Port-au-Prince

01 July 2023

Secretary-General's press encounter in Port-au-Prince, Haiti

António Guterres, Secretary-General

Medam, mesye ak tou jounalis ki la, bonswa,
Mesdames et Messieurs les journalistes, bonsoir,

Mwen kontan anpil pou m avèk nou an Ayiti jodi a, malgre sitiyasyon difisil là.
Je suis très heureux d’être avec vous à Haïti aujourd’hui, malgré une situation difficile.

Mwen te vin pote yon ti mesaj pou nou : Nasyonzini kanpe avè w.
Je suis venu avec un message simple : les Nations unies sont avec vous.

Mesdames et Messieurs de la presse, ma visite à Haïti est une visite de solidarité. Et une visite que je fais en toute humilité comme Secrétaire général des Nations Unies face à la souffrance du peuple haïtien.

Ma solidarité va au peuple haïtien, qui fait face à un terrible cycle de crises sécuritaires, politiques et humanitaires qui s’exacerbent mutuellement.

La violence brutale des gangs touche chaque aspect de la vie publique et privée du pays.

Port-au-Prince est encerclé par des gangs armés qui bloquent les principales routes menant aux départements du nord et du sud, contrôlent l’accès à l’eau et à la nourriture, aux soins de santé… 

Je reste profondément préoccupé par l'extrême vulnérabilité des populations face à ces gangs prédateurs – notamment par l’impact disproportionné de cette violence sur les femmes et les filles.

Je condamne avec la plus grande fermeté les violences sexuelles généralisées utilisées par les gangs armés comme arme pour installer la peur.

La gravité de la situation exige une attention urgente et soutenue, qui place les victimes et les populations civiles au centre de nos préoccupations et de nos priorités.

Nous avons besoin d'approches nouvelles et intégrées, alliant enjeux sécuritaires et politiques, État de droit, questions humanitaires et de développement.

Il ne peut y avoir de sécurité durable sans un rétablissement des institutions démocratiques – et il est impossible de parvenir à des solutions politiques pérennes et pleinement représentatives sans une amélioration drastique de la situation sécuritaire.

Mesdames et Messieurs,

Chaque jour compte.

Si nous n’agissons pas maintenant, l’instabilité et la violence auront un impact durable sur des générations d'Haïtiens.

Je réitère mon appel envers tous les partenaires pour renforcer le soutien à la police nationale – que ce soit en matière de financements, de formation ou d’équipements.

Je remercie les bailleurs qui ont déjà pris des engagements en faveur du programme conjoint d'appui à la police nationale haïtienne, également connu sous le nom de "panier de financement".

Mais nous avons besoin de beaucoup plus pour restaurer l’autorité de l'État.

Je continue d'exhorter le Conseil de sécurité à autoriser le déploiement immédiat d'une force de sécurité internationale robuste qui viendrait assister la Police nationale d’Haïti dans la lutte contre les gangs.

Et j’appelle la communauté internationale à être prête à donner suivi à cette décision du Conseil de sécurité que je désire.

Ce n’est pas le moment d’oublier Haïti ou d’affaiblir notre solidarité envers son peuple.

Mesdames et Messieurs,

Près de deux ans se sont écoulés depuis l'assassinat du président Moïse.

Les auteurs de ce crime odieux doivent être traduits en justice.

Et Haïti doit revenir à l'ordre démocratique dès que possible.

Aujourd'hui, j'ai eu des échanges francs avec le Premier ministre, le Haut conseil de la transition, la société civile et les partis politiques sur le besoin d’une entente politique pour mettre fin à la crise.

J’appelle tous les acteurs à créer les conditions nécessaires au rétablissement des institutions démocratiques.

Chacun doit dépasser ses intérêts personnels et faire des concessions afin de faciliter l’émergence d’une vision commune et d’un chemin électoral viable et crédible.

Je salue les récents pourparlers interhaïtiens, et aussi ceux facilités par le Groupe de personnalités éminentes de la CARICOM, en vue d’un consensus pour former un gouvernement d'unité nationale et élargir le Haut conseil de la transition.

Seul un dialogue national inclusif, haïtien – avec une pleine participation des femmes et des jeunes – permettra de mettre fin à l’insécurité et de trouver des solutions politiques pérennes.

Le BINUH, ainsi que tout le système des Nations unies, soutiennent ces efforts et continueront à œuvrer pour la protection des droits humains et l’établissement d'un environnement pacifique et stable.

Sur le plan humanitaire, les besoins continuent d'augmenter, mais le soutien international n’est – une fois de plus – pas à la hauteur des espérances.

Aujourd’hui, j’ai été à la rencontre d’Haïtiennes et d’Haïtiens. 

J’ai ressenti tout l’épuisement d’une population qui fait face depuis trop longtemps à une cascade de crises et à des conditions de vie insoutenables.

J’ai écouté leur appel à l’aide. Et leur appel à la sécurité et à l’engagement de la communauté internationale pour appuyer la police nationale en matière de sécurité.

Une personne sur deux en Haïti vit dans l’extrême pauvreté, est confrontée à la faim et n'a pas d'accès régulier à l'eau potable.

Notre plan d'intervention humanitaire, qui prévoit 720 millions de dollars pour venir en aide à plus de trois millions de personnes, n'est financé qu'à 23 pour cent.

J'appelle la communauté internationale à venir en aide aux populations dans le besoin – c’est une question de solidarité, mais c’est aussi une question de justice morale.

Le peuple haïtien a le droit à cette solidarité. Le peuple haïtien mérite cette solidarité.

Je voudrais également saluer tout le courage et le dévouement des travailleurs humanitaires, qui œuvrent dans des conditions souvent difficiles.

Les attaques à leur encontre doivent cesser immédiatement.

Je demande aux parties prenantes de veiller au respect des droits humains et du droit international et de garantir un accès humanitaire sûr et sans entrave.

Mesdames et Messieurs de la presse,

Ces crises multiples émanent d’un même défi, connu de tous et tragiquement prévisible : un déficit chronique de développement.

En fin de compte, seul un développement inclusif et durable permettra de rompre le cycle historique de crises, répondre aux défis humanitaires et sécuritaires, et créer un environnement constitutionnel et politique stable.

Aucune solution ne pourra être trouvée sans le peuple haïtien.

Mais l'ampleur des problèmes requiert le plein appui de la communauté internationale.

Demain, je participerai au sommet CARICOM à Trinité-et-Tobago – et je salue le soutien régional en faveur d’Haïti. Je sais que le Premier ministre y sera aussi présent.

Je veux le redire au peuple haïtien : les Nations Unies se tiennent à vos côtés pour soutenir tout effort national dans l'intérêt de toutes les Haïtiennes et de tous les Haïtiens, en particulier des jeunes qui méritent un avenir plus sûr, plus juste et plus pacifique.

Mèsi anpil.
Merci beaucoup.

Question : Au-delà de cette force ou de cette mission robuste qui va venir en Haïti, est-ce-que vous avez un délai, une date ou la réponse pourra être donnée pour venir en aide à Haïti ? Vous parlez de la justice morale dans le cadre de la situation socio-politique d’Haïti. Vous avez rencontré des politiques, qu’est-ce qu’ils vous promettent ? Est-ce qu’ils vous donnent l’assurance qu’ils trouveront une entente entre eux politiquement notamment ? Troisièmement, pour finir, il y a des gens qui reprochent à l’ONU de faire partie intégrante de la crise à cause de la MINUSTAH qui a intégré le choléra en Haïti, qui est encore la et qui fait partie de la crise sanitaire. Dommages, dédommagement, réparation : comment l’ONU voit cela aujourd’hui ?
Secrétaire général : J’en appelle aux Etats qui ont la capacité de fournir une force sécuritaire robuste de ne plus avoir d’hésitations et d’être prêts à suivre une décision du Conseil de sécurité. Mais pour le moment, ce n’est pas encore possible de prévoir quand ces deux conditions seront remplies.
Concernant la deuxième question, je dois vous dire que j’ai eu des réunions très intéressantes, à mon avis très constructives, avec le Premier ministre, avec le Haut Conseil de la transition, avec les partis politiques proches du gouvernement et de l’opposition, et avec la société civile. Je crois qu’il nous faut avoir un espoir qu’un consensus élargi soit établi pour pouvoir aller de l’avant dans la perspective de création, le plus tôt possible, d’une normalisation de la vie politique d’Haïti. Naturellement que ça exige aussi une intervention sécuritaire essentielle.
Et finalement, je vous ai dit quand j’ai commencé mon intervention que je suis ici en tout humilité. Je crois que les Nations Unies ont fait des choses positives en Haïti, je crois que les Nations Unies ont aussi commis des erreurs et ont contribué de façon négative dans certains domaines. C’est en toute humilité que je suis là pour exprimer au peuple haïtien toute ma solidarité et tout mon engagement.

Question : Que peut-on attendre de cette énième visite ? Que peut-on attendre de ce dialogue, tenant compte de son échec en Jamaïque ? Quelles actions concrètes peut-on espérer ?

Secrétaire général: Premièrement, cette visite a plusieurs objectifs. Et l’un des ces objectifs est de faire un appel fort à la communauté internationale. Un appel fort du point de vue de la sécurité, et un appel fort du point de vue de l’aide humanitaire.

Comme je vous l’ai dit, nous avons un plan humanitaire qui n’est financé qu’à 23%. Je crois qu’il faut mettre Haïti sur la carte de la vie politique internationale et mettre le drame du peuple haïtien comme première priorité de la communauté internationale. C’est une des raisons de cette visite.

Deuxièmement, cette visite a aussi comme objectif d’aider à créer les conditions pour que la communauté internationale puisse finalement décider des mesures qui permettent au gouvernement haïtien, non seulement de renforcer sa police, mais d’avoir le soutien d’une force sécuritaire internationale capable de démanteler les gangs, comme la population le désire.

Et finalement, c’est aussi un objectif de cette visite de rencontrer les acteurs politiques et sociaux d’Haïti.

Je ne suis pas ici pour dire aux Haïtiens ce qu’ils doivent faire. Je suis ici pour les entendre et pour les encourager à un consensus établi le plus largement possible pour faire avancer le processus de transition.

A mon avis, ce n’est pas aux étrangers de résoudre les problèmes haïtiens. Ce sont les Haïtiens qui vont le faire.

Le rôle des Nations Unies, comme le rôle de la CARICOM ou d’autres institutions, c’est d’appuyer ce processus de dialogue, et c’était là un des objectifs de cette mission. Et nous continuerons, avec notre mission en Haïti, ce travail d’appui au dialogue pour le consensus.

Question: What was discussed with Prime Minister Ariel Henry during your visit?

Secrétaire général: Obviously, we discussed – and we are in full agreement – about the need for the international community, through the Security Council and through a number of countries that will provide the necessary forces, to come in support of the Haitian Police, notably in training and equipment, but also with the presence of a security force able to dismantle the activity of the gangs that is today the dramatic obstacle, not only to the development of the political process, but a dramatic obstacle to the development of the economy and to the distribution of humanitarian aid. This was a central aspect of our discussions.

But we also discussed the different steps that are being taken in order to move in the direction of creating ways, as large as possible, as inclusive as possible, for the political process to move ahead, and for credible elections to be able to take place in the best possible delays.

Question: Are you getting closer to finding leadership for this international force?
Secrétaire général: The leadership will not be with the international force. The leadership will always be of the Haitian police. I hope, if the Security Council decides, under Chapter VII, and relevant countries are able to provide the necessary security forces, the objective of this force is to support the Haitian police with a capacity that is of course necessary in order to be able to effectively dismantle the action of the gangs.

Ce n’est pas à la force internationale d’avoir la direction de l’effort de police. La direction de l’effort de police doit être de la police nationale ; cette force internationale – qui j’espère sera constituée, j’appelle le Conseil de sécurité et les pays qui peuvent donner des forces de sécurité nécessaires – cette force internationale sera là pour renforcer la capacité d’action de la police nationale.