20 junio 2025

À une trentaine de kilomètres de Dakar, la commune côtière de Bargny, durement touchée par l’érosion et la pollution plastique, accueille ce jeudi 12 juin, un forum sur les engagements durables au Sénégal. Organisé en marge de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan à Nice. Cet événement réunit le Centre d’Information des Nations Unies de Dakar (CINU Dakar), le Club de Réflexion et d’Action Citoyenne (CRAC) et d’autres partenaires autour du thème : « Pollution plastique : Partages d’expériences et de pratiques pour des engagements transformateurs au Sénégal »:

Le cadre international au cœur des débats

En ouverture du premier panel, la modératrice Minielle Baro, du CINU a présenté brièvement les intervenants avant de poser les fondations du débat. Elle a mis en lumière les instruments internationaux qui devraient être adoptés sous l’égide des Nations Unies, suite à l’Appel de Nice, soulignant leur caractère contraignant dans la lutte contre la pollution plastique. Ces engagements visent un objectif clair : mettre fin à la pollution plastique d’ici 2040, un horizon qui appelle à des actions concertées à tous les niveaux, du local au global. Le Maire de Bargny, Cheikh Faye, qui accueillait les panelistes avait auparavant annoncé son objectif de faire de Bargny une commune avec « zéro déchet ».

Le maire de Bargny, Cheikh Faye promet de faire de Bargny une commune avec « zéro déchet ». ©CINU Dakar

Des mesures concrètes et une volonté politique affirmée

Médoune Medza NDOYE (CRAC), une association très active à Bargny dans la sensibilisation à la préservation de l’environnement appelle à la mise en œuvre effective de la loi Sénégalaise 2020-04 du 8 janvier 2020, relative à la réduction de l’impact environnemental des produits plastiques, qui remplace la précédente législation de 2015. Il insiste sur l’urgence de passer des intentions aux actes, en renforçant le cadre réglementaire. Dans cette dynamique, il met en lumière la collaboration entre le CRAC et une cimenterie, SOCOCIM Industries, qui permet la destruction de certains déchets dans les chaudières de l’usine. Une partie des déchets est également cédée à des partenaires étrangers spécialisés dans le recyclage. Mais l’ambition du CRAC va plus loin : il plaide pour la création d’une usine de traitement des déchets directement implantée à Bargny, afin d’apporter une solution locale, durable et créatrice d’emplois.

Par ailleurs, il soulève un problème récurrent : la difficulté à assurer l’enlèvement des déchets dans les écoles. Face à cette situation, il propose une réponse adaptée au contexte local : l’utilisation de tricycles

Protéger les fonds marins : une priorité stratégique

L’ancien Directeur des fonds marins appelle, quant à lui, à un nettoyage régulier des fonds marins et à une gestion rigoureuse des déchets, confiée à des entreprises spécialisées dans le recyclage. Selle Mbengue insiste sur la nécessité d’une éducation environnementale dès le plus jeune âge, jugeant essentiel de former les citoyens de demain à la préservation des océans.

Il pointe également du doigt un acteur clé : les pêcheurs, identifiés comme de grands contributeurs à la pollution sous-marine. Selon lui, ils doivent être ciblés de manière prioritaire dans les campagnes de sensibilisation afin de les impliquer pleinement dans la transition écologique.

De jeunes élèves conscientes des enjeux dans leur localité, participent au forum sur les engagements durables au Sénégal. le 12 juin 2025 à Bargny. ©CINU Dakar

L’industrie au service d’une gestion durable des déchets

Intervenant au nom de la SOCOCIM Industries, Mme Bassine DIOP, experte, a exprimé ses préoccupations face à l'absence de dispositifs structurés de gestion des déchets plastiques dans les communes. Elle a souligné l’importance de mettre en place des circuits de collecte, de traitement et de valorisation efficaces. Elle a insisté sur trois leviers essentiels : la sensibilisation, la communication et le recyclage, considérés comme des piliers pour réduire durablement les déchets plastiques. À ce titre, la SOCOCIM traite chaque année une dizaine de tonnes de déchets plastiques en provenance des localités avoisinantes, contribuant ainsi à atténuer la pression environnementale tout en valorisant ces déchets comme ressource.

Le deuxième panel, animé par Cheikh Ibra Fall, jeune entrepreneur panafricaniste, a recentré les discussions sur le potentiel économique d’une gestion durable des déchets plastiques. Mettant en avant les opportunités d’emploi qu’elle génère, il a appelé à une réflexion stratégique sur la création de projets verts à forte valeur ajoutée, alliant impact environnemental et développement économique local. Cette approche incarne une vision où la transition écologique devient aussi un levier pour l’autonomisation des jeunes et la croissance inclusive.

Des initiatives locales inspirantes et des voix engagées

Le Maire de Yoff étant présent à la conférence de Nice sur l’océan, c’est l’élue Safietou Ndiaye qui l’a représenté à Bargny. Elle a dénoncé l'utilisation persistante de filets de pêche interdits, qu’elle considère comme une source importante de pollution des fonds marins. Selon elle, au-delà de la collecte de déchets, c’est le changement de comportement des acteurs qui demeure essentiel. Elle a partagé une initiative innovante : la création de kiosques fabriqués à partir des déchets plastiques marins. Ce projet a permis de créer des emplois, d’augmenter les ressources communales, et de réglementer l’occupation de l’espace public. Elle appelle ainsi les populations à adopter une vision écologique durable de leur environnement.

Woulimata Seck de Rufisque, géomaticienne et géographe de formation, représentant RECYCLOR qui développe un projet de récupération d’ustensiles en plastiques usagés auprés des femmes et des jeunes a noté la similitude des problématiques environnementales entre Bargny et Rufisque Thiowlène. Elle recommande un renforcement de la communication environnementale, en ciblant prioritairement les femmes et les jeunes et suggère de mettre en place un système de tri des déchets à l’échelle des ménages, en collaboration avec les autorités locales. Le projet pilote identifie déjà 250 foyers volontaires.

Echanges avec les panélistes sur les questions liées à la pollution plastique. ©CINU Dakar

Vers un cadre législatif renforcé et une coopération internationale accrue

L’honorable députée Amy NDIAYE, présidente de la Commission environnement et développement durable à l’Assemblée nationale, a rappelé l’adoption de la loi interdisant l'importation de plastiques en 2020, initialement portée en 2015. Elle a présenté le plan d’action de la commission, articulé autour de trois axes clés : communication, sensibilisation et plaidoyer, pour consolider le cadre législatif et mobiliser l’opinion publique.

De son côté, Mme Awa DIONNE, députée de la diaspora, a plaidé pour une application stricte de la loi et un suivi rigoureux des décisions. Elle encourage une coopération renforcée avec les élus du Nord, axée sur le transfert de technologies et le partage de bonnes pratiques, afin d’ancrer une gestion écologique durable au Sénégal.

Enfin, les parlementaires européens, et notamment Philippe Bolo, député français, en ligne, saluent les initiatives locales sénégalaises. En prônant une gestion concertée des déchets plastiques à l’échelle internationale, ils soulignent la nécessité de renforcer les liens de coopération bilatéraux et multilatéraux, tout en valorisant les efforts menés dans les communes africaines. Philippe Bolo a appelé ses collègues à intégrer la coalition internationale parlementaire pour faire adopter le traité international de lutte contre la pollution des déchets plastiques.

Vers une mobilisation collective pour des océans propres

Ce forum organisé à Bargny révèle une volonté partagée d’agir face à la pollution plastique, à travers des initiatives locales, des engagements politiques et des synergies internationales. Qu’il s’agisse d’élus, de parlementaires, d’industriels ou de citoyens, tous s’accordent sur un point : la protection de l’environnement marin doit être collective, continue et concrète.

Des projets novateurs comme la transformation de déchets en kiosques, la mise en place de systèmes de tri dans les ménages ou encore la coopération avec les industriels montrent que des solutions existent – mais elles nécessitent un ancrage local, des ressources et surtout, un changement durable des comportements.

En plaçant les populations, et particulièrement les jeunes et les femmes, au cœur des stratégies environnementales, ce forum ouvre la voie à une écologie de proximité, résiliente et participative. Bargny donne ainsi l’exemple d’un engagement fort face aux défis climatiques – un modèle à suivre, à adapter, et à amplifier.