27 avril 2020 — Les efforts déployés contre la pandémie de coronavirus ont entraîné une réduction de l’activité industrielle et des améliorations localisées de la qualité de l’air. La diminution des émissions de gaz à effet de serre ne doit toutefois pas dispenser d’une action climatique durable, font valoir les Nations Unies au moment où de nombreux pays préparent des plans de sortie de crise.  

« Le monde doit faire preuve de la même unité et du même engagement en matière d’action climatique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre que pour contenir la pandémie », plaide Petteri Taalas, Secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale (OMM). « Si nous ne parvenons pas à atténuer le changement climatique, les pertes humaines et économiques pourraient être plus importantes dans les prochaines décennies », prévient-il.

Malgré les contraintes liées à la COVID-19, les stations de veille de l’atmosphère poursuivent leurs activités de surveillance. Elles ont ainsi enregistré une réduction significative des principaux polluants attribuable au ralentissement économique actuel. Cependant, les concentrations de dioxyde de carbone (CO2) observées restent à des niveaux record et la température moyenne mondiale poursuit sa hausse.

 

« Nous devons agir de manière décisive pour protéger notre planète du coronavirus mais aussi des dérèglements climatiques qui menacent l’existence même de l’humanité ». - António Guterres

 

Indépendamment de toute chute temporaire des émissions, la planère reste vouée au dérèglement climatique, constate l’OMM. Le CO2, principal gaz à effet de serre produit par l’activité humaine, persiste dans l’atmosphère et les océans pendant des siècles.

« Il est donc important que les plans de relance post-COVID-19 aident l’économie à retrouver une croissance plus verte », a soutenu l’agence onusienne le 22 avril, à l’occasion de la Journée internationale de la Terre nourricière. Un message assorti d’une mise en garde : « les crises économiques précédentes ont souvent été suivies d’une reprise accompagnée d’une croissance des émissions de carbone bien plus forte ».

Construire la reprise en agissant pour le climat 

Pour le Secrétaire général de l’ONU, il s’agit de bâtir la reprise en mettant à profit les mesures prises pour surmonter la pandémie « afin de poser des bases solides pour notre avenir ».  Pour cela, « nous devons agir de manière décisive pour protéger notre planète du coronavirus mais aussi des dérèglements climatiques qui menacent l’existence même de l’humanité », a souligné António Guterres en avançant six propositions :

Premièrement, l’argent dépensé pour relancer les économies doit permettre de « créer de nouveaux emplois et de nouvelles entreprises dans le cadre d’une transition verte et propre ».

Deuxièmement, lorsque l'argent des contribuables est utilisé pour sauver des entreprises, il doit servir à « créer des emplois verts et à assurer une croissance durable ».

Troisièmement, les budgets doivent « favoriser la transition d’une économie grise à une économie verte » et « aider à renforcer la résilience des sociétés et des personnes ».

Quatrièmement, il convient que les fonds publics soient affectés à des secteurs durables et à des projets qui contribuent à la protection de l’environnement et du climat ; à cette fin, « les subventions aux combustibles fossiles doivent cesser et les pollueurs doivent commencer à payer pour la pollution dont ils sont responsables ». 

Cinquièmement, les risques et les opportunités liés au climat doivent être pris en compte « aussi bien dans le système financier que dans tous les aspects de l’élaboration des politiques publiques et du développement des infrastructures ». 

Sixièmement, « nous, qui formons la communauté internationale, devons œuvrer ensemble, dans la cohésion ». 

Relevant que « les gaz à effet de serre, tout comme les virus, ne respectent pas les frontières nationales », M. Guterres a présenté ces six principes comme une orientation pour « mieux surmonter cette crise ensemble ».  

Fenêtre d’espoir et d’opportunité

« Avec cette reprise s’ouvre une fenêtre d’espoir et d’opportunité », a pour sa part estimé Patricia Espinosa, Secrétaire exécutive de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), adoptée en 1992 à Rio lors du Sommet de la Terre.

« La reprise mondiale, si nous parvenons à la construire, peut nous mettre sur une voie plus durable et plus inclusive, une voie qui protège l’environnement, renforce la biodiversité et assure la santé et la sécurité de l’humanité à long terme », a-t-elle affirmé lundi en ouverture du 11e Dialogue de Petersberg, premier sommet sur le climat organisé - en visioconférence - depuis le début de la pandémie.

« En veillant à ce que cet argent soit consacré à des investissements propres, verts, durables et résilients, nous pouvons faire des progrès incroyables dans la lutte contre les changements climatiques », a insisté Mme Espinosa.     

Pour la responsable en chef des questions climatiques à l’ONU, cette période de crise ne doit pas entamer la détermination des pays. Il importe que tous maintiennent leurs contributions déterminées au niveau national (NDC) afin de respecter l’objectif de l’Accord de Paris sur le climat, qui est de contenir le réchauffement de la planète entre 1,5°C et 2°C par rapport aux niveaux préindustriels.   

C’est ce qu’elle a déclaré le 20 avril aux participants d’un forum organisé en ligne par l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS). À ses yeux, « les Petits États insulaires en développement (PEID) ont compris mieux que quiconque que, si la COVID-19 est le défi d’aujourd’hui, le changement climatique est un défi qui l’a précédé et qui continuera sur le long terme, provoquant des événements météorologiques extrêmes tels que le cyclone Harold », qui a fait des dizaines de morts au Vanuatu et dans les îles Salomon le mois dernier.  

Si la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26) et les réunions des organes subsidiaires de l’ONU ont dû être reportés pour cause de pandémie, cela ne change en rien la nécessité de soumettre les NDC d’ici la fin de cette année. Pour Mme Espinosa, il est essentiel que l'action climatique se poursuive « sans relâche et par d'autres moyens », à l’image de ce forum. « Notre travail en 2020 n'est en aucun cas suspendu », a-t-elle assuré.

Deux crises aux enjeux liés  

Tout en concentrant ses efforts sur la réponse à la pandémie et à ses conséquences socioéconomiques, le système des Nations Unies maintient sa vigilance sur les questions de climat. Compte tenu des nombreuses conséquences du changement climatique sur la santé humaine, il traite même de front ces deux crises de nature différente.  

Dans une note thématique sur la COVID-19 et le changement climatique, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) observe que « la plupart des maladies infectieuses émergentes, et presque toutes les pandémies récentes, proviennent de la faune sauvage et il est prouvé que l'augmentation de la pression humaine sur l'environnement naturel peut conduire à l'apparition de maladies ».

Au-delà de l’effet de la température sur le développement des agents pathogènes, « le changement climatique augmente également l’incidence des événements extrêmes, tels que les fortes précipitations et les inondations, qui ont des impacts importants sur la transmission des maladies », confirme Bernard Brett, spécialiste des zoonoses - maladies infectieuses des animaux vertébrés transmissibles à l’être humain - à l’Institut international de recherche sur l’élevage (ILRI) et contributeur aux travaux du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).

« S’agissant des impacts, la COVID-19 a révélé les vulnérabilités du monde, dont bon nombre se recoupent avec la crise climatique », a aussi fait remarquer la chef de la CCNUCC en évoquant les effets de la pandémie sur les communautés vulnérables déjà frappées par le réchauffement climatique.

À cet égard, le Fonds monétaire international (FMI) a établi que, pour un pays en développement à faible revenu médian dont la température moyenne annuelle s’élève à 25°C, l’effet d’une hausse de 1°C se traduit par un recul de 1,2% de la croissance. Les pays à risque - dont les systèmes de santé sont également les plus faibles - abritent actuellement près de 60% de la population mondiale et cette proportion devrait atteindre 75 % d’ici à la fin du siècle.

Sur une note plus pédagogique, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) s’emploie à expliquer aux jeunes que bon nombre des leçons tirées de la pandémie peuvent être appliquées au changement climatique. La solidarité internationale et intergénérationnelle, la protection des plus vulnérables et l’union derrière la science sont autant de principes communs aux deux crises. L’agence propose aux 8-14 ans un mini-cours sur ces questions. Elle invite par ailleurs la jeunesse à continuer à faire entendre sa voix sur le climat pendant le confinement en utilisant les outils en ligne.