1 août 2009

Bien que l'Amérique latine et les Caraïbes possèdent les plus grandes ressources en eau douce par habitant, un tiers de la population n'a pas accès durable à l'eau potable. Jusqu'à ces dernières années, on attribuait les problèmes liés à l'eau douce à la distribution inéquitable des ressources, à l'absence de financement adéquat pour les infrastructures hydriques, à la mauvaise gouvernance dans le secteur de l'eau douce ou à une conjugaison de ces trois facteurs. Aujourd'hui, alors que les nations essaient de préparer la voie qui mène à la conclusion d'un accord afin de mettre en place un régime multilatéral qui stabilisera le climat mondial, les pays d'Amérique latine et des Caraïbes ont réalisé que les changements climatiques ont eu des effets profonds sur les ressources en eau douce de la région, avec des conséquences importantes pour les écosystèmes et les sociétés.

Au cours des trois dernières décennies, la région a connu des phénomènes climatiques extrêmes qui ont provoqué des pertes humaines et matérielles, en particulier pendant la saison des ouragans. Les effets du cycle irrégulier de l'oscillation australe El Niño ont également diminué la production agricole et la production d'hydroélectricité. Le niveau de certaines sources d'eau douce tropicales et sous-tropicales venant des glaciers ont tellement baissé qu'elles pourraient se tarir au cours des années à venir. Les maladies à transmission vectorielle ont un plus grand rayon d'action. La déforestation conjuguée aux changements climatiques ont aggravé la perte de biodiversité.

Pour les pays d'Amérique latine et des Caraïbes, les conséquences des variations à la fois de la quantité et de la qualité de l'eau douce dues au changement climatique augmenteront les risques de conflits relatifs à l'utilisation des terres, étant donné qu'un sixième de la population partage des bassins versants transfrontaliers. Avec la sécurité alimentaire et les migrations suscitées par le changement climatique, la gouvernance dans le secteur de l'eau est probablement la question la plus urgente à laquelle sera confrontée la région dans les années à venir. La solidarité transfrontalière et la transparence des politiques seront mises à l'épreuve alors que les nations et les parties prenantes s'efforceront de trouver des solutions rapides qui répondent aux besoins de leur population, en particulier des personnes les plus vulnérables.

CARAÏBES

Sur les trois sous-régions qui seront examinées ici, la plus vulnérable est celle des Caraïbes. Le changement climatique menace la survie de ces populations et l'existence à long terme des pays de cette région. Le Groupe d'experts international sur l'évolution du climat (GIEC) a déjà conclu que le niveau des mers continuera à augmenter au cours des années à venir. En outre, le nombre d'ouragans de catégorie 5, qui sont les plus puissants, a été multiplié par deux:ils sont passés de six dans les années 1950 à 12 dans les années 2000. Il est important de noter que l'augmentation de la température de surface des mers entraínera une activité des cyclones tropicaux dans les Caraïbes qui fera un plus grand nombre de victimes.

Le manque de capacités à produire de l'énergie propre et la grande dépendance vis-à-vis du tourisme et des importations de denrées alimentaires sont parmi les principaux facteurs qui empêchent les Caraïbes de trouver sa voie vers le développement durable. Dans la plupart des cas, les investissements pour renforcer les capacités d'adaptation au changement climatique dépassent de beaucoup les capacités financières des pays des Caraïbes. Étant donné l'augmentation des températures de surface résultant des émissions de gaz à effet de serre, la seule option d'adaptation qui se présentera aux populations de cette région au cours des prochaines décennies sera la migration hors des petits États insulaires les plus vulnérables.

AMÉRIQUE CENTRALE ET MEXIQUE

La sous-région mésoaméricaine (Amérique centrale et Mexique) est également très vulnérable aux effets du changement climatique. L'intensification de l'activité cyclonique tropicale a causé d'importants dégâts dans la région. En 1998, l'ouragan Mitch a frappé le Honduras et le Nicaragua, faisant environ 10 000 victimes. Il a détruit l'infrastructure de base équivalant à 40 % du produit intérieur brut du Honduras. Les ressources en eau douce de la région sont également affectées par le phénomène El Niño/oscillation australe. En général, les bassins versants du côté Pacifique de la Méso-Amérique connaissent des conditions de sécheresse extrême, alors qu'au nord du Mexique, les pluies sont plus abondantes. Plusieurs modèles ont suggéré que l'Amérique centrale et le Mexique auront un climat plus sec et connaítront donc des conditions de stress hydrique. Étant donné que la région dépend de l'énergie hydroélectrique pour produire de l'énergie, la sécurité énergétique sera probablement menacée. Il est toutefois important de souligner l'initiative « proyecto Mesoamérica » engagée dans le cadre du Dialogue régional de Tuxtla afin d'intégrer une interconnexion énergétique régionale qui permettra de garantir la sécurité énergétique dans les pays mésoaméricains.

En ce qui concerne la santé, les maladies à transmission vectorielle comme la dengue et le paludisme ainsi que les maladies transmises à l'homme par des rongeurs, semblent augmenter en raison des variations des niveaux d'eau douce en Amérique centrale et dans les Caraïbes. À chaque crue ou à chaque épisode de sécheresse qui affecte les bassins versants transfrontaliers, la sécurité alimentaire est menacée, nécessitant une aide humanitaire internationale. En septembre 2009, plusieurs gouvernements d'Amérique centrale ont déclaré un état d'urgence et ont mis en œuvre des mesures d'urgence pour faire face aux conditions de sécheresse. Des projets, comme RedHum (http://www.redhum.org) et le Système de visualisation et d'observation de la région mésoaméricaine (http://www.servir.net), coordonnés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, apportent un appui continu à la région en diffusant des informations sur la quantité d'eau douce disponible.

AMÉRIQUE LATINE

Des trois régions, l'Amérique latine est celle qui présente le contraste le plus marqué. L'eau douce peut y être très abondante mais aussi très rare. Environ 30 % des eaux fluviales mondiales traversent le bassin de l'Amazone, du Parana-plata et de l'Orinoco. Inversement, l'Amérique latine a le désert le plus aride au monde - l'Atacama. C'est aussi une région qui abrite des glaciers tropicaux et sous-tropicaux. De fait, dans certaines régions de Colombie, du Pérou, d'Équateur et de Bolivie, les glaciers tropicaux et sous-tropicaux sont les seules sources d'eau douce. La migration hors de ces zones semble être la seule option dans les années à venir, en particulier dans les régions où les glaciers sont de plus petite taille. Selon des études récentes du GIEC, depuis 2004, la planète a perdu la plus haute piste de ski au monde - le glacier Chacaltaya situé à 5 260 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Au cours des dernières années, le phénomène le plus extrême qu'ait connu l'Amérique latine a été les pluies torrentielles en 1999 au Venezuela qui ont provoqué des inondations et des coulées de boue. Environ 30 000 personnes ont péri. Après l'ouragan Catarina qui a frappé le Brésil en 2004, les scientifiques ont dû réécrire leurs manuels scientifiques pour y consigner le premier ouragan enregistré par un satellite au-dessus de l'Océan Atlantique sud. Comme en Amérique centrale, l'hydroélectricité est la principale source d'énergie dans la plupart des pays d'Amérique latine. Mais le tableau n'est pas totalement noir. Comme l'indiquent les études du GIEC, des augmentations des précipitations ont été observées dans le sud du Brésil, au Paraguay, en Uruguay, dans le nord-est de l'Argentine (la Pampa), dans des parties de la Bolivie et au nord-ouest du Pérou et de l'Équateur, qui pourraient permettre d'assurer un approvisionnement durable en eau douce pour la consommation humaine et l'irrigation des terres agricoles dans ces régions.

En conclusion, le changement climatique diminuera probablement les ressources en eau douce de l'Amérique latine et des Caraïbes de différentes façons et aura un effet profond sur les écosystèmes et les sociétés. La solidarité transfrontalière et la transparence seront cruciales pour faire face aux défis de l'eau douce qui se présentent alors que les nations se réuniront pour conclure un accord à Copenhague.

 

La Chronique de l’ONU ne constitue pas un document officiel. Elle a le privilège d’accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingués ne faisant pas partie du système des Nations Unies dont les points de vue ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Organisation. De même, les frontières et les noms indiqués ainsi que les désignations employées sur les cartes ou dans les articles n’impliquent pas nécessairement la reconnaissance ni l’acceptation officielle de l’Organisation des Nations Unies.