Dans cet entretien, Hiba Hanano, Cheffe du Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) à Alep, partage son expérience à la suite des récents événements insurrectionnels en Syrie et comment son équipe gère le travail humanitaire malgré la peur et l’incertitude.
Ces dernières semaines ont été assez dramatiques en Syrie. Pouvez-vous nous dire comment l'équipe d'Alep a fait face à la situation ?
Les dernières semaines ont été difficiles pour nous tous. Les derniers bouleversements à Alep ont commencé le 26 novembre avec des bombardements et des frappes aériennes qui ont retenti dans toute la ville, touchant des zones résidentielles et faisant de nombreuses victimes civiles.
Le 29 novembre, la population locale a commencé à fuir Alep. En raison de la tournure soudaine des événements, j’ai convoqué une réunion d’urgence du personnel pour discuter avec mes collègues et entendre leurs inquiétudes.
Et, en équipe, nous avons décidé que tous les membres du personnel se regrouperaient au bureau avec nos familles respectives.
Nous savions que nous allions affronter l'inconnu ensemble. Nous avons quitté nos maisons en toute hâte, n'emportant avec nous que nos documents de base.
Nous dormions tous par terre dans nos bureaux. Nos enfants jouaient ensemble à côté de nous et nous nous sentions comme une grande famille. Cela nous a aidés à rester forts.
Ces premiers jours se sont écoulés très lentement. Ils ont été terrifiants. L'inquiétude est née du traumatisme passé, du conflit et des bombardements massifs.
Nous avions un sentiment de déjà-vu pour la période entre 2012 et 2016. Notre peur s’est matérialisée lorsque les frappes aériennes ont commencé à s’abattre sur la ville d’Alep.
En tant que chef d’équipe, quelles sont, selon vous, les compétences essentielles à posséder en cas de crise ?
Je crois avant tout à l’unité. J’ai fait de mon mieux pour rassembler mes collègues, pour qu’ils se soutiennent mutuellement et pour qu’ils s’entraident en cas de besoin.
Mais je crois aussi en notre mandat et en notre capacité à faire la différence pour les personnes qui dépendent de nous. C’est ce qui me pousse à mettre mes peurs de côté et à rester concentrée sur ce qui doit être fait.
En tant qu’humanitaires, nous avons tendance à oublier que nous sommes aussi des êtres humains. Nous avons nos peurs, nous remettons en question nos choix, mais n’hésitons pas à demander de l’aide lorsque nous en avons besoin.
Je n’ai pas le sentiment d’avoir accompli quelque chose d’extraordinaire. Je crois que nous l’avons tous fait, en restant côte à côte comme une seule équipe pendant ces moments difficiles.