IV. Vivre dans la
dignité
127. ans la Déclaration du Millénaire,
les États Membres ont déclaré qu’ils
n’épargneraient aucun effort pour promouvoir la
démocratie et renforcer l’état de droit,
ainsi que le respect de tous les droits de l’homme et
libertés fondamentales reconnus sur le plan international.
Ce faisant, ils ont reconnu que, si la liberté de vivre
à l’abri du besoin et de la peur était essentielle,
elle n’était pas suffisante : tout être
humain a le droit d’être traité avec dignité
et respect.
128. La protection et la promotion des valeurs
universelles que sont la primauté du droit, les droits
de l’homme et la démocratie constituent une fin
en soi. Elles sont indispensables pour instaurer un monde de
justice et de stabilité, porteur de promesses. Aucun
programme de sécurité ni aucun effort de développement
ne peut aboutir s’il n’est pas solidement ancré
dans le respect de la dignité humaine.
129. S’agissant de la législation
existante, aucune génération n’a reçu
plus grand patrimoine que la nôtre. Nous avons la chance
d’avoir à notre disposition une charte internationale
des droits de l’homme, réunissant notamment des
normes remarquables visant à protéger les plus
faibles d’entre nous, y compris les victimes de conflits
ou de persécutions. Nous bénéficions également
d’un ensemble de règles internationales couvrant
tous les domaines, du commerce au droit de la mer, du terrorisme
à l’environnement, des armes légères
aux armes de destruction massive. Nous avons pris conscience,
au prix d’une expérience douloureuse, de la nécessité
d’intégrer dans les accords de paix des dispositions
relatives aux droits de l’homme et à la primauté
du droit et de veiller à leur application. Une expérience
encore plus douloureuse nous a fait comprendre qu’on ne
devait, en aucun cas, permettre à un État d’invoquer
un principe légal – pas même celui de la
souveraineté – pour faire écran à
un génocide, à des crimes contre l’humanité
ou à des souffrances humaines généralisées.
130. Pourtant, si elles ne sont pas mises en œuvre,
nos déclarations sonnent creux. Et nos promesses, si
elles ne sont pas suivies d’effet, sont vides de sens.
Les villageois apeurés qui courent aux abris au bruit
des attaques aériennes menées sur ordre de leur
gouvernement ou lorsque apparaissent au loin des milices meurtrières
ne trouvent aucun réconfort dans le texte resté
lettre morte des Conventions de Genève, sans parler des
promesses solennelles de la communauté internationale,
jurant « plus jamais ça » à
propos des horreurs commises au Rwanda il y a 10 ans de cela.
Les traités interdisant la torture sont une piètre
consolation pour les prisonniers victimes de leurs geôliers,
en particulier si les dispositifs internationaux relatifs aux
droits de l’homme permettent aux responsables de se cacher
derrière leurs amis haut placés. Une population
lasse de la guerre, et portée par de nouveaux espoirs
au lendemain de la signature d’un accord de paix retombe
rapidement dans le désespoir quand, au lieu de constater
des progrès concrets sur la voie de l’instauration
d’un gouvernement respectant le droit, elle voit des chefs
de guerre et des chefs de bande prendre le pouvoir et établir
leurs propres lois. Quant aux engagements solennels en faveur
du renforcement de la démocratie sur le plan national,
pris par l’ensemble des États Membres dans la Déclaration
du Millénaire, ils demeurent vides de sens pour ceux
qui n’ont jamais pu élire leurs dirigeants et qui
ne voient aucun signe de changement.
131. Afin de promouvoir la liberté au sens
large, l’ONU et ses États Membres doivent renforcer
le cadre normatif mis en place et développé de
manière spectaculaire au cours des 60 dernières
années. Il est plus important encore de prendre des mesures
concrètes pour limiter l’application sélective,
la mise en œuvre arbitraire et l’impunité.
De telles mesures donneraient un nouvel élan aux engagements
énoncés dans la Déclaration du Millénaire.
132. Je suis donc convaincu qu’il faudrait
prendre des décisions en 2005 pour contribuer à
renforcer la primauté du droit sur les plans national
et international, rehausser la stature et améliorer la
structure des mécanismes de l’ONU relatifs aux
droits de l’homme et appuyer plus directement les efforts
déployés pour instaurer et renforcer la démocratie
partout dans le monde. Nous devons également avancer
sur la voie de l’adoption et de l’application du
principe de la « responsabilité de protéger »
les victimes, potentielles ou réelles, d’atrocités
massives. Le moment est venu pour les gouvernements de rendre
des comptes, à leurs citoyens et aux autres gouvernements,
de leur action en faveur du respect de la dignité des
personnes, auxquels ils manifestent trop souvent un attachement
platonique. Nous devons passer de l’ère de l’élaboration
de la législation à celle de sa mise en œuvre.
Nos principes déclarés et nos intérêts
communs n’en exigent pas moins.
A. Primauté
du droit
133. Je suis fermement convaincu que toute nation
proclamant la primauté du droit sur son territoire doit
la respecter à l’étranger, et que toute
nation qui insiste sur la primauté du droit à
l’étranger doit la respecter sur le plan national.
Ainsi, dans la Déclaration du Millénaire, toutes
les nations ont réaffirmé leur attachement à
la primauté du droit, cadre indispensable pour promouvoir
la sécurité et la prospérité de
l’humanité. Néanmoins, dans de nombreux
endroits, des gouvernements et des personnes continuent de violer
l’état de droit, souvent en toute impunité,
mais avec des conséquences mortelles pour ceux qui sont
faibles et vulnérables. Dans d’autres cas, ceux
qui ne prétendent nullement respecter la primauté
du droit, notamment les groupes armés et les terroristes,
profitent de la faiblesse de nos institutions chargées
d’instaurer la paix et de nos mécanismes d’application
pour bafouer ce principe. La primauté du droit en tant
que simple concept ne suffit pas. Il faut adopter de nouvelles
lois, appliquer celles qui existent déjà et donner
à nos institutions les moyens de renforcer l’état
de droit.
134. C’est dans le domaine du droit international
humanitaire que le fossé entre rhétorique et réalité
– c’est-à-dire entre les déclarations
et les actions – est le plus marqué. Lorsque
la communauté internationale est confrontée à
un génocide ou à des violations des droits de
l’homme à grande échelle, il est inacceptable
que les Nations Unies demeurent passives et laissent les événements
aller à leur terme, au prix de conséquences désastreuses
pour des milliers d’innocents. J’appelle l’attention
des États Membres sur cette question depuis de nombreuses
années. À l’occasion du dixième anniversaire
du génocide rwandais, j’ai présenté
un plan d’action en cinq points visant à prévenir
tout génocide. Ce plan met l’accent sur la nécessité
d’agir pour éviter les conflits armés, d’adopter
des mesures concrètes pour protéger les civils,
de prendre des dispositions judiciaires contre l’impunité,
de nommer un conseiller spécial sur la prévention
du génocide dans le cadre de la stratégie d’alerte
précoce, et d’agir rapidement et de manière
décisive lorsqu’un génocide est perpétré
ou est sur le point de l’être. Il reste néanmoins
beaucoup à faire pour prévenir de nouvelles atrocités
et pour garantir que la communauté internationale agisse
sans délai en cas de violations généralisées
des droits de l’homme.
135. La Commission internationale de l’intervention
et de la souveraineté et, plus récemment, le Groupe
de personnalités de haut niveau sur les menaces, les
défis et le changement et ses 16 membres, originaires
du monde entier, ont souscrit à ce qu’ils décrivent
comme une « nouvelle norme prescrivant une obligation
collective internationale de protection » (voir A/59/565,
par. 203). Bien que parfaitement conscient du caractère
sensible de la question, j’approuve résolument
cette démarche. Je suis convaincu que nous devons
assumer la responsabilité de protéger et, lorsque
c’est nécessaire, prendre les mesures qui s’imposent.
Cette responsabilité incombe, avant tout, à chaque
État en particulier, qui a pour principale « raison
d’être » et pour devoir premier de protéger
sa population. Néanmoins, si les autorités nationales
ne peuvent ou ne veulent pas protéger leurs citoyens,
il appartient alors à la communauté internationale
d’utiliser les moyens diplomatiques, humanitaires et autres
pour aider à protéger les droits de l’homme
et le bien-être des populations civiles. Lorsque ces méthodes
s’avèrent insuffisantes, le Conseil de sécurité
peut décider, par nécessité, de prendre
des mesures en application de la Charte des Nations Unies, y
compris, si besoin est, une action coercitive. Dans ce cas,
comme dans les autres, il convient de respecter les principes
énoncés à la section III du présent
rapport.
136. L’action en faveur de la primauté
du droit doit être renforcée grâce à
l’adhésion universelle aux conventions multilatérales.
À l’heure actuelle, de nombreux États demeurent
à l’écart du cadre conventionnel multilatéral,
empêchant parfois ainsi l’entrée en vigueur
de conventions importantes. Il y a cinq ans de cela, j’ai
présenté des modalités spéciales
permettant aux États de signer ou de ratifier les traités
dont je suis le dépositaire. Cette initiative s’est
révélée être un grand succès
et des cérémonies des traités ont eu lieu,
depuis, chaque année. La cérémonie de cette
année portera sur 31 traités multilatéraux
visant à aider la communauté internationale à
relever les défis auxquels elle est confrontée,
une attention particulière étant accordée
aux droits de l’homme, aux réfugiés, au
terrorisme, au crime organisé et au droit de la mer.
J’invite instamment les dirigeants à ratifier
et à appliquer tous les traités ayant trait à
la protection des civils.
137. Il est indispensable de disposer d’institutions
juridiques et judiciaires nationales efficaces pour assurer
le succès de tous nos efforts visant à aider les
sociétés à se relever d’un passé
marqué par la violence. Néanmoins, l’ONU,
les autres organisations internationales et les États
Membres manquent de moyens pour appuyer de telles institutions.
Comme je l’ai souligné dans mon rapport sur le
rétablissement de l’état de droit et l’administration
de la justice pendant la période de transition dans les
sociétés en proie à un conflit ou sortant
d’un conflit (S/2004/616), nos capacités d’évaluation
et de planification sont insuffisantes, aussi bien sur le terrain
qu’au Siège. Il en résulte que l’assistance
est souvent sporadique, lente et mal adaptée à
l’objectif ultime. Afin d’aider l’ONU à
donner la pleine mesure de ses capacités dans ce domaine,
j’ai l’intention de créer une unité
d’assistance en matière de primauté du droit,
reposant largement sur les ressources humaines actuellement
réparties dans l’ensemble du système des
Nations Unies, au sein du bureau d’appui à la consolidation
de la paix, dont la création est également proposée
(voir la section V, ci-après), afin de contribuer aux
initiatives nationales visant à rétablir l’état
de droit dans les sociétés en proie à un
conflit ou sortant d’un conflit.
138. La justice est une composante indispensable
de l’état de droit. Des progrès considérables
ont été faits grâce à la création
de la Cour pénale internationale, aux travaux du Tribunal
pénal international pour l’ex-Yougoslavie et du
Tribunal pénal international pour le Rwanda, et à
la création d’un tribunal mixte en Sierra Leone
– un tribunal mixte devrait bientôt, espérons-le,
être créé au Cambodge. D’autres initiatives
importantes ont été prises, notamment la création
de commissions d’experts et de commissions d’enquête,
telles que celles concernant le Darfour, le Timor-Leste et la
Côte d’Ivoire. Néanmoins, l’impunité
continue d’éclipser les progrès accomplis
dans le domaine du droit international humanitaire, avec pour
conséquences tragiques les violations flagrantes et généralisées
des droits de l’homme, qui perdurent encore. Pour
multiplier les possibilités de recours offertes aux victimes
d’atrocités et pour empêcher de nouvelles
horreurs, j’encourage les États Membres à
coopérer pleinement avec la Cour pénale internationale
et les autres tribunaux internationaux ou mixtes chargés
de juger les crimes de guerre, et, à la demande de ces
tribunaux, à livrer les personnes accusées.
139. La Cour internationale de Justice est au
centre du système international chargé de statuer
sur les différends entre États. Le nombre de jugements
rendus par la Cour a beaucoup augmenté au cours de ces
dernières années et un certain nombre de litiges
ont été réglés, mais les ressources
demeurent insuffisantes. Il faut donc examiner les moyens
de renforcer l’action de la Cour. J’invite
instamment les États qui ne l’ont pas encore fait
à envisager de reconnaître la juridiction obligatoire
de la Cour, si possible de manière générale
ou, à défaut, au moins dans des situations précises.
J’invite instamment aussi toutes les parties à
ne pas perdre de vue l’autorité de la Cour en matière
de conseil et à recourir plus souvent à ses services.
Il faudrait en outre, en coopération avec les États
en litige, prendre des mesures visant à améliorer
les méthodes de travail de la Cour et à réduire
la durée des procédures.
B. Droits de l’homme
140. Les droits de l’homme sont aussi fondamentaux
pour les pauvres que pour les riches, et leur protection est
aussi importante pour la sécurité et la prospérité
des pays développés que pour celles des pays en
développement. Nous aurions tort de considérer
que les droits de l’homme peuvent être sacrifiés
à d’autres objectifs, tels que la sécurité
ou le développement. Nous ne ferions que perdre du terrain
dans la lutte contre l’extrême pauvreté ou
le terrorisme et leur cortège d’horreurs si dans
cet effort nous bafouions nous-mêmes les droits de l’homme
dont ces fléaux privent nos citoyens. Il est crucial
d’adopter des stratégies fondées sur la
protection des droits de l’homme, aussi bien pour préserver
nos valeurs morales que pour assurer concrètement l’efficacité
de notre action.
141. Depuis sa création, l’ONU s’est
engagée à ne ménager aucun effort pour
instaurer un monde de paix et de justice fondé sur le
respect universel des droits de l’homme – mission
réaffirmée il y a cinq ans de cela dans la Déclaration
du Millénaire. Mais le système de protection des
droits de l’homme au niveau international est aujourd’hui
mis à rude épreuve. Des changements sont nécessaires
si l’ONU veut tenir les engagements de haut niveau et
à long terme en faveur des droits de l’homme, dans
tous ses domaines d’activité.
142. Des changements importants sont déjà
en cours. Depuis la Déclaration du Millénaire,
les entités des Nations Unies chargées des droits
de l’homme ont étendu leurs activités de
protection, d’assistance technique et d’appui en
faveur des institutions nationales de défense des droits
de l’homme, de sorte que les normes internationales relatives
aux droits de l’homme sont désormais mieux respectées
dans de nombreux pays. L’année dernière,
j’ai lancé l’initiative « Action
2 », programme mondial conçu pour donner aux
équipes de pays interinstitutions les moyens de renforcer,
en collaboration avec les États Membres qui le demandent,
les systèmes nationaux de promotion et de protection
des droits de l’homme. Il faut, sans délai,
allouer à ce programme des ressources financières
et humaines supplémentaires, et notamment des moyens
accrus pour former les équipes de pays du Haut Commissariat
des Nations Unies aux droits de l’homme.
143. L’assistance technique et le renforcement
à long terme des institutions sont toutefois peu utiles,
voire inutiles, lorsque le principe élémentaire
de protection est systématiquement violé. Dans
les situations de crise, une présence renforcée,
sur le terrain, des entités qui s’occupent des
droits de l’homme permettrait aux organes des Nations
Unies d’obtenir en temps utile des renseignements précieux
et, le cas échéant, d’appeler immédiatement
l’attention sur les situations qui exigent une intervention.
144. Le fait que le Conseil de sécurité
invite de plus en plus souvent le Haut Commissaire à
le tenir informé de l’évolution de certaines
situations montre que l’on a désormais davantage
conscience de la nécessité de tenir compte des
droits de l’homme dans les résolutions relatives
à la paix et à la sécurité. Le
Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
doit jouer un rôle plus actif dans les délibérations
du Conseil de sécurité et de la commission pour
la consolidation de la paix qu’il est proposé de
créer, une attention particulière devant être
accordée à l’application des dispositions
pertinentes des résolutions du Conseil. En effet,
les droits de l’homme doivent avoir leur place dans la
prise de décisions et les débats, cela à
l’échelle du système. Si, depuis quelques
années, on accorde plus d’attention à la
notion d’« intégration »
des droits de l’homme, les principales politiques et les
décisions relatives aux ressources n’en tiennent
pas encore suffisamment compte.
145. Les observations ci-dessus mettent toutes
en évidence la nécessité de renforcer le
Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
Alors que le rôle du Haut Commissaire s’est étoffé
dans de nombreux domaines (réaction face aux crises,
renforcement des capacités nationales en matière
de droits de l’homme, promotion des objectifs du Millénaire
pour le développement et prévention des conflits),
le Haut Commissariat manque encore cruellement de moyens pour
faire face aux difficultés diverses et variées
auxquelles se heurte la communauté internationale dans
le domaine des droits de l’homme. Les engagements
pris officiellement par les États Membres en faveur des
droits de l’homme doivent se traduire par l’octroi
des ressources nécessaires pour renforcer la capacité
du Haut Commissariat d’exécuter son mandat, dont
l’importance est capitale. J’ai demandé au
Haut Commissaire de présenter un plan d’action
sous 60 jours.
146. Le Haut Commissaire et le Haut Commissariat
doivent participer à l’ensemble des activités
de l’ONU. Un tel effort ne peut cependant aboutir que
si les fondations intergouvernementales de notre système
de défense des droits de l’homme sont solides.
C’est pourquoi je présenterai, dans la section
V ci-après, une proposition visant à transformer
l’organe qui devrait être la pierre angulaire de
ce système, à savoir la Commission des droits
de l’homme.
147. Les organismes créés en vertu
d’instruments relatifs aux droits de l’homme doivent
eux aussi être plus efficaces et mieux à même
de réagir aux violations des droits de l’homme
qu’ils sont chargés de défendre. Le système
des instruments relatifs aux droits de l’homme demeure
peu connu, sa crédibilité souffre du fait que
de nombreux États ne présentent pas leurs rapports
dans les délais impartis, lorsqu’ils le font, ainsi
que des chevauchements constatés dans les obligations
relatives à l’établissement de rapports;
et il se trouve affaibli encore par une application de ses recommandations
qui laisse à désirer. Il conviendrait
d’élaborer et d’appliquer des directives
harmonisées sur l’établissement des rapports
à l’intention de l’ensemble des organes créés
en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme,
afin que ces organes puissent fonctionner comme un système
unifié.
C. Démocratie
148. La Déclaration universelle des droits
de l’homme, adoptée par l’Assemblée
générale en 1948, énonçait les principes
essentiels de la démocratie. Depuis son adoption, elle
a inspiré l’élaboration de constitutions
à chaque coin du monde, et a grandement contribué
à faire enfin accepter la démocratie, partout
dans le monde, en tant que valeur universelle. Le droit de choisir
la manière dont ils sont dirigés, et par qui ils
le sont, doit être un droit intangible de tous les peuples,
et sa réalisation universelle doit être un objectif
central pour une Organisation qui se voue à la cause
d’une liberté plus grande.
149. Dans la Déclaration du Millénaire,
chaque État Membre s’est engagé à
renforcer sa capacité d’appliquer les principes
et les pratiques de la démocratie. La même année,
l’Assemblée générale a adopté
une résolution sur la promotion et la consolidation de
la démocratie. Plus d’une centaine de pays ont
maintenant signé la Déclaration de Varsovie sur
la communauté de démocraties (voir A/55/328, annexe
I) et, en 2002, cette communauté a fait sienne le Plan
d’action de Séoul (voir A/57/618, annexe I), qui
énumérait les éléments essentiels
de la démocratie représentative et avançait
diverses mesures destinées à promouvoir celle-ci.
Les organisations régionales de nombreux pays ont fait
de la promotion de la démocratie une composante essentielle
de leur action, et il est encourageant aussi de voir se former
une communauté forte réunissant des organisations
internationales et régionales de la société
civile œuvrant en faveur de la gouvernance démocratique.
Tout cela renforce le principe selon lequel la démocratie
n’appartient à aucun pays ou région, mais
est un droit universel.
150. Les engagements pris doivent toutefois être
suivis de résultats, et la protection de la démocratie
exige que l’on soit vigilant. Les menaces qui pèsent
sur la démocratie n’ont certainement pas cessé
d’exister. Le passage à la démocratie, nous
l’avons vu à maintes et maintes reprises, est délicat
et difficile et peut s’accompagner de graves revers. L’Organisation
des Nations Unies aide les États Membres en offrant aux
démocraties naissantes une assistance et des conseils
d’ordre juridique, technique et financier. Ainsi, elle
a fourni un appui concret aux élections à des
pays de plus en plus nombreux, souvent à des moments
décisifs de leur histoire – plus de 20 pays au
cours de la seule année passée, notamment l’Afghanistan,
la Palestine, l’Iraq et le Burundi. De la même manière,
les activités que mène l’Organisation pour
améliorer la gouvernance dans l’ensemble du monde
en développement, et pour restaurer l’état
de droit et les institutions publiques dans les pays déchirés
par la guerre, sont vitales si l’on veut que la démocratie
prenne racine et perdure.
151. L’Organisation des Nations Unies fait
plus que toute autre organisation pour promouvoir et renforcer
les institutions et les pratiques démocratiques partout
dans le monde, mais c’est là un fait peu connu.
L’impact de nos activités est amoindri par la manière
dont nous les dispersons entre différents secteurs de
notre bureaucratie. Il est temps de procéder à
une unification. Mais il existe des lacunes considérables
quant à nos moyens, dans plusieurs domaines critiques.
L’Organisation dans son ensemble doit être mieux
coordonnée et devrait mobiliser les ressources de manière
plus rationnelle. L’ONU ne devrait pas limiter son rôle
à l’établissement de normes, mais élargir
l’aide qu’elle offre à ses membres afin de
propager et de renforcer encore les tendances démocratiques
partout dans le monde. À cette fin, j’appuie
la création à l’ONU d’un fonds pour
la démocratie destiné à fournir une assistance
aux pays qui cherchent à instaurer la démocratie
ou à la renforcer. J’entends en outre faire en
sorte que nos activités dans ce domaine soient plus étroitement
coordonnées, grâce à des liens plus visibles
entre l’action en faveur de la gouvernance démocratique
menée par le Programme des Nations Unies pour le développement
et la Division de l’assistance électorale du Département
des affaires politiques.
152. Dans les sections II à IV, j’ai
mis en avant les défis interdépendants liés
à la promotion de la cause d’une liberté
plus grande en ce nouveau siècle. J’ai également
précisé quels sont les éléments
que je considère comme essentiels à notre réponse
collective, notamment de nombreux domaines dans lesquels j’estime
que l’ONU devrait disposer de moyens plus efficaces pour
apporter la contribution voulue. Dans la section V ci-après,
je m’intéresserai de manière relativement
détaillée aux réformes particulières
que je juge nécessaires, si nous voulons que notre Organisation
joue le rôle qui lui revient dans la conception et la
mise en œuvre d’une telle réponse collective
à l’ensemble des questions de portée mondiale.