1 août 2009


Les effets des changements climatiques sont bien réels. Ils ont été confirmés par des études et des rapports internationaux au cours des deux dernières décennies. Une catastrophe climatique, qui menacera l'ensemble de notre écosystème tel que nous le connaissons, est possible, mais pas encore probable. Elle risque de se produire si nous ne changeons pas de voie et continuons d'ignorer les preuves :la hausse des températures entraínera l'élévation du niveau de la mer et la libération de méthane dans la toundra nous conduira vers un point de non-retour où les créatures vivantes n'arriveront plus à s'adapter.

Mais même les scénarios moins extrêmes, dont beaucoup sont considérés aujourd'hui optimistes, indiquent des effets à très long terme. Les conséquences de ces changements climatiques sont généralement bien comprises et acceptées par le plus grand nombre. La hausse des températures moyennes est seulement un aspect des changements climatiques. Nous serons probablement confrontés à des variations importantes des conditions climatiques, comme les sécheresses et les inondations, à des événements climatiques plus fréquents et extrêmes, comme les ouragans et les tempêtes ainsi qu'à une plus grande variabilité saisonnière avec des hivers doux ou rudes et des étés secs ou très humides. En Afrique en particulier, les saisons agricoles seront plus courtes dans pratiquement tout le continent, avec des changements positifs dans quelques zones seulement.

Dans ce contexte, L'Afrique sera plus touchée que la plupart des autres régions. Il est particulièrement révoltant que les Africains qui ont le moins contribué aux changements climatiques soient ceux qui en souffriront le plus.
Quelles que soient les mesures juridiques prises, l'indemnisation est due.

La capacité de l'Afrique à s'adapter est compromise par la faiblesse des gouvernements. Cependant, certains exemples remarquables méritent notre admiration et notre soutien: Le prix Mo Ibrahim de la bonne gouvernance en Afrique, par exemple, a reconnu les qualités de leadership de certains acteurs comme Mandela, Chissano, Masire ou Moghaye - pour n'en citer que quelques-uns. Mais malgré les performances spectaculaires de certains pays et de certaines régions, la situation générale dans de nombreuses parties du continent est caractérisée par des institutions fragiles et faibles, particulièrement vulnérables aux chocs extérieurs. Aux niveaux bas d'éducation et de santé s'ajoutent l'épidémie du sida, le paludisme et d'autres maladies qui emportent d'innombrables vies. La médiocrité de l'infrastructure et l'insuffisance des moyens de communication sont un frein à la compétitivité internationale. La gouvernance est problématique pratiquement partout. Les institutions sont minées par la corruption. Les sociétés sont marquées par le tribalisme et par des troubles qui, dans de nombreuses parties de l'Afrique, dégénèrent en guerres violentes et créent une totale anarchie, comme en Somalie ou en République démocratique du Congo. L'instabilité et le manque de capitaux empêchent d'entreprendre les projets nécessaires au développement. L'inaptitude à l'encadrement et le manque de compétences professionnelles limitent l'efficacité des projets qui sont entrepris. De nombreuses régions du continent sont confrontées à un exode préoccupant des talents.

Dans un tel contexte, l'impact du changement climatique sera dévastateur. Il exacerbera les problèmes existants et posera de nouveaux défis aux institutions et aux sociétés qui ne sont ni organisées ni équipés pour y faire face. Les problèmes auxquels les gouvernements et le peuple africains sont confrontés sont multiples : l'élévation du niveau de la mer qui menace les villes côtières, l'inondation des deltas par l'eau salée, la succession de périodes de sécheresse et de fortes pluies, l'urbanisation rapide et la propagation des maladies endémiques. Je me concentrerai ici seulement sur un aspect de la crise future : la sécurité alimentaire.

LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE - CE QU'IL FAUT FAIRE

L'Afrique importe déjà régulièrement des denrées alimentaires. Tous les scénarios indiquent que l'Afrique continuera de manquer de produits alimentaires, une situation que les changements climatiques risquent d'exacerber. La plupart des pays africains dépendent de l'agriculture pluviale, alors que le continent comprend de vastes déserts, des zones arides et semi-arides et souffre des effets de la désertification. Même dans les zones tropicales, les précipitations varient d'une année à l'autre et, les agriculteurs étant très pauvres, ils sont incapables de survivre aux périodes de sécheresse répétées. Étant donné l'insuffisance de l'infrastructure et le mauvais état des routes rurales, il est difficile d'apporter l'aide quand il le faut ou de commercialiser le surplus des récoltes. Les pertes après récoltes sont immenses, dues en grande partie aux infrastructures insuffisantes ainsi qu'à la prolifération des ravageurs.

Les changements climatiques ont augmenté la vulnérabilité des fermiers pauvres dans les régions pluviales, ainsi que des populations qui en dépendent. Une attention particulière doit être accordée à la production de plantes plus résistantes à la sécheresse, au sel et absorbant moins d'eau qui atteignent leur maturité dans une période courte. Il faudrait améliorer la gestion durable des terres et des forêts pour remplacer les coupes et les brûlis, et les activités de la recherche devraient être axées sur l'amélioration de la productivité dans les systèmes écologiques complexes des petits agriculteurs. Ce type de recherche devrait être considéré comme un bien public mondial et soutenu par des fonds publics, et les pauvres devraient pouvoir accéder gratuitement aux résultats. Un tel investissement permettra de réduire l'aide humanitaire par la suite. L'augmentation de la productivité doit être suffisamment rapide pour faire baisser les prix, ce qui améliorera l'accès des populations urbaines pauvres aux denrées disponibles au moment où l'Afrique connaít une urbanisation rapide. Pour ce faire, il faut augmenter la productivité des petits agriculteurs afin de relever leurs revenus, même si les prix baissent.

Les chercheurs peuvent également améliorer la qualité nutritionnelle des cultures vivrières, comme ils l'ont fait en enrichissant le riz en vitamine A. Les forêts, ainsi que les pêches en mer et en eau douce sont des questions qui méritent aussi d'êtres examinées. Il est aussi important d'augmenter les investissements dans la recherche à haut risque. Par exemple, l'étude des caractéristiques biochimiques des mangroves qui leur permettent de prospérer dans l'eau salée pourrait ouvrir des possibilités pour d'autres plantes.

Des travaux de recherche sont également nécessaires pour mettre au point des techniques visant à diminuer les pertes après récolte et à améliorer les conditions d'entreposage et de transport ainsi que la qualité nutritionnelle des aliments de base. Ces mesures pourraient aider bon nombre des personnes qui souffrent de la faim dans les villes.
Étant donné qu'il n'est pas possible d'assurer l'autosuffisance alimentaire pour chaque pays, nous devons maintenir un système commercial international équitable qui permet l'accès aux produits alimentaires et qui allège la flambée des prix des denrées alimentaires et des cultures vivrières sur les marchés internationaux. Nous devons convaincre les gouvernements des pays riches de maintenir des stocks de réserve et d'assurer des quantités suffisantes de nourriture pour l'aide humanitaire qui continuera inévitablement d'être nécessaire dans les divers « points chauds » de la planète, en particulier en Afrique.

UN APPEL A L'ACTION

C'est une honte que malgré l'engagement de la communauté mondiale de réduire de moitié d'ici à 2015 le nombre de personnes qui souffrent de la faim, leur nombre continue d'augmenter. C'est une honte que dans ce monde productif et interdépendant, un milliard de personnes souffrent de la faim. Nous savons que bon nombre d'entre elles vivent en Afrique et que les effets des changements climatiques exacerbent la gravité des défis auxquels est confronté ce continent. Nous avons donc le devoir d'aider l'Afrique à résoudre ce problème. Mais les problèmes africains nécessiteront des solutions africaines. Les anciens dirigeants africains respectés, comme ceux qui ont reçu le prix Mo Ibrahim, devraient appeler leurs collègues à mettre de côté leurs différences et à coopérer entre eux et avec d'autres pays et institutions afin de mener à bien quelques-unes des mesures susmentionnées.

L'Afrique, qui a vu naítre l'espèce humaine, ne courbera pas l'échine. Grâce au talent africain - et avec l'aide d'un monde humain et généreux - l'Afrique pourra relever les défis posés par les changements climatiques.

 

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