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Message de M. Matsuura, Directeur général de l'UNESCO

L’Organisation est parfaitement consciente de l’importance cruciale des langues au vu d’un grand nombre de défis auxquels l’humanité devra faire face dans les prochaines décennies.

Les langues sont en effet essentielles pour l’identité des groupes et des individus, et pour leur coexistence pacifique. Elles constituent un facteur stratégique pour la progression vers un développement durable, et pour une articulation harmonieuse entre le global et le local.

Elles revêtent une importance capitale pour atteindre les six objectifs de l’éducation pour tous (EPT) ainsi que les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) sur lesquels les Nations Unies se sont accordées en 2000.

En tant que facteurs d’intégration sociale, les langues occupent en effet une place stratégique dans l’élimination de la pauvreté extrême et de la faim (OMD 1) ; comme supports d’alphabétisation, d’acquisition des connaissances et des compétences, elles sont essentielles pour réaliser l’enseignement primaire universel (OMD 2) ; le combat contre le VIH et le sida, le paludisme et d’autres maladies (OMD 6), pour toucher les populations concernées, doit se mener dans leurs langues ; la sauvegarde des savoirs et savoir-faire locaux et autochtones en vue d’assurer une gestion durable de l’environnement (OMD 7) est intrinsèquement liée aux langues locales et autochtones.

Par ailleurs, la diversité culturelle est étroitement liée à la diversité linguistique, comme le rappellent la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle et son Plan d’action (2001), la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003) et la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (2005).

Or dans quelques générations, plus de 50 % des 7 000 langues parlées dans le monde risquent d’avoir disparu. Moins d’un quart d’entre elles sont aujourd’hui utilisées à l’école et dans le cyberespace, et pour la plupart seulement sporadiquement. Des milliers de langues – bien que parfaitement maîtrisées par les populations dont elles sont le moyen quotidien d’expression – sont absentes des systèmes éducatifs, des médias, de l’édition et du domaine public en général.

Aussi est-il urgent d’agir. Comment ? En encourageant et en développant des politiques linguistiques permettant à chaque communauté linguistique d’utiliser sa langue première, ou langue maternelle, aussi largement et souvent que possible, y compris dans l’éducation, tout en maîtrisant une langue nationale ou régionale et une langue internationale. En encourageant également les locuteurs d’une langue dominante à maîtriser une autre langue nationale ou régionale et une ou deux langues internationales. Seul un multilinguisme assumé peut permettre à toutes les langues de trouver leur place dans notre monde globalisé.

L’UNESCO invite donc les gouvernements, les organismes des Nations Unies, les organisations de la société civile, les institutions éducatives, les associations professionnelles et toutes les autres parties prenantes à multiplier leurs activités propres en faveur du respect, de la promotion et de la protection de toutes les langues, particulièrement les langues en danger, dans toutes les situations de la vie individuelle et collective.

Que ce soit par des initiatives dans le domaine de l’éducation, du cyberspace, de l’environnement lettré ; que ce soit par des projets portant sur la sauvegarde des langues en danger ou sur la promotion des langues comme outil d’intégration sociale ; que ce soit pour explorer le lien entre langues et économie, entre langues et savoirs autochtones ou entre langues et création, il est important de promouvoir partout l’idée que « les langues, ça compte !».

La date du 21 février 2008, neuvième édition de la Journée internationale de la langue maternelle, revêtira dans ce contexte une importance toute particulière, et constituera une échéance particulièrement propice au lancement d’initiatives pour la promotion des langues.

Notre objectif commun est de faire reconnaître, au niveau national, régional et international, l’importance de la diversité linguistique et du multilinguisme dans les systèmes éducatifs, administratifs et juridiques, dans les expressions culturelles ainsi que dans les médias, le cyberespace et les échanges commerciaux.

L’Année internationale des langues 2008 constituera une occasion unique pour avancer de manière décisive dans la réalisation de ces objectifs.