Alors que de nombreux conflits prolongés ne sont pas terminés – notamment en Ukraine, trois ans jour pour jour après l’invasion russe à grande échelle – le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a tancé lundi les « bellicistes » du monde entier pour avoir bafoué les droits les plus fondamentaux des peuples.

Lors de l’ouverture de la 58e session du Conseil des droits de l’homme à Genève, le Secrétaire général a fustigé « les bellicistes qui font fi du droit international, du droit international humanitaire et de la Charte des Nations Unies ».

À ce jour, l’Ukraine déplore plus de 12 600 civils tués, de nombreux autres blessés et des communautés entières réduites en ruines, a déclaré M. Guterres à l’organe suprême des droits de l’homme de l’ONU. « Nous ne devons ménager aucun effort pour mettre fin à ce conflit et parvenir à une paix juste et durable conformément à la Charte des Nations Unies, au droit international et aux résolutions de l’Assemblée générale », a-t-il insisté.

« Un à un, les droits de l’homme sont étouffés », a poursuivi M. Guterres, citant en exemple les « autocrates qui écrasent l’opposition parce qu’ils craignent ce que ferait un peuple véritablement puissant », dans un contexte de « guerres et de violences qui privent les populations de leur droit à l’alimentation, à l’eau et à l’éducation ».

Abordant la question du cessez-le-feu « précaire » à Gaza, le chef de l’ONU a insisté sur le fait qu’une reprise des hostilités doit être évitée à tout prix pour le bien de la population de l’enclave qui subit depuis 15 mois des bombardements israéliens constants. M. Guterres a également exprimé sa profonde inquiétude face à la montée de la violence en Cisjordanie occupée par les colons israéliens – « et d’autres violations, ainsi que des appels à l’annexion ».

« Il est temps d’instaurer un cessez-le-feu permanent, de libérer dignement tous les otages restants, de progresser de manière irréversible vers une solution à deux États, de mettre fin à l’occupation et d’établir un État palestinien indépendant, dont Gaza fera partie intégrante. »

Faire taire les armes

Dans un discours de grande portée prononcé devant le principal forum mondial des droits de l’homme, le Secrétaire général de l’ONU a également appelé à la diplomatie et au dialogue pour aider à résoudre les violations horribles et continues des droits de l’homme, du Sahel au Myanmar, en passant par Haïti et l’est de la République démocratique du Congo.

« Nous assistons à un tourbillon de violences meurtrières et à d’horribles violations des droits de l’homme, amplifié par la récente offensive du M23, soutenue par les Forces de défense rwandaises. Alors que de plus en plus de villes tombent, le risque d’une guerre régionale augmente », a déclaré M. Guterres. « Il est temps de faire taire les armes ; il est temps de recourir à la diplomatie et au dialogue. »

Et dans un contexte d’intolérance croissante envers de nombreuses personnes parmi les plus vulnérables et marginalisées de la société – des peuples autochtones aux migrants, aux réfugiés, à la communauté LGBTQI+ et aux personnes handicapées – le Secrétaire général de l’ONU a également critiqué les voix de « division et de colère » pour lesquelles les droits de l’homme sont une menace dans leur quête de « pouvoir, de profit et de contrôle ».

Le multilatéralisme sous tension

Faisant écho aux inquiétudes du chef de l’ONU selon lesquelles les droits de l’homme sont « durement frappés » aujourd’hui, mettant en péril 80 ans de coopération multilatérale incarnée par les organisations, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a averti que le système international « traverse un changement tectonique, et l’édifice des droits de l’homme que nous avons si péniblement construit au fil des décennies n’a jamais été soumis à une telle pression ».

Au-delà de l’Ukraine, où les attaques russes ont créé une « destruction gratuite », M. Türk a déclaré aux États membres du Conseil que les souffrances endurées par les Gazaouis et les Israéliens depuis les attaques menées par le Hamas qui ont déclenché la guerre en octobre 2023 étaient « insupportables ».

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a également réitéré son appel à une enquête indépendante sur les graves violations du droit international « commises par Israël au cours de ses attaques à travers Gaza, ainsi que par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens ».

M. Türk a également condamné comme « totalement inacceptable » toute suggestion selon laquelle des personnes pourraient être expulsées de leurs terres – dans le contexte des propositions lancées par les États-Unis selon lesquelles les Gazaouis devraient être réinstallés en dehors de la bande de Gaza dévastée.

Le Conseil des droits de l'homme à Genève se réunit en trois sessions programmées tout au long de l'année. Le mois de mars est traditionnellement celui de la session « de haut niveau » au cours de laquelle les plus hauts représentants nationaux se côtoient au Palais des Nations à Genève.

Les « hommes forts et les oligarques » en plein essor

Dans un appel à l’action face à la montée des tensions sociales liées à l’aggravation des inégalités, à la désinformation et aux discours de haine qui se propagent en ligne, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme a souligné que ces problèmes se produisaient alors que les 1 % les plus riches de la planète contrôlent plus de richesses que la majorité de l’humanité réunie.

« Le consensus mondial sur les droits de l’homme s’effondre sous le poids des régimes autoritaires, des hommes forts et des oligarques », a insisté M. Türk. « Selon certaines estimations, les autocrates contrôlent aujourd’hui environ un tiers de l’économie mondiale, soit plus du double de la proportion d’il y a trente ans », a-t-il poursuivi.

Le Secrétaire général de l’ONU avait déjà émis un avertissement similaire concernant les interactions toxiques sur les réseaux sociaux, qui portent déjà atteinte aux droits de l’homme. « La violence verbale en ligne peut facilement se transformer en violence physique dans la vie réelle », a-t-il déclaré au Conseil, tout en mettant en garde contre les « reculs » en matière de vérification des faits et de modération des contenus en ligne, qui favoriseront probablement « davantage de haine, davantage de menaces et davantage de violence ».

Et d’ajouter : « Ne vous y trompez pas. Ces reculs vont conduire à une diminution de la liberté d’expression, et non à une augmentation, car les gens ont de plus en plus peur de s’engager sur ces plateformes. »

Près de six semaines de débats sont prévues pour discuter des situations d’urgence dans une quarantaine de pays – de la Biélorussie à la RD Congo, en passant par la RPDC/Corée du Nord, Haïti, le Soudan, l’Ukraine et bien d’autres – ainsi que de questions thématiques et de quelque 80 rapports d’experts indépendants des droits de l’homme et du bureau des droits de l’homme des Nations Unies, le HCDH – sur les droits des personnes handicapées, le génocide, les enfants dans les conflits armés et la torture, entre autres – jusqu’à la fin de la 58e session le vendredi 4 avril.

Le Conseil des droits de l’homme est le principal organe mondial de discussion et d’action en matière de droits de l’homme. Il a été fondé en 2006 et compte 47 États membres, bien que les 193 pays membres de l’ONU puissent y siéger en tant qu’observateurs.