Les vingt années qui ont suivi la première Conférence de Rio qui s'est tenue en 1992 n'ont pas suscité de grands espoirs. On continue comme si de rien n'était, les objectifs liés à l'environnement et la mise en œuvre d'Action 21 progressent trop lentement, les instabilités économiques dominent les débats politiques et les négociations sur les changements climatiques sont continuellement sur le point d'échouer. Nous n'avons, toutefois, pas abandonné le navire.
Nous revenons à Rio de Janeiro cette année, et ceux d'entre nous qui seront présents, plus de 110 chefs d'État, négociateurs, experts et dix mille représentants de la société civile - devront apporter des progrès et restaurer la confiance.
Le développement durable est aujourd'hui plus essentiel que jamais. Nous faisons face à des inégalités de revenus dans les États et entre eux. Au total, 1,4 milliard de personnes continuent de vivre dans la pauvreté extrême tandis que l'appauvrissement des ressources et les effets des changements climatiques continuent de menacer le développement1. L'ancien Secrétaire général Kofi Annan a dit que nous faisons de plus en plus face à des «problèmes sans passeports», des défis mondiaux auxquels on ne peut répondre que par une action concertée2.
Rio+20 ne vise pas à produire autant de documents que la première Conférence, mais à donner une nouvelle jeunesse aux vieilles promesses. Surtout, elle a pour but de renouveler l'engagement mondial au développement durable. Comme le rappelle souvent le Secrétaire général Sha Zukang de la Conférence, Rio +20 sera la « conférence de mise en œuvre3 ».
Le Groupe de haut niveau sur la viabilité de l'environnement mondial fait valoir que la mise en œuvre effective requiert une nouvelle économie politique qui encourage la volonté politique en récompensant les modalités d'action à long terme et en intégrant les avantages dans la gestion macroéconomique4. Le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon souligne la nécessité d'un « nouveau paradigm économique qui reconnaít la parité entre les trois piliers du développement durable5 ». Comment peut-on donc réaliser ces nouvelles modalités d'action ?
Pour débloquer ce nouveau système et inverser la volonté politique, il faut une société civile informée, active et engagée, capable de formuler ses besoins. La société civile doit continuer de signaler clairement aux gouvernements et aux corporations qu'elle veut une économie nouvelle, juste et verte ainsi que des politiques qui garantissent la prospérité des générations futures. Elle doit jouer un rôle actif en assurant l'avenir.
Un rapport sur le Processus consultatif du PNUE, impliquant 400 scientifiques et experts éminents, présente une liste des changements rapides dans les comportements humains vis à-vis de l'environnement6. Les politiques et les mesures économiques peuvent encourager la consommation viable, mais la sensibilisation et la demande du public sont primordiales dans ce domaine.
La Fédération mondiale des associations pour les Nations Unies et ses membres s'emploient à créer une société civile informée, active et engagée. Cette Fédération et ses membres travaillent au niveau local pour sensibiliser la société civile et contribuent à créer une chaíne de réaction positive pour la demande de changements politiques qui encourageront des changements dans les comportements.
Par le biais de séminaires classiques et en ligne de son bureau à New York, la Fédération a contribué à réduire la fracture informationnelle en partageant les informations d'experts et les mises à jour sur les négociations avec des personnes dans plus de 45 pays.
De l'Australie au Zimbabwe, les membres de la Fédération suscitent un dialogue sur l'avenir durable envisagé dans les communautés dans le monde. Ils s'emploient à reconnecter les populations à leur environnement par l'assainissement de l'environnement, la plantation d'arbres ainsi que par des campagnes de sensibilisation au Ghana, à São Tomé et ailleurs. Au Canada, à Cuba, en Bulgarie et au Danemark, des débats de simulation de l'ONU sur la viabilité de l'environnement propulsent les jeunes dans les complexités de la prise de décision mondiale. La Déclaration de Melbourne, résultant des consultations publiques par les membres australiens de la Fédération mondiale des associations pour les Nations Unies, définit une vision de l'avenir claire, axée sur les populations et la planète. Des milliers de personnes dans le monde apprennent à communiquer leur souhait de voir un système qui respecte les limites écologiques et garantisse les droits de l'homme à tous être mis en place.
Coordonner une réponse nécessite une institution de portée mondiale. Sur la liste des 21 questions pour le XXIe siècle, le Processus consultatif du PNUE a indiqué l'alignement de la gouvernance sur les défis pour le développement durable mondial comme problème numéro un auquel la planète est confrontée7. Un nombre de plus en plus important de crises transfrontières, comme les changements climatiques, les limites planétaires et l'instabilité du système financier international menacent les progrès. Thomas G. Weiss, un expert en diplomatie internationale, maintient que pour s'attaquer à ces problèmes, il faut « des approches et des mesures vigoureuses qui ne soient ni unilatérales, ni bilatérales ni même multilatérales, mais mondiales ». L'ONU est la seule organisation en mesure d'assumer cette responsabilité8. C'est pourquoi la Fédération mondiale des associations pour les Nations Unies préconise une gouvernance mondiale plus forte, plus efficace, au moyen des médias, du dialogue public et des débats d'experts.
Si la société civile doit jouer un rôle dans la mise en œuvre des promesses faites à Rio, les grands groupes et les organisations de la société civile doivent être mieux intégrés aux structures décisionnelles internationales. Des milliers de personnes participent aujourd'hui aux grands sommets consacrés à l'environnement et les suivent de près. Toutefois, alors que l'engagement des organisations de la société civile continue de croítre depuis 1992, une plus grande ouverture permettrait une plus grande collaboration mondiale parmi les parties prenantes, à la fois publiques et privées, afin de réaliser le développement durable.
Lors d'une réunion qui a eu lieu en mars entre les États Membres et les Groupes importants, l'Union européenne a demandé une plus longue période de dialogue entre les grands groupes et les États Membres. Toutefois, pour répondre à cette requête encourageante, pourquoi ne pas d'accorder aux groupes des droits de parole dans les négociations ? Il existe des exemples réussis où les organisations de la société jouent un rôle plus important dans la prise de décisions au niveau mondial. Le Comité de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture sur la sécurité alimentaire, créé à l'initiative de la société civile, a accordé à cette dernière une participation aux délibérations sur un pied d'égalité avec les gouvernements. Le Groupe des Amis de la présidence dans la Convention sur la biodiversité biologique a intégré la société civile au processus de la Convention. Si les négociations de Rio +20 répondent aux attentes de l'Organisation des Nations Unies pour l'environnement, la société civile pourrait se voir attribuer un siège égal grâce à une structure de vote semblable à celle de l'Organisation internationale du Travail. Après tout, la société civile n'exprime pas seulement les intérêts parfois négligés des peuples, elle apporte aussi une capacité technique et un savoir local.
En l'absence de mesures réelles, les défis auxquels nous nous confrontons ne feront que s'aggraver alors que la population passera à neuf milliards d'ici à 2050 et que les besoins en ressources augmenteront de façon exponentielle9. Le Groupe consultatif mondial nous rappelle que d'ici à 2030, les besoins alimentaires augmenteront de près de 50 %, ceux en énergie de 45 % et ceux en eau de 30 %, à une période où les contraintes du milieu naturel réduisent de plus en plus l'offre10.
Le monde a besoin de concrétiser les promesses passées. C'est une tâche pour tous les acteurs impliqués - ceux qui se réuniront à Rio en juin, les autorités à tous les niveaux et la société civile mondiale. Nous occupons ensemble cette planète, et ce n'est qu'ensemble que nous pouvons aller de l'avant.
Notes
1 Groupe de haut niveau sur la viabilité de l'environnement mondial du Secrétaire général des Nations Unies (2012). Pour l'avenir des hommes et de la planète : choisir la résilience, aperçu général. New York : Nations Unies
2 Kofi Annan, « Problèmes sans passeports » Politique étrangère 1er Sept. 2002. Extrait de : http://www.foreignpolicy.com/articles/2002/09/01/problems_without_passports
3 Nations Unies, Secrétaire général adjoint Sha Zukang, « Conclusions de m. Sha Zukang, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, Secrétaire général de la Conférence du développement durable de l'onu en 2012 (Rio +20) », 3e réunion intersession pour Rio +20, New York : 27 mars, 2012. Extrait de : http://www.uncsd2012.org/rio20/content/documents/751Closing%20Remarks_in...
4 Groupe de haut niveau sur la viabilité de l'environnement mondial du Secrétaire général des Nations Unies (2012).
5 « Ban : new economic paradigm needed, including social and environmental progress », Centre d'informations de l'onu. 2 avril 2012. Extrait de : http://www.un.org/apps/news/story.asp?newsid =41685
6 PNUE (2012). 21 questions pour le XXie siècle : Résultat du Processus consultatif sur les questions environnementales émergentes. Alcamo, J., Leonard, S.A. (Eds.). Programme des Nations Unies pour le l'environnement (PNUE), Nairobi, Kenya, 56pp.
7 Ibid.
8 Thomas Weiss. « Can We Fix the United Nations? », acronym, vol. 1, n° 1. Fédération mondiale des associations pour les Nation Unies. New York : printemps 2012.
9 Nations Unies, département des affaires économiques et sociales, division de la population (2011). Perspectives de la population mondiale : révision de 2010, communiqué de presse (3 mai 2011) : « World Population Prospects: The 2010 Revision, Press Release (3 May 2011): "World Population to reach 10 billion by 2100 if Fertility in all Countries Converges to Replacement level".
10 United Nations Secretary-General's High-level Panel on Global Sustainability (2012).
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