15 avril 2021

Le monde s’apprête à célébrer le sixième anniversaire du Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté par l’Assemblée générale le 25 septembre 2015. Avec ses objectifs de développement durable (ODD), le Programme 2030 vise à réaliser les rêves de millions de personnes qui aspirent à un monde meilleur. On peut considérer la mise en œuvre des ODD comme une solution à une multitude de problèmes et de défis. Décomposer l’objectif du développement durable en 17 objectifs et 169 cibles dans les secteurs sociaux, économiques et environnementaux nous permet d’élaborer des politiques et des initiatives pour une mise en œuvre efficace au niveau local. L’adaptation des ODD à l’échelle locale a pris une importance considérable en Inde, les États du pays devant prendre individuellement la responsabilité de la mise en œuvre du programme de développement du pays. La mise en œuvre réussie des ODD serait un témoignage du principe de fédéralisme coopératif envisagé par le Gouvernement indien. Elle nécessite un suivi et un contrôle rigoureux par les États et les gouvernements locaux afin de développer des initiatives qui correspondent aux divers thèmes des ODD et d’assurer leur mise en œuvre efficace et rapide. Le projet créé par l’État du Pendjab, par exemple, peut être considéré dans cette perspective.

La perspective indienne

Le Programme 2030, dont l’Inde est signataire, est centré sur la prospérité de tous les êtres vivants, en particulier les êtres humains. L’inde abrite près d’un sixième de la population mondiale, comprenant 623,7 millions d’hommes et 586,5 millions de femmes, avec une densité de population d’environ 382 habitants au km2. En Inde, une densité de population de 400 habitants ou plus au km2 est un paramètre important de la classification d’un établissement humain en tant qu’« urbain ». Selon les données du recensement de 2011, 68,8 % de la population indienne vivent dans des villages, ce qui reflète l’idée du Mahatma Gandhi, le père de la nation, selon laquelle « l’âme de l’Inde réside dans ses villages ».

Le modèle Chitkara

L’Université Chitkara, située dans l’État du Pendjab, a prouvé son engagement sans faille aux ODD et à leur efficacité à l’échelle locale, qui, selon nous, émergera dans plusieurs États en Inde. Les initiatives et les projets menés au niveau local, ainsi que l’expérience de la collaboration avec les gouvernements locaux et la population, peuvent offrir des informations précieuses qui méritent une attention et une reconnaissance nationales. En outre, les instances mondiales s’occupant du développement durable peuvent prendre note de ces initiatives en cours sur les campus universitaires indiens et des efforts faits par les jeunes et les étudiants pour adapter les ODD à l’échelle locale et les mettre en œuvre. Cette proposition de projet peut être considérée comme un pas dans la bonne direction. L’expérience des étudiants avec la population, la société et les gouvernements locaux, ainsi que les premières leçons qui en sont tirées, peuvent fournir suffisamment d’informations pour mettre en place des mécanismes institutionnels attendus de longue date afin de faciliter le renforcement des capacités et l’analyse des données en vue d’évaluer et de suivre la mise en œuvre des projets au niveau local avec le soutien et la participation du public. De surcroît, il s’agit d’une tentative de canaliser la créativité de nos jeunes et de nos étudiants afin de concevoir des villages sans plastique grâce à la synergie avec les établissements universitaires et les gouvernements locaux. Le projet vise également à créer des moyens de subsistance pour les villageois locaux.

L’initiative, connue sous le nom de Campagne 3R 2030 ( pour « réduire, réutiliser, recycler ») est un programme de dix ans qui vise à réduire et à gérer la pollution par le plastique dans les villages ruraux indiens par l’adoption d’un ensemble de procédures stratégiques issues des principes fondamentaux des ODD. En conséquence, les directives concernant les pratiques durables qui seront adoptées seront formulées et mises en œuvre avec le soutien des établissements membres portant le slogan « Un village propre, un pays propre ».  

Le projet se veut durable, innovant et axé sur les jeunes et les étudiants, assurant la connectivité pour renforcer les capacités disponibles et le développement. Madhu Chitkara, Vice-Chancelier de l’Université Chitkara, est un chef de projet et un fervent partisan. « Ce qui me tient surtout à cœur avec ce projet, c’est de sensibiliser la population rurale et de bannir le plastique des villages de l’État du Pendjab », a-t-il expliqué. « Notre association avec l'Initiative Impact universitaire est notre véritable inspiration derrière le projet. Composée de jeunes étudiants et de professeurs, l’équipe de projet bénéficie d’un soutien à la recherche et à l’innovation ainsi que d’une grande unité et d’une volonté forte pour mettre en œuvre les ODD des Nations Unies. Nous avons adopté cinq villages à proximité de notre campus universitaire dans l’État du Pendjab. À l’Université Chitkara, nous considérons qu’il en va de notre responsabilité morale de rendre ces villages plus durables et plus respectueux de l’environnement. Je souhaite à mon équipe beaucoup de succès dans la réalisation de ce projet. »

L’expérience sur le terrain

En tant que chef de projet d’un modèle d’habitation innovant et abordable destiné aux pays en développement, j’ai eu la chance de pouvoir présenter le modèle aux Nations Unies à New York en 2018 lors d’une conférence présidée par M. Ramu Damodaran, Directeur adjoint de la Division de la sensibilisation du public du Département de la communication globale de l’ONU et chef de l’Initiative Impact universitaire. Nous avons été inspirés par son appel à « penser globalement et à agir localement » en développant des modèles durables afin d’améliorer la qualité de vie dans les établissements ruraux des pays en développement. La Campagne 3R 2030, lancée par l’Université Chitkara pour éradiquer le plastique du Pendjab, est née de cette déclaration visionnaire.

Au cours de notre première visite dans l’un des villages adoptés par l’université, nous avons discuté avec la population locale. Les villageois étaient désireux d’apprendre comment le projet améliorerait la qualité de leur village. Ils nous ont également fait part de leurs appréhensions, se demandant comment des étudiants pourraient transformer leur village alors que même les gouvernements locaux n'y parvenaient pas. Mais nous avons réussi à les convaincre, leur expliquant que ce n’était pas le pourcentage de réussite du programme qui importait le plus, mais que l’exposition à différents modèles de gestion durable des déchets plastiques était le véritable résultat sur lequel il fallait compter pour garantir un meilleur avenir aux générations futures.

Nous avons aussi organisé avec les villageois une série de séances de sensibilisation aux modes d’élimination des déchets plastiques ainsi qu’aux conséquences néfastes du plastique sur l’écosystème du village et sur la vie et le travail de la population, à la façon dont il s’infiltre dans notre chaîne alimentaire et affecte la santé des enfants et du bétail, etc. Nous ne nous attendions pas à un changement immédiat, mais après les séances, nous avons observé un changement d’attitude progressif des villageois. Ils ont commencé à suivre scrupuleusement nos directives et nos instructions. Cette réponse positive nous a incités à travailler à la présentation de détails plus scientifiques, dont une note technique sur la transformation des déchets plastiques en matériaux de construction. Une fois les études, les interactions et les recherches initiales terminées, nous avons réalisé que nous pourrions construire des installations de collecte de déchets plastiques dans chaque groupe de maisons du village, un groupe se composant d'au moins quinze maisons. Nous envisageons d’appeler les enfants du village « les leaders verts de demain » et de leur confier la responsabilité de contrôler et de garantir l’élimination des déchets plastiques dans les installations que nous avons construites. Actuellement, le village comprend environ 350 foyers appartenant à la catégorie des revenus moyens. Nos étudiants offriront des cours gratuits aux élèves du village en échange des déchets plastiques propres et secs qu’ils apporteront. Plus tard, nous installerons dans le village un système de gestion des déchets qui pourra être entretenu de manière autonome par les jeunes et la population locale.

Le Parlement des jeunes verts 

Lors de la réunion de haut niveau pour commémorer le soixante-quinzième anniversaire des Nations Unies en septembre 2020, le Secrétaire général António Guterres a dit : « Personne ne souhaite de gouvernement mondial, mais nous devons œuvrer de concert pour améliorer la gouvernance mondiale. Dans un monde interconnecté, nous avons besoin d’un multilatéralisme en réseau, dans lequel la famille des Nations Unies, les institutions financières internationales, les organisations régionales, les blocs commerciaux et d’autres collaborent plus étroitement et plus efficacement. » Ces mots peuvent conduire au changement si, et seulement si, les jeunes sont plus nombreux à faire partie du projet. À cette fin, nous avons créé un « Parlement des jeunes verts » qui se réunira bientôt. Ce sera un « Centre d’échange de connaissances » sur les pratiques durables de la gestion des déchets plastiques. Il vise à relier entre eux les divers membres de l’Initiative Impact universitaire en Inde en vue de former une plate-forme de transmission des connaissances active concernant les problèmes environnementaux dus à la pollution par le plastique et de trouver des solutions aux problèmes persistants. Ces programmes seront disponibles en association avec le Gouvernement afin d’adapter le multilatéralisme à la mise en œuvre locale. Nous avons pour objectif de transformer 30 villages dans les cinq prochaines années pour en faire des villages sans plastique.

La résolution 2535 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les jeunes, la paix et la sécurité souligne le rôle des jeunes et leur contribution à la société. Il ne s’agit pas seulement des réponses des jeunes et de leur rôle, mais aussi de l’importance de leur engagement dans la planification, la conception et les processus de prise de décisions. Dans le cadre de cette résolution, l’Inde devrait encourager sa communauté de jeunes à consacrer son temps et son énergie à aider les villages à se conformer à la gestion durable des déchets plastiques. S’il est relativement aisé de convaincre les jeunes générations et d’obtenir leur soutien à des causes aussi louables, le travail sur le terrain exige une plus grande motivation et un plus grand dévouement ainsi que des niveaux d’engagement plus élevés pour obtenir des résultats. Le pays devrait confier cette tâche aux établissements universitaires et leur demander de travailler en coordination avec le Gouvernement national. 

Conclusion

Les ODD pourraient être mis en œuvre efficacement en Inde par le biais d’initiatives systématiques, infranationales et adaptées au contexte local. Les États au sein du pays, en tant que principaux moteurs du progrès, de la prospérité et du développement, ont des rôles décisifs à jouer dans une mise en œuvre efficace. Ayant évolué à partir du principe fondamental de « ne laisser personne pour compte », les objectifs devraient suivre le même principe lors de l’élaboration d’initiatives au niveau local. Les campus universitaires, qui sont le point de convergence de la réflexion innovante, peuvent servir de centres de développement et lancer des plans systématiques pour une mise en œuvre efficace des ODD. Il est clair que les campus peuvent créer un monde durable et en faire un lieu de vie harmonieux pour tous. Soyons les précurseurs du changement.

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