III. Vivre
à l’abri de la peur
74. Sur le chapitre du développement, nous
n’avons certes pas lieu de nous louer des résultats,
bien insuffisants. Mais sur la question de la sécurité,
nous ne sommes même pas parvenus à nous entendre
et ce, malgré le sentiment d’insécurité
grandissant chez beaucoup d’entre nous, et les résultats
que nous avons pu obtenir ne sont que trop souvent controversés.
75. À moins que nous nous accordions sur
la gravité des menaces et que nous comprenions tous qu’il
est de notre devoir d’y faire face, l’ONU ne sera
pas en mesure de garantir la sécurité à
tous ses Membres ni à tous les peuples du monde. Notre
capacité d’aider ceux qui veulent vivre sans peur
à jouir de ce droit ne sera alors au mieux que limitée.
A. Une nouvelle
conception de la sécurité collective
76. En novembre 2003, alarmé par les divergences
de vues qui opposaient les États Membres sur la façon
dont l’Organisation des Nations Unies devait assurer la
sécurité collective – ou même
sur la nature ce de qui constitue pour nous les menaces les
plus graves –, j’ai constitué le Groupe de
personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis
et le changement. En décembre 2004, le Groupe a présenté
son rapport intitulé « Un monde plus sûr :
notre affaire à tous » (A/59/565).
77. Je souscris sans réserve au projet ambitieux présenté
dans le rapport ainsi qu’à l’idée
d’une sécurité collective plus globale,
qui permette d’appréhender toutes les menaces,
anciennes et nouvelles, et les problèmes de sécurité
de tous les États. Je suis convaincu qu’en partant
de cette idée, nous pourrons rapprocher nos vues sur
la sécurité et trouver le moyen de surmonter nos
difficultés.
78. Au XXIe siècle, les menaces pour la
paix et la sécurité ne sont pas seulement la guerre
et les conflits internationaux, mais aussi la violence civile,
la criminalité organisée, le terrorisme et les
armes de destruction massive. Il faut compter aussi avec la
pauvreté, les épidémies mortelles et la
dégradation de l’environnement, tout aussi lourdes
de conséquences. Tous ces phénomènes sont
meurtriers ou peuvent compromettre la survie. Ils peuvent tous
saper les fondements de l’État en tant qu’élément
de base du système international.
79. La richesse, la situation géographique
et la puissance de chacun d’entre nous déterminent
ce qu’il considère comme les plus graves menaces.
Mais la vérité est que nous n’avons pas
le choix. Pour qu’il y ait sécurité collective,
ce qui constitue une menace pour l’une des régions
doit être considéré comme telle par toutes.
80. À l’heure de la mondialisation,
les menaces qui nous guettent sont interdépendantes.
Les riches ne sont pas à l’abri de ce qui menace
les pauvres ni les puissants épargnés par ce qui
inquiète les faibles, et vice versa. Un attentat terroriste
nucléaire lancé contre les États-Unis ou
l’Europe aurait des conséquences désastreuses
pour le monde entier. Mais il en va de même de l’apparition
d’une nouvelle maladie infectieuse dans un pays pauvre
dépourvu de système de santé efficace.
81. Face à cette interdépendance
des menaces, il nous faut trouver un nouveau consensus sur la
sécurité, qui posera en principe premier que tous
ont le droit de vivre sans peur et que ce qui est une menace
pour l’un l’est pour tous. Une fois que nous aurons
compris cela, nous n’aurons pas d’autre choix que
de faire face à toutes les menaces. Nous devons nous
attaquer au VIH/sida aussi énergiquement qu’au
terrorisme, et lutter avec la même efficacité contre
la pauvreté et la prolifération des armes. Nous
devons nous montrer aussi déterminés à
éliminer la menace des armes légères qu’à
écarter le spectre des armes de destruction massive.
De surcroît, il nous faudra anticiper ces menaces et agir
suffisamment tôt au moyen de tous les instruments qui
sont à notre disposition.
82. Nous devons faire en sorte que les États
se conforment aux traités de sécurité qu’ils
ont signés, pour le bien de tous. Un contrôle plus
assidu, une application plus rigoureuse et, au besoin, une répression
plus ferme s’imposent si nous voulons que les États
aient confiance dans les mécanismes multilatéraux
et y fassent appel pour éviter les conflits.
83. Nous ne parlons pas ici de questions théoriques
mais d’urgences capitales. Si nous n’arrivons pas
à nous entendre sur ces questions dans le courant de
l’année et commencer à agir, nous aurons
sans doute laissé passer notre dernière chance.
C’est cette année, ou jamais, que nous devons transformer
l’ONU en cet instrument de prévention des conflits
qui a toujours été sa vocation, en suivant certaines
grandes orientations et en concrétisant les options institutionnelles
nécessaires.
84. Nous devons faire en sorte que le terrorisme
catastrophique ne devienne jamais réalité. Il
nous faudra pour cela adopter une nouvelle stratégie
mondiale, dont le point de départ sera que les États
Membres s’accordent sur une définition du terrorisme
et l’inscrivent dans une convention globale. Tous les
États devront également signer et ratifier les
grandes conventions contre la criminalité organisée
et la corruption et les respecter. Ils devront de même
s’engager à prendre des mesures urgentes pour empêcher
que les armes nucléaires, chimiques et biologiques ne
tombent dans les mains de groupes terroristes.
85. Nous devons consolider les systèmes
multilatéraux que nous avons mis en place pour lutter
contre les menaces provenant des armes nucléaires, biologiques
et chimiques. Le danger que posent ces armes ne se limite pas
à leur emploi par les terroristes. Les instruments multilatéraux
visant à promouvoir le désarmement et à
empêcher la prolifération des armes conclus entre
les États ont beaucoup contribué au maintien de
la paix et de la sécurité internationales. Mais
ils risquent à présent l’effritement. Aussi
faut-il les revitaliser si nous voulons progresser sur la voie
du désarmement et écarter la menace grandissante
d’une prolifération en chaîne, en particulier
des armes nucléaires.
86. Nous devons nous employer à mettre
fin aux conflits en cours et à empêcher que d’autres
n’éclatent. Il nous faut pour cela à la
fois œuvrer au développement, comme il est préconisé
plus haut à la section II, et renforcer l’appui
militaire et civil visant à prévenir les risques
de guerre, à régler les conflits en cours et à
instaurer une paix durable. En investissant dans la prévention,
l’établissement, le maintien et la consolidation
de la paix, nous pourrons sauver des millions de vies. Il aurait
suffi que deux accords de paix fussent strictement appliqués
(les Accords de Bicesse en Angola et les Accords d’Arusha
au Rwanda) au début des années 90 pour que quelque
3 millions de vies soient épargnées.
B. Prévention
du terrorisme catastrophique
Terrorisme transnational
87. Le terrorisme s’en prend à toutes
les valeurs de l’ONU : respect des droits de l’homme,
primauté du droit, protection des civils, tolérance
entre les peuples et les nations, et règlement pacifique
des conflits. Cette menace n’a cessé de grandir
ces cinq dernières années. Les réseaux
transnationaux de groupes terroristes opèrent sur toute
la planète et font cause commune pour brandir leur menace
à la face du monde entier. Ils ne cachent pas leur volonté
d’acquérir des armes nucléaires, biologiques
et chimiques et d’infliger des pertes massives en vies
humaines. Un seul attentat terroriste, et la chaîne d’événements
qu’il déclenche pourrait changer le monde à
tout jamais.
88. Face au terrorisme, nous devons adopter une
stratégie globale reposant sur cinq idées maîtresses :
dissuader les populations de recourir au terrorisme ou de le
soutenir, empêcher les terroristes de se procurer des
fonds et des équipements; dissuader les États
de financer le terrorisme; aider les États à se
doter de moyens de lutte contre le terrorisme; et défendre
les droits de l’homme. Je demande instamment aux
États Membres et aux organisations de la société
civile partout dans le monde de s’associer à cette
stratégie.
89. Il faut prendre d’urgence les mesures
décrites ci-après.
90. Nous devons convaincre tous ceux qui sont
tentés de soutenir le terrorisme que ce n’est pas
un moyen acceptable ou efficace de faire avancer leur cause.
Toutefois, l’ONU n’a pas pu exercer pleinement son
autorité morale ni condamner explicitement le terrorisme
parce que les États Membres ne parviennent pas à
s’entendre sur une convention contre le terrorisme contenant
une définition du terrorisme.
91. Il est temps que nous cessions de nous interroger
sur ce qu’on entend par « terrorisme d’État ».
Le recours à la force par les États est déjà
réglementé de façon très précise
par le droit international. Le droit de résister à
l’occupation doit être entendu dans son sens véritable.
Il ne peut s’étendre au droit de tuer ou de blesser
intentionnellement des civils. Je souscris entièrement
à l’appel lancé par le Groupe de personnalités
tendant à ce que la définition du terrorisme qualifie
de terrorisme tout acte, outre ceux déjà visés
par les conventions en vigueur, commis dans l’intention
de causer la mort ou des blessures graves à des civils
ou à des non-combattants, dans le dessein d’intimider
une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation
internationale à accomplir un acte ou à s’abstenir
de le faire. Je crois à la force morale de cette
proposition, et j’engage fermement les dirigeants mondiaux
à s’y rallier et à conclure une convention
globale sur le terrorisme avant la fin de la soixantième
session de l’Assemblée générale.
92. Il est impératif d’empêcher
les terroristes d’acquérir des matières
nucléaires. Il nous faudra pour cela regrouper, protéger
et, si possible, détruire les matières dangereuses,
et appliquer des contrôles effectifs des exportations.
Le Groupe des huit pays les plus industrialisés (G-8)
et le Conseil de sécurité ont pris d’importantes
mesures en ce sens, mais nous devons nous assurer de leur pleine
application et de leurs effets cumulatifs. J’exhorte
les États Membres à mener à bien, dans
les plus brefs délais, l’élaboration de
la convention internationale pour la répression des actes
de terrorisme nucléaire.
93. Le terrorisme biologique constitue un type
de menace différent. Il y aura bientôt à
travers le monde des milliers de laboratoires capables de fabriquer
des microbes artificiels d’une effroyable létalité.
Notre meilleure défense contre ce danger est de renforcer
la santé publique et, à cet égard, les
mesures recommandées plus haut, dans la section II, ont
un double mérite : elles nous permettraient à
la fois de contenir le fléau des maladies infectieuses
dues à des causes naturelles et de nous prémunir
contre les épidémies provoquées par l’homme.
Nous nous sommes engagés à renforcer les services
locaux de santé publique, tâche qui prendra une
génération, mais nous devons aussi trouver une
parade mondiale appropriée. Le Réseau mondial
OMS d’alerte et d’action en cas d’épidémie
a accompli un travail absolument remarquable de surveillance
et d’intervention en cas d’épidémies
mortelles, d’origine naturelle ou douteuse et ce, avec
un budget très modeste. J’engage les États
Membres à lui fournir les ressources dont il a besoin
pour mener cette tâche à bien, dans notre intérêt
à tous.
94. Les terroristes n’ont de comptes à
rendre à personne. N’oublions pas que, en revanche,
nous devons répondre de nos actes devant les citoyens
du monde entier. Dans notre lutte contre le terrorisme, nous
ne devons jamais transiger sur les droits de l’homme,
car autrement nous aurons aidé les terroristes à
atteindre l’un de leurs objectifs. En renonçant
à certaines de nos valeurs morales, nous ne manquerons
pas de provoquer des tensions, la haine et la défiance
du pouvoir public dans les secteurs de population où
se recrutent les terroristes. Je demande instamment
aux États Membres de créer un poste de rapporteur
spécial chargé de rendre compte à la Commission
des droits de l’homme de la compatibilité des mesures
de lutte contre le terrorisme avec les normes internationales
relatives aux droits de l’homme.
Criminalité organisée
95. La menace du terrorisme est étroitement
liée à celle de la criminalité organisée,
qui gagne du terrain et met en péril la sécurité
de tous les États. La criminalité organisée
fragilise les États, entrave la croissance économique,
attise de nombreuses guerres civiles, sape les efforts de consolidation
de la paix des Nations Unies et fournit des mécanismes
de financement aux groupes terroristes. Les organisations criminelles
sont fortement impliquées dans la traite des migrants
et le trafic d’armes.
96. Ces dernières années, l’ONU
a beaucoup progressé dans l’élaboration
d’un cadre réglementaire et normatif de lutte contre
la criminalité organisée et la corruption, plusieurs
conventions et protocoles importants ayant été
adoptés ou étant entrés en vigueur. Toutefois,
nombreux sont les États parties à ces instruments
qui ne les ont pas strictement appliqués, quelquefois
simplement par manque de moyens. Tous les États
devraient ratifier et appliquer ces conventions, tout en s’aidant
les uns les autres à renforcer leur système national
de justice pénale et leur régime de droit. Les
États Membres doivent quant à eux doter l’Office
des Nations Unies contre la drogue et le crime de ressources
suffisantes pour lui permettre de remplir sa fonction première,
qui est de superviser l’application de ces conventions.
C. Armes nucléaires,
biologiques et chimiques
97. L’action multilatérale visant
à contrer les menaces que pose la technologie nucléaire
tout en en exploitant le potentiel remonte à l’origine
de l’ONU elle-même. Nous avons pu constater combien
le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires,
qui aura ce mois-ci 35 ans, est indispensable : il a atténué
le péril nucléaire et démontré en
même temps le rôle important des accords multilatéraux
dans la préservation de la paix et de la sécurité
internationales. Mais aujourd’hui, dénoncé
pour la première fois par l’une des parties, le
Traité a perdu de sa crédibilité et de
sa prééminence car il est de plus en plus difficile
de le faire appliquer et d’en vérifier l’application.
La Conférence sur le désarmement, pour sa part,
voit sa raison d’être remise en question en partie
parce que des dysfonctionnements dans la procédure de
décision entravent son fonctionnement.
98. Il est essentiel de progresser sur les chapitres
du désarmement et de la non-prolifération, et
aucun des deux ne doit être l’otage de l’autre.
Il y a lieu de se féliciter des décisions prises
récemment en faveur du désarmement par les États
dotés de l’arme nucléaire. Les accords bilatéraux,
dont le Traité de 2002 sur une réduction des armes
stratégiques offensives signé par les États-Unis
d’Amérique et la Fédération de Russie,
ont abouti à la destruction de milliers d’armes
nucléaires, accompagnée d’engagements pris
par les parties de réduire encore fortement leurs stocks
d’armes. Toutefois, le statut spécial des
États dotés de l’arme nucléaire leur
confère une responsabilité spéciale et
ils doivent faire davantage, y compris, mais pas seulement,
réduire encore leur arsenal d’armes nucléaires
non stratégiques et continuer de respecter les accords
de maîtrise des armements qui imposent la destruction
totale et définitive de ces armes. Ils devraient également
réaffirmer leur détermination à offrir
des garanties négatives de sécurité. Il
importe qu’ils négocient promptement un traité
d’interdiction des matières fissiles. Le moratoire
sur les essais nucléaires doit de même être
appliqué jusqu’à ce que nous ayons obtenu
l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction
complète des essais nucléaires. J’encourage
vivement les États parties au Traité sur la non-prolifération
des armes nucléaires à entériner ces mesures
lors de la Conférence des Parties de 2005.
99. La prolifération de la technologie
nucléaire a porté à son comble la tension
persistante que connaissait le régime nucléaire,
et qui est simplement due au fait que la technologie servant
à fabriquer les combustibles nucléaires civils
peut aussi servir à la mise au point d’armes nucléaires.
Pour calmer ces tensions, il faut prendre la mesure des dangers
que pose la prolifération nucléaire mais également
prendre en compte les importantes applications de la technologie
nucléaire dans les domaines de l’environnement,
de l’énergie, de l’économie et de
la recherche. Premièrement, le pouvoir de vérification
de l’Agence internationale de l’énergie atomique
devrait être renforcé par l’adoption universelle
du Modèle de protocole additionnel. Ensuite, tout en
maintenant la possibilité pour les États non dotés
de l’arme nucléaire d’exploiter la technologie
nucléaire, nous devrons chercher à inciter les
États à renoncer d’eux-mêmes à
se doter de moyens de production d’uranium enrichi et
de séparation du plutonium, tout en leur garantissant
un approvisionnement en combustible destiné à
des usages pacifiques. On pourrait songer à
un arrangement qui habiliterait l’AIEA à servir
de garant pour la fourniture de matières fissiles à
des utilisateurs du nucléaire à des fins civiles
aux taux du marché.
100. Même si le Traité sur la non-prolifération
des armes nucléaires demeure le fondement du régime
de la non-prolifération, les mesures prises récemment
pour le renforcer méritent d’être saluées.
Il s’agit entre autres de la résolution 1540 (2004)
du Conseil de sécurité visant à empêcher
les acteurs non étatiques d’obtenir des armes,
des technologies et des équipements nucléaires,
chimiques et biologiques, et leurs vecteurs; et de l’initiative
de sécurité et de lutte contre la prolifération,
à laquelle de plus en plus d’États s’associent
pour empêcher le trafic d’armes nucléaires,
biologiques et chimiques.
101. Les quantités disponibles de missiles
balistiques à portée et à précision
accrues sont un problème de plus en plus préoccupant
pour beaucoup d’États, de même que la prolifération
de missiles portables qui pourraient être utilisés
par les terroristes. Les États Membres devraient
adopter des mesures de contrôle efficaces qui couvriraient
les exportations de missiles et d’autres vecteurs d’armes
nucléaires, biologiques et chimiques et de missiles portables
et interdire leur vente à des acteurs non étatiques.
Le Conseil de sécurité devrait également
envisager d’adopter une résolution visant à
empêcher les terroristes d’acquérir ou d’utiliser
des missiles portables.
102. Il importe de consolider les résultats
acquis. La Convention de 1997 sur l’interdiction de la
mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi
des armes chimiques et sur leur destruction préconise
l’élimination et la destruction complètes
des armes chimiques par tous les États parties, offrant
ainsi pour la première fois la possibilité de
mener à bien une entreprise engagée il y a plus
d’un siècle. Les États parties à
la Convention sur les armes chimiques devraient renouveler leur
intention de détruire dans les délais prévus
les stocks d’armes chimiques déclarés. J’engage
tous les États à adhérer immédiatement
à la Convention.
103. La Convention de 1975 sur l’interdiction
de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes
bactériologiques (biologiques) ou à toxines et
sur leur destruction a bénéficié d’un
soutien remarquable et d’une forte adhésion, renforcée
encore par les dernières réunions annuelles. Les
États parties devraient consolider les résultats
de ces réunions à la Conférence des Parties
de 2006 et s’engager à prendre de nouvelles mesures
visant à renforcer la Convention sur les armes biologiques.
J’engage également tous les États à
adhérer immédiatement à la Convention sur
les armes biologiques et à rendre leurs programmes de
défense biologique plus transparents.
104. Il faut poursuivre les efforts pour renforcer
la sécurité biologique. La compétence du
Secrétaire général à enquêter
sur les cas d’emploi suspect d’agents biologiques,
qui lui est conférée par l’Assemblée
générale dans sa résolution 42/37, doit
être renforcée pour tenir compte de l’évolution
des technologies et des connaissances en la matière;
et le Conseil de sécurité devrait y faire appel,
conformément à sa résolution 620 (1988).
105. De fait, le Conseil de sécurité
doit être mieux informé de toutes les questions
relatives aux menaces nucléaires, chimiques et biologiques.
J’encourage le Conseil à inviter régulièrement
le Directeur général de l’AIEA et le Directeur
général de l’Organisation pour l’interdiction
des armes chimiques à lui rendre compte de l’état
des procédures de garanties et de vérification.
Je me ferai pour ma part un devoir, en vertu des pouvoirs qui
me sont conférés par l’Article 99 de la
Charte, d’attirer l’attention du Conseil de sécurité
sur toute affaire qui pourrait mettre en danger la paix et la
sécurité internationales, en consultant au préalable
le Directeur général de l’Organisation mondiale
de la santé.
D. Règlement
et prévention des conflits
106. Aucune tâche ne revêt autant
d’importance pour l’ONU que la prévention
et le règlement des conflits meurtriers. La prévention,
en particulier, doit être au cœur de toute notre
action, que ce soit dans la lutte contre la pauvreté
et la promotion du développement durable, le renforcement
des capacités nationales à gérer les conflits,
la promotion de la démocratie et de l’état
de droit, la réduction de la circulation des armes légères
ou les activités de prévention directe telles
que les bons offices, les missions du Conseil de sécurité
ou les déploiements préventifs.
107. Les États Membres doivent donner à
l’ONU la structure et les ressources qu’il lui faut
pour mener à bien ces tâches capitales.
Médiation
108. Bien qu’il soit difficile de le démontrer,
l’ONU a très probablement désamorcé
de nombreuses guerres en utilisant les bons offices du Secrétaire
général pour régler pacifiquement les conflits.
La médiation a permis de régler plus de conflits
civils ces 15 dernières années qu’au cours
des deux siècles précédents, en grande
partie grâce à l’ONU qui a donné l’impulsion
et ouvert des possibilités de négociations, de
coordination stratégique et des ressources nécessaires
à l’application d’accords de paix. Mais nous
aurions certainement pu sauver davantage de vies si nous avions
eu les moyens et le personnel voulus. J’engage
les États Membres à fournir des ressources supplémentaires
au Secrétaire général pour lui permettre
de poursuivre ses missions de bons offices.
Sanctions
109. Les sanctions sont un outil essentiel qui
permet au Conseil de sécurité de faire face aux
menaces pour la paix et la sécurité internationales.
Elles représentent un moyen terme indispensable entre
l’intervention armée et le discours. Dans certains
cas, elles aboutissent à des accords. Dans d’autres,
conjuguées à des pressions militaires, elles peuvent
contribuer à affaiblir et à isoler des groupes
rebelles et des États en infraction flagrante des résolutions
du Conseil.
110. L’ONU continuera d’imposer à
l’encontre des belligérants et des dirigeants portant
la responsabilité la plus lourde des politiques condamnables
des sanctions ciblées (finances, diplomatie, armes, transport
aérien, voyages, biens, etc.), qui demeurent un de ses
principaux moyens d’action. Toutes les sanctions
décrétées par le Conseil de sécurité
doivent être rigoureusement imposées et respectées,
et il faut donner aux États les moyens nécessaires
à cette fin, mettre en place des mécanismes de
surveillance dotés de ressources suffisantes et atténuer
le contrecoup humanitaire. Étant donné
les conditions difficiles dans lesquelles les sanctions doivent
être appliquées et compte tenu de l’expérience
acquise ces dernières années en la matière,
les nouveaux régimes de sanctions doivent être
définis avec précision de façon à
épargner le plus possible les tierces parties innocentes
(y compris la population civile des États visés)
et de protéger l’intégrité des programmes
et des institutions impliqués.
Maintien de la paix
111. Durant des décennies, l’ONU
n’a eu de cesse de ramener la stabilité dans les
zones de conflit, et ces 15 dernières années,
elle a aidé des pays à sortir des conflits en
y déployant ses forces de maintien de la paix. Depuis
la présentation du rapport du Groupe d’étude
sur les opérations de paix des Nations Unies (A/55/305-S/2000/809,
annexe), qui a donné lieu à d’importantes
réformes dans la gestion des opérations de maintien
de la paix, les États Membres ont retrouvé leur
confiance dans le rôle de maintien de la paix de l’ONU
et le sollicitent de plus en plus. Il n’y a jamais eu
autant de missions des Nations Unies sur le terrain qu’aujourd’hui.
La plupart sont en Afrique, où, je suis navré
de le dire, les pays développés hésitent
de plus en plus à envoyer leurs troupes, si bien que
nous sommes à la limite de nos moyens d’intervention.
112. Je demande aux États Membres
de faire davantage pour doter l’ONU des moyens qui lui
permettent de maintenir efficacement la paix, conformément
à leurs attentes. Je les engage en particulier
à améliorer les modalités de déploiement
en créant des réserves stratégiques qui
peuvent être déployées rapidement, dans
le cadre d’arrangements de l’ONU. Les nouveaux moyens
d’intervention que l’ONU mettra en place ne feront
pas concurrence aux mécanismes remarquables établis
par de nombreuses organisations régionales mais coopéreront
avec celles-ci. En décidant de constituer des groupes
tactiques, pour l’une, et des forces de réserve,
pour l’autre, l’Union européenne et l’Union
africaine ont apporté une contribution précieuse
à notre action. De fait, je crois que le moment
est venu pour nous de faire un pas décisif et de mettre
en place un système de capacités de maintien de
la paix interdépendantes par lequel l’ONU s’assurerait
la coopération sûre et fiable des organisations
régionales compétentes.
113. Il ne saurait y avoir de paix durable sans
un régime de droit. Les forces de paix se doivent par
conséquent de se conformer à la loi, et en particulier
de respecter les droits des populations qu’elles sont
chargées d’aider. Au vu des récentes allégations
de comportement répréhensible portées contre
des fonctionnaires de l’ONU et des Casques bleus, le système
des Nations Unies devrait réaffirmer son engagement à
respecter et à appliquer le droit international, les
droits fondamentaux et la procédure régulière
et à s’y conformer. Je veillerai à ce que
l’ONU ait davantage de moyens pour superviser les opérations
de maintien de la paix, et je rappelle aux États Membres
qu’ils ont l’obligation de traduire en justice tous
les membres de leurs contingents qui ont commis des délits
ou des infractions dans les États où ils sont
dépêchés. Je suis particulièrement
consterné par les allégations d’exploitation
sexuelle de mineurs et d’autres populations vulnérables
portées contre des Casques bleus. Aussi ai-je fixé,
à l’égard de tels actes, le principe de
la « tolérance zéro » qui
vaudra pour l’ensemble du personnel des opérations
de maintien de la paix des Nations Unies. J’encourage
vivement les États Membres à faire de même
avec leurs contingents nationaux.
Consolidation de la paix
114. Les succès marqués sur le plan
des activités liées à la négociation
et à l’application d’accords de paix sont
malheureusement entachés par certains échecs aux
conséquences effroyables. En effet, plusieurs des événements
les plus violents et les plus tragiques des années 90
sont survenus après la négociation d’accords
de paix, comme ce fut le cas en Angola en 1993 et au Rwanda
en 1994. Environ la moitié des pays qui sortent d’une
guerre retombent dans la violence dans les cinq années
qui suivent. Ces deux constats nous font bien comprendre que
si nous voulons prévenir les conflits, nous devons veiller
à ce que les accords de paix soient appliqués
de manière viable et durable. Il existe cependant ici
une faille énorme dans la structure institutionnelle
de l’ONU : aucun élément du système
des Nations Unies n’est véritablement en mesure
d’aider les pays à réussir la transition
de la guerre à une paix durable. Je propose donc
aux États Membres de créer, à cette fin,
une commission intergouvernementale de consolidation de la paix,
ainsi qu’un bureau d’appui à la consolidation
de la paix, au Secrétariat de l’ONU.
115. La commission de consolidation de la paix
pourrait assumer les fonctions suivantes : au lendemain
de la guerre, renforcer les activités de planification
menées par l’ONU en faveur du relèvement
durable, en privilégiant la création rapide des
institutions nécessaires; aider à assurer le financement
prévisible des activités de relèvement
de la première heure, notamment en présentant
un aperçu des mécanismes de financement (contributions
statutaires, contributions volontaires et fonds permanents);
améliorer la coordination des nombreuses activités
postérieures au conflit menées par les fonds,
programmes et organismes des Nations Unies; fournir une tribune
permettant à l’ONU, aux principaux donateurs bilatéraux,
aux pays qui fournissent des contingents, aux organisations
et acteurs régionaux compétents, aux institutions
financières internationales et aux autorités nationales
ou au gouvernement de transition du pays concerné de
partager des informations sur leurs stratégies respectives
de relèvement après un conflit, aux fins d’une
plus grande cohérence; examiner périodiquement
les progrès accomplis sur la voie de la réalisation
des objectifs de relèvement à moyen terme; et
maintenir plus longtemps l’attention politique accordée
aux pays qui se relèvent d’un conflit. Je ne pense
pas qu’un tel organe devrait assumer des fonctions d’alerte
précoce ou de contrôle, mais il serait appréciable
que les États Membres puissent, à tout moment,
demander conseil à la commission de consolidation de
la paix et solliciter l’assistance d’un fonds permanent
pour la consolidation de la paix pour créer leurs propres
institutions nationales, en vue de mitiger les conflits, notamment
en renforçant les institutions garantes de l’état
de droit.
116. Je pense qu’un tel organe gagnerait
en efficacité et en légitimité s’il
était placé sous l’autorité du Conseil
de sécurité et du Conseil économique et
social, dans cet ordre, en fonction des phases du conflit. Il
faudrait éviter les rapports simultanés, qui créent
des chevauchements d’activité et sèment
la confusion.
117. Pour être réellement efficace,
la commission de consolidation de la paix devrait être
composée d’un nombre égal de membres du
Conseil de sécurité et du Conseil économique
et social, ainsi que de représentants des principaux
pays qui fournissent des contingents et des principaux donateurs
du fonds permanent pour la consolidation de la paix. La commission
de consolidation de la paix devrait faire participer aux opérations
menées dans chaque pays les autorités nationales
ou de transition, les organisations et acteurs régionaux
compétents, les pays qui fournissent des contingents,
le cas échéant, et les principaux donateurs du
pays concerné.
118. La participation des institutions financières
internationales est indispensable. J’ai donc engagé
des discussions avec elles pour déterminer comment elles
peuvent participer au mieux à ces activités, compte
dûment tenu de leur mandat respectif et des arrangements
en vigueur.
119. Une fois ces discussions achevées,
c’est-à-dire avant septembre 2005, je soumettrai
à l’examen des États Membres une proposition
plus détaillée.
Armes légères et mines
antipersonnel
120. L’accumulation et la prolifération
d’armes légères continuent de menacer gravement
la paix, la stabilité et le développement durable.
Depuis l’adoption, en 2001, du Programme d’action
en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce
illicite des armes légères sous tous ses aspects,
la communauté internationale est davantage consciente
du problème et elle a pris diverses initiatives pour
y remédier. Nous devons désormais commencer à
modifier la donne, en appliquant plus fermement les embargos
sur les armes, en renforçant les programmes de désarmement
des ex-combattants et en négociant l’adoption d’un
instrument international ayant force obligatoire réglementant
le marquage et le traçage des armes légères,
et un second instrument visant à prévenir, combattre
et éliminer le courtage illicite. J’invite
instamment les États Membres à adopter un instrument
réglementant le marquage et le traçage avant la
tenue de la Conférence chargée d’examiner
l’exécution du Programme d’action, qui se
tiendra l’année prochaine, et à mener à
bien, sans tarder, les négociations portant sur un instrument
relatif au courtage illicite.
121. Nous devons également poursuivre notre
action contre le véritable fléau que constituent
les mines antipersonnel qui – tout comme les restes
explosifs de guerre – continuent de tuer et de mutiler
des innocents dans quasiment la moitié des pays du monde,
et empêchent des communautés entières de
sortir de la pauvreté. La Convention sur l’interdiction
de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert
des mines antipersonnel et sur leur destruction, complétée
par le Protocole II modifiéà la Convention sur
l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines
armes classiques qui peuvent être considérées
comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme
frappant sans discrimination, compte aujourd’hui 144 États
parties et a fait une nette différence sur le terrain.
Les transferts de mines ont pratiquement cessé, de vastes
zones ont été déminées et plus de
31 millions de mines stockées ont été détruites.
Néanmoins, tous les États parties à la
Convention ne l’ont pas pleinement appliquée et
les États qui n’ont pas encore accédé
à la Convention ont dans leurs arsenaux d’importants
stocks de mines. Je prie donc instamment les États
parties à respecter pleinement leurs obligations, et
j’invite les États qui ne l’ont pas encore
fait à accéder sans délai à la Convention
et au Protocole.
E. Recours à
la force
122. Enfin, le consensus que nous recherchons
doit absolument établir quand et comment il est possible
de recourir à la force pour défendre la paix et
la sécurité internationales. Au cours de ces dernières
années, cette question a profondément divisé
les États Membres. Ces derniers ont été
en désaccord quant à la question de savoir si
les États ont le droit de recourir à la force
militaire selon le principe de précaution, pour se défendre
contre des menaces imminentes; s’ils ont le droit d’y
recourir à titre préventif, en cas de menace latente
ou non imminente; et s’ils ont le droit – voire
l’obligation – d’y recourir à
titre de protection, pour secourir les citoyens d’autres
États victimes d’un génocide ou de crimes
comparables.
123. Il est indispensable de parvenir à
une entente sur ces questions si l’on souhaite que l’ONU
– conformément à son mandat –
serve de tribune pour régler les différends et
non de scène où les exposer. Je demeure persuadé
que la Charte de notre Organisation offre, en l’état,
une bonne base pour l’accord dont nous avons besoin.
124. Les menaces imminentes sont pleinement couvertes
par l’Article 51 de la Charte, qui garantit le droit naturel
de légitime défense de tout État souverain,
dans le cas où il est l’objet d’une agression
armée. Les juristes ont depuis longtemps établi
que cette disposition couvre les attaques imminentes, ainsi
que celles qui ont déjà eu lieu.
125. Lorsque les menaces ne sont pas imminentes
mais latentes, la Charte donne au Conseil de sécurité
pleine autorité pour employer la force armée,
y compris de manière préventive, afin de préserver
la paix et la sécurité internationales. Quant
au génocide, à la purification ethnique et aux
autres crimes contre l’humanité comparables, ne
constituent-ils pas également des menaces à la
paix et à la sécurité internationales contre
lesquelles l’humanité devrait pouvoir demander
la protection du Conseil de sécurité?
126. Il ne s’agit pas de remplacer le Conseil
de sécurité dans son autorité, mais d’améliorer
son fonctionnement. Ainsi, lorsqu’ils envisagent d’autoriser
ou d’approuver le recours à la force armée,
les membres du Conseil devraient déterminer ensemble
la manière de mesurer la gravité de la menace;
la légitimité du motif de l’intervention
militaire proposée; s’il est plausible qu’une
solution autre que le recours à la force pourrait faire
cesser la menace; si l’intervention militaire envisagée
est proportionnelle à la menace considérée;
et s’il existe des chances raisonnables que cette intervention
réussisse. En examinant de la sorte tout projet d’intervention
militaire, le Conseil donnerait plus de transparence à
ses débats et ses décisions seraient plus susceptibles
d’être respectées, aussi bien par les gouvernements
que par l’opinion publique mondiale. Je recommande
donc au Conseil de sécurité d’adopter une
résolution établissant ces principes et faisant
part de son intention de s’en inspirer lorsqu’il
décidera d’autoriser ou de demander le recours
à la force.