière sous surveillance, dans l'harmonie rassurante des teintes roses et bleues pastel qui illuminaient nos visages. D'un geste spontané, Staffan nous a rapprochés encore plus les uns des autres dans une étreinte chaleureuse. Un peu plus tôt, Jean Lacouture s'était adressé à lui : « Il faut que je vous pose une question. Pensez-vous vraiment accomplir quelque chose ici ? » Staffan de Mistura, qui a hérité du caractère passionné et volcanique de son père italien et de celui pragmatique et posé de sa mère suédoise, avait brillamment élucidé avec son accent chantant l'importance de la présence de l'ONU : le retrait des mines terrestres, la plantation d'arbres, la construction d'hôpitaux., de nombreuses initiatives essentielles pour apporter le paix dans la région, avait-il expliqué, « pour que nous n'attendions pas la paix à ne rien faire, mais que nous y œuvrions, car la paix, comme l'amitié, est faite de petits gestes ». Jean avait tout à fait compris. L'objectif des Nations Unies était d'être une sorte de «plantation de la paix», avait-il conclu.

Les Nations Unies, une plantation de la paix., l'image me semblait évidente. Ce fut à ce moment-là que je compris qu'il fallait continuer; le travail que j'étais sur le point de terminer n'était, en soi, qu'un commencement.

J'avais déjà commencé à éliminer de mes pensées l'humeur sombre que nous ressentons tous le soir qui marque la fin d'un tournage, cette émotion qui devient si forte lorsque vous apportez les dernières touches à un film qui, pensez-vous, jettera un jour nouveau sur une situation peu comprise: cette mélancolie qui ponctue la fin d'une aventure qui ne se répétera jamais plus.

« Coupez ! » On a éteint le moteur des caméras, débranché les microphones, les techniciens ont commencé à remballer leur matériel et ceux qui participaient au film ont rejoint leur voiture. Mais mon esprit était ailleurs, centré sur l'idée qui venait d'y germer. J'en fis part à Jean Lacouture. Il y a souscrit immédiatement: l'idée de réaliser un long-métrage sur les Nations Unis. Il s'agirait d'un travail global sur l'histoire, l'évolution, les défis et les multiples facettes de cette Organisation qui était aussi si peu comprise et tellement critiquée, mais qui était néanmoins capable d'accomplir le miracle de réaliser des millions de petits gestes dans le monde entier pour préparer le sol à la «plantation de la paix».