8979e séance – après-midi
CS/14808

Conseil de sécurité: la Fédération de Russie oppose son veto à une résolution exigeant le retrait de ses forces militaires du territoire ukrainien

Deux jours après que son Président, M. Vladimir Putin, a annoncé le lancement d’une « opération militaire spéciale » en Ukraine, la Fédération de Russie a, aujourd’hui au Conseil de sécurité, opposé son veto à un projet de résolution exigeant qu’elle retire « immédiatement, complètement et sans condition » toutes ses forces militaires du territoire ukrainien, à l’intérieur des frontières internationalement reconnues. 

Présenté par l’Albanie et les États-Unis, rejoints par de nombreux pays, le texte, qui a recueilli 11 voix pour et les abstentions de la Chine, des Émirats arabes unis et de l’Inde, aurait condamné « dans les termes les plus énergiques » l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, en violation du paragraphe 4 de l’Article 2 de la Charte des Nations Unies.  Ledit paragraphe stipule que « tous les États sont tenus de s’abstenir, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies, et de régler leurs différends internationaux par des moyens pacifiques ». 

Le texte aurait aussi sommé la Fédération de Russie de revenir « immédiatement et sans condition » sur sa décision, du 21 février 2022, concernant le statut de certaines zones des régions ukrainiennes de Donetsk et de Louhansk, laquelle constitue une violation de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine et contrevient aux principes de la Charte des Nations Unies.  Le texte aurait exhorté les parties à respecter les accords de Minsk et à œuvrer de manière constructive dans les cadres internationaux pertinents, notamment le format Normandie et le Groupe de contact trilatéral. 

Cette résolution, ont expliqué les États-Unis, coauteurs du texte, avait pour objet de tenir la Fédération de Russie comptable de ses actes car nous parlons ici d’une guerre que cette dernière a choisi de lancer contre l’Ukraine, sans justification aucune.  Or, le Conseil de sécurité a justement été créé pour empêcher ce type d’agression et ses nobles intentions doivent avoir leur place dans le règlement des problèmes du XXIe siècle pour préserver les générations des horreurs de la guerre que « nos frères et sœurs d’Ukraine » vivent aujourd’hui.  L’histoire nous jugera à l’aune de notre action ou notre inaction.  L’agresseur, c’est la Fédération de Russie, qui sera sa prochaine victime? se sont demandé les États-Unis, en confirmant les sanctions qu’ils viennent d’imposer, y compris au Président Vladimir Putin lui-même et à son Ministre des affaires étrangères, M. Sergey Lavrov. 

Les États-Unis ont aussi annoncé: « nous traiterons de cette question à l’Assemblée générale là où le veto russe n’a pas de poids et où tous les États Membres des Nations Unies peuvent voter ».  Le résultat du vote d’aujourd’hui est clair, a estimé la France.  « La Russie est seule », elle qui a foulé au pied son statut de membre permanent du Conseil de sécurité.  La France a promis de continuer de se mobiliser, avec ses partenaires, pour soutenir l’Ukraine et le peuple ukrainien.  Il n’est pas trop tard pour faire cesser cette folie, a plaidé l’Albanie, autre coauteur de la résolution.  Nous le devons à l’Ukraine, État Membre des Nations Unies, mais aussi au monde entier. 

Nous regrettons que la voie de la diplomatie n’ait pas été suivie, a dit l’Inde pour expliquer son abstention, dans un argument repris par les Émirats arabes unis.  Le Conseil de sécurité, a conseillé la Chine, doit embrasser le principe de précaution et désamorcer la situation plutôt que jeter de l’huile sur le feu.  Les pressions et les sanctions ne peuvent que rendre la situation encore plus chaotique et fermer la porte d’une solution pacifique, au détriment des civils innocents. 

Après cinq cycles d’expansion de l’OTAN, a ajouté la Chine, il est temps de tenir compte des préoccupations sécuritaires de la Fédération de Russie.  L’Ukraine doit être un pont entre l’Ouest et l’Est et non pas un avant-poste des confrontations entre deux grandes puissances.  À son tour, la Chine a prôné la diplomatie et a dit avoir beaucoup d’espoir dans les efforts qui seront déployés par la Fédération de Russie et l’Ukraine pour trouver une sortie de crise.

Critiquant une résolution « anti-ukrainienne » parce qu’elle essaie de sauver un régime qui a conduit le pays à une tragédie qui dure depuis huit ans, la Fédération de Russie a énuméré quelques omissions.  Pourquoi, s’est-il demandé, le texte ne parle-t-il pas de « la junte de Maïdan » et de ses crimes, de la non-mise en œuvre, sous l’œil complice des pays occidentaux, des accords de Minsk, de la discrimination contre les Russophones ou encore de l’afflux d’armes?  Vous avez transformé l’Ukraine en pion de votre géopolitique sans vous soucier du bien-être du peuple ukrainien, a accusé la Fédération de Russie, en rejetant cette « partie d’échec inhumaine et cruelle ».

Je ne répondrai pas à ce « script diabolique », a rétorqué l’Ukraine, en remerciant chaleureusement toutes les délégations qui ont voté pour la résolution et les dizaines de coauteurs qui, a-t-elle promis, auront l’occasion de se prononcer, dans les jours à venir.  Je ne suis pas surpris que la Fédération de Russie ait voté contre car le régime « russiste » du Kremlin veut employer toutes les forces à sa disposition pour briser notre résistance.  Ils vont déferler dans notre pays ce soir et notre sort se décide maintenant, a dit l’Ukraine, en paraphrasant son président.  Applaudi par plusieurs délégations, elle a demandé une minute de silence pour la paix, les âmes de ceux et celles qui ont déjà perdu la vie et qui risquent de la perdre.  « J’invite l’Ambassadeur russe à prier pour son salut. »  Toute vie perdue est importante, a répondu ledit ambassadeur, en parlant des morts du Donbass.  C’est vous qui avez tué les accords de Minsk, a rétorqué l’Ukraine.  « Nous sommes toujours prêts à négocier mais ne parlez pas à notre place.  N’essayez pas de manipuler nos propos. » 

LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)

Déclarations avant le vote

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a fustigé l’acte inimaginable de la Fédération de Russie qui a choisi d’envahir son voisin et infliger des souffrances inimaginables aux peuples ukrainien et russe.  Dans toute l’Ukraine, des civils fuient pour sauver leur vie.  Les écoles et les orphelinats sont attaqués et même des nouveau-nés ont dû être évacués d’urgence des hôpitaux.  Des milliers de personnes quittent l’Ukraine et des milliers de Russes « courageux » manifestent pour s’opposer à la guerre parce qu’ils ne veulent pas sacrifier des vies sur l’autel des ambitions personnelles de Vladimir Putin.  Or le Conseil de sécurité a été créé pour empêcher ce type d’agression et ses nobles intentions doivent toujours avoir leur place dans le règlement des différends du XXIsiècle pour que nos enfants soient préservés des horreurs de la guerre que vivent aujourd’hui « nos frères et nos sœurs d’Ukraine ».

La représentante a expliqué qu’avec l’Albanie et d’autres États, elle a proposé la résolution pour tenir la Fédération de Russie responsable de ses actes.  En coordination avec nos alliés et partenaires, a-t-elle ajouté, nous imposons des sanctions économiques sévères et immédiates, y compris contre Vladimir Putin et Sergey Lavrov.  Un pays est en train d’envahir un autre.  L’agresseur aujourd’hui, qui sera sa prochaine victime? s’est demandé la représentante, en indiquant que Vladimir Putin vient de menacer la Finlande, la Suède et d’autres pays.  « Votez oui si vous croyez à la défense de la Charte des Nations Unies et si vous pensez que la Russie doit être comptable de ses actes », a conclu la représentante. 

Il est encore temps de faire cesser cette folie, a estimé M. FERIT HOXHA (Albanie) qui a prévenu que l’agression russe n’inflige pas seulement la mort en Ukraine, mais elle foule également au pied la Charte des Nations Unies qui se trouve sous les décombres à Kiev, en ce moment.  Il a appelé la Fédération de Russie à retirer ses troupes et à faciliter l’assistance humanitaire, comme le stipule la résolution soumise aujourd’hui au Conseil de sécurité.  C’est le minimum que nous pouvons faire car nous le devons à l’Ukraine, État Membre des Nations Unies, et au monde entier, a-t-il argué.  Nous nous souviendrons longtemps de cette journée et nos enfants se souviendront de qui a défendu l’ordre international fondé sur les règles pour que les gens puissent vivre en paix et dans la liberté.  Le représentant a appelé tous les membres du Conseil de sécurité à soutenir le projet de résolution et à dire non à la domination d’un pays par un autre. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a rappelé le préambule de la Charte des Nations Unies disant « Nous, Peuples des Nations Unies, Résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre » qui scelle « tout ce que nous faisons ici au Conseil depuis 1945 ».  L’objectif premier est de protéger les populations et leur avenir de la violence des conflits qui détruisent les vies.  Des civils partout en Ukraine essayent de s’abriter pour se préserver de l’assaut militaire lancé par la Russie, a dit la représentante, en rappelant que Moscou a commencé par dire que les Occidentaux étaient « hystériques ».  À présent, la Russie bombarde Kiev et nous avons vu des images atroces de chars russes écrasant des civils dans la capitale ukrainienne, s’est indignée Mme Woodward.

L’Ukraine, qui est un pays de 44 millions d’habitants, est en train d’être attaqué sur tous les fronts.  Le projet de résolution mis aux voix aujourd’hui leur adresse un message pour leur dire que le monde est à leurs côtés et aux côtés du peuple ukrainien.  C’est aussi un message au monde entier.  « Les règles qui ont été élaborées collectivement doivent être défendues, sinon qui sera le prochain? » s’est-t-elle demandé.  Ce texte est également un message adressé à la Russie et aux citoyens russes courageux qui manifestent contre cette guerre.  Cette résolution exige qu’il soit mis un terme aux hostilités, a réitéré Mme Woodward, en accusant le Président Putin de vouloir écarter le Gouvernement ukrainien et assujettir son peuple.  Il ne s’agit pas d’un acte d’autodéfense en vertu de l’Article 51, mais d’une agression brutale non provoquée, non justifiée et le Conseil doit la condamner, a exhorté la représentante.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a estimé que le Conseil est aujourd’hui face à ses responsabilités.  Rappelant que les Nations Unies ont été créées au sortir d’une guerre sanglante pour « prévenir et empêcher toute autre belligérance meurtrière », il a soutenu que le monde n’a pas besoin d’une « nouvelle peur ».  Il a souligné que son pays, qui est attaché à la paix et aux principes de la Charte des Nations Unies, milite pour un ordre international plus juste et fondé sur des règles.  À cette aune, il a condamné les agissements d’un des membres du Conseil, ajoutant que la communauté internationale doit se saisir de ce « momentum » pour décider d’interdire toute guerre « injuste et déshumanisante ».  Selon lui, la scène internationale ne doit pas refléter l’image d’une « jungle où les pays sont soit chasseurs, soit chassés ».  Après avoir réitéré son appel au cessez-le-feu et à la désescalade, il a exhorté les belligérants à ne pas entraver l’aide humanitaire et à renouer les fils du dialogue. 

« Nous sommes face à l’invasion d’un pays par un autre », s’est lamenté M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique), en ajoutant qu’il s’agissait d’une violation flagrante de la Charte des Nations Unies.  Il a rappelé que son pays a été envahi à deux reprises par la France et à deux autres par les États-Unis au cours de son histoire, avant de souligner le rejet constant de la force par le Mexique.  « Mon pays est pacifiste et condamne l’usage de la force. »  Il a condamné l’agression russe et réclamé l’arrêt des hostilités, avant d’apporter son appui à la souveraineté de l’Ukraine.  La délégation a indiqué qu’elle soutiendrait le projet de résolution aujourd’hui.

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) s’est dit très préoccupé par l’opération militaire russe et a encouragé le Conseil de sécurité à parvenir à un accord pour mettre fin immédiatement aux hostilités.  Une ligne rouge a été franchie et le Conseil de sécurité ne peut rester silencieux.  Il faut créer les conditions d’un dialogue entre toutes les parties concernées, a souligné le représentant qui a rappelé ses efforts pour faire place au dialogue lors des négociations de la résolution.  Le recours à la force, a-t-il dit, ne peut régler cette crise de façon durable.  La mission du Conseil de sécurité n’est pas terminée, a-t-il martelé.  Si nos efforts n’ont pas réussi à prévenir la guerre, nous devons au moins œuvrer au rétablissement de la paix, a déclaré le représentant, en appelant à la reprise immédiate de la diplomatie.  « Il n’y a pas d’autre option », a-t-il martelé.  Le système de sécurité collectif qui s’appuie sur le droit international, l’égalité souveraine entre États et l’intégrité territoriale, n’est pas « un mot vain ».  C’est au Conseil de sécurité de lui donner un sens aujourd’hui et de faire en sorte que l’ordre international basé sur des règles prévale.

Déclarations après le vote

M. HOXHA (Albanie) a estimé que le monde a perdu une occasion de défendre la paix avant d’assurer que son pays et d’autres continueront de condamner cette agression et de demander la fin de cette guerre insensée.  « La Russie peut continuer à détruire l’Ukraine mais elle ne pourra jamais tuer la liberté et elle restera responsable de ses actions », a insisté le représentant.  Il a prévenu que la Fédération de Russie ne pourra pas ramener le monde en arrière.  Il a conclu en appelant à soutenir l’intégrité de l’Ukraine dans ses frontière internationalement reconnues. 

« Vous pouvez exercer votre droit de veto contre le projet de résolution, mais pas contre nos voix », a réagi Mme THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) en s’adressant à la Fédération de Russie.  Celle-ci ne peut exercer son veto contre la vérité, contre nos principes ou encore contre le peuple ukrainien, a-t-elle ajouté.  Vous ne pouvez non plus exercer votre veto contre la Charte des Nations Unies ni le faire contre l’établissement des responsabilités, a-t-elle dit.  Nous continuerons d’être aux côtés du peuple ukrainien malgré l’abus de pouvoir irresponsable commis par un membre permanent du Conseil, a-t-elle ajouté. 

Ce vote a montré quels pays croient vraiment au soutien des principes fondamentaux de l’ONU et soutiennent la Charte des Nations Unies et quels sont ceux qui ne la soutiennent pas.  « Nous aborderons cette question à l’Assemblée générale, où le veto russe ne s’applique pas et où les nations du monde peuvent, veulent et doivent demander des comptes à la Russie et se montrer solidaires de l’Ukraine », a déclaré la délégation américaine.

« Il est difficile d’imaginer ce que l’on peut ressentir lorsque l’on voit des chars entrer dans sa ville, lorsque l’on voit des bombes tomber dans ses rues, lorsque l’on voit des soldats prendre d’assaut ses parcs et ses jardins », a déploré la représentante.  Mais face à tout cela, les Ukrainiens prennent chaque jour des mesures extraordinaires pour protéger leurs enfants et leur pays, et défendre tout ce qui leur est cher.

M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a appelé la communauté internationale à n’épargner aucun effort pour faire cesser immédiatement la violence et les hostilités.  Il s’est dit très préoccupé par la sécurité de la communauté indienne, et du grand nombre d’étudiants indiens en Ukraine.  L’ordre mondial actuel, a-t-il souligné, est fondé sur la Charte des Nations Unies, sur le droit international et sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États.  Tous les États Membres doivent honorer ces principes et trouver une voie constructive par et le dialogue.  C’est la seule réponse aux différends aussi difficiles soient-ils.  Le représentant a regretté que la voie de la diplomatie n’ait pas été suivie, expliquant que c’est la raison pour laquelle il s’est abstenu sur la résolution. 

Mme WOODWARD (Royaume-Uni) a noté qu’une grande majorité des membres du Conseil ont voté en faveur du projet de résolution.  Si le texte n’a pas été adopté, c’est en raison d’un seul veto utilisé par l’un des membres permanents, « qui est également l’agresseur », a-t-elle déploré.  La Russie prétend avoir envahi l’Ukraine par légitime défense, mais « sa légitime défense est le vote d’aujourd’hui », a cinglé la représentante.  Assurant que la Fédération de Russie est aujourd’hui « isolée » et « n’a pas de soutien pour son invasion », elle a souligné que « l’histoire se souviendra de ce vote et des pays qui se sont prononcés pour la défense de la Charte des Nations Unies et pour la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine ».  Le Royaume-Uni, a-t-elle conclu, est solidaire du peuple ukrainien et tiendra la Russie pour responsable de ses actes. 

Mme MONA JUUL (Norvège) a profondément regretté le veto de « l’agresseur russe ».  La Russie, en tant que partie, aurait dû s’abstenir aujourd’hui, a dit la représentante.  Elle a condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie en violation de la Charte des Nations Unies.  Moscou doit cesser tous les combats, retirer ses troupes de l’Ukraine et respecter la Charte, a insisté la déléguée, en exprimant la solidarité de son pays avec l’Ukraine.  Elle s’est dite vivement préoccupée par les conséquences des combats pour les civils, en qualifiant la situation actuelle de « tragédie ».  La déléguée a demandé un accès humanitaire sans entrave, exhortant le Conseil à agir de façon unie pour faire cesser cette agression.  Elle a enfin condamné le Bélarus pour avoir facilité cette attaque et apporté son appui à la Russie dans sa violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

M. JIM KELLY (Irlande) a déclaré avoir voté en faveur du projet de résolution « en pleine solidarité avec le peuple d’Ukraine », afin de condamner catégoriquement l’attaque « injustifiée et non provoquée » menée par la Fédération de Russie, qui a « tourné le dos à la diplomatie » et fait aujourd’hui « pleuvoir la mort et la destruction » sur l’Ukraine et son peuple.  Il a ensuite vivement regretté l’utilisation du droit de veto par la Fédération de Russie, y voyant un anachronisme.  Le recours au veto pour bloquer l’action du Conseil est toujours inacceptable et son utilisation en défense d’une agression militaire est répréhensible, a martelé le représentant.  Cependant, ce veto n’entravera pas la réponse de la communauté internationale aux violations flagrantes du droit international par la Russie, a-t-il assuré, avant d’indiquer que l’Irlande soutient fermement les sanctions annoncées hier par l’Union européenne et se tient prête à appuyer de nouvelles mesures si la Russie ne fait pas marche arrière.  Il a conclu son intervention en appelant la Russie à mettre fin à son agression contre l’Ukraine, à se détourner de la guerre et à choisir la voie du dialogue et de la diplomatie. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a dit que l’Ukraine est victime d’une attaque préméditée par Vladimir Putin que rien ne pourra jamais justifier.  Le résultat du vote est clair, a-t-il ajouté.  « La Russie est seule », elle qui a foulé au point son statut de membre permanent du Conseil de sécurité.  Le représentant a assuré que la France continuera de se mobiliser aux Nations Unies et dans toutes les instances internationales, avec ses partenaires, pour soutenir l’Ukraine et le peuple ukrainien.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a estimé que les actes de la Fédération de Russie menacent la paix mondiale.  Il a dit prendre acte de la lettre de la Fédération de Russie, soumise au Conseil de sécurité, et qui explique que leurs actions relèvent de la légitime défense.  Le représentant a appelé la Fédération de Russie à retirer ses troupes d’Ukraine, arguant que ce pays ne pose pas de danger à son voisin.  Le représentant a rappelé que Moscou avait pourtant assuré qu’il n’était pas question de franchir la frontière.  Aujourd’hui, le monde sait exactement ce qui se passe, a-t-il dit.  Le Ghana s’est dit déçu par les actions de la Russie, qui est pourtant un membre permanent du Conseil de sécurité, a-t-il regretté.  Pour les membres du Conseil qui jouissent de ce privilège, cela s’accompagne d’une responsabilité particulière, a-t-il indiqué.  Il a enfin dit sa préoccupation au sujet de la population ukrainienne et des plus de 1 000 étudiants ghanéens se trouvant en Ukraine.  « Donnons encore une chance à la paix », a-t-il conclu. 

M. COSTA FILHO (Brésil) a dit regretter que la résolution n’ait pas été adoptée.  L’emploi de la force contre l’Ukraine est un fait sans précédent, a-t-il relevé.  Il a remercié les auteurs du texte pour leur souplesse sur plusieurs points, tout en estimant que le texte aurait pu être plus propice à la réconciliation, le Brésil s’étant battu pour cela.  Toutefois, étant donné les circonstances, un texte différent n’aurait pas suffi à permettre au Conseil de s’acquitter de ses responsabilités de maintenir la paix et la sécurité internationales, a concédé le représentant.  « Aucun pays élu ou non élu au Conseil, ayant ou non droit de veto, ne devrait pouvoir employer la force contre l’intégrité territoriale d’un autre État sans que le Conseil ne réagisse. »  La paralysie du Conseil pourrait signifier qu’il perd en pertinence alors que nous en avons plus besoin que jamais et qu’il faut faire jouer notre responsabilité collective, a ajouté le représentant. 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a constaté que l’évolution du conflit ukrainien sape la paix et la sécurité internationales.  Elle a rappelé que son pays n’a eu de cesse d’appeler les parties à la désescalade, plaçant ses espoirs dans les efforts diplomatiques engagés pour faire cesser le conflit et les souffrances des populations.  Dans le contexte actuel, il importe, selon elle, que l’assistance humanitaire parvienne à ceux qui en ont besoin.  Affirmant que chaque État Membre doit bénéficier de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale, elle a souligné que les Émirats, en tant que pays du Moyen-Orient, ne connaissent que trop bien l’importance de ces principes.  Pour la représentante, le besoin se fait aujourd’hui sentir d’un « processus inclusif et consultatif », dans le cadre de la Charte des Nations Unies.  « Telle doit être la base de la reprise du dialogue », a-t-elle estimé, avant d’exhorter toutes les parties au conflit à cesser immédiatement les hostilités.  Pour y parvenir, nous devons poursuivre nos efforts ensemble, a conclu la déléguée en se disant disposée à travailler à cette fin avec les autres membres du Conseil. 

M. MARTIN KIMANI (Kenya) a dit qu’il a voté en faveur de ce texte, « le cœur lourd et plein de compassion pour le peuple ukrainien ».  Il a ensuite mis en garde contre les conséquences des interventions comme celle conduite actuellement en Ukraine.  Nous rappelons les troubles graves que le Sahel connaît depuis l’intervention en Libye, a dit le délégué, en regrettant que les conseils de l’Union africaine aient été ignorés à l’époque.  Enfin, le représentant du Kenya a profondément regretté que la Charte ait été foulée aux pieds.  « Si la Charte pouvait s’exprimer, elle aurait voté en faveur de ce projet de résolution. »

M. ZHANG JUN (Chine) s’est dit préoccupé par l’évolution de la situation sécuritaire en Ukraine.  Il a déclaré que l’intégrité territoriale et la souveraineté des pays doivent être respectées tout comme la Charte des Nations Unies, en appelant à la poursuite des efforts diplomatiques et au dialogue pour négocier un règlement entre les parties concernées.  Le représentant a estimé que le Conseil de sécurité devrait opposer une réponse visant à désamorcer la crise plutôt que de jeter de l’huile sur le feu, compte tenu de la complexité de la situation.  Si on se limite aux sanctions et aux critiques acerbes de la Fédération de Russie, on risque de claquer la porte à un règlement pacifique, a-t-il mis en garde en appelant à tirer les leçons du passé.  À la lumière de cela, la Chine s’est abstenue, a expliqué son représentant en rappelant que la situation actuelle est le fruit de la conjugaison de toute une série de facteurs au fil des ans.  Après cinq cycles d’expansion de l’OTAN, les aspirations sécuritaires légitimes de la Fédération de Russie devraient être prises en compte, a estimé la Chine, et l’Ukraine devrait être un pont entre l’Est et l’Ouest.  Dès lors, la Chine a demandé à toutes les parties de désamorcer la crise et de tenir compte des préoccupations sécuritaires de tous les pays, ce qui passe par un nouveau mécanisme sécuritaire européen équilibré, selon la délégation.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a expliqué avoir voté contre ce projet de résolution car il s’agit d’un texte non seulement antirusse mais aussi anti-ukrainien.  Il l’est parce qu’il essaie de sauver un régime qui a conduit son pays dans une tragédie de huit ans.  Il a ensuite énuméré quelques omissions.  Pourquoi, s’est-il demandé, le texte ne parle-t-il pas de la « junte de Maïdan » et de ses crimes, de la non-mise en œuvre, sous l’œil complice des pays occidentaux, des accords de Minsk, de la discrimination contre les Russophones ou encore de l’afflux d’armes.  Chez ceux qui ont accusé son pays d’abuser de son droit de veto, il a détecté une mémoire sélective, dont leur oubli du renversement d’un gouvernement légitime, en février 2014, par « la junte de Maïdan » et de la manière dont le pouvoir ukrainien, influencé par ses alliés occidentaux, s’est détourné des accords de Minsk. 

Le représentant a cité les crimes des soldats ukrainiens dans l’est de leur pays.  Il a parlé de la tragédie d’Odessa quand des tireurs embusqués ont tiré sur des manifestants pacifiques.  Il a dénoncé « les clichés » sur la propagande russe au détriment d’une évaluation honnête du rôle de « nos collègues occidentaux » qui ont donné carte blanche à des mesures « impensables » dans un pays civilisé, dont la glorification d’Hitler ou encore l’interdiction de la langue russe.  Le « régime de Maïdan », présenté comme démocratique, s’est pourtant livré à des assassinats politiques, n’hésitant pas à fermer six chaînes de télévision.  Comment expliquer, s’est interrogé le représentant, que l’on ait livré autant d’armes à l’Ukraine, en sachant qu’elle allait s’en servir pour ses crimes dans le Donbass.  Ce projet de résolution, a-t-il tranché, n’est rien d’autre qu’un pas de plus dans cette « partie d’échec inhumaine et cruelle ».  Vous avez transformé l’Ukraine en pion de votre géopolitique sans vous soucier du bien-être du peuple ukrainien.  Aujourd’hui, a-t-il poursuivi, le « régime » utilise des civils comme boucliers humains et place des pièces d’artillerie dans des quartiers civils.  En revanche, a-t-il affirmé, nous ne tuons pas les innocents.  Le représentant a dénoncé les manipulations dont les vidéos d’autres conflits présentés comme des images provenant d’Ukraine.  Il a rejeté les affabulations des États-Unis sur de prétendus bombardements d’écoles.  Nous ne nous battons pas contre le peuple ukrainien mais contre les nationalistes qu’il faut démilitariser et dénazifier pour qu’ils cessent de menacer les populations du Donbass. 

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a remercié les ambassadeurs des peuples et des nations démocratiques qui ont voté pour la résolution et a dit à leurs enfants « qu’ils peuvent être fiers de leurs parents ».  Il a aussi remercié tous les coauteurs qui auraient voté pour le texte s’ils avaient pu et leur a assuré qu’ils pourront se prononcer, dans les prochains jours, à l’Assemblée générale.  Le représentant a dénoncé les attaques « des nazis » qui prétendent combattre le néonazisme.  Le veto n’est pas une surprise, a-t-il avoué, parce que ce que veut la Russie, c’est poursuivre ses actions dignes des « nazis ».  Le « régime du Kremlin » et pas de la Russie, devrait être appelé « régime russiste ».  L’ennemi, a dit le représentant, en paraphrasant son Président, emploiera toutes les forces à sa disposition pour briser notre résistance.  Ils vont déferler dans notre pays ce soir et notre sort se décide maintenant. 

Les assurances de la Fédération de Russie ne sont en fait que des provocations, a-t-il tranché.  Comment pouvons-nous vous faire confiance alors que vous n’avez aucune idée de ce qui traverse l’esprit de votre Président?  Vos mots ont moins de valeur qu’un bretzel puisque vous n’avez cesse de jurer que vous n’aviez aucune intention d’envahir l’Ukraine.  Vous auriez dû, a estimé le représentant, respecter l’article 20 du Règlement intérieur provisoire du Conseil qui dit qu’un pays ne peut présider une séance s’il est partie à la question à l’examen.  Comme vous ne respectez pas votre propre règlement, je vais faire de même et demander une minute de silence pour la paix et pour les âmes de ceux et celles qui ont déjà perdu la vie et qui risquent de la perdre.  L’Ambassadeur de la Fédération de Russie devrait aussi prier pour son salut, a lancé le représentant. 

À la « poignée » de délégations qui semblent encore tolérer la guerre, il a expliqué que la complexité d’un contexte historique ne saurait servir de prétexte à ce qui se passe en Ukraine.  La sécurité de vos ressortissants devrait être une raison suffisante pour faire cesser la guerre et sauver leurs vies.  Rien ne peut justifier le bombardement de jardins d’enfants, d’hôpitaux ou d’orphelinats.  Ces attaques constituent des crimes de guerre et des violations du Statut de Rome.  Les preuves, qui sont en train d’être recueillies, seront envoyées à La Haye pour qu’un jour, les responsables de ces crimes répondent de leurs actes, a promis le représentant, ajoutant que le pilonnage de pétroliers, effectué aujourd’hui, près du port d’Odessa en mer Noire constitue une violation flagrante du droit international.

Il s’est aussi inquiété de la situation à la centrale nucléaire de Tchernobyl saisie par des groupes armés russes qui ont arrêté le personnel.  Les rayons gamma dans la zone exclusive, qui ont augmenté, dépassent les normes, compte tenu du mouvement des chars russes.  Déjà, plus de 100 personnes ont perdu la vie et 316 ont été blessées, pendant la première journée de l’invasion russe.  De nombreuses infrastructures civiles ont été réduites à néant et afin d’arrêter la progression des chars russes, un jeune ukrainien s’est sacrifié pour détruire un pont. 

L’Ukraine, a tonné le représentant, exerce son droit de légitime défense en application de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies.  Or, la Russie vient de bloquer l’adoption d’un texte qui aurait pu stopper la guerre et éviter le rapatriement des centaines de dépouilles de soldats russes dans leur mère-patrie.  Nous n’avons d’autre choix que de défendre notre territoire.  Des centaines de milliers d’Ukrainiens ont déjà rejoint l’armée ukrainienne et c’est la meilleure preuve que nous n’allons jamais nous rendre.  Le représentant a demandé aux partenaires de suivre l’exemple de son pays et de rompre les relations diplomatiques avec la Russie.  Il a aussi demandé aux organisations internationales d’interdire ou de suspendre la Russie, comme l’a fait aujourd’hui le Conseil des ministres du Conseil de l’Europe

Prenant note des sanctions imposées à la Russie, le représentant a salué, dans le même élan, les appels de l’ONU à la générosité des donateurs de l’aide humanitaire.  Arrêtez, a-t-il dit au représentant russe, de harceler le Secrétaire général qui est un ardent défenseur de la Charte des Nations Unies.  C’est vous qui avez tué le format Normandie et les accords de Minsk et il est temps que vous respectiez les principes de la Charte, dont l’égalité souveraine des États, le non-recours à l’emploi de la force ou à la menace de l’employer et l’intégrité territoriale et l’indépendance politique des États.  Nous sommes toujours prêts à négocier mais ne parlez pas à notre place.  N’essayer pas de manipuler nos propos, a conclu le représentant qui a vu de la « folie » dans l’idée de vouloir renverser un gouvernement légitimement élu comme le professe la Fédération de Russie.

Avant de lever la séance, le représentant de la Fédération de Russie a répondu à son homologue ukrainien que ses commentaires « relèvent de sa conscience ».  Il a ensuite cité un communiqué du Ministère russe de la défense en date d’hier, selon lequel les forces russes qui ont pris le contrôle de la zone de Tchernobyl sont parvenues à un accord avec le personnel ukrainien pour garantir la sécurité du sarcophage de la centrale nucléaire.  « Nous ne voulons pas d’une guerre sale », a-t-il affirmé, ajoutant que le personnel local poursuivra son travail d’entretien.  Le niveau de radiation est bas et il n’y a pas de menace pour la population civile, a encore assuré le représentant. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.