Les priorités stratégiques de l'Afrique pour une meilleure relance

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Les priorités stratégiques de l'Afrique pour une meilleure relance

- Cristina Duarte, Secrétaire générale adjointe des Nations Unies et Conseillère spéciale pour l'Afrique.
Cristina Duarte
Afrique Renouveau: 
16 Juillet 2021
Walvis Bay, sur l'Océan Atlantique, est le principal port de Namibie
Banque mondiale/John Hogg
Walvis Bay, sur l'Océan Atlantique, est le principal port de Namibie et abrite de nombreuses sociétés de pêche.

L'Afrique est consciente des opportunités nationales et mondiales multiformes et multidimensionnelles qu'elle doit exploiter, ainsi que des défis qu'elle doit relever pour renforcer les bases de son développement.

Les États membres africains se sont engagés à poursuivre un plan continental commun pour les 50 prochaines années par le biais de l'Agenda 2063. Il s'agit d'un plan qui présente une approche intégrée pour assurer la transformation et le développement durable pour les générations futures.

La dimension transformatrice de l'Agenda 2063 vise à guider les actions des parties prenantes de l'Afrique afin de promouvoir l'émergence d'économies fortes à croissance durable et capables de générer des richesses et des emplois décents.

L'Agenda 2063 présente un récit alternatif sur la trajectoire de développement de l'Afrique ; explore les facteurs internes et externes qui présentent des défis et des opportunités pour les populations du continent dans leur quête d'une vie meilleure ; décrit des scénarios politiques alternatifs et leurs résultats prévus ; et considère l'interface entre les initiatives régionales et continentales, tout en plaçant les États membres au centre de la mise en œuvre.

La prise en compte des aspirations profondes des populations fait partie de l'agenda du système des Nations Unies. Depuis qu'il a pris ses fonctions, le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a averti qu'en dépit de la mondialisation économique croissante, "notre sentiment de communauté mondiale pourrait être en train de se désintégrer" et que le monde souffrait d'un "déficit de confiance". 

Pour surmonter ces défis, le Secrétaire général s'est engagé à "rendre l'Organisation des Nations Unies plus efficace pour répondre aux besoins et aux aspirations de nous, les peuples" et a proposé un changement de paradigme pour lutter contre les menaces émergentes telles que le changement climatique, pour s'assurer que les nouvelles technologies deviennent un moteur de paix et de durabilité et pour "rendre les systèmes commerciaux et financiers internationaux aptes à faire progresser le développement durable et promouvoir une mondialisation équitable."

La pandémie de COVID-19 a mis en lumière les échecs du système économique international actuel. Elle a prouvé qu'aucun pays ne peut relever seul les défis de l'avenir et que la coopération internationale est insuffisante. La pandémie a perturbé le système établi et a créé une opportunité de changement.

Malgré la reconnaissance des dysfonctionnements existants, les discussions intergouvernementales continuent d'aborder les problèmes de la même manière que par le passé. Les dispositifs de réponse COVID-19 impliquent principalement des mesures financières qui consistent en des rustines à court terme, comme la suspension de la dette ou des engagements d'aide publique au développement (APD) qui ne s'attaquent pas aux causes profondes du problème. L'Afrique continue d'être dépeinte comme un continent pauvre qui a besoin de l'aide de la "communauté internationale" pour mieux se reconstruire.

La pandémie de COVID-19 et son impact sur les 17 objectifs de développement durable (ODD) ont montré que ce qui a commencé comme une crise sanitaire s'est rapidement transformé en une crise humaine et socio-économique. Si la crise a fait dérailler les progrès vers la réalisation des ODD, elle rend également leur réalisation encore plus urgente et nécessaire. Il est essentiel que les acquis récents soient protégés autant que possible. Il convient de poursuivre le redressement transformateur de la situation, qui devrait permettre de résoudre la crise, de réduire les risques de crises potentielles futures et de relancer les efforts de mise en œuvre de l'Agenda 2030 et des ODD au cours de la Décennie d'action pour le développement durable.

De ce qui précède, il est évident que si l'Afrique doit réaliser les aspirations de son peuple telles qu'elles sont formulées dans l'Agenda 2063, il est nécessaire d'élaborer un nouveau récit du développement qui promeut la capacité du continent à réaliser l'Agenda 2063 et les ODD, et renforce le rôle de l'Afrique en tant qu'acteur important sur la scène mondiale.

Dans ce contexte, il est impératif que l'Afrique soit concentrée et stratégique pour mieux se relever.  Le Bureau du Conseiller spécial pour l'Afrique des Nations Unies (OSAA) a lancé un programme stratégique qui a identifié six priorités présentant un fort potentiel pour améliorer le développement de l'Afrique. L'agenda stratégique s'articule autour de six domaines thématiques :

  • Le financement du développement : Plaidoyer pour l'accès au financement, la lutte contre les flux financiers illicites, le renforcement de la coopération fiscale internationale, l'engagement des agences de notation de crédit et la réduction du coût des transferts de fonds.
  • Le développement durable pour promouvoir une paix durable : Favorise des pratiques institutionnelles inclusives et égalitaires en contrant les économies de conflit et en construisant des sociétés diverses et cohésives comme force motrice de la paix.
  • Gouvernance, résilience et capital humain : Encourage à placer le capital humain au centre de l'élaboration des politiques en Afrique afin de construire des sociétés résilientes.
  • Science, technologie et innovation : Préconise de combler les lacunes en matière d'alphabétisation numérique et de fracture numérique, et de s'attaquer aux problèmes de droits de propriété intellectuelle pour faire un bond en avant dans le développement.
  • Industrialisation, dividende démographique et zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) : Encourage l'exploitation du dividende démographique pour stimuler l'industrialisation par le biais de la ZLECAf.  
  • Énergie et action climatique : Se concentre sur le bouquet énergétique de l'Afrique, le changement climatique et la croissance verte, la transition énergétique et les politiques environnementales.

Le défi de l'Afrique n'est ni la pauvreté, ni l'absence de compétences, de liquidités ou de fonds pour promouvoir la reconstruction et parvenir à un développement durable. Ses problèmes sont des structures sociales, politiques et économiques qui drainent ses capacités et bloquent le potentiel du continent.

Des flux financiers illicites massifs épuisent la capacité de financement de l'Afrique. Un système financier international inéquitable entrave l'accès des pays africains aux sources de financement dans des conditions égales. Le manque de propriété sur les ressources naturelles empêche les pays africains de jouer un rôle substantiel dans les chaînes de valeur mondiales.

L'Afrique subit les conséquences d'une crise climatique qui a été déclenchée par des nations plus développées et endure l'impact de conflits complexes découlant d'une myriade de causes socio-économiques historiques et actuelles.

Dans l'ensemble, l'Afrique est confrontée au défi de promouvoir un changement des règles d'un système multilatéral qui, actuellement, n'est ni juste ni égal pour tous. Cela nécessite un nouveau discours qui présente l'Afrique comme une partie prenante clé ayant des réussites et des meilleures pratiques à partager. Un récit pour l'Afrique et de l'Afrique aux Nations Unies et au-delà.


Cristina Duarte est la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies et Conseillère spéciale pour l'Afrique.