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ROMPRE LE SILENCE TAMBOUR BATTANT
Journée internationale de commémoration des victimes de l'esclavage et de la traite transatlantique des esclaves, 25 mars 2009

Contexte

Imaginez qu'on vous arrache à votre famille en pleurs… qu'à marches forcées, on vous emmène à des centaines de kilomètres jusqu'à ce que vous arriviez sur les rivages de la côte ouest-africaine de l'océan Atlantique. On vous dépouille de votre nom, de votre identité, de tous les droits inhérents à tout être humain. Le navire européen sur lequel on vous force à embarquer va traverser l'Atlantique en direction des plantations des Caraïbes et de l'Amérique du Sud; c'est la tristement célèbre « traversée du milieu » : une foule hétéroclite d'hommes et de femmes noirs enchaînés les uns aux autres, ayant à peine la place de bouger pendant une traversée de plusieurs mois. Souffrant du mal de mer, ils vivent dans la saleté, à proximité de bacs remplis de vomi où souvent des enfants tombent et se noient. Les cris des femmes et les râles des mourants rendent toute cette scène d'horreur presque inconcevable. La mort et la maladie sont partout. Une personne sur six périra pendant cette traversée et ou ne survivra pas au travail brutal et éreintant qui l'attend…

La traite transatlantique des esclaves a duré plus de quatre siècles.

Le « commerce triangulaire »

Des navires transportant des marchandises telles que des armes, de l'alcool et des chevaux quittaient les ports européens pour l'Afrique de l'Ouest, où ils échangeaient ces produits contre des Africains réduits en esclavage. Ces esclaves avaient soit été capturés au cours de guerres, soit étaient victimes d'entreprises locales fructueuses de capture et de vente d'esclaves.

Des bateaux lourdement chargés d'esclaves africains se lançaient alors dans la « traversée du milieu » en direction des colonies américaines et européennes des Caraïbes et de l'Amérique du Sud. Pour transporter le maximum d'esclaves, les navires supprimaient souvent leur entrepont. On estime à un sur six le nombre d'esclaves qui mouraient pendant la traversée en raison de l'insalubrité et du manque d'espace. Sur les navires frappés par des maladies ou en proie à une rébellion, le nombre de morts pouvait dépasser un esclave sur deux.

Une fois que les esclaves qui avaient survécu étaient vendus, les navires rentraient en Europe chargés de denrées produites par le travail des esclaves : sucre, tabac, coton, rhum et café.

Justification du système esclavagiste

La traite transatlantique des esclaves s'inscrivait dans un système économique vaste et complet. Les principaux pays commerçants — Espagne, Portugal, Pays-Bas, Angleterre et France — réalisaient des profits à chaque étape du commerce triangulaire et un grand nombre de villes d'Europe ont prospéré grâce aux profits issus des industries agricoles érigées et fructifiées littéralement sur le « dos » des esclaves africains.

La pratique de l'esclavage était souvent justifiée par des raisons philanthropiques ou religieuses. Cette pratique était même codifiée par des lois comme le fameux « Code Noir » de 1685. Ce code français énonçait les droits et les devoirs des maîtres et des esclaves dans les colonies des Amériques et stipulait : « Nous déclarons les esclaves être meubles ». Il mettait en place un système disciplinaire rigoureux qui imposait de fouetter les esclaves et de les marquer aux fers pour des délits mineurs. Mais en même temps, il prétendait « protéger » les esclaves contre les abus de leurs maîtres et prévoyait des jours fériés pour les fêtes religieuses, imposait la religion catholique, tolérait les mariages mixtes et préconisait la préservation des familles.

Abolition de la traite transatlantique des esclaves

Vers la fin du XVIIIe siècle, l'opposition morale et politique à la traite des esclaves grandissait en Grande-Bretagne et aux États-Unis, ainsi que dans d'autres parties d'Europe. Des groupes tels que les Quakers en Amérique du Nord et la Société pour l'abolition de l'esclavage en Grande-Bretagne jouèrent un rôle décisif pour sensibiliser l'opinion publique à la traite des esclaves par le biais de pétitions publiques, de campagnes de boycott et par la diffusion de documents décrivant et parfois illustrant les conditions de vie des esclaves à bord des navires négriers et sur les plantations.

Et il y eut également des révoltes d'esclaves, notamment en Haïti pendant la Révolution de 1791 à 1804. A lui seul, cet événement a marqué un tournant très important dans la traite des esclaves, car les puissances coloniales commencèrent à prendre conscience des risques politiques et militaires posés par ces soulèvements. Ce facteur, conjugué aux voix de plus en plus fortes du mouvement abolitionniste et à de nouvelles conditions économiques qui avaient diminué l'importance économique de certaines colonies européennes, signala le début de la fin de la traite transatlantique.

Il y a 200 ans, au début du mois de mars 1807, le Président des États-Unis, Thomas Jefferson, signait une loi abolissant la traite. Ce même mois, le Parlement britannique, sous l'impulsion des abolitionnistes William Wilberforce, le révérend James Ramsay et John Wesley, interdisait la traite des esclaves dans tout l'Empire britannique. L'Histoire avait pris un nouveau tournant.

Dans les années qui suivirent, d'autres pays d'Europe mirent en place des lois interdisant l'esclavage, mais ce n'est que 80 années plus tard que la traite transatlantique des esclaves a enfin cessé, après que Cuba et le Brésil l'ont abolie en 1886 et 1888 respectivement.

Legs

Le legs de la traite transatlantique des esclaves fait l'objet de nombreux débats. Il est certain que la traite a entraîné la destruction d'une partie importante de la langue, de la culture et de la religion de millions d'Africains réduits en esclavage. Le « départ » d'un si grand nombre d'habitants de l'Afrique a perturbé l'économie du continent et, d'après certains chercheurs, cela aurait désavantagé l'Afrique de manière permanente par rapport à d'autres régions du monde. D'aucuns font également valoir que l'esclavage a redéfini l'Afrique aux yeux du monde, laissant derrière lui un racisme persistant et l'image stéréotypé de l'infériorité des Africains.

Rompre le silence pour ne pas oublier

Le 17 décembre 2007, l'Assemblée générale des Nations Unies a proclamé qu'à partir de 2008, le 25 mars serait chaque année la Journée internationale de célébration du bicentenaire de l'abolition de la traite transatlantique des esclaves. On ne sait pas grand-chose des 400 années qu'a duré la traite transatlantique des esclaves et de ses conséquences à long terme dans le monde, ni des contributions des esclaves à l'édification des sociétés qui les ont réduits en esclavage. Ce manque de connaissance a eu pour effet de marginaliser les peuples d'origine africaine en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud.

L'objectif de cette Journée est d'honorer la mémoire de ceux qui ont perdu la vie à cause de l'esclavage et de ceux qui ont subi les horreurs de la traversée du milieu et ont lutté pour obtenir leur liberté. C'est également une journée consacrée à l'examen des causes, des conséquences, et des enseignements de la traite transatlantique des esclaves en vue de sensibiliser le public aux dangers du racisme et des préjugés.

Sources :