L'un des mythes courants aujourd'hui, véhiculé par des événements médiatiques comme le film d'Al Gore « Une vérité qui dérange », est que nous sommes tous égaux face à la catastrophe écologique et humaine causée par les changements climatiques. C'est simplement faux. Pour bien comprendre le changement climatique et ses effets probables sur l'intégrité, la transmission et la diversité culturelles, il faut prendre note des différences flagrantes qui existent aujourd'hui entre les peuples du monde entier.
NÉCESSITÉ URGENTE DE DÉTERMINER QUI SONT LES GAGNANTS ET LES PERDANTS
Le changement climatique produira des gagnants et des perdants. L'Afrique sera la plus touchée1. Les ressources techniques et financières dont disposent les gouvernements africains sont insuffisantes pour atténuer les effets du changement climatique. Par exemple, le continent utilise seulement 1 % de ses réserves en eau pour l'irrigation2. La plupart des pays d'Afrique subsaharienne rurale restent dépendants de l'agriculture pluviale et de l'élevage du bétail. Même si cela est également vrai pour un nombre important de populations rurales vivant dans le nord de la Chine, dans les régions d'Asie du Sud et du Sud-Est ainsi que dans les pays d'Amérique latine et les pays andins, les États ont généralement les capacités nécessaires pour aider les populations rurales à adapter leurs moyens d'existence.
NÉCESSITÉ URGENTE DE RECENSER LES BESOINS DES POPULATIONS ET DE LES AIDER A S'ADAPTER
Les populations s'adaptent déjà au changement climatique. Dans les Andes, dans les forêts côtières de mangroves en Asie du Sud et les savanes en Afrique, les groupes ruraux isolés n'attendent pas passivement que des experts viennent leur dire comment s'adapter. Il est urgent d'évaluer ce que les populations rurales savent sur le changement climatique et ce qu'elles font pour s'y adapter. Pour recourir à une démarche participative en matière de recherche d'actions, il faut évaluer la capacité d'adaptation spontanée des pays qui ont jusqu'ici mis l'accent sur la modélisation technique et la formulation de politiques nationales.
NÉCESSITÉ URGENTE DE PRÉPARER LE DÉPLACEMENT DES POPULATIONS
Les changements climatiques accentuent certaines tendances actuelles comme le dépeuplement des campagnes, la migration internationale, le déplacement forcé dû aux projets de grande envergure et celui des populations fuyant les zones de conflit. Aujourd'hui, les institutions internationales et les organisations non gouvernementales sont en mesure de traiter les problèmes causés par le déplacement de réfugiés, comme le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies et l'Organisation internationale pour les migrations, le Programme des Nations Unies pour le développement, qui a des spécialistes qui travaillent sur les questions liées au relèvement après un conflit, et l'UNICEF, qui a mis au point des programmes d'éducation continue pour les enfants déplacés. Or ces institutions ont des ressources limitées alors que les demandes d'aide risquent de se multiplier. Elles ont besoin d'un appui financier.
Il nous faut également mieux comprendre ce qu'il advient des populations rurales et de leurs cultures lorsqu'elles sont forcées de quitter leur environnement ou qu'elles sont déplacées dans des régions qui ne leur sont pas familières et dont les écosystèmes sont différents. Les universitaires et les centres cliniques du monde entier travaillent depuis un certain temps sur les questions concernant la sortie des conflits. D'une façon analogue, de nombreux centres d'études sur le développement ont fait des recherches sur les stratégies en matière d'emploi afin d'assurer une formation adaptée aux nouveaux moyens d'existence et de créer des emplois. La discipline médicale appelée « psychiatrie culturelle » est centrée sur les effets de la migration lorsque les populations passent d'une culture à une autre, mais le traitement est centré sur la personne. Elle ne s'intéresse pas aux conséquences que ce phénomène a sur la culture, ou sur sa transmission et sa survie. Il est urgent de développer des centres régionaux afin d'étudier ces problèmes d'un point de vie pratique.
RECOMMANDATIONS
À partir de ce résumé des questions essentielles, je propose les neuf recommandations suivantes :

  1. Mettre en place des capacités locales pour comprendre les savoirs et les croyances de populations autochtones sur le changement climatique et les mesures prises pour adapter leurs moyens d'existence à l'évolution du climat.
  2. Recueillir des témoignages des générations passées sur la manière dont elles faisaient face aux événements extrêmes et aux crises dans le passé. Comprendre l'histoire orale des populations dans leurs efforts pour faire face aux changements et à s'y adapter peut être la clé des solutions présentes et à venir. Et pourtant, cette histoire se perd.
  3. Former des techniciens, comme des agents de vulgarisation agricole, des vétérinaires, des zootechniciens, des hydrauliciens, des planificateurs pour qu'ils se familiarisent avec les savoirs traditionnels et les respectent.
  4. Former les décideurs pour qu'ils se familiarisent avec les savoirs traditionnels et les respectent sans adopter une optique moderniste et coloniale, considérant qu'ils sont un obstacle aux progrès.
  5. Former les représentants des médias pour qu'ils considèrent la diversité culturelle comme étant assimilable à la diversité biologique en tant que ressource pour l'ensemble de la société, afin de trouver des façons innovantes de s'adapter aux changements climatiques en prenant en compte les savoirs traditionnels et les connaissances des spécialistes.
  6. Intégrer les connaissances sur les changements climatiques aux efforts continus afin d'accorder une attention particulière aux femmes et aux enfants. Cela comprend les travaux concernant l'emploi et le microcrédit ainsi que dans les domaines de l'énergie, de la technologie, des forêts, de la santé, de la sécurité alimentaire, de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement. Il est important de prendre en compte les expériences des femmes et des enfants concernant le climat et d'étudier comment s'adapter aux conditions extrêmes.
  7. Encourager la mise en place d'études d'évaluation de l'impat culturel et prendre des mesures pour faire face à la relocalisation des populations déplacées en raison de projets de grande envergure.
  8. Incorporer les changements climatiques dans les programmes scolaires et le matériel d'apprentissage en accordant une attention particulière aux besoins des personnes parlant des langues minoritaires.
  9. Recenser les bâtiments historiques et les structures revêtant une importance culturelle particulière qui risquent d'être endommagés par les tempêtes côtières plus fortes, les inondations, les glissements de terrain provoqués par des chutes de pluie importantes et l'élévation du niveau des mers. Prendre des mesures pour les protéger ou les déplacer en consultation avec les personnes concernées.

Notes 1 Quatrième rapport d'évaluation du Groupe d'experts international sur l'évolution du climat (2007). 2 InterAcademy Council, 2004.