30 november 2025

La capitaine Ndeye Yacine Faye est l’une des premières femmes à rejoindre la Gendarmerie nationale du Sénégal, et la toute première à prendre le commandement de la Compagnie de gendarmerie des transports aériens. En 2025, elle a réussi l’examen d’aptitude au service en mission (EASM), un test normalisé qui détermine l’aptitude au déploiement dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Elle partage avec nous son parcours, les défis rencontrés et ses aspirations pour l’avenir.

Qu’est-ce qui vous a motivé à rejoindre la gendarmerie ?

J’ai fait partie de la première promotion de femmes à rejoindre la Gendarmerie nationale en 2006. Ce qui m’attirait à ce métier, c’était l’uniforme, la discipline et l’envie de servir mon pays. A l’époque, je ne connaissais même pas la différence entre police et gendarmerie ! Je savais juste que je voulais en faire partie. Depuis, j’ai gravi les échelons dans les unités mobiles, territoriales et les fonctions administratives. J’ai suivi des formations d’officiers jusqu’à occuper des postes de commandement. Aujourd’hui, je dirige une compagnie chargée de la sécurité des aéroports de Dakar et Thiès. C’est mon père qui m’a encouragée à postuler au concours de la Gendarmerie, et je suis fière d’ajouter que ma soeur a à son tour rejoint les rangs de la police – sans doute inspirée par mon parcours.

Quelle est votre expérience du leadership ?

Quand on est cheffe, il faut montrer l’exemple, faire preuve de rigueur dans son travail et être équitable tout en instaurant un cadre de travail agréable pour tous (esprit d’équipe, camaraderie, solidarité…). Être première femme à occuper mon poste n’est pas toujours facile ; le travail est stressant compte tenu de la sensibilité d’un aéroport international pour un Etat, et j’ai toujours le souci du travail bien fait. En mai 2024, j’ai dirigé une enquête sur un accident d’avion, une première au Sénégal. J’étais la seule femme de l’équipe et j’ai coordonné toute l’opération. C’était la première fois qu’une femme menait ce type d’enquête au Sénégal. J’arrive à me surpasser et à gérer la pression du service, en plus, je prends régulièrement part à des exercices de gestion de crise grandeur nature. Le commandement a confiance en mon travail et cela pourrait être justifié par les responsabilités que j’occupe et mon temps commandement à ce poste stratégique.

Quelles sont vos ambitions ?

Mon ambition est de service en tant qu’officière de police individuelle (OPI) dans une mission internationale de maintien de la paix. Je veux m’appuyer sur mon expérience acquise depuis 2006, apprendre dans un environnement diversifié et contribuer à la protection des populations vulnérables. Avant de passer l’examen EASM, j’ai suivi un cours préparatoire soutenu par le Fonds de l’Initiative Elsie et spécialement conçu pour les femmes en service désireuses de renforcer leur préparation au déploiement. Cette formation m’a permis d’aborder l’examen avec assurance et clarté — notamment dans des domaines comme la conduite et la maîtrise des armes à feu, où contrôle et précision sont déterminants. Les femmes ont souvent moins accès aux véhicules à boîte de vitesse manuelle ou aux armes à feu lors de leurs missions habituelles.

Que conseillez-vous aux jeunes femmes qui aspirent à des postes à responsabilités ?

Les jeunes femmes qui souhaitent accéder à des postes à responsabilités ont besoin de trois choses : la passion pour leur métier, la volonté et l’engagement. Tout le reste suivra. Quand j’ai intégré l’école des officiers de la gendarmerie, j’étais déjà mariée et mère d’un enfant. C’était la première fois qu’un profil comme le mien était accepté. Certaines personnes doutaient de ma capacité à tout gérer de front du fait de ma situation matrimoniale, mais j’ai fini vice major de ma promotion. Les femmes sont capables de tout ! Ce dont nous avons besoin, ce sont des opportunités de réaliser pleinement notre potentiel.

En mai 2025, la Gendarmerie nationale du Sénégal, avec le soutien du Fonds, a organisé une formation préalable à l’EASM spécifiquement destiné aux femmes en uniforme se préparant à l’examen. Cette initiative constitue un pilier de la stratégie plus large du Sénégal visant à augmenter le nombre de femmes participants aux missions de maintien de la paix. La formation s’est avérée très efficace, puisqu’elle a aidé de nombreuses femmes, dont la capitaine Faye, à se qualifier pour un déploiement en tant qu’OPI avec un taux de réussite record de 76 % à l’examen.

Cet entretien a d’abord été publié sur le site web du Fonds de l’Initiative Elsie.