Dakar

01 May 2022

Secretary-General's press stakeout with President Macky Sall [as delivered]

António Guterres, Secretary-General

Monsieur le Président, je vous remercie infiniment de votre accueil si chaleureux. Et surtout, j’ai osé venir au Sénégal le dernier jour du Ramadan et perturber la préparation du Eid demain. Même dans ces conditions, votre générosité a été, comme toujours, exceptionnelle.

Mesdames et messieurs les journalistes,

Comme vous le savez, je rentre de Russie et d’Ukraine, où j’ai notamment rencontré les présidents Poutine et Zelensky, mais aussi les collègues des Nations Unies qui œuvrent, chaque jour, pour venir en aide aux populations civiles, victimes innocentes d’une guerre insensée.

Mais j’ai tenu à maintenir mon déplacement ici, car chaque année pendant le Ramadan, j’ai l’honneur de visiter des pays musulmans et de jeûner avec vous. D’ailleurs je vois avec un énorme intérêt l’Iftar qui se prépare après cette rencontre, parce que ce n’est pas facile, pour ceux qui ne sont pas habitués.

C’est une tradition entamée lorsque j’étais encore Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, et que je suis heureux de reprendre après deux années durant lesquelles la pandémie avait rendu cela impossible.

Je suis profondément honoré d’être accueilli par le peuple sénégalais en cette veille d’Eid, et de rompre dans quelques instants le jeûne avec le Président Macky Sall.

Je remercie également les équipes des Nations Unies pour leur travail sans relâche afin de rendre cette visite possible.

En ce mois saint, je suis ici – avant tout – pour exprimer toute ma solidarité avec les populations, en particulier avec les communautés les plus vulnérables et les victimes de terrorisme.

Avec le Président, nous avons échangé sur la coopération entre les Nations Unies et le Sénégal, qui non seulement contribue en nombre à nos opérations de maintien de la paix, mais accueille une présence importante de collègues des Nations Unies.

Ensemble, nous avons visité le chantier de l’extrêmement belle Maison des Nations Unies à Diamniadio, un nouveau symbole de notre partenariat florissant.

Nous avons également évoqué la coopération entre l'Organisation des Nations Unies et l'Union africaine, aujourd’hui présidée par le Président Macky Sall, sur les questions de sécurité, de paix et de développement durable.

L’Union africaine est un modèle en matière de coopération régionale.

Nous avons réitéré notre engagement de tout faire afin de renforcer ce partenariat stratégique.

S'agissant de l'Afrique de l'Ouest et du Sahel, nous avons évoqué, entre autres, les efforts conjoints contre le terrorisme et l’extrémisme violent ainsi que la situation au Burkina Faso, en Guinée et au Mali.

A cet égard, nous avons convenu de l'importance de poursuivre le dialogue avec les autorités de facto des trois pays afin d'assurer le retour à l'ordre constitutionnel dans les délais les plus brefs.

Au-delà, la situation en matière de paix et de sécurité au Sahel demeure préoccupante.

Je continuerai de plaider – comme je l’ai fait depuis le début de mes fonctions – pour des opérations africaines de paix et de lutte anti-terroriste robustes; mises en œuvre par l’Union africaine et appuyées par l’ONU ; mandatées par le Conseil de sécurité, dans le cadre du chapitre VII de la Charte ; et jouissant d’un financement prévisible garanti par les contributions obligatoires.

La communauté internationale doit apporter tout son soutien aux pays de la région afin de non seulement être à la hauteur des enjeux sécuritaires mais également s’attaquer aux causes profondes et offrir des opportunités nouvelles à la région.

L'adoption de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel et sa mise en œuvre par le Bureau du Coordonnateur spécial pour le développement au Sahel, basé ici à Dakar, sont essentielles pour garantir cette approche intégrée.

Et grâce aux efforts du Président Macky Sall et des pays sahéliens pour restaurer les terres dégradées, le projet de la Grande Muraille Verte trouve un nouvel élan, apportant emplois, moyens de subsistance et résilience face aux chocs climatiques.

L'évaluation conjointe des défis du Sahel par les Nations Unies, l'Union Africaine, la CEDEAO et le G5 Sahel doit permettre d’identifier les besoins en vue de lancer un plaidoyer global de mobilisation de ressources.

Sur le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne, le président a partagé sa vision afin d'assurer une résolution de la situation qui profiterait à tous les pays concernés.

L'Organisation des Nations Unies est prête à fournir à la présidence de l’Union africaine toute l’assistance technique dont elle a besoin et en accond avec nos capacités.

Avec le Président Macky Sall, nous avons évoqué l’urgence climatique, qui accroît le risque sécuritaire.

Et force est de constater que nous sommes bien loin d’une trajectoire qui nous permettrait de baisser les émissions de 45 pour cent d’ici à 2030 et de contenir l’objectif de réchauffement de 1.5 degrés.

Les pays africains, qui ne sont pourtant pas responsables du problème, en sont souvent les premières victimes.

Les pays développés se sont engagés à apporter une aide financière et technologique aux pays en développement afin de permettre une transition vers les énergies renouvelables et les emplois verts.

Il est temps de passer aux actes. Il est temps de tenir la promesse des 100 milliards de dollars par an faite à Paris.

Et il est essentiel que la moitié des financements climatiques soit consacrée aux programmes d’adaptation et de résilience afin de venir en aide aux communautés vulnérables.

Sur le climat comme sur bien d’autres sujets, la jeunesse africaine est en première ligne, source d’idées et de solutions.

Nous devons les écouter et nous montrer à la hauteur de leurs espoirs.

Nous avons également discuté de la pandémie de COVID-19 et de son impact sur la situation socio-économique du pays et du continent tout entier.

A cet égard, je salue les efforts déployés par le Sénégal, notamment en matière de vaccinations.

Avec le Président, nous nous sommes rendus dans une unité de fabrication de vaccins qui sera bientôt équipée pour produire une gamme large de vaccins contre le COVID-19, mais également les vaccins expérimentaux de BioNTech contre le paludisme et la tuberculose.

Mais nous avons besoin d'une véritable équité mondiale en matière de vaccins.

Comme je l’ai dit à de nombreuses reprises, la situation actuelle représente une grave faillite morale.

Il est inacceptable qu’aujourd’hui, près de 80% de la population africaine ne soit toujours pas vaccinée.

Les pays riches et les sociétés pharmaceutiques doivent accélérer les dons de doses et investir dans la production locale de vaccins, comme nous avons vu aujourd’hui ici à Dakar.

Au-delà de la vaccination, nous voyons de grands déséquilibres en matière d’investissements dans la reprise post-COVID.

Ainsi, en Afrique subsaharienne, la croissance économique cumulée par habitant pour les cinq prochaines années a été estimée par le Fonds monétaire international comme étant inférieure de 75 pour cent par rapport au reste du monde.

Seule une reprise solidaire, résiliente et durable, fondée sur le Programme 2030 et l’Agenda 2063, permettra de mettre fin à cette pandémie et de récolter les fruits d’initiatives prometteuses comme la Zone de libre-échange continentale africaine. Malgré les injustices qu’elle subit, l’Afrique continue à démontrer sa résilience et sa capacité à faire face à de nombreuses crises. Il faut reconnaître l’Afrique comme une terre d’opportunité.

Bien entendu, lorsqu’on évoque la situation socio-économique, il est impossible de ne pas aborder la guerre en Ukraine et son impact sur l’Afrique.

Cette guerre aggrave une triple crise : alimentaire, énergétique, et financière, pour la région et bien au-delà.

C'est pourquoi j'ai créé le Groupe mondial de réponse à la crise sur l'alimentation, l'énergie et les finances, qui mobilise des agences des Nations Unies, des banques de développement et d'autres organisations internationales.

Un groupe de travail technique est coordonné par Rebeca Grynspan, la leader du CNUCED, tandis que le comité de pilotage est présidé par la Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, Amina Mohammed.

Nous sommes heureux d’avoir le Président Macky Sall à la tête des Champions de la réponse globale à la crise, et ensemble, nous avons discuté des mesures urgentes que j’ai appelées de mes vœux.

En premier lieu, nous devons garantir un flux régulier de denrées alimentaires et d'énergie sur des marchés ouverts, en levant toutes les restrictions inutiles à l'exportation, en affectant les excédents et les réserves à ceux qui en ont besoin et en contrôlant les prix des denrées alimentaires pour calmer la volatilité des marchés.

Mais soyons sérieux. Il n’y aura pas de véritable solution au problème global de sécurité alimentaire mondiale sans réintégrer la production agricole de l’Ukraine ainsi que la production alimentaire et d’engrais de la Russie et de la Biélorussie dans les marchés mondiaux, et cela en dépit de la guerre. Je suis déterminé à tout faire pour faciliter un dialogue qui puisse permettre la concrétisation de cet objectif.


Ensuite, en ce qui concerne l'énergie, les pays doivent résister à la tentation d’accumulation et au contraire libérer les stocks stratégiques et les réserves supplémentaires pour les pays qui en ont besoin, tout en accélérant le déploiement des énergies renouvelables.

Troisièmement, les institutions financières internationales doivent de toute urgence mettre en place des mesures d’allègement de la dette en augmentant aussi les liquidités et la marge de manœuvre budgétaire, afin que les gouvernements puissent éviter le défaut de paiement et investir dans les filets de sécurité sociale et le développement durable pour leurs populations.

Les Nations Unies ont présenté des propositions concrètes durant les réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI, allant de la mobilisation des divers fonds et instruments existants - mais pas suffisamment mis en œuvre - à une utilisation bien plus forte des droits de tirages spéciaux, et au fonctionnement effectif des mesures d’allègement de la dette.

Jusqu’à présent, ces mesures ont été nettement insuffisantes et la distribution des droits de tirages spéciaux a une injustice comme péché originel, parce qu’ils distribuent en accord avec les quotas des pays membres et la redistribution qu’on a annoncée jusqu’à présent n’est pas encore concrétisée, et relativement petite face au nombre global des droits de tirages qui ont été distribués.

J’ai dit plusieurs fois qu’il faut une réforme du système financier global qui est en faillite morale. Il a été conçu par les riches, pour les riches. Mais dans cette situation d’urgence, il faut utiliser d’une façon accrue tous les mécanismes disponibles au bénéfice des pays en développement, y compris les pays à rente moyenne, spécialement en Afrique.

Mesdames et messieurs,

Le Sénégal représente un exemple en matière de gouvernance, de démocratie et d’État de droit, et je voudrais saluer les efforts de votre gouvernement en ce sens.

Votre pays est un partenaire important des Nations Unies.

Plus que jamais, nous devons poursuivre et approfondir cette coopération afin de contribuer, ensemble, à la paix et au développement durable au Sénégal, en Afrique et dans le monde.

Je vous remercie.