SG: Mesdames, Messieurs,
Avant que je ne réponde à vos questions, je voudrais dire que je suis très heureux d'être de retour en République démocratique du Congo et à Kinshasa. De remarquables progrès ont eu lieu, et le fait que le rythme de la Transition se soit maintenu est un accomplissement considérable. Mais il reste encore beaucoup à faire. Pour cela, il faudra également un appui soutenu de la communauté internationale sur le plan politique, sécuritaire, humanitaire et du développement.
J'ai eu des entretiens très utiles, hier, et aujourd'hui, avec le Président Kabila et avec les quatre Vice présidents. J'ai eu aussi l'occasion de rencontrer le Président de la Commission électorale indépendante, l'abbé Malu Malu, et également le chef de l'UDPS, M. Etienne Tshisekedi.
Avec le Président Kabila et l'Espace Présidentiel, j'ai souligné la nécessité de tenir des élections inclusives, équitables, libres et sécurisées, donc crédibles. Les élections sont une étape importante pour tout pays sortant d'un conflit. Ceci est d'autant plus vrai dans le cas de la RDC. Le peuple Congolais a hâte d'avoir l'occasion de choisir ceux qui auront à les représenter, à les servir pour déterminer leur avenir. Néanmoins, les élections ne constituent pas la fin du processus et les Nations Unies sont prêtes à assister le nouveau Gouvernement pour accomplir les objectifs de la Transition et poser les fondations d'un Etat démocratique et un meilleur avenir pour tous les Congolais.
J'ai demandé aux dirigeants Congolais que j'ai rencontrés de surmonter les intérêts à court terme et de travailler pour l'unité et la stabilité du pays.
Je suis également ici pour évaluer le travail des Nations Unies en RDC. J'ai passé un moment avec mes collègues des Nations Unies, et en particulier avec mon Représentant Spécial, William Swing, pour mieux appréhender la situation dans le pays. Je souhaiterais réitérer le plein engagement des Nations Unies pour continuer à soutenir la RDC pour mettre en place les fondations d'une stabilité et d'un développement durable.
Nous devons continuer à travailler étroitement avec le Gouvernement et le peuple congolais pour faire en sorte que les Nations Unies, en fait la communauté internationale, restent pleinement engagées pour aider la RDC, non seulement durant la période électorale mais aussi après les élections.
Q: Monsieur le Secrétaire général, vous dites que vous avez rencontré les dirigeants congolais, des acteurs politiques congolais, pour que la Transition atterrisse en douceur. Mais il y a deux blocages majeurs qui pointent à l'horizon, deux acteurs majeurs, l'UDPS et le RCD, qui risquent de ne pas participer aux élections. Selon vous, si ces élections se déroulent sans eux, seraient-elles équitables et démocratiques ?
SG: J'ai vu tous les deux. J'ai discuté avec eux. Je les ai encouragés [à y] participer. Evidemment, il y a discussions, entre eux, avec le Président et avec les autres dirigeants et j'espère qu'ils vont pouvoir trouver une solution. Une élection [inclusive], transparente et sécurisée, équitable est dans l'intérêt de tout le monde. Je crois que tous les citoyens et tous les leaders politiques congolais doivent tout faire pour encourager l'un et l'autre à participer. Je ne sais pas si d'ici demain, ça va être réglé. Mais j'espère qu'ils vont pouvoir le faire.
Evidemment, une élection [inclusive] est souhaitable. Mais les élections, comme je le disais, doivent être transparentes, sécurisées et équitables. Mais il faut accepter les [règles du jeu]. Je crois qu'il y a un code de conduite. J'encourage tous les leaders politiques d'accepter ce code de conduite et de se comporter comme il faut. Et, à la fin des élections, je demande à tout le monde d'accepter les résultats, et s'il y a des questions, de régler ça pacifiquement. Et donc, encore une fois, j'encourage tous les leaders politiques d'y participer.
Q: This may cover some of the grounds you already covered in the last question but, in English. When you arrived here yesterday, you characterized the logistical problems facing this country as being nightmarish. How would you characterize the political difficulties in achieving free and fair elections?
SG: There are difficulties but they should not be insurmountable if the will is there, and the leaders put the interest of the nation and the people ahead of short- term concerns. Honestly, when you look at the history of this country, and you look at what has happened in the last 10 years or so, I don't think any nation, any population has been put through a much tougher and rougher period. The people are tired and want to move on, and help build a stable, peaceful Republic. And I urge the leaders to do it. There are differences. First of all, you have lots of parties. You know you have over 200 parties. That in itself gives you an idea of the challenge ahead. With 200 parties that will have to begin campaigning and getting to their constituents, in a country with a weak infrastructure, and if the kind of debate discussions that are going on are brought to a head quickly, for them to move in one direction and focus on working together to ensure a fair and credible elections, I think there will be difficulties ahead and here I believe the international community and all those who have influence… these groups should urge them to participate, to accept the rules of the game and work for the interest of the nation and the people.
Q: Monsieur le Secrétaire général, vous souhaitez qu'il y ait des élections inclusives. Vous vous êtes entretenus avec différents acteurs politiques congolais. Les avez-vous convaincu d'arriver à ces élections inclusives au regard des contraintes du calendrier électoral ? Et si vous n'y parvenez pas, qu'en pense la communauté internationale en pense ?
SG: Ecoutez, la communauté internationale est là pour assister. La communauté internationale n'est pas là pour résoudre tous les problèmes congolais. Je crois que la question que vous venez de poser (…) Ils sont en train de discuter entre eux. J'ai eu l'occasion de les rencontrer et soulever la même question avec eux. Je les ai encouragés à s'organiser de manière à permettre une élection inclusive. La question du calendrier a été soulevée par certains. Et même cet après-midi, quand j'ai eu l'occasion de rencontrer les dirigeants politiques et de la société civile, la question du calendrier a été posée. Il y a des gens qui estiment que le 30 juin est trop tôt, qui estiment que peut-être les partis n'ont pas eu l'occasion de soumettre les noms de leurs candidats. Mais c'est une chose qui doit être discutée entre eux [pour qu'ils] se mettent d'accord sur un calendrier. Ce qui est essentiel, est qu'il y ait un calendrier précis, que tout le monde accepte ce calendrier. Si ce n'est pas celui du 30 juin, quelle date ? Mais ils doivent discuter entre eux. M. Malu Malu avait dit qu'il était ouvert. C'est des décisions qui étaient prises collectivement. S'ils vont prendre une autre décision, c'est à eux de se réunir et de discuter. Mais pour le moment, la date est le 30 juin. Si la plupart parmi eux estiment qu'il faut changer de date etc… Ce n'est pas à la communauté internationale d'imposer ça ou de changer ça.
Q: Monsieur le Secrétaire général, j'ai deux petites préoccupations. J'aimerai savoir si à travers vos entretiens, vous avez quand même demandé aux leaders politiques d'aller d'abord aux élections et de régler leurs différends après ces élections ? La deuxième préoccupation –la MONUC a toujours demandé l'augmentation de ses effectifs en RDC, peut-on espérer avec votre visite, une réponse à cette demande ? Merci.
SG : En ce qui concerne, votre première question, en politique les politiciens ont toujours des problèmes. Il y a toujours des divergences. Les divergences vont exister avant les élections et après les élections. Donc, si on attend à régler tous les problèmes entre les politiciens avant de passer aux élections, je me demande quand est ce qu'on pourra avoir des élections ?
Pour la deuxième question, oui effectivement, moi-même j'avais proposé au Conseil de sécurité qu'il nous faut l'augmentation de nos effectifs. [Cela n'a] pas été accepté c'est pour ça que j'ai négocié avec l'Union Européenne pour nous appuyer avec une force de réaction rapide. On s'est mis d'accord et si en cas de besoin, la force sera prête à venir appuyer l'ONU. Ils viendront travailler avec la MONUC, donc on a trouvé l'autre moyen d'augmenter nos effectifs.
Q: Just following on from that question, when you asked for extra troops it was specifically for Katanga. There are still scarcely several hundred troops in Katanga, the violence continues, tens of thousands are still displaced, and it's getting worse. Is that still not a very good reason to get more troops into Katanga? The European Union forces are not going to be in Katanga. Isn't MONUC going to be doing more to get more troops on the ground in Katanga, where the Mayi Mayi and government soldiers are both attacking civilians? Following on from my question, will a successful election mean that the UN would scale down the mission immediately, as the donors or the funders of the mission hope?
SG I think your question about Katanga is a valid one. And we, even within our limited resources, are taking steps to see what we can do in Katanga. But if we had had the additional resources we could have done more. And I think we have to remember the UN its member states. We and our troops on the ground can be as strong as the member states want us to be. We can be as strong as they make the resources and the forces available to us. In Katanga, as I have said, we did not get the additional resources but within our limited resources, we are a bit stretched but we are doing what we can. I think the need for additional men and women to do the task is still there. The European force will be a rapid reaction force in case of emergency but not part of the regular UN operations on the ground. And so, you ladies and gentlemen of the press can also help in making the point and getting the member states to understand that sometimes one has to put in the effort to have a successful operation and in some cases maybe even finish it faster. But let me turn to your second question. I think this is a lesson that the international community, not just the UN but all of us have learned - that one has to have the patience and help stabilize the countries coming out of conflict and not rush out too soon. There had been a tendency in the past to treat elections as an exit strategy, which was a mistake. In fact, when you look at the historical record, most conflicts, which appear to have been resolved, sometimes fall back into conflict and on average in violence, in five years. This is why, as part of the reform proposals, I have proposed the members that we establish a peace-building commission. The peace-building Commission will bring around a table the countries in distress, the donor community, the IMF, the World Bank, and regional banks to work out a plan to consolidate and stabilize the peace. So we are taking a medium to a longer-term view rather than pulling out immediately after elections. And I hope this new thinking will help the situation in the Congo and will not lead to rapid or immediate drawdown of international presence because we have had elections.
Question : Vous avez dit que vous avez fait appel à l'Union Européenne pour renforcer les troupes au Congo. Mais justement la question que l'on se pose est celle de savoir pourquoi un pays tel que le Congo alors que la Sierra Leone ne constitue qu'un district par rapport à l'immensité du Congo, on n'a pas prévu assez de troupes pour ce grand pays alors que la Sierra Leone a eu plus de troupes que la République démocratique du Congo. Pourquoi cette injustice de la part de la communauté internationale ? Que pensez-vous des Forces pour la Libération du Rwanda (FDLR) qui sèment la désolation au Sud-Kivu et au Nord-Kivu. Quand vont-elles partir ?
SG: Evidemment, chaque cas est différent. Chaque crise a ses propres particularités. Et le Conseil de Sécurité traite ces choses, cas par cas. Ils ont traité l'affaire de la Sierra Leone d'une manière qu'ils ont estimé satisfaisante. Ils ont traité d'autres cas, le cas de la RDC, ou bien du Kosovo, ou bien de la Côte d'Ivoire, autrement. Je crois qu'on ne peut pas vraiment faire ce genre de comparaison directe ; parce que si on commence à faire ce genre de comparaison, on va être déçu. Il faut [se] concentrer sur les situations actuelles et se poser la question [de savoir] si ce qu'on fait est suffisant et si c'est pas ça, qu'est-ce qu'on peut faire d'autre. Et franchement, si on a pu trouver un arrangement avec l'Union européenne qui va nous appuyer, c'est dire qu'on n'a pas croisé les bras ! On cherche des solutions. On a trouvé une solution qui, peut-être, n'est pas celle que vous cherchez. Mais au moins, ils sont là pour nous dépanner et je crois qu'on doit être content.
La deuxième question concernant les forces rwandaises : là, je ne peux pas vous dire quand est-ce qu'elles vont partir parce que la MONUC n'est pas responsable [d'] eux. Mais effectivement, la RDC est un pays libre. Ses voisins doivent respecter la souveraineté du pays et doivent s'abstenir de certaines activités. Je crois que le bon voisinage et les relations entre la RDC et ses voisins sont en train d'être améliorées et j'encourage les leaders concernés à travailler ensemble et faire tout pour apaiser la région parce que c'est dans l'intérêt de tout le monde, tous les pays et tous les chefs d'Etat.
Q: Monsieur le Secrétaire général, Monsieur Jean-Marie Guéhenno, votre adjoint, est passé ici, il y a quelques jours. Il a dit que la transition doit se dérouler dans un climat politique apaisé mais on constate malheureusement que le tableau sécuritaire et politique en RDC est tout de même sombre. L'activisme des milices par-ci, par-là à travers le pays, des manifestations hier à Uvira à la frontière avec le Burundi, il y a eu des marches, aujourd'hui il y en a eu à Kinshasa. Quand vous êtes passé à Brazzaville, les députés du Congo Brazzaville vous ont exprimé leur inquiétude sur l'issue des élections ici. Est-ce que vous gardez votre optimisme ? Est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec ceux qui sont tout de même inquiets pour l'après élection au regard de ce tableau qui est tout de même sombre ?
SG: Ecoutez, je ne veux pas donner l'impression qu'il n'y a pas de problèmes. Il y a pas mal de difficultés. Vous le savez, je le sais, tout le monde le sait. On entre dans une saison électorale. Dans cette période évidemment, il y a beaucoup d'activités. On va avoir peut-être des affrontements, on va avoir des manifestations, mais il faut faire face. On doit tout faire pour… Les partis politiques peuvent faire des manifestations mais cela doit être calme, cela doit être correct. Il faut les encourager à se comporter d'une manière pacifique. Il faut encourager… Evidemment, on ne peut pas résoudre…
Il y a des problèmes sécuritaires, on fait de notre mieux, on ne peut pas résoudre toutes ces questions de sécurité [d'un] seul coup. Cela va prendre un peu de temps mais on a essayé d'apaiser le pays [du mieux] que possible. On m'a posé la question, tout à l'heure, il y a quelqu'un qui disait quand j'ai vu les leaders politiques que le système judiciaire ne marche pas, il y a pas assez de sécurité, il n'y a pas d'institutions démocratiques, il n'y a pas ça [ceci], il n'y a pas [cela] ; est-ce qu'ont doit organiser des éléctions ? J'avais dit que c'est une question de jugement. On a le choix, on peut attendre que jusqu'à que ce que tout soit parfait, on est en pleine démocratie, je dis c'est bien. Mais combien de temps ça va prendre ? Un an, deux ans, trois ans, quatre ans. Est-ce que la population accepterait ça ? Les populations qui n'ont pas eu l'occasion de voter pendant quarante ans. Je crois franchement que si tout le monde s'y met et on travaille ensemble et sérieusement et on réfléchit un peu sur le passé, [sur les] déchirements qu'on a subi et essayer de construire un pays, un pays pour tous les Congolais, un pays qui est apaisé, un pays qui a énormément de ressources qui peut devenir prospère, je crois qu'on peut trouver un moyen d'aller en avant.
Q : Je voulais revenir sur ce que vous avez dit concernant l'amélioration des relations entre la RDC et ses voisins. Il se trouve que depuis quelques jours il y a des menaces qui se multiplient de Kampala, du porte-parole de l'armée ou du Président lui-même concernant la présence de rebelles de la LRA –la Lord's Resistance Army –au Congo. Nous venons d'apprendre que le chargé d'affaires de l'Ouganda à Kinshasa avait été convoqué par le ministre congolais des Affaires étrangères. cela n'a pas l'air d'être une situation qui s'améliore. Est-ce que vous avez un message spécifique sur cette question de l'éventuelle présence de ce groupe armé qui est par ailleurs soupçonné d'être à l'origine de l'assassinat de plusieurs casques bleus ?
SG : Je ne crois pas qu'on peut accepter la présence des milices facilement dans cette zone, dans le Parc [national de la Garamba] comme vous venez de le dire. Les milices qui attaquent la population et les Casques bleus. Les Nations Unies –le Conseil de Sécurité –ont déjà voté des résolutions contre ce genre d'action qui est illégale. C'est pour ça que j'étais très content quand on a arrêté Lubanga. C'est un très bon exemple pour les autres, c'est un message qu'on ne peut pas accepter l'impunité et la communauté internationale travaillant avec le Gouvernement doit tout faire pour s'assurer que ce genre d'activités ne continue pas. Ce groupe ne peut pas continuer à perturber la population.
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