De jeunes réfugiés syriens sont secourus au large de la côte de Lesbos, en Grèce. Photo HCR/Andrew McConnell
Je suis horrifié de constater que très nombreux sont ceux dont les droits fondamentaux ont été violés ou qui n’ont pu les exercer pendant l’année écoulée. Les droits des demandeurs d’asile, des réfugiés et des migrants ont été l’un des principaux sujets de préoccupation. Des milliers de personnes ont trouvé la mort alors qu’elles étaient en quête de sécurité, de protection et d’une vie plus digne. Les réfugiés et les migrants ont été très fréquemment victimes de discrimination et de violences dans les pays d’origine, de transit et de destination et les normes relatives aux droits de l’homme n’ont pas été respectées. Les déplacements forcés de populations ont atteint des niveaux sans précédent depuis la création de l’Organisation et sont devenus un problème mondial pressant. Si nous voulons protéger les droits fondamentaux et atteindre les objectifs de développement durable, il importe d’intensifier notablement la coopération entre les pays en ce qui concerne les migrations, de mieux partager les responsabilités concernant les réfugiés et de renforcer sensiblement les politiques et les lois sur les migrations compte tenu des droits de l’homme. Au vu de la gravité de la situation, le Conseil des droits de l’homme a tenu un dialogue sur les droits fondamentaux des migrants en février. En mai, j’ai publié un rapport (A/70/59) dans lequel j’exhortais les États Membres à protéger les réfugiés et les migrants et les invitais, entre autres, à adopter un pacte mondial sur le partage des responsabilités concernant les réfugiés, à élaborer un pacte mondial pour des migrations sûres, régulières et ordonnées et à lancer une campagne mondiale de lutte contre la xénophobie. Je demande aux États Membres de prendre des mesures décisives sur ces questions à l’occasion de la réunion de haut niveau qui se tiendra en septembre 2016.
La discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée vont au-delà de la question des migrations et sont encore trop répandues. L’ONU s’est attachée à lutter contre les inégalités et toutes les formes de discrimination, notamment celles fondées sur l’identité des peuples autochtones et des minorités, l’identité de genre et l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap, le revenu et l’albinisme. La Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine a été lancée en 2015. La discrimination à l’égard des femmes existe toujours dans la législation et dans la pratique et nombreuses sont les femmes à être victimes de plusieurs formes de discrimination. Accélérer le rythme des progrès passe par la ratification universelle et la mise en œuvre intégrale de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, l’élimination de la discrimination dans les textes de loi, l’intensification des efforts dans les domaines portant sur l’égalité des sexes et les droits des femmes, le renforcement des dispositifs de responsabilisation, la participation des femmes à tous les niveaux de décision et la lutte contre les inégalités.
Les conséquences des inégalités croissantes sur les droits de l’homme, dans les pays et entre les pays, me préoccupent au plus haut point. Compte tenu de l’objectif au cœur du Programme 2030, à savoir réduire les inégalités et garantir les droits fondamentaux pour tous, des efforts intensifs ont été engagés pendant l’année écoulée de façon à prendre les droits de l’homme en considération dans les activités ayant trait au développement et à l’économie. L’ONU s’est attachée à garder les droits de l’homme au centre des débats consacrés au suivi, à l’examen et au respect du principe de responsabilité ainsi qu’au financement du développement. À cet égard, elle s’est intéressée aux dispositifs d’alerte rapide et a pris des mesures aux fins de la mise en place d’un dispositif faisant apparaître les liens entre les conflits et les violations des droits économiques, sociaux et culturels. Ces éléments sont au centre de l’initiative Les droits avant tout dont la mise en œuvre s’est poursuivie, en concertation avec l’Assemblée générale. Il s’agit pour l’ONU de mener à bien les mandats qui lui ont été confiés dans les domaines de la prévention et de l’alerte rapide, en facilitant les changements culturels et opérationnels et le renforcement de la coopération avec les États Membres de façon à unifier les trois grands axes de son action – la paix et la sécurité, le développement et les droits de l’homme. La récente adoption par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité de deux résolutions identiques quant au fond et portant sur le dispositif de consolidation de la paix des Nations Unies a encore renforcé cette démarche puisqu’il a été établi que la pérennisation de la paix devrait être reflétée dans chacun des trois axes de la stratégie d’engagement des Nations Unies à tous les stades d’un conflit.
Pendant l’année écoulée, des violations massives des droits fondamentaux et des principes de base du droit international humanitaire se sont produites en situation de conflit un peu partout dans le monde. Le mépris manifesté aussi bien par des États que par des acteurs non étatiques à l’égard des principes fondamentaux que sont la distinction, la proportionnalité et l’humanité dans les situations de conflit ont causé d’immenses souffrances, notamment en République arabe syrienne, au Yémen et en Iraq. Néanmoins, des progrès notables ont été faits en ce qui concerne la prise en considération des droits de l’homme dans l’action que nous avons engagée dans les domaines de la paix et de la sécurité. Les membres du Conseil de sécurité ont demandé de plus en plus souvent à des spécialistes des droits de l’homme de leur expliquer la situation et ont tenu compte des analyses relatives aux droits fondamentaux dans leurs décisions. Les résolutions relatives à l’examen du dispositif de consolidation de la paix ont poussé les États Membres participant à l’examen périodique universel à se pencher sur les dimensions de la consolidation de la paix ayant trait aux droits fondamentaux. Le Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix a souligné l’importance que revêtaient les droits fondamentaux et la protection des civils dans les opérations de paix. Cela a incité l’ONU à prendre des mesures en vue de garantir la publication régulière d’informations relatives aux droits de l’homme, de renforcer la formation du personnel de maintien de la paix dans le domaine des droits de l’homme et de rassembler les fonctions de protection spécialisées dans les composantes Droits de l’homme des missions. Nous avons concrétisé notre volonté d’améliorer les dispositifs d’alerte rapide et la protection dans le cadre de la réponse que nous avons apportée sans tarder à des crises des droits de l’homme et nous avons pris des mesures qui nous ont permis de déployer des équipes multidisciplinaires dans les pays en proie à une crise ou dans lesquels une crise risquait de se produire. La volonté renouvelée de l’ONU d’agir en faveur de la prévention des conflits montre aussi le rôle majeur que les analyses relatives aux droits de l’homme jouent quant au choix d’outils facilitant l’action préventive.
En ce qui concerne la responsabilité de protéger, je demande aux États Membres de veiller à ce que les obligations juridiques soient pleinement honorées dans la pratique et les normes les plus élevées de respect des droits de l’homme appliquées.
Les États Membres ont continué de se tourner vers l’ONU pour qu’elle leur fournisse, par l’intermédiaire de commissions des droits de l’homme et de missions d’enquête, des évaluations indépendantes, impartiales et fiables concernant les situations jugées préoccupantes. Le Conseil des droits de l’homme a mis sur pied des missions portant sur Boko Haram, la Libye, la République arabe syrienne, l’Érythrée et le Soudan du Sud. Lutter contre l’impunité et renforcer la responsabilisation et l’état de droit sont restés des priorités. Des États Membres ont demandé à l’ONU de les aider à mener à bien des réformes constitutionnelles et législatives et de leur apporter son concours dans des domaines touchant l’administration de la justice et l’application des lois, les politiques d’indemnisation soucieuses de la problématique hommes-femmes, la protection des témoins, la justice transitionnelle, les mesures visant à prévenir et à combattre l’extrémisme violent et à lutter contre le terrorisme. Les pouvoirs publics et leurs partenaires de la société civile ont ainsi pu faire concorder les systèmes juridiques et judiciaires avec les obligations incombant à l’État en matière de droits de l’homme. L’abolition de la peine de mort est restée une priorité et c’est dans ce sens que l’Organisation a axé son action dans le cadre du groupe de haut niveau biennal sur les efforts régionaux pour l’abolition de la peine de mort, qui s’est réuni lors de la session du Conseil des droits de l’homme.
Les gouvernements sont responsables au premier chef du respect des obligations relatives aux droits de l’homme et doivent donc agir en conséquence. Il est indispensable de laisser les organisations de la société civile jouer le rôle complémentaire qui est le leur. Or pendant la période considérée, ces dernières ont continué à être soumises à des contraintes croissantes un peu partout dans le monde, situation qui est particulièrement préoccupante. La liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique a été sérieusement écornée dans de nombreux pays et de nombreuses régions et ceux qui ont coopéré avec l’ONU ont parfois été victimes de représailles inacceptables. Des dérives ont fréquemment eu lieu à l’occasion d’élections, de campagnes organisées par les défenseurs des droits de l’homme, de mouvements sociaux et de manifestations politiques ou du fait de l’application de mesures de lutte contre le terrorisme. L’ONU a défendu résolument les libertés publiques, qui sont le propre de sociétés démocratiques, dans le cadre d’activités de sensibilisation et de conseils juridiques aux niveaux mondial, national et local.
Pendant la période considérée, le Conseil des droits de l’homme a fait face à des crises des droits de l’homme chroniques, nouvelles ou toujours en cours. Il a tenu pour ce faire un dialogue sur les migrants et deux sessions extraordinaires consacrées l’une aux atrocités perpétrées par Boko Haram et l’autre à la prévention de la détérioration de la situation des droits de l’homme au Burundi. À ses trois sessions ordinaires, il a pris des mesures pour prévenir de nouvelles violations des droits de l’homme, notamment afin de protéger les Rohingya musulmans et d’autres minorités au Myanmar et les populations en Ukraine, au Soudan du Sud, au Soudan, au Yémen et en Libye, et a suivi la situation en République centrafricaine et en Côte d’Ivoire de façon régulière. La participation au deuxième cycle d’examens périodiques universels s’est maintenue. Le nombre d’experts indépendants titulaires de mandat au titre d’une procédure spéciale a augmenté du fait de l’ajout de mandats concernant l’albinisme et le droit à la vie privée. Les titulaires de mandat ont effectué 76 visites de pays en 2015. Les organes conventionnels des droits de l’homme ont tiré parti de l’allongement de la durée prévue pour les réunions auquel l’Assemblée générale a souscrit dans sa résolution 68/268 : ils ont ainsi examiné 173 rapports émanant des États parties; ils ont adopté des constatations et des décisions sur plus de 160 requêtes individuelles; le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a effectué huit visites de pays; et des activités ont été menées au niveau national dans plus de 40 pays.
À sa soixante-dixième session, l’Assemblée générale a adopté 48 résolutions relatives aux droits de l’homme, dont 30 sans les mettre aux voix. Je regrette qu’un certain nombre de résolutions traditionnellement adoptées par consensus aient cette fois-ci été soumises à un vote, notamment celles portant sur les droits de l’enfant, le renforcement du rôle que joue l’Organisation des Nations Unies dans la promotion d’élections périodiques et honnêtes, et les défenseurs des droits de l’homme, tandis que d’autres qui bénéficiaient d’ordinaire d’un vaste soutien ont dû, pour être adoptées sans être mises aux voix, faire l’objet de tractations politiques sans précédent : cela a notamment été le cas de la résolution sur la prévention de la torture.