L'Oxford Handbook on the United Nations est un ouvrage de référence indispensable qui offre un contenu varié et des analyses approfondies. Mais ce n'est pas seulement un guide. Il contient des essais qui mettent en évidence le talent et l'expérience de 47 auteurs, universitaires, analystes et auteurs patentés. Leurs connaissances variées et surtout accessibles auraient pu remplir plusieurs volumes. Comme les éditeurs l'ont mentionné dans l'introduction, ce n'est pas tant un guide sur les Nations Unies qu'un hommage à la variété et la substance du contenu. Il est donc difficile d'en faire un compte rendu. Pour faciliter cette tâche, j'ai pensé que le meilleur moyen était d'avoir une conversation critique avec des personnes bien informées1.

Le Secrétaire général. La parution de la publication a coïncidé avec l'arrivée du Secrétaire général Ban Ki-moon à l'ONU. En pesant bien ces mots, il a dit dans la préface - la première qu'il ait écrit après avoir pris ses fonctions en janvier 2007 - que « ces essais sont variés et bien argumentés, et je ne partage pas toujours les points de vue exprimés ». Il reconnaissait par là le poids de son héritage. Mais cela représente plus que l'héritage de son prédécesseur, Kofi Annan. Stephen Stredman a écrit : « De 2003 à 2006, le Secrétaire général Kofi Annan a entrepris la réforme la plus ambitieuse de l'Organisation des Nations Unies depuis sa création2.» Comme les auteurs du Handbook l'indiquent à plusieurs reprises, ce fardeau de l'histoire multilatérale remonte avant la création de la Société des Nations.

Déjà, la situation a évolué. Font partie de l'héritage qui a été légué à Ban Ki-moon la nouvelle Commission de la consolidation de la paix et le nouveau Conseil des droits de l'homme, la proposition d'extension du Conseil de sécurité, sans oublier les guerres civiles en Afrique. Au terme de sa première année à la tête de l'ONU, M. Ban a écrit : « Je ne suis pas resté inactif cette année. Dès ma première journée, j'ai activement engagé les leaders mondiaux et les responsables des Nations Unies à progresser sur quatre fronts essentiels » (qui font partie de la réforme de l'ONU), « au sein des trois piliers de l'action de l'ONU : la paix et la sécurité, le développement économique et social, les droits de l'homme », notamment le Département des opérations de la paix, divisé en deux, d'un côté un département opérationnel et de l'autre un département de l'appui logistique; le changement climatique, considéré par le Secrétaire général comme la « première priorité », la conférence de Bali étant « la principale réalisation de l'année »; les Objectifs du Millénaire pour le développement; et les droits de l'homme, notamment le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Sur la géopolitique et la sécurité, M. Ban a noté qu'il avait visité plusieurs missions de maintien de la paix, allant de la Mission des Nations Unies en République du Congo (MONUC) à la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH). « Le Tribunal spécial au Liban est sur la bonne voie. [.] Au Moyen-Orient, [j'ai] travaillé dans les coulisses pour lancer le sommet pour la paix à Annapolis et convaincre en particulier les dirigeants régionaux à y assister. Je poursuivrai ces efforts au sein du quartet. [..] Aucune question géopolitique n'a occupé plus de mon temps que le Darfour », a-t-il dit.

Le contenu. Le Handbook est divisé en huit parties. Dans la première, les auteurs abordent la question du changement et de la continuité aux Nations Unies tout en soulignant que le système connaít des cycles de changement et d'adaptation modestes. La deuxième, s'inscrivant dans un cadre théorique, comprend le rôle politique de l'ONU et les perspectives légales. La troisième partie consacrée aux organes principaux, ajoute le Secrétaire général aux six organes de la Charte de l'ONU : l'Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social (ECOSOC), le Conseil de tutelle qui a pratiquement suspendu ses activités, le Secrétariat et la Cour internationale de Justice. La quatrième partie comprend « d'autres acteurs », comme les groupes régionaux, les institutions de Bretton Woods, les secteurs civil et privé ainsi que les médias. Les cinquième et sixième parties consacrées à la paix et à la sécurité internationales et aux droits de l'homme, sont peut-être les sections les plus substantielles englobant les conflits à tous leurs stades, les populations sous-représentées et vulnérables - les femmes, les enfants et les minorités. Dans la septième partie sur le développement, un thème majeur pour l'avenir, l'ECOSOC est une fois de plus présente.

La dernière partie examine les perspectives de la réforme. Le dernier chapitre de Chadwick Alger sur l'élargissement à de nouveaux membres présente peut-être le thème le plus vaste. C'est une idée fascinante en ce sens que si l'élargissement est inévitable, c'est aussi le développement le plus risqué pour le système de l'ONU, s'il est effectué de manière dogmatique. Car il y a toujours le danger que cet élargissement conduise à une surcharge de travail, à la paralysie ou à la négligence au sein des organes principaux. Ce qui donne une perspective surprenante aux propos de Johan Galtung, l'un des fondateurs de l'Institut international de recherche sur l'a paix d'Oslo, qui concluait en 1980 que « la réponse est plutôt de définir des tâches pour chacun », dans le contexte des défis que sont le multilatéralisme et la gouvernance mondiale. Du seul point de vue financier et ses vastes conséquences, le financement devra venir de bien au-delà des institutions des Nations Unies. Et avec l'argent viennent l'influence, les choix et les priorités forcés et le risque de négliger les moins nantis dans leur rôle de récipiendaires de fonds et de programmes pour le développement et, en fin de compte, leur influence politique.

Une révision rapide et de qualité. Le Professeur Thomas G. Weiss du College University of New York, Directeur de l'Institut Ralph Bunche, et Sam Daws, Directeur exécutif de l'UN Assocation-United Kingdom, ont, à partir de leurs dossiers et de leur expérience, accompli un travail éditorial remarquable de ce volume - qui fait partie d'un projet plus vaste appelé Projet d'histoire intellectuelle des Nations Unies (UNIHP), codirigé par Louis Emmerij, Richard Jolly et Tom Weiss4. Dans ces deux cas, leur travail éditorial se révèle dans le choix des chapitres et la sélection de leurs contenus. L'idée de ce Handbook a été initialement lancée il y a une dizaine d'années par Dominic Byatt, Rédacteur en chef d'Oxford University Press (OUP) dans le cadre de l'OUP Handbook Series. Il avait en effet constaté qu'aucun projet similaire n'existait pour les Nations Unies en tant qu'institution. Alors que pour l'OUP, il s'agissait d'ajouter un volume à la série, les éditeurs espéraient qu'il apporterait une contribution séparée et spéciale. Une fois lancé, le travail a été réalisé en 34 mois seulement. En juillet 2004, les éditeurs ont organisé à la National Gallery à Londres un déjeuner important avec Byatt et l'ouvrage a été publié en mai 2007. S. Daws avait été précédemment lié à l'OUP5. Ils n'avaient jamais travaillé ensemble avant, mais ont décidé de se passer du comité de lecture et de faire le travail eux-mêmes en ayant recours à des consultants extérieurs. Comment ce travail se compare-t-il à l'uniph et y est-il associé ? Probablement en présentant un tableau complet dans un seul volume au lieu de plusieurs et en se concentrant davantage sur la politique et la sécurité, les éditeurs ont laissé les rédacteurs libres d'exprimer leurs opinions, bien que, dans certains domaines, ils aient dû faire un certain travail éditorial - et ils ont manifestement tiré le meilleur de leurs collaborateurs.

Les contributeurs ont été encouragés à écrire de façon à ce que leurs chapitres soient toujours pertinents dans sept ou dix ans, conscients donc des changements qui survendraient et des informations qu'ils devraient fournir sur le processus de l'ONU, l'évolution des concepts et le contexte historique. Alors que l'idée maítresse reste valable, certains détails, en particulier sur la Commission de consolidation de la paix et le Conseil des droits de l'homme, risquaient d'être très rapidement obsolètes. Les contributeurs ont donc embrassé une période allant au-delà des douze derniers mois. Un exemple similaire est le Bailey/Daws sur le Conseil de sécurité. Utilisé depuis dix ans, il a été agrémenté de nouveaux ajouts venant d'autres sources, en particulier l'Internet, afin de d'inclure les développements les plus récents. Les éditeurs visent un objectif similaire, avec peut-être des mises à jour plus fréquentes.

Il leur a fallu veiller à ce que les auteurs s'acquittent de leur tâche dans les délais impartis, tout en veillant à la cohérence du style et du contenu des chapitres. Si un niveau élevé de cohérence a été atteint, ils ont décidé que certaines différences mineures n'étaient pas importantes, par exemple dans la notation des notes en bas de page et les abréviations. Ils ont supposé, probablement à juste titre, que les lecteurs consultent généralement un seul chapitre à la fois et que même s'ils lisaient le Handbook dans son intégralité, la vue d'ensemble serait claire. De même, quand les contributeurs ont adopté des points de vue différents sur une question, ils n'ont pas cherché à présenter « une ligne de parti » sur tous les sujets. Les contributeurs ont donc généralement abordé chaque sujet de manière judicieuse et équilibrée.

Les éditeurs ont encouragé la diversité des voix et l'expression de points de vue personnels pour montrer leur engagement en faveur de la liberté d'expression, mais aussi pour exprimer leur confiance dans la réputation de ces auteurs de haut calibre. On remarque aussi assez fortement la prédominance anglo-américaine. En général, la plupart des chapitres sont construits sur le même modèle, avec la définition des objectifs visés dans l'introduction puis la présentation des conclusions. Je n'ai trouvé nulle part de la part des éditeurs un ton d'autosatisfaction à propos de l'ONU, bien qu'ils soient tous les deux, en tant qu'universitaires et anciens employés, des partisans expérimentés mais critiques des aspirations multilatérales de l'Organisation.

Les meilleurs rédacteurs. Les bons rédacteurs sont ceux qui possèdent un style lisible et fluide, maítrisent leurs sujets et réussissent à fournir au public les outils d'information afin d'accroítre leur intérêt dans les Nations Unies. Chaque chapitre doit être étayé de notes en bas de page détaillées. Celles qui figurent dans le Handbook sont souvent informatives et méritent d'être lues. L'ouvrage remonte avant les années 1990 (en fait une référence remonte à 19446) sans que ce soit au détriment des sources pertinentes plus récentes. À ceci s'ajoute un index sur des lectures complémentaires recommandées, le fruit d'un choix subjectif.

Il est difficile et presque désobligeant de juger les contributeurs et les chapitres selon ces critères, surtout que ces experts sont connus dans leurs domaines. Mais j'ai lu avec un plaisir spécial et partial, parce le sujet était familier ou parce qu'il ouvrait de nouveaux horizons : José Alvarez sur le droit, David Malone sur le Conseil de sécurité, Gert Rosenthal sur l'ECOSOC, Ted Newman sur le Secrétaire général, Ngaire Woods sur les institutions de Bretton Woods, Michael Pugh sur l'imposition de la paix, Craig Murphy sur le secteur privé, Ramesh Thakur sur l'intervention humanitaire, Yves Beigbeder sur les enfants, Richard Goldstone sur la Cour pénale internationale, Richard Jolly sur le développement humain, Ed Luck sur les principaux organes. Jeff Laurenti sur le financement et les éditeurs eux-mêmes.

Les chapitres seront rarement lus ensemble, mais seront utilisés individuellement en tant que ressources. Chacun contient des sommaires importants et utiles et la plupart présentent des conclusions. Les éditeurs indiquent que le succès de l'ONU sera jugé par le dialogue qu'elle établira avec la première, la deuxième et la troisième ONU - les gouvernements, les individus et l'« ONU complémentaire » - les divers acteurs allant des organisations non gouvernementales (ONG) aux analystes et aux experts, dont le secteur privé. Ils développent le thème d'une inclusion générale et avec des commentaires maintes fois cités mettent en avant que la réforme et l'adaptation des Nations Unies aux changements n'est pas un événement mais un processus de continuité et de changement.

À qui le Handbook est-il destiné ? Comme je l'ai découvert, ce livre n'est pas conçu pour être lu de bout en bout - et d'ailleurs cela n'a jamais été l'objectif. Mais c'est un ouvrage de référence utile et de qualité. Il faut le lire d'une manière aussi critique qu'il a été conçu, les auteurs ont été autorisés à critiquer les défaillances et les échecs du système de l'ONU; ils en reconnaissent les limites. Cet ouvrage peut être un outil important pour les personnes amenées à écrire, à étudier, à faire un rapport sur l'ONU et une ressource pour les diplomates, les universitaires, les chercheurs les administrateurs publics, les ong et les étudiants pendant peut-être une décennie. Il est aussi destiné aux bibliothèques et aux institutions qui ont des ressources financières. Il a une place assurée au rayon des livres sur l'ONU. Certains ont vu cet ouvrage comme le volume unique mais pas encore écrit sur l'histoire de l'ONU qui succèdera à l'ouvrage de Robert/Kingsbury7 publié au début des années 1990, excellent dans son genre, mais pas aussi ambitieux. Tous deux donnent une bonne idée des questions cruciales de notre temps et fournissent les informations de base pour une décennie.

Un ouvrage similaire, seulement de nom, est l'United Nations Handbook 8 de Nouvelle-Zélande aujourd'hui dans sa 45e année de publication avec le volume 2007/2008. Mais bien qu'indispensable, cet ouvrage est davantage une source de références immédiates qu'historiques. Il s'agit principalement d'une lise annotée des résolutions approuvées et des membres des organismes de l'ONU - un travail spécifique excellent mais restreint. Il est rare de trouver des ouvrages similaires, même en français ou en allemand. « A concise Encyclopedia of the United Nations », édité par Helmut Volger, est peut-être celui qui s'en rapproche le plus.

Les ouvrages classiques sur la Charte de l'ONU ont un rôle important10. Il y aussi d'autres études plus spécialisées sur des domaines particuliers; mais aucun ne présente des informations aussi complètes en un seul volume. Le Handbook ne cherche pas à être une encyclopédie, mais donne à des experts la possibilité de présenter une analyse sur un sujet particulier dans un nombre de pages limitées. Les deux volumes édités de Rüdiger Wolfrum, « United Nations : Law, Policies and Practice 11 », est un projet différent qui comporte de nombreuses descriptions factuelles courtes des développements dans chaque domaine, rédigées la plupart par des universitaires allemands, si bien que l'anglais manque parfois de fluidité et de clarté en comparaison de l'analyse plus détaillée et plus vaste du Handbook.

Les points forts. Le livre engage le lecteur avec des idées originales, une variété de styles, allant des faits historiques aux idées normatives ou passionnées dans un langage parfois riche en humour que seule une sélection aussi diverse peut offrir. Par exemple, Alvarez écrit sur les traités de l'ONU: «Le manque de précision de certains traités modernes n'est pas nécessairement un handicap. » Sur l'Assemblée générale, M. J. Peterson dit en faisant référence aux États-Unis que « l'impact des résolutions de l'Assemblée a toujours dépendu de la relation entre la capacité à rassembler les votes au sein de l'Assemblée et le contrôle des ressources pour mener une action efficace à l'extérieur. » De son côté D. Malone dit à propos du Conseil de sécurité : « Là où les intérêts américains sont peu engagés, l'ONU est la mieux placée du point de vue de Washington pour répondre aux « conflits orphelins » comme ceux de la Sierra Leone, du Liberia et de la Côte d'Ivoire. Ngaire Woods écrit que « .les institutions de Bretton Woods ont dû confronter une idée répandue selon laquelle elles manquaient de légitimité et d'efficacité. » Les principaux chapitres traitant du thème récurrent des relations avec l'extérieur examinent les liens avec la société civile, comme dans le chapitre de Wapner consacré à la société civile : « Ce qui est essentiel, c'est que les Nations Unies et les ong s'entraident pour compenser leurs propres défaillances et travaillent ensemble pour répondre aux problèmes mondiaux par une action collective commune. »

L'ECOSOC est un organe principal dont le rôle est difficile et trop étendu. Il fournit des informations et assiste le Conseil de sécurité à sa demande, s'acquittant aussi des fonctions assignées par l'Assemblée générale. G. Rosenthal (et d'autres auteurs) lui consacre une attention particulière, faisant remarquer que « [ses] décisions et résolutions ne sont pas contraignantes pour les États Membres ou même pour les institutions spécialisées. Toutes ses fonctions sont donc une indication de son impuissance. » Pourtant, ses délibérations ont permis de renforcer la prise de conscience sur certaines questions. E. Luck écrit : « La Charte place une plus grande priorité sur le rôle de l'ecosoc dans les domaines intellectuel et institutionnel que sur son rôle subsidiaire en tant que machine à produire des résolutions. [.] La clé de la réforme de l'ECOSOC réside peut-être dans sa redécouverte et non pas dans sa réinvention. » Au cours des décennies, la réforme du Conseil s'est avérée aussi difficile que celle du Secrétariat de l'ONU.

Un chapitre est consacré aux groupes régionaux, plus particulièrement leur rôle largement irréalisé dans le cadre de la Charte de l'ONU dans le règlement des différends et le maintien de la paix et de la sécurité. M. J. Peterson fait référence à un aspect différent de la politique « au travers des groupes régionaux et des groupes d'États partageant les mêmes vues qui remplissent certains rôles dans l'organisation et le regroupement des votes joués par les partis politiques dans la législation nationale. » Ces deux groupes se chevauchent, mais, en tant que groupe unique, ils sont établis régionalement et soumis au principe d'une répartition géographique équitable, tandis que les groupements politiques sont généralement établis par les membres des groupes pour renforcer leur influence politique. Il est clair qu'au cours des années, les sept groupes régionaux ont joué un rôle important en matière de représentation des activités régionales à la fois au siège des Nations Unies à New York et à Genève, ainsi que dans la composition et l'élection des membres des institutions spécialisées, de programmes et des fonds. Ils mentionnent l'importance de la politisation des questions et indiquent que l'exemple établi par l'Organisation de la Conférence islamique pourrait être plus développé car il gagne du terrain et de l'influence dans les régions du monde.

Dans son chapitre sur le règlement pacifique des différends et de la prévention des conflits, Mani observe « l'ultime pouvoir à trouver une solution pacifique aux différends et à empêcher qu'ils deviennent violents relève de la responsabilité des États ». Dans la section sur la paix et la guerre, M. Pugh développe l'idée que « toute base éthique à la justice redistributive qui atténue, voire rejette, les effets socio-économiques négatifs de l'économie mondiale doit être, par respect pour la sécurité humaine, rendue en retour par le public et les autorités de tous les États ». Peut-être montre-t-il que le chapitre sur la consolidation de la paix, bien qu'approfondi et couvrant toutes les questions, comporte des tableaux de science politique qui sont une source de distraction.

R. Thakur note dans un style plein de verve l'érosion du principe de souveraineté nationale face à l'interdépendance mondiale et voit la responsabilité de protéger davantage comme « un concept qui comble le fossé entre intervention et souveraineté et [.] établit des passerelles conceptuelles, normatives et opérationnelles entre l'aide d'intervention et la reconstruction ». Ramcharan souligne avec passion l'importance des droits de l'homme dans toute analyse des risques pour un pays, une position reprise de manière plus normative par Goldstone dans son chapitre sur la Cour pénale de Justice.

Sur le développement humain, R. Jolly examine l'indice de pauvreté humaine : « Il mesure le pourcentage de la population d'un pays en termes de privation de choix fondamentaux et d'opportunités - de même qu'en matière de revenus, la pauvreté est mesurée par le pourcentage de la population vivant au-dessous d'un seuil établi. » Sur la réforme, E. Luck fait remarquer qu'il s'agit d'un processus et pas d'un événement : « Chaque cycle de réforme réussit à laisser sa marque sur l'Organisation. Les questions non résolues forment de plus le noyau du chapitre suivant décrivant la longue et lente réforme de l'ONU. Jamais définitive, jamais parfaite, l'organisation mondiale est toujours en changement. » J. Laurenti examine le financement du point de vue américain - en effet, les États-Unis sont à la fois le plus grand contributeur au budget de l'ONU et le pays ayant le plus d'arriérés - et souligne le point crucial que les ressources reflètent l'engagement. Il montre comment cela a joué dans la série de crises financières qui ont secoué les Nations Unies de manière cyclique.
Enfin, le dernier chapitre de C. Alger fait écho à l'introduction de T. Weiss et S. Daws. Reprenant les thèmes d'une plus grande et plus vaste inclusion, il en reporte la responsabilité sur les individus: «La nature de la gouvernance mondiale émergente défie les individus d'examiner la pertinence des organisations auxquelles ils participent ou auxquelles ils pourraient participer. Ceux qui répondent deviendront des participants conscients de l'effort constamment mené pour renforcer la capacité du système de l'ONU à répondre à un agenda mondial plus que jamais difficile. » La solution réside dans l'évolution du processus multilatéral.

Système de référence. Les éditeurs ont mis au point un système de référence avec des notes en base de page, des listes de lectures complémentaires et des annexes. Ils ont délibérément et efficacement choisi de ne pas ajouter un volume de ressources bibliographiques et de recherche comme cela a été le cas pour le rapport de la Commission internationale sur l'intervention et la souveraineté de l'état12. Fidèles au style du Handbook - fournir une analyse d'expert accessible à tous - les auteurs ont choisi de présenter une liste d'une douzaine d'ouvrages à l'intention de ceux qui désirent approfondir un sujet. S'ils avaient choisi de présenter une liste exhaustive et avaient compilé 2 000 données bibliographiques supplémentaires, il aurait fallu réduire la taille de chaque chapitre. Tous les chapitres contiennent en moyenne 20 pages, ce qui facilite les lectures brèves et guidées, un aspect important en particulier pour les chercheurs.

Recommandations pour une future édition. Vu la qualité du travail éditorial, les détails impressionnants et qu'il n'y aura pas de mises à jour au moins avant dix ans, il pourrait donc sembler un peu mesquin de relever les omissions ou de suggérer des ajouts pour le prochain volume. Comme nous l'avons vu, les éditeurs n'avaient pas d'autre choix que d'être sélectifs pour inclure autant de sujets en un peu plus de 800 pages.
♦ Droits sociaux et économiques. Le domaine qui nécessitait la sélection la plus importante était le domaine économique et social, car 40 chapitres au moins pouvaient être consacrés aux institutions spécialisées, aux fonds et aux programmes qui traitaient chacun un domaine particulier, comme la nourriture, les télécommunications, l'éducation, la culture ou la propriété intellectuelle et autres sujets similaires. Mes interlocuteurs critiques ont fait remarquer que c'était dans ce domaine qu'il fallait faire une plus grande sélection et que certains sujets ou secteurs étaient traités mais sous-représentés. C'est en partie peut-être dû à l'ecosoc. Il aurait donc été peut-être plus judicieux de consacrer un chapitre aux droits économiques et sociaux, bien qu'il n'eût pas été complet. Cela reflète probablement les efforts de la communauté des droits de l'homme à défendre les libertés civiles et politiques après l'adoption des mesures antiterroristes suite aux attentats du 11 septembre. Le système commercial et économique est traité dans le chapitre consacré aux institutions de Bretton Woods.

Personnalités. Les personnalités éminentes et leur contribution pourraient être un autre sujet dans le prochain volume. Je pense ici non à des personnalités comme les Secrétaires généraux Hammarsjköld ou Kofi Annan, mais plutôt à l'expert, au fonctionnaire international, malheureusement condamné à l'anonymat, dont le dévouement désintéressé a contribué aux activités du Secrétariat de l'ONU, ce qui n'est pas toujours le cas des personnalités plus internationales. Ce sont ceux qui par leur dévouement, leur sens de l'initiative, leur expertise et leur réflexion ont exercé une influence profonde et durable souvent dans des secteurs importants du système de l'ONU - et parfois des personnalités qui ont illustré les questions et les conflits. Mes interlocuteurs venant de différents domaines ont suggéré quelques noms qui, loin d'être une liste exhaustive, montrent que bien que les États soient membres et signataires de traités et de conventions, les contributions individuelles ont été importantes13. La diversité de ces personnalités et de leurs rôles reflète l'intérêt qui était porté aux Nations Unies, en particulier au Secrétariat, aux organisations régionales et aux organismes. Cet aspect est en partie abordé dans la série de l'UNIHP.

Nombreux sont ceux qui ont été de remarquables théoriciens et leaders et qui ont apporté une contribution déterminante, mais un grand nombre d'idées et d'actions ont en fait émergé d'équipes ou de consultations avec les gouvernements. La « liste des honneurs » pourrait inclure : dans les domaines économique, financier et du développement, Gunnar Myrdal, Alfred Maisels, Raúl Prebisch, Arthur Lewis, Hans Sibger, David Owen, Bruce Stedman, Sidney Dell et Robert Jackson; dans le domaine du maintien de la paix, les généraux Prem Chand et Satish Nambiar, George Lansky, Jean-Marie Guéhenno, Ralph Bunche et Brian Urquhart; et dans d'autres domaines, John Boyd Orr et Julian Huxley. À ces noms on peut ajouter pour la période plus récente Francesco Vendrell, Lakhdar Brahimi, Alvaro de Soto et Martti Ahtisaari. Sergio Vieira de Mello et d'autres ont joué un rôle controversé, comme Sadruddin Aga Khan, Maurice Strong, Razali Ismail et même Romeo Dallaire. La liste ne peut qu'être incomplète et controversée mais dans l'ensemble il s'agit de personnes qui ont accompli des réalisations impressionnantes en aidant à mettre fin aux guerres et à améliorer le système de l'ONU ainsi qu'en contribuant au développement.

La liste des femmes est plus problématique. De nombreuses femmes qui ont longtemps travaillé aux Nations Unies ont acquis une certaine notoriété résultant de la politique en matière d'égalité des sexes ou de représentation géographique. Mais, par exemple, Ester Boserup a fait partie de la première équipe du secrétariat de la Commission économique pour l'Europe mise en place par Gunnar Myrdal à la fin des années 1940. Elle est probablement plus connue pour avoir écrit l'un des premiers ouvrages sur l'importance des femmes dans le processus du développement économique, en donnant des statistiques. D'autres femmes se sont fait un nom dans d'autres domaines : Roaslyn Higins (droit), Gro Harlem Brundtland (santé), Louise Arbour et Mary Robinson (droits de l'homme) et Sadako Ogata (réfugiés). Margaret Anstee a été la première femme et peut-être l'un des rares membres du personnel à gravir les échelons à l'ONU, en occupant des postes de débutants avant d'accéder au poste de sous-secrétaire générale. Les personnalités qui ont travaillé dès les premières années de l'ONU ont spécialement contribué à en faire une organisation plus cohérente et mieux à même de prendre en compte la vaste diversité des intérêts de ses membres.

Et aux annexes pourrait être ajouté le Pacte de la Société des Nations.
N'y aura-t-il plus aucun gros ouvrage sur les Nations Unies ? C'est peu probable, mais il y aura toujours de la place pour des volumes de plus petite taille. De par leur complexité, leur variété et les comités et activités cachés, les Nations Unies feront toujours l'objet d'examens et d'analyses. Il y a deux ouvrages qui sont, à mon avis, une bonne base pour une décennie, mais qui ont été publiés au début de 2008 : « Law & Practice of the United Nations. Documents and Commentary », par Thomas Franck, Simon Chesterman et David Malone14 qui place l'analyse légale dans le contexte de la politique et de la pratique à des fins d'enseignement et « The UN Security Council and War. The Evolution of Thought and Practice since 1945 15 » par Lowe, Roberts, Welsh and Zaum, un ouvrage rival dans la taille, le coût et le choix des auteurs. Mais la norme établie par le Handbook est difficile à égaler.

Et qu'en est-il de l'ONU ? L'exercice attire l'attention sur des détails et les parties du système moins connues. Il reflète de façon saisissante les périodes de flux et de reflux qu'ont connu les Nations Unies - montrant comment un grand nombre de débats actuels font écho à ceux du passé, une réalité qui est mise en évidence par de nombreux auteurs, et comment l'Organisation a réussi à éviter l'érosion de son rôle. Sa complexité se révèle par le nombre impressionnant de problèmes auxquels elle est confrontée et les solutions qu'elle doit trouver. Il est donc impossible de présenter des conclusions complètes sur la réforme et les prochains défis à relever, les chapitres étant conçus comme des unités liées par cet organe multilatéral suprême et imparfait dont la longévité est un hommage à son caractère évolutif, même si son identité légale et celles de ses composantes ne sont pas encore définitivement établies.

En plus des larges thèmes vastes de la continuité et du changement explorés dans l'introduction, le Handbook montre aussi comment l'ONU a réussi depuis six décennies à identifier les problèmes qui nécessitent des solutions multilatérales et à renforcer (de plus en plus) l'efficacité des efforts pour résoudre ces problèmes. L'ONU a des défauts évidents, mais elle fonctionne. Paradoxalement, elle tire sa force en partie de sa résistance à une réforme complète, comme si c'était possible, mais principalement de sa capacité à s'adapter aux cycles de réforme et à se réadapter progressivement.

Kofi Annan a fait avancer le débat sur la souveraineté et l'intervention et a renforcé la participation du secteur privé. Les experts nous disent : « L'histoire a montré qu'il y avait plus de chances que des changements importants aient lieu au sein de l'Organisation quand un nouveau Secrétaire général prenait ses fonctions et il est peu probable que le prochain mandat de Ban Ki-moon soit une exception16. » Il a déjà fort à faire. Les derniers chapitres évoquent les changements futurs, en particulier la question controversée de la réforme du Conseil de sécurité, la plus grande participation des acteurs non étatiques au débat et enfin la question essentielle de l'argent, à la recherche d'un équilibre entre les contributions des États Membres et les contributions volontaires. L'augmentation sans précédent du budget ordinaire et de celui des opérations de maintien de la paix, qui est sur le point d'entraíner la perte du contrôle des dépenses et du processus budgétaire, nécessite de trouver des fonds à partir d'autres sources. Les notions de responsabilité et de contrôle sont également évoquées. Une plus grande participation des acteurs politiques de la grande région Nord/Sud sera peut-être le nouveau contexte dans lequel les Nations Unies devront changer.

Cela faisait longtemps qu'on attendait un volume comme celui-ci. Il est enfin là.

Notes

1 Je remercie mes interlocuteurs pour le temps qu'ils m'ont consacré ainsi que pour leur expertise et leur idées. Ils comprenaient Simon Chesterman, Sam Daws, Klaus Hüfner, David Malone, Sally Morphet, Craig Murphy, Ted Newman, Jim Paul, Mike Pugh, Paul Rayment, Adam Roberts, Eli Stamnes, Ramesh Thakur, Brian Urquhart, Helmut Volger et Tom Weiss.
2 Stephen John Stedman, "UN transformation in an era of soft balancing", p. 933, International Affairs, 83:5 (2007), pp. 933-944.
3 The Korea Times, 27 décembre 2007.
4 Pour l'UNIHP, voir http://www.unhistory.org/; et mon compte rendu sur les quatre volumes de l'UNIHP, « L'héritage intellectuel des Nations Unies - États ou individus ? » (Chronique de l'ONU, volume XLIII, numéro 3, septembre-novembre 2006, pp. 20-21). Voir également l'essai de Robert J Berg's sur le projet de l'UNIHP project, "The UN Intellectual History Project: Review of a Literature", gouvernance mondiale 12 (2006), pp. 325-341.
5 Notamment, The Procedure of the UN Security Council (Sydney D. Bailey and Sam Daws, 3rd Edition, 1998).
6 David Mitrany, A Working Peace System: An Argument for the Functional Development of International Organization (London: Royal Institute of International Affairs, 1944).
7 United Nations, Divided World. The UN's Roles in International Relations (ed. Adam Roberts and Benedict Kingsbury, Clarendon Press, Oxford 2nd Ed. 1993).
8 Avec le sous-titre suivant : An Annual Guide for those working with and within the United Nations. Publié par le Ministère des Affaires étrangères et du commerce de Nouvelle-Zélande.
9 Voir, Ed. Helmut Volger, Kluwer Law International, La Haye, 2002.
10 Comme La Charte des Nations Unies : commentaire article par article. Par Jean-Pierre Cot and Alain Pellet. (3rd ed, Paris: Economica, 2005. 2 volumes; The Charter of the United Nations: A Commentary. 2e éd. Ed. Bruno Simma. Oxford; New York: Oxford University Press, 2002. 2 volumes; et Charter of the United Nations. Commentary and Documents (Leland M Goodrich, Edvard Hambro and Anne Patricia Simons, 3rd ed Columbia University press 1969).
11 United Nations: Law, Policies and Practice, (ed. Rüdiger Wolfrum, Martinus Nijhoff, nouvelle version anglaise révisée, 2 volumes, 1995). Initialement en un volume, "Haandbuch Vereinte Nationen" (1991).
12 ICISS, The Responsibility to Protect, International Development Research Centre, décembre 2001.
13 Je mentionne ces personnalités en notant que la structure de la série de l'UNIHP convient mieux à l'exploration et à l'identification des contributions individuelles. Voir en particulier UNIHP's UN Voices. The Struggle for Development and Social Justice (Thomas Weiss, Tatiana Carayannis, Louis Emmerij, et Richard Jolly, Indiana University press, 2005) basé sur les entretiens menés dans le cadre de l'histoire orale de l'ONU. 14 Law and Practice of the United Nations. Documents and Commentary, by Simon Chesterman, Thomas M. Franck, et David M. Malone (OUP, 2008).
15 The United Nations Security Council and War. The Evolution of Thought and Practice since 1945, by Vaughan Lowe, Adam Roberts, Jennifer Welsh, et Dominik Zaum.
16 "A Priority Agenda for the Next UN Secretary-General", Thomas G. Weiss et Peter J. Hoffman. Dialogue on Globalization, Friedrich Ebert Stiftung et Ralph Bunche Institute for International Studies, Études thématiques, New York, n° 28/décembre 2006, p. 6.